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Bibliographie chronologique
et repères historiques
Vè – IVè siècle av. J.-C.
Dans les tragédies de Sophocle, d’Eschyle et d’Euripide, le terme de παράνοια (paranoïa) est employé pour désigner le délire : tout comme les termes d’ἄνοια (anoia) et d’ἀφροσύνη (aphrosunè), ce terme désigne un état dans lequel l’homme se trouve incapable de faire usage de sa raison. Sans que cette nuance soit toujours perçue, le terme de παράνοια désigne plus précisément l’errance de l’esprit : l’infortuné qui souffre de παράνοια est un homme dont le νοῦς (nous: esprit, au sens d’intelligence, de faculté de penser) n’est plus à sa place. C’est cette nuance que tentera de rendre, au XIX° siècle, le terme allemand de Verrücktheit.
Platon, dans le Phèdre (266a), met pour sa part en équivalence les termes de παράνοια (paranoïa) et μανία (mania) afin de désigner l’égarement de l’esprit.
Enfin, dans les textes du Corpus hippocratique, le terme de παράνοια est souvent employé dans le sens de délire, que ce délire soit phrénitique, mélancolique ou maniaque. Un bel exemple en est donné dès le premier paragraphe du traité De la maladie sacrée : Ὁκόσα δὲ δείματα νυκτὸς παρίσταται καὶ φόβοι καὶ παράνοιαι καὶ ἀναπηδήσιες ἐκ τῆς κλίνης καὶ φόβητρα καὶ φεύξιες ἔξω, Ἑκάτης φασὶν εἶναι ἐπιβολὰς (…) — « Quand, la nuit, surviennent des peurs, des terreurs, des délires, des sauts hors du lit, des visions effrayantes, des fuites hors de la maison, ce sont, disent-ils, des assauts d’Hécate (…) ». Dans les traités hippocratiques, l’adjectif παράνοος est également employé comme synonyme de l’adjectif παράφρων afin de qualifier la personne en proie au délire ; la paranoïa ne constitue donc nullement une entité nosographique autonome.
1605
Miguel de Cervantes, El ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha, Madrid, J. de la Cuesta, 1605 (ici dans une traduction à la mode du XIXème siècle dont les belles illustrations compensent la piètre qualité : L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, Garnier, Paris, 1850). Parano, le Quichotte ?!? Inlassable interprétateur toujours fidèle à son cher Livre, persécuté par maints sorciers, en proie à l’un ou l’autre délire de filiation… l’ingénieux hildago a déjà fait gloser les amateurs de lubies et délires plus de quatre siècles durant… !
1610
Shakespeare, The Winter’s Tale (Le Conte d’hiver) — ici dans une traduction peu recommandable) — rédigé vers 1610, publié pour la première fois à Londres en 1624. Léonte, roi de Sicile, y présente tous les signes pathognomonique de ce qui sera bien plus tard qualifié de délire passionnel — et plus précisément, de délire de jalousie.
1668
Jean Racine, Les Plaideurs. Le bourgeois Chicaneau y campe un singulier prototype du fou quérulent, aussi nommé maniaque processif par Pottier qui, dans son Etude sur les aliénés persécuteurs (cf infra, 1886) écrit : Les causes occasionnelles de l’éclosion du délire chez ces malades résident le plus souvent dans la perte d’un procès qu’ils considèrent comme un déni de justice à leur égard. Et Chicaneau de déclarer (acte I, scène 7) :
Voici le fait. Depuis quinze ou vingt ans en çà,
Au travers d’un mien prés certain ânon passa,
S’y vautra, non sans faire un notable dommage,
Dont je formai ma plainte au juge du village.
Je fais saisir l’ânon. Un expert est nommé…
1763
François Boissier de Sauvages publie sa Nosologia methodica sistens morborum classes, genera et species, juxta Sydenhami mentem et Botanicorum ordinem (Nosologie méthodique, ou distribution des maladies en classes, en genres et en espèces, suivant l’esprit de Sydenham & la méthode des botanistes), Amsterdam, Frères De Tournes, 1763. Il met en équivalence le latin amentia, le grec paranoïa et le français démence ou imbécillité. Sauvages désigne par ces termes un affaiblissement des capacités cognitives. Sa catégorie d’amentia (paranoïa) circonscrit un type de délire sans fièvre caractérisé par « l’incapacité à raisonner droitement » et par la prévalence d’une « indifférence » pathologique vis-à-vis du monde extérieur. Une seconde édition auctior & emendatior paraît en 1768.
1764
Le terme de Paranoia fait son apparition dans les travaux de l’Allemand Rudolf August Vogel. Les First Lines of the Practice of Physic de William Cullen indiquent que la catégorie des paranoiæ de Vogel correspondait à ce que Cullen, pour sa part, nommait des vésanies, soit une classe de troubles affectant la fonction intellectuelle du jugement, en l’absence d’hallucinations et de passions morbides (les « morositates ») .
1780
J. Brown, Elementa medicinae, Edinbourgh, 1780 : Brown popularise, sous le nom de brownianism, une classification des maladies mentales qui se fonde sur la distinction entre états de surexcitation (corrélés au type maniaque) et états de sous-excitation (corrélé au type mélancolique). En amont, Brown fait correspondre l‘hyper– ou l’hypo-excitation à un déséquilibre physiologique consistant en une perturbation de l’irritabilité sensorielle de l’organisme. Brown contribue ainsi à rendre définitivement caduques les anciennes théories humorales. C’est en suivant son modèle que les psychiatres allemands du premier XIX° siècle (Heinroth, par exemple) pourront définir la Verrückhteit comme un état de surexcitation intellectuelle chronique, notamment opposé aux états de sous-excitation intellectuelle.
1782
Publication des Confessions et des Rêveries du promeneur solitaire de Jean-Jacques Rousseau, à Genèse (J.J. Rousseau, Les Confessions, [ s.n. ], Genève,1782). Déjà célèbre de son vivant pour son caractère fort particulier, Jean-Jacques sera après sa mort considéré par les aliénistes, psychiatres, psychanalystes et autre Irrenärzte comme un cas d’école de délire des persécutions.
1797 / an VI
Publication par Philippe Pinel des deux volumes de sa Nosographie philosophique, ou la méthode de l’analyse appliquée à la médecine chez Marandan, Paris. La Classe Quatrième est consacrée aux Névroses qui recouvrent le très large champ des vésanies, spasmes, convulsions, douleurs, affections comateuses, paralysies.
1798 / an VII
A. Crichton, An inquiry into the nature and origin of mental derangement comprehending a concise system of the physiology and pathology of the human mind and a history of the passions and their effects, Cadell, Londres, 1798.
1799 / an VIII
Cabanis, Rapports du physique et du moral de l’homme. Cet ouvrage bénéficiera dès 1805 d’une Deuxième édition revue, corrigée et augmentée par l’auteur. Quant à la Troisième édition de 1815, c’est Destutt de Tracy qui en établit la table analytique : les Idéologues s’y retrouvent donc. ( voir aussi : les Oeuvres complètes de Cabanis, publiées entre 1823 et 1825).
Bichat, Traité des membranes en général et de diverses membranes en particulier (Richard, Caille et Ravier, Paris). Une révolution histologique !
1800 / an IX
Bichat, Recherches physiologiques sur la vie et la mort, Brosson, Gabon & Cie, Paris, an VIII. A l’article sixième, « Différences générales des deux vies par rapport au moral », Bichat s’oppose à la théorie soutenue par Pinel voulant que l’épigastre soit le centre unique et invariable auquel se rapportent les passions. (Sur les circonstances et les enjeux de cette querelle : M. Gauchet & G. Swain, La pratique de l’esprit humain, Gallimard, Paris, 1980)
Jean-Jacques Belloc, contribue à fonder la médecine légale en France grâce à son Cours de médecine légale judiciaire, théorique et pratique, Imprimerie de la Société de médecine, Paris, 1801 (les premières versions disponibles en ligne sont celles de 1807 chez Méquignon, Paris. Une seconde édition, corrigée et augmentée, suivra dès 1811). Au chapitre IV ( « Dans maladies et infirmités qui peuvent être l’objet de la médecine judiciaire »), article 3 ( Des maladies ou infirmités simulées, dissimulées ou imputées), une courte partie est consacré à la « démence, ou aliénation de l’esprit » (pp.255 – 263 dans l’édition de 1811). Belloc s’y oppose à l’opinion voulant que les médecins soient plus qualifiés que les non-spécialistes lorsqu’il s’agit de reconnaître les signes d’aliénation mentale : « En faisant les rapports sur des cas d’aliénation, il convient d’exposer les signes sur lesquels on fonde sa décision, afin de mettre les tribunaux à même de juger avec connaissance de cause, attendu que le genre et les caractères de la démence sont autant de la compétence des jurisconsultes et des juges, que des médecins ».
1801 / an X
Première édition du Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale, ou La manie de Pinel (à Paris, chez Richard, Caille et Ravier). Une Deuxième édition du Traité, amplement remaniée, paraît en 1809 (chez Brosson, Paris). Pinel y brosse l’opposition entre manie (ou délire général) et mélancolie (terme qui désigne ici un délire partiel) ; cependant, c’est surtout la notion de manie sans délire, ou folie raisonnante, qui donnera lieu par la suite à d’amples controverses.
1810
Promulgation du Code Pénal de 1810 . En vertu de l’article Article 64
: « Il n’y a ni crime ni délit, lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l’action ou lorsqu’il a été contraint par une force à laquelle il n’a pas pu résister ». Cela n’empêchera pas de nombreuses polémiques de naître, aux XIX° et XX° siècles, au sujet de la responsabilité, totale, ou partielle, des aliénés (à ce sujet, voir par exemple : Victor Parant, La raison dans la folie – Etude pratique et médico-légale sur la persistance partielle de la raison chez les aliénés et sur leurs actes raisonnables, Doin, Paris, 1888). Malgré la persistence des controverses, le statut de 1810 ne sera pas significativement modifié avant la promulgation du nouveau Code Pénal de 1992. Ce dernier énonce :
— article 122-1 : N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes
La personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable: toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime.
— 122-2 : N’est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l’empire d’une force ou d’une contrainte à laquelle elle n’a pu résister.
1813
François-Emmanuel Fodéré, faisant oeuvre de précurseur, publie son Traité de médecine légale et d’hygiène publique: ou, De la police de santé. Adapté aux codes de l’Empire français et aux connaissances actuelles. A l’usage des gens de l’art, de ceux du barreau, des jurés et des administrateurs de la santé publique, civils, militaires et de marine, ( Imprimerie de Mame, Paris 1813). Trois ans plus tard, rédigé par le même Fodéré, paraît un Traité du délire appliqué à la médecine morale et à la législation, Tome 1 & Tome II, Crapelet, Paris, 1816
1818
Johann Christian August Heinroth, Lehrbuch der Störungen des Seelenlebens oder die Störungen und ihrer Behandlung. Vogel, Leipzig 1818. Heinroth, l’un des plus éminents représentants de l’école psychiste allemande, y élabore une théorie originale sur le mode d’union de l’âme et du corps qui lui permet de soutenir que la folie, dans bien des cas, est la conséquence du vice. Mais surtout, c’est lui qui introduit le terme de paranoïa dans la nosographie de langue allemande, comme synonyme de Verrücktheit. Dans son Traité de 1818, le terme de reine Verrücktheit (paranoïa simplex) désigne ainsi l’ensemble du groupe des aliénations de l’esprit accompagnées d’exaltation des facultés intellectuelles et de perversion des concepts (Unfreyheit des Geistes mit Exaltation des Denkvermögens ; Verkehrtheit der Begriffe). Heinroth distingue quatre espèces appartenant à ce groupe : Wahnwitz (Eknoïa), Aberwitz, Narrheit (Moria) et allgemeine Verrücktheit (paranoïa catholica). Dans la Wahnwitz (Eknoïa) le délire porte sur le monde extérieur, ses objets et les événements qui s’y déroulent ; dans l’ Aberwitz il porte sur l’existence d’un monde surnaturel et les relations que le sujet entretient avec ses habitants ; dans la Narrheit (Moria), c’est l’identité personnelle qui se trouve atteinte, avec attribution d’une fausse personnalité ; enfin, l’allgemeine Verrücktheit (paranoïa catholica) constitue la synthèse des trois premières aliénations.
1820
Jean-Etienne Georget, La folie, considérations sur cette maladie. Suivies de recherches cadavériques, Crevot, Paris, 1820. Georget se situe à la croisée d’une approche rigoureusement anatomo-pathologique, et d’une approche morale faisant fond sur la théorie des passions de Pinel (elle-même héritée de Crichton). Il aborde ici, entre autres , le sujet de la manie sans délire, un type de « folie » caractérisée par l’apparence de raison.
1821
Berbiguier de Terre-Neuve du Thym, Les Farfadets ou Tous les démons ne sont pas de l’autre monde, à compte d’auteur, Paris, 1821 (avec ici, le Tome second, ibid.). Berbiguier, par cette œuvre qui à certains égards n’est pas sans rappeler Les Confessions de Rousseau, entend à la fois rédiger ses mémoires, présenter un plaidoyer en sa propre faveur et démasquer l’universelle puissance des Farfadets. Car ces démons diaboliques sont partout ! La preuve : Philippe Pinel, médecin en chef à la Salpêtrière, en est un !
1822
Jean-Pierre Falret, De l’hypochondrie et du suicide, considérations sur les causes, sur le siège et le traitement de ces maladies, sur les moyens d’en arrêter les progrès (Croullebois, Paris). S’opposant à une théorie droit venue de l’Antiquité et toujours largement répandue parmi les médecins de son époque, J.-P. Falret dans ce traité combat l’idée selon laquelle l’hypocondrie est due à un trouble des fonctions de l’estomac ou une lésion des viscères. Il re-situe l’origine du trouble dans le cerveau.
1825
Johann Christian August Heinroth, Anweisung für angehende Irrenärzte zur richtigen Behandlung ihrer Kranken, Vogel, Leipzig 1825. Ce traité sera suivi dès 1828 par un autre ouvrage à vocation éducative : Von den Grundfehlern der Erziehung und ihren Folgen. Für Eltern, Erzieher, und psychische Ärzte, Vogel, Leipzig, 1828.
Jean-Etienne Georget fait paraître, en 1825-1826, deux opuscules qui vont défrayer la chronique, en ces années d’intenses débats portant sur l’examen médico-légal et les prérogatives des aliénistes en matière d’expertise judiciaire
1826
Henri Marc, Consultation médico-légales pour Henriette Cornier, femme Berton, accusée d’homicide commis volontairement et avec préméditation. Précédée de l’acte d’accusation, Paris, Roux, 1826 (ici, une brève recension de l’ouvrage d’Henri Marc, rédigée par son collègue, Georget. On trouve en outre le texte intégrale de la Consultation médico-légales pour Henriette Cornier au chapitre IX de De la Folie, T.2, p.71). Dans la France de la Restauration, l’Affaire Cornier fut à l’origine des controverses les plus vives quant à la capacité d’expertise des médecins aliénistes.
1827
Karl Wilhelm Ideler, Anthropologie für Ärzte, Euslin, Berlin, 1827. Avec Heinroth, Ideler est l’un des grands représentants de l’école psychiste allemande. C’est précisément contre les partis pris théoriques de ces psychistes (Psychiker) que sont dirigées les attaques des membres de l’école somatique (Somatiker) qui prônent une approche anatomo-pathologique de la folie.
Antoine-Marie Chambeyron traduit, non sans y apporter de substantielles modifications allant dans le sens d’Esquirol (qui ajoute lui-même sa touche à l’ouvrage), un ouvrage de Johann Christoph Hoffbauer, l’un des fondateurs de la médecine légale en Allemagne. Cette traduction, publiée sous le titre de Médecine légale relative aux aliénés et aux sourds-muets (Baillière, Paris, 1827), exerce une influence décisive sur le développement de la médecine légale en France, dans les années qui suivent.
S’opposant à Jean-Etienne Georget, Henri Marc et Leuret, et pour contrer leurs revendications en faveur des aliénistes et de leurs prérogatives, en matière d’expertise médico-légale, Elias Regnault publie deux oeuvres très largement diffusées : Du degré de compétence des médecins dans les questions judiciaires relatives aux alénations mentales et des théories physiologiques sur la monomanie, ( Warré, Paris, 1828 ) puis les Nouvelles réflexions sur la monomanie homicide et la liberté morale, ( Paris, Baillière, 1830 ). Il y soutient notamment que la folie se reconnaît d’elle-même, et qu’en conséquence, les aliénistes n’ont aucun privilège en matière d’expertise. Cependant l’intérêt principal des écrits de Regnault est de poser la question des limites de la « liberté morale », de la « passion » et de la « folie » : « Lorsqu’on n’aura, pour prouver [ la folie ], que la force d’une affection, la puissance d’un sentiment ou la véhémence d’une passion, on retombera dans les faux principes de ceux qui prétendent démontrer la folie d’un meurtrier par le meurtre lui-même, et la monomanie se trouvera si souvent invoquée qu’on finira par ne plus croire à cette puissance occulte, devenue la solution obligée de tout ce qu’une intelligence bornée ne peut expliquer ».
1829
Malgré les critiques d’Elias Regnault, Henri Marc poursuit sa prolifique carrière, avec notamment ses « Matériaux pour l’histoire médico-légale de l’aliénation mentale », Annales d’hygiène, t. I, 2, p.353, 1829. L’auteur y prodigue des conseils permettant de percer à jour la simulation de maladie mentale : « L’aliénation mentale est une maladie que les coupables de grands crimes ont un intérêt particulier à feindre. Ils n’ignorent pas que sa qualité les met à l’abri de poursuites judiciaires. [… ] Une des fonctions les plus graves et les plus délicates qui puissent être dévolues au médecin légiste est donc celle de déterminer si l’aliénation mentale est réelle ou feinte.». Cet écrit est suivi de : L’« Affaire Doux : Inculpé de tentative d’assassinat exercé sur sa femme. Rapports faits par MM.Marc, Rostan et Castel, docteurs en médecine, dans l’affaire contre le nommé Doux, inculpé de tentative d’assassinat, et considéré comme atteint d’aliénation mentale »
1830
A. Brierre de Boismont, Considérations médico-légales sur l’ Interdiction des Aliénés, Baillière, Paris, 1830. Cofondateur en 1853 de la Société Médico-Psychologique, Brierre , dès 1830, rédige ce court opuscule. Il y déplore l’«extrême différence qui existe entre les divisions de la loi et celles de la médecine » en termes de classification des maladies mentales, d’autant plus qu’il est « du plus haut intérêt pour l’aliéné, sa famille et la société de bien s’accorder sur la nature du délire, de reconnaître l’idée dominante, de déterminer quelle influence elle exerce sur l’intelligence du malade, sur ses actions en général, sur l’idée qu’il se fait de lui-même et de son rapport aux autres ». En effet, « ces aliénés peuvent à chaque instant déshériter leurs enfants » en faisant preuve d’une « prodigalité » excessive, déplacée, voire « pathologique ».
La même année, Henri Marc rédige une « Relation médico-légale du procès en condamnation, révision et réhabilitation de Régis-Rispal et de J. Galand », Annales d’hygiène et de médecine légale, t. VII, p. 568, 1832. « Une affaire vraiment mémorable et digne, par toutes les circonstances qui l’ont environnée, d’exciter l’intérêt le plus touchant, vient d’être jugée par la Cour d’assises du département de la Loire. Trois beaux-frères, qui se nommaient Rispal, Gallant et Tavernier, furent accusés d’être les assassins du nommé Jean Courbon… »
François Leuret, membre du cercle d’Esquirol et fervent défenseur du traitement moral, se montre particulièrement actif dans les années 1830 – 1850 ; tout comme ses collègues Georget, Brierre et Marc, il rédige de nombreux traités théoriques, ouvrages spécialisés, et observations médico-légales, notamment en matière de monomanie homicide. Avec par exemple dès 1830 « Monomanie érotique méconnue par des personnes étrangères à l’observation des aliénés », Annales d’Hygiène Publique et de Médecine Légale, 1, 3, pp. 198-220, 1830
1833
Joseph Guislain, Traité sur les phrénopathies ou, Doctrine nouvelle des maladies mentales, basée sur des observations pratiques et statistiques, et l’étude des causes, de la nature, des symptomes, du prognostic, du diagnostic et du traitement de ces affections, Etab. Encyclographique, Bruxelles, 1833. Au chapitre troisième, section six, Guislain définit le délire comme l’altération d’un domaine idéal abstrait, une imagination morbide qui, détruisant les rapports entre l’intelligence et les impressions des sens, met le malade dans l’impossibilité de rectifier ses propres erreurs. Il énumère ensuite illusions auditives, visuelles, tactiles, esprit de prophétie, de révélation, de prévision, et de métamorphose, qu’il considère comme des anomalies de l’imagination venant amplifier une lésion première de la sensibilité. Pour Guislain, le délire est donc lié à une transfiguration des sensations en images.
François Leuret, « Tentative d’homicide commise par un monomaniaque », Annales d’Hygiène Publique et de Médecine Légale, 1, 9, pp. 431-437, 1833
François Leuret, « Affaire de monomanie homicide : condamnation », Annales d’Hygiène Publique et de Médecine Légale, 1, 9, pp. 438-463, 1833
Henri Marc, « Considérations médico-légales sur la monomanie, et plus particulièrement sur la monomanie incendiaire », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, Paris, Baillière, série 1, n°10, , 1833, pp. 357-474. Suivi d’un « Rapport médical sur l’état physique et intellectuel d’un incendiaire, âgé de 11 ans et demi », par le Dr Meyn.
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1834
F. Leuret, Fragments psychologiques sur la folie, Crochard, Paris, 1834. Dans cette oeuvre importante, Leuret distingue Délires de l’intelligence et Délires des passions. Dans la première catégories, il singularise certaines entités caractérisées par la cohésion anormale des idées et la fixité d’idées fausses. Pour illustrer de telles allégations, Leuret retranscrit de nombreux dialogues avec les pensionnaires de sa Maison de santé, et livre des observations précises, qui contribuent à modifier l’abord de la maladie mentale au XIX° siècle.
1835
Karl Wilhelm Ideler, Grundriss der Seelenheilkunde, Euslin, Berlin, 1833. Au premier chapitre, qui porte sur la Méthodologie de la Psychologie, Ideler entreprend de comparer les mérites de la psychologie métaphysique, mystique, éthique, logique, empirique et matérialiste. Il présente ensuite son propre système, entièrement fondé sur ce qu’il faut bien appeler une théorie des pulsions (Gemütstrieben) : pulsion religieuse (religiöser Trieb), pulsion de liberté (Freiheitstrieb), pulsion de vérité, (Wahrheitstrieb) de domination (Herrschtrieb), de vie (Lebenstrieb), d’indépendance (Selbständigkeit), d’imitation (Nachahmungstrieb), etc. – influenceraient de manière décisive les sentiments, passions, activités de l’homme. Moins d’un siècle plus tard, Sigmund Freud, tout en ayant officiellement répudié l’héritage romantique d’Ideler, n’en reprendra pas moins une grande partie de ses présupposés en matière d’anthropologie.
Brierre de Boismont, Manuel de médecine légale à l’usage des jurés, des avocats et des officiers de santé, Baillière, Paris, 1835
1836
F. Leuret , « Condamnation à mort d’un aliéné homicide : demande en commutation de peine, formée par le jury » suivi de « Consultation délibérée à Paris, sur l’état mental de Pierre Rivière » (signée Esquirol, Orfila, Marc, Pariset, Rostan, Mitivié et Leuret, le 25 décembre 1835), Annales d’Hygiène Publique et de Médecine Légale, 1, 15; pp. 128-205, 1836
F. Lélut, Inductions sur la valeur des altérations de l’encéphale dans le délire aigu et dans la folie, Trinquart, Paris, 1836. Lélut tente de découvrir « les causes organiques du délire, de la folie et de leurs diverses formes dans des altérations constantes et exclusives du tissu même du cerveau ». Il ne parvient qu’à moitié à atteindre son but : ses découvertes anatomiques sont nombreuses, dit-il, mais ni constantes ni exclusives. En conséquence, Lélut soutient qu’il est encore besoin d’acquérir « une connaissance véritable de l’anatomie intime de cet organe [le cerveau ] et des modifications qu’il éprouve par des agents physiques les plus répandus et les plus puissants. »
1837
Magendie professe et publie ses Leçons sur les phénomènes physiques de la vie (Hauman, Cattoir et Comp, Bruxelles). En 1838 il donnera, toujours au Collège de France, ses Leçons sur le système nerveux, publiées l’année suivante chez Ebrard, Paris.
F. Leuret, « Suspicion de folie chez une femme reconnue coupable d’avoir pendant sa grossesse fait des blessures mortelles à deux de ses enfants », Annales d’Hygiène Publique et de Médecine Légale, 1, 17, pp. 374-400, 1837
F. Leuret, Du traitement des idées ou conceptions délirantes, Éverat, Paris, 1837
1838
Promulgation des lois du 30 juin 1838 sur les aliénés, à l’élaboration desquelles Esquirol a largement contribuées. Désormais, chaque département français devra être doté d’un établissement de soin ; un nouveau statut juridique est crée pour les aliénés, et les modalités de leur placement sont redéfinies. Cependant, ces lois ne cesseront d’être vivement critiquées ; la question des internements d’offices demeure aujourd’hui encore un sujet de controverses.
Esquirol, la même année, publie son grand’œuvre : Des maladies mentales considérées sous les rapports médical, hygiénique et médico-legal (Baillière, Paris). Un certain nombre de délires qui plus tard seront qualifiés de paranoïaques s’y trouvent regroupés dans la vaste catégorie des monomanies. Cependant, la pertinence de cette notion sera très vite être remise en cause.
J.-P. Falret, de son côté, tente d’avancer une définition de la folie dans De l’aliénation mentale (in Des maladies mentales et des asiles d’aliénés. Leçons cliniques et considérations générales, Baillière, Paris)
H. Marc, Consultation sur un cas de suspicion de folie chez une femme inculpée de vol, Annales d’hygiène et de médecine légale, T. XX, p. 435, 1838
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1840
Henri Marc, De la folie : considérée dans ses rapports avec les questions médico-judiciaires, J.B. Baillière, Paris, 1840. Au Chapitre premier du Volume 1 de ce monumental ouvrage, Henri Marc défend « la compétence médicale dans les questions judiciaires relatives à la folie ». Il reconnaît la « difficulté d’apprécier les limites entre la raison et la folie » mais n’en réfute pas moins les arguments du polémiste Elias Regnault. Au volume 2, chapitre IX (p.24), une longue discussion est consacrée à la « monomanie homicide », avec notamment un exposé des questions médico-légales et de la doctrine de l’auteur sur la question.
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François Leuret, en 1840-1843, continue de se montrer actif, avec notamment :
1842
J. Baillarger, Des hallucinations, des causes qui les produisent et des maladies caractérisent, Mémoires de l’Académie de médecine, 1842
J.P. Falret, Considérations générales sur les maladies mentales (in : Des maladies mentales et des asiles d’aliénés. Leçons cliniques et considérations générales, Baillière, Paris).
1843
Doit-on l’appeler Daniel M’Naghten ? McNaughton ? M’Naughten ? Macnaghten ? ou peut-être, pour reprendre l’original gaelic, Daniel Mhicneachdain ? D’interminables querelles onomastiques agitent encore les spécialistes. Mais quelle soit l’exacte manière d’épeler le nom de son protagoniste principal, il est sûr que l’affaire M’Naghten marque un point décisif dans l’histoire du droit britannique : en avril 1843, Daniel M’Naghten, persuadé d’être persécuté par les Torries, assassine le secrétaire du Premier Ministre Britannique (il croyait abattre ce dernier). Il fut jugé, mais le procès ne fut pas mené jusqu’à son terme : « The jury, without retiring, returned a verdict of not guilty on the ground of insanity » indiquent les State Trials Reports (The Queen v. Daniel MacNaughton, 1843). Acquitté, M’Naghten finit néanmoins ses jours dans un asile. Le cas fit jurisprudence, mais étant donné qu’il faisait suite à plusieurs procès similaire (notamment, celui de Hadfiel, qui en 1800 avait attenté aux jours de Georges III, puis fut acquitté « by reason of insanity ») on décida de formaliser la procédure : douze juges de la Court of Common Pleas furent consultés, et donnèrent des réponses convergentes, qui devaient poser les bases de la jurisdiction anglo-saxonne, en la matière, pour plus d’un siècle. Adoptées en 1843, les M’Naghten rules stipulent notamment : « To establish a defence on the ground of insanity it must be clearly proved, that, at the time of committing the act, the party accused was labouring under such a defect of reason from disease of the mind, as not to know the nature and quality of the act he was doing, or if he did know it, that he did not know that what he was doing was wrong ». Suite à l’adoption des M’Naghten Rules au Royaume-Uni, les Etats-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande ainsi que d’autres pays de l’ancien Empire britannique se dotèrent de lois analogues. En Grande-Bretagne, les premières reformulations furent adoptées en 1953 ; aux Etats-Unis, les M’Naghten Rules sont encore en vigueur dans presque la moitié des états.
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1845
J. Baillarger, Application de la physiologie des hallucinations à la physiologie du délire, considéré d’une manière générale, 1845. Dans ce texte, Baillarger distingue tout d’abord deux états : « Dans l’un nous dirigeons nos facultés, et nous les employons à nos desseins (…). L’autre (…) est tout à fait opposé : c’est l’état d’indépendance pour les facultés et d’inertie pour le pouvoir personnel. ». Baillarger se propose ensuite de monter que c’est dans ce second état, caractérisé par « l’exercice involontaire de la mémoire et de l’imagination » qu’il faut chercher « la source du délire des mélancoliques et des monomaniaques ».
J. Baillager, « Érotomanie, illusions et hallucinations chez une jeune fille chlorotique », Annales médico-psychologiques, 5, pp. 147- 150, 1845
Wilhelm Griesinger, Die Pathologie und Therapie der psychischen Krankheiten für Aerzte und Studirenden, Stuttgart, Krabbe, 1845. Au premier chapitre du livre I, intitulé « Uber den Sitz der psychischen Krankheiten und die Methode ihres Studiums », Griesinger soutient la thèse selon laquelle les maladies mentales sont des maladies cérébrales, des maladies nerveuses. Ses disciples en retiennent une formule percutante : « Geisteskrankheiten sind Nervenkrankheiten ». Grâce à une telle prise de position, qui s’oppose aux thèses de l’école psychiste, Griesinger se voit octroyé le statut symbolique de fondateur de la grande tradition anatomo-pathologique allemande.
Dans cet ouvrage, Griesinger défend en outre l’idée selon laquelle le « délire partiel » paranoïaque (partielle Verrücktheit), tout comme la « confusion démentielle » (Verwirrtheit) et la « stupidité apathique » (apathische Blödsinn) , sont de simples « restes et résidus » (Resten und Residuen) d’autres formes de « folie » (Irresein) frappant d’abord la sphère affective. Dans la manie et dans la mélancolie, la source des souffrances ressenties par le patient est confinée, selon Griesinger, à un trouble de l’affect ; mais dans la Verrücktheit (Paranoia) elle résulte, d’après lui, de « troubles de l’intelligence » (Störungen der Intelligenz) représentant « une folie consécutive » (ein consecutives Irresein) aux perturbations de l’humeur.
Cette définition de la Verrücktheit (Paranoia) comme un trouble frappant la sphère intellectuelle, mais consistant en une affection secondaire – un « reste » de folie maniaco-dépressive – resta en vigueur une vingtaine d’années durant
1846
J. Baillarger, De l’influence de l’état intermédiaire à la veille et au sommeil sur la production et la marche des hallucinations, Baillière, Paris, 1846
1847
J. Baillarger, Quelques considérations sur la monomanie, avec quelques remarques sur les mémoires de Berbiguier de Terre-Neuve du Thym.
1849
J. Baillarger, Des faux jugements à l’occasion des sensations. Baillarger affine la distinction premièrement faite par Esquirol entre illusions des sens et hallucinations, et soutient qu’on a confondu à tort les faux jugements à l’occasion des sensations avec les illusions des sens. Dans l’illusion il y a réellement une fausse sensation. Dans les faux jugements la sensation est perçue comme dans l’état normal et il n’y a qu’une fausse interprétation. Ces notions essentielles seront l’objet d’interminables controverses lors des discussionss au sujet de la nature du mécanisme interprétatif dans les délires paranoïaques, à l’aube du XX° siècle.
1852
Charles Lasègue, « Du délire des persécutions », Archives générales de médecine, 28, pp.129-150. En quelques pages, Lasègue réinvente la clinique française, porte un coup qui s’avèrera mortel à la doctrine des monomanies et donne la description princeps du délire des persécutions. En retour, le délire des persécutions sera longtemps désignée sous le nom de maladie de Lasègue.
J. Guislain, Leçons orales sur les phrénopathies ou Traité théorique et pratique des maladies mentales : cours donné à la Clinique des établissements d’aliénés à Gand, (Trois volumes), Hebbelynck, Gand, 1852
1853
J. Baillarger — 1/ Essai sur une classification des différents genres de folie. Bien qu’il modifie en certains points les théories de Pinel et d’Esquirol, Baillarger continue de considérer que « la base de toute division, pour les différentes formes de la folie (est) la distinction des lésions en partielles ou générales » ; sur cette base, il distingue donc monomanie, mélancolie et manie. Or, c’est précisément une telle manière de procéder qui sera radialement remise en cause dès l’année suivante.
— 2/ Des circonstances atténuantes motivées par l’état intellectuel et moral de certains accusés.
Lecadre, « Monomanie de persécution. Observation envisagée sous le rapport médico-légal », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 1, 49, pp. 395-402, 1853
1854
Polémique au sujet de la notion de monomanie : Jean-Pierre Falret tente d’en montrer le manque de pertinence dans De la non-existence des monomanies. Il se propose par conséquent de « préparer les voies à une classification plus naturelle des maladies mentales, qui tiendra compte de la totalité des phénomènes morbides et de la marche de la maladie ».
Jules Baillarger, pour sa part, présente lors d’une leçon faite à la Salpêtrière un Essai de classification des maladies mentales. Il y critique certes le fait de considérer la folie comme « une seule entité pathologique » alors qu’il s’agit de la « réunion de formes morbides très différentes » mais continue pourtant d’avoir recours à la notion de monomanies.
L’histoire donnera tort au second, pour suivre l’exemple du premier. Ainsi se joue le passage du paradigme de l’aliénation mentale, ou folie unique, au paradigme des maladies mentales. (pour plus de détails à ce sujet : Éléments pour une histoire de la psychiatrie. G. Lanteri Laura).
1856
Jules Baillarger, La théorie de l’automatisme étudiée dans le manuscrit d’un monomaniaque, 1856. Pour Baillarger, c’est dans l’exercice involontaire des facultés qu’il faut chercher le point de départ de tous les délires. Dès qu’il survient de l’excitation, on devient incapable de diriger ses idées ; elles s’imposent, et l’on est forcé de les subir. L’auteur illustres ici ses thèse grâce à l’étude d’un manuscrit.
1857
Publication en deux volumes du tristement fameux Traité des dégénérescences physiques, intellectuelles et morales de l’espèce humaine et des causes qui produisent ces variétés maladives de Morel (chez Baillière, Paris). La théorie morélienne de la dégénérescence appliquée à l’étude des maladies mentales gagne rapidement l’ensemble de l’Europe. Elle restera largement en faveur jusqu’après la première guerre mondiale.
Casper, Practisches Handbuch der gerichtlichen Medicin, Berlin, Hirschwald, 1857. Casper, dans cet ouvrage ( I, II. p. 543), réalise les toutes premières descriptions cliniques de délires de quérulence. Elles seront remaniées au fil des publications (ici, la troisième édition de l’ouvrage datant de 1860, avec plusieurs délires de quérulence décrits, pp. 569-577 — et enfin, la version de 1889, amplement revue et corrigée par Carl Liman – avec un chapitre consacré au « Querulantenwahn », p. 622, et plusieurs études de cas).
1859
H. Neumann, Handbuch der Psychiatrie, Erlangen, Enke, 1859. Neumann propose une définition de la Verrücktheit secondaire conforme à celle que Griesinger donnait dès 1845, illustrant la pérennité des opinions de ce dernier dans le champ psychiatrique allemand.
1860
P. Flourens, De la raison, du génie et de la folie, Garnier, Paris
J. Baillarger, « Quelques exemples de folie communiquée » & « Du délire hypocondriaque considéré comme symptôme et signe précurseur de la paralysie générale »
Bénédict Augustin Morel, Traité des maladies mentales, Masson, Paris. Pour la première fois, les maladies mentales sont systématiquement regroupées en fonction de leur facteur étiologique. En cela, le Traité de 1860 se distingue radicalement du très classique Traité théorique et pratique des maladies mentales publié par le même auteur en 1852-1853 (chez Baillière, Paris)
Jules Falret : Principes à suivre dans la classification des maladies mentales. (in : Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, Baillière, Paris, 1890) Falret y tente de définir les principes propres à mettre au jour les véritables espèces, ou formes naturelles de maladies mentales. Il prend comme modèle la découverte de la paralysie générale.
G. Fechner, Elemente der Psychophysik, Breitkopf & Härtel, Leipzig, 1860. Fechner pose les jalons de sa psychophysique, introduit la notion de seuil intensif et extensif (intensive und extensive Schwelle) et expose la loi de Weber (aujourd’hui connue sous le nom de loi de Weber-Fechner) qui corrèle la sensation avec la grandeur du stimulus.
1861
Seconde edition, très largement remaniée, du Traité de Griesinger : Die Pathologie und Therapie der psychischen Krankheiten für Ärzte und Studierende, Krabbe, Struttgart, 1861. La Verrücktheit y est toujours considérée comme un état d’affaiblissement psychique (psychische Swächezustand) appartenant à la même catégorie que la démence (Verwirrtheit)
Ulysse Trélat, La folie lucide étudiée et considérée au point de vue de la famille et de la société, Delahaye, Paris, 1861. C’est pour « protéger les famille », et prévenir les alliances « funestes » entre « aliénés lucides » et personnes saines d’esprit que Trélat entreprend la rédaction de cet ouvrage. Les « aliénés lucides » sont en effet, selon lui, des « incurables » susceptibles de causer bien des maux : « Le mariage de ces aliénés est toujours malheureux pour l’associé, très souvent pour les enfants qui naissent de cette union […]. Les fous lucides sont d’autant plus malfaisants que leur maladie est moins aisément appréciable […] Apprenons à ne point compromettre de belles aptitudes par le contact et l’influence de dispositions malfaisantes ».
1862
Wilhelm Wundt, Beiträge zur Theorie der Sinneswahrnehmung, Leipzig & Heidelberg, Winter’sche Verlagshandlung, 1862
1863
Karl Ludwig Kahlbaum, Die Gruppierung der psychischen Krankheiten und die Einteilung der Seelenstörungen, Kafemann, Dantzig, 1863. Kahlbaum y va de son essai de classification des maladies mentales et troubles de l’esprit. Il distingue donc paranoïa ascensa affecta (tendance disharmonique), et paranoïa ascensa operans, (tendance megalomane) ; paranoïa immota pathica (tendance persécutée) et paranoïa immota vaga (tendance polymorphe) ; paranoïa descensa dämonica (tendance démonomaniaque) et paranoïa descensa somatica (tendance zoomane). De manière surprenante, ces dénominations forgées par Kahlbaum ne sont pas passées à la postérité.
1864
J.-P. Falret publie ses œuvres complètes chez Baillière, Paris sous le titre : Des maladies mentales et des asiles d’aliénés. Leçons cliniques et considérations générales.
Henri Legrand du Saulle, La folie devant les tribunaux. Savy, Paris, 1864. Entre ses considérations portant sur la monomanie incendiaire et un exposé de doctrines sur la « nymphomanie », Legrand du Saulle, dans cette oeuvre, inaugure les discussions médico-légales relatives aux testaments : « J’ai consacré de très longs développements à l’étude des testaments entachés de folie ou considérés comme tels. Ce sujet, dont l’importance est si considérable, a été jusqu’à ce jour passé sous silence ; aussi ai-je dû, pour pouvoir écrire, en connaissance de cause, l’histoire médico-légale des dernières volontés, interroger pendant plusieurs années un très grand nombre d’agonisants. […] J’ai établi les conditions intellectuelles, morales et affectives qui permettent de tester sainement et librement ». Du même auteur, suivront deux oeuvres : en 1874, un Traité de médecine légale et de jurisprudence médicale (Delahaye, Paris) puis en 1879, un ouvrage monumental de 624 pages, entièrement consacrée à la question des héritages : L’Etude médico-légale sur les testaments contestés pour cause de folie, (Delahaye, Paris, 1879). Le chapitre X (p.353-417) est consacré aux testaments établis par des personnes sujettes au « délire des persécutions », avec une douzaine d’observations et une étude approfondie des « conceptions délirantes, fausses interprétations, hallucinations, lettres, dénonciations, testaments, suicides et crimes des persécutés ».
1865
Achille Foville Fils, «Divers modes d’assistance publique applicables aux aliénés », discours prononcés à la société médico-psychologique de Paris, imprimé chez E. Martinet. Ce discours annonce et préfigure la publication par Foville d’un traité de toute autre ampleur, Les Aliénés : Etudes pratiques sur la législation et l’assistance qui leur sont applicables (1870). Foville y prend parti dans les grandes querelles de l’époque touchant à la législation ; il évoque les modifications à apporter aux lois de 1838 et fait le point sur les divers modes d’assistance applicables aux aliénés (internement, traitement dans les familles, chez des infirmiers, dans des colonies agricoles). Particulièrement révélatrices sont les pages consacrées aux politiques de non-restraint dans les asiles ainsi que celles qui portent sur le village d’aliéné de Gheel en Belgique.
La même année paraît chez Delahaye, Paris, la traduction française de la deuxième édition du Traité des maladies mentales de Griesinger (titre original : Die Pathologie und Therapie der psychischen Krankheiten, Krabbe. Struttgart, 1861) La page de garde indique : traduit sous les yeux de l’auteur. Ce dernier devait avoir la vue bien faible ; ou peut-être les incorrections et faux sens témoignent-ils du fait que, malgré toutes la bonne volonté des traducteurs, pour qui les divisions politiques ne doivent pas empêcher la grande famille européenne de devenir une sous le rapport de la science, il demeure encore bien difficile de s’entendre. C’est que les barrières ne sont pas seulement politiques ou linguistiques, elles sont aussi conceptuelles : comment s’y retrouver lorsqu’on fait correspondre, pour les besoins de la traduction, mental à psychisch et troubles élémentaire de l’intelligence à geistige Elementarstörungen ?
Ludwig Snell, « Ueber Monomanie als primäre Form der Seelenstörung», Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 22, p. 368-381. Snell ouvre un nouvel horizon en affirmant que les troubles de l’intellect peuvent apparaître de manière primaire, sans troubles affectifs préalables – ce que niait la théorie de Griesinger largement admise jusque-là par les psychiatres de langue allemande.
Wilhelm Wundt, Lehrbuch der Physiologie des Menschen, Enke, Erlangen, 1865. Wundt continue d’avancer dans la voie ouverte par Fechner en matière de psychologie expérimentale. Ses travaux menés au laboratoire de Leipzig orientent de manière décisive les recherches en psychiatrie de langue allemande et influencent aussi bien Kraepelin que Meynert ou Ziehen.
1866
Le 8 janvier, Jules Falret prononce à la Société médico-psychologique un discours intitulé « La folie raisonnante, ou folie morale » (in : Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, Baillière, Paris, 1890). Il tente de distinguer, dans la catégorie confuse des folies raisonnantes ou morales (encore nommées folies affective et instinctives, ou folies lucides) certaines « catégories naturelles de faits » et signale notamment « certains délires de persécution, à lente évolution et à idées délirantes très concentrées et dissimulées par les malades. »
Ce premier discours est suivi d’une deuxième intervention, en octobre de la même année, qui permet à Falret de répondre aux objections soulevée par Louis Delasiauve et se focalise sur trois points : «1° La solidarité ou l’isolement possible des facultés humaines, à l’état normal et à l’état maladif ; 2° L’existence ou la non-existence de la folie raisonnante comme forme distincte de maladie mentale ; 3° La doctrine de l’irresponsabilité partielle appliquée aux aliénés atteints de folie raisonnante. »
L’année suivante, Falret prononce enfin, toujours à la Société médico-psychologique, un troisième discours: Des aliénés dangereux et des asiles spéciaux pour les aliénés dits criminels (publié chez Donnaud, Paris, 1869).
1867
Alexandre Brierre de Boismont, De la Folie Raisonnante et de l’importance du délire des actes pour le diagnostic et la médecine légale, Baillière, Paris, 1867
Blanche, Lasègue, Brierre de Boismont « Du délire de persécution au point de vue de la médecine légale. Prolégomènes. Rapport médico-légal sur un cas de folie de ce genre, concernant le nommé Labouche Raymond, accusé d’homicide volontaire », Annales d’hygiène publique, 2, 27, pp.331-365, 1867.
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Wilhelm Griesinger, « Vortrag zur Eröffnung der psychiatrischen Klinik zu Berlin am 2. Mai 1867 », Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheiten, 1867, 1, (p. 143-158). Coup de théâtre : après un temps de ferme opposition aux théories de Snell (1865), Wilhelm Griesinger, lors de l’allocution de réouverture annuelle de la clinique psychiatrique de Berlin, reconnaît l’existence de la classe des délires primordiaux (Primordial-delirien), qu’il divise en deux sous-groupes, ajoutant : « Ces troubles particuliers, très chroniques, je ne les considère plus (comme indiqué dans mes ouvrages) comme secondaires ; je me suis au contraire convaincu de la formation protogénétique de ces états, et je les décrits désormais sous le nom de Verrücktheit primaire. »
1868
Wilhelm Griesinger, « Ueber einen wenig bekannten psychopathischen Zustand » (Archiv der Psychiatrie, 1, p. 626, 1868). Griesinger présenta cet exposé devant la Société médico-psychologique de Berlin. Il y décrivit un « état psychopathique méconnu » non engendré par la prévalence pathologique d’un « affect primaire » . Cet état psychopathique devait selon lui se manifester par le surgissement à la conscience du malade de pensées forcées entraînant des manies de vérifications et de ruminations sans fin. Publié de manière posthume – puisque son auteur décèda la même année –, cet exposé fit de Griesinger le père de la doctrine allemande des obsessions ; il apporta par ailleurs des éléments pointant dans la même direction que la description d’une Verrücktheit primaire (1867). Dans un cas comme dans l’autre, en effet, une donnée centrale mise en évidence par l’auteur consistait en ce que des troubles intellectuels pouvaient n’être pas précédés par des troubles affectifs.
Wilhelm Sander, « Ueber eine specielle Form der primären Verrücktheit », Archiv für Psychatrie und Nervenkrankheit, Band 1, 1 Heft 1868, p. 387-419 Sander, élève de Griesinger, publie avec la bénédiction de son maître un article qui officialise l’existence de la primäre Verrücktheit (trouble primaire de l’intellect). Dans le monde germanophone, une nouvelle ère nosographique commence.
K.L. Kahlbaum, « Die Sinnesdelirien und ihre verschiedene Formen », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie und psychisch-gerichtliche Medizin, 23, 1868
F. Scholz,« Ein wahnsinniger Querulant », in « Zwei Psychiatrische Gutachten von Dr. Friede. Schols», Vierteljahrschrift für gerichtliche und öffentliche Sanitätswesen, 8, pp. 343-355, (1868)
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L.-R. Maret, « Du délire des persécutions », Thèse de médecine, Paris, 1868
1869
Achille Foville Fils, « Etude clinique de la folie avec prédominance du délire des grandeurs », Mémoires de l’académie de médecine, 29, p.318-452. Publié chez Bailière, Paris, en 1871.
E. Buchner, « Querulanten-Wahnsinn ? », Friedreich’s Blätter für gerichtliche Medicin und Sanitätspolizei, 20, 3, pp. 449-466, 1869.
Beer, « Ueber den sogenannten Querulanten-Wahnsinn », Allgemeine Wiener medizinische Zeitung 14, 17, pp.25-33 (1869) Cet article est souvent cité, avec les écrits de Casper, comme le premier texte consacré au délire de quérulence.
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1870
Taine, De l’intelligence, Hachette, Paris, 1870. Le bréviaire du sensualisme et de l’associationisme français ; y sont largement prises en compte les dernières découvertes de l’époque en matière de neuro-anatomie.
E. Buchner, « Querulantenwahnsinn. Untersuchung wegen Amtsehrenbeleidigung », Friedreich’s Blätter für gerichtliche Medicin und Sanitätspolizei, 21, 4, pp. 342-349, 1870
1871
Legrand du Saulle publie son grand’-œuvre : Le délire des persécutions (Plon, Paris, 1871). Une soixantaine d’années plus tard, dans sa thèse de doctorat en médecine, Jacques Lacan s’y refère en des termes élogieux. Autre détail curieux : l’ouvrage est doté d’une Annexe, « De l’état mental des habitants de Paris pendant les événements de 1870-71 ». Legrand du Saulle y décrit le siège de Paris, puis les évènements de la Commune et la prise de la capitale par les Versaillais avant de conclure qu’il est faux de penser que ces événements ont exercé une influence notable sur la fréquence du développement de la folie dans la population.
Edward B. Tylor, Primitive Culture, J. Murray, Londres, 1871. Dans cet ouvrage majeur en matière d’anthropologie, Tylor adopte une approche évolutionniste et considère l’animisme comme la première forme de religion. Ses thèses, en partie reprises par Freud, ne seront pas sans influence sur l’élaboration de la notion de projection. (Au sujet de Tylor, précurseur de la notion du retour du refoulé, voir aussi : Georges Didi-Huberman, L’Image survivante, Minuit, 2002).
Wilhelm Wundt, Untersuchungen zur Mechanik der Nerven und Nervencentren, Enke, Erlangen. Référence en matière d’études neurologiques — avec en dernière partie (p.261) l’esquisse d’une théorie mécanique de l’excitabilité nerveuse.
J.-A. Bulard, Idées fixes de persécution ; menaces de mort. Rapport médico-légal, L. Deshays, Rouen, 1871
Buchner, « Selbstbestimmnngsfähig oder nicht ? (Querulantenwahnsinn), Friedreich’s Blätter für gerichtliche Medicin und Sanitätspolizei, 22, 1, pp. 140-157, 1871.
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1872
Achille Foville Fils, Moyens pratiques de combattre l’ivrognerie proposés ou appliqués en France, en Angleterre et en Amérique, Baillière, Paris. Un bon aperçu des politiques de l’époque en matière d’hygiène publique… et de prohibition.
Wilhelm Wundt, Grundzüge der physiologischen Psychologie, Leipzig, Engelmann1874. Wundt y propose une description des systèmes nerveux système nerveux, puis une théorie portant sur ses fonctions sensitives et motrices. Au chapitre 15 (p.643), consacré aux représentations d’ordre imaginaire (Einbildungsvorstellung), il commence par décrire images-souvenir et images fictives (Erinnerungs- und Phantasiebilder) puis aborde le problème des hallucinations, illusions et phantasmes oniriques (Phantasmen des Traumes) ; enfin, il propose de considérer comme analogues le rêve et le trouble de l’esprit (Analogie des Traumes und der geistigen Störung)
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1874
Hotzen, « Gutachten über den Geisteszustand des chem. Districts-Schornsteinfeger H. im Bremen (Querulanten-Wahnsinn) », Friedreich’s Blätter für gerichtliche Medicin und Sanitätspolizei, 1, 25, pp. 134-149, pp. 1874
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1875
Première édition du Traité de psychopathologie judiciaire de Richard von Krafft-Ebing (Lehrbuch der gerichtlichen Psychopathologie, Stuttgart, Enke, 1875). Dans ce traité, réedité à maintes reprises, Krafft-Ebing accorde la plus extrême importance (weitaus die grösste Bedeutung) aux délires de persécution (Verfolgungswahnsinn) qu’il considère comme particulièrement fréquents, difficiles à reconnaître (du fait de leur dissimulation possible) et dangereux.
E. Hofmann, « Zur Kasuistik des Verfolgungswahns », Friedreich’s Blätter für gerichtliche Medicin und Sanitätspolizei, 227, pp.189-201, 1875.
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1876
Cesare Lombroso, L’uomo delinquente (ici dans sa traduction française de 1887, établie sur la base de la 4ème édition italienne : L’homme criminel. Étude anthropologique et psychiatrique., Alcan, Paris, 1887) L’année suivante, le même Lombroso publie Genio e follia (ici dans sa traduction française, L’homme de génie publiée en 1889 chez Alcan, Paris, établie sur la base de la 6ème édition italienne).
Henry Maudsley, Responsibility in mental diseases, King, London, 1874 — ici, son Authorized Edition de 1896, Appleton, New York
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Taguet, « Les aliénés persécuteurs », 15, Annales médico-psychologiques, pp. 5-19, 1876
Marandon de Montyel, « Du délire de persécution dans ses rapports avec l’alcoolisme et le délit de vagabondage », Bordeaux médical, 5, 97, 129 (1876)
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1877
Moreau de Tours, De la folie jalouse, Asselin, Paris, 1877
Jules Falret & Charles Lasègue, La Folie à deux ou le délire communiqué (in : Falret, Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses,Baillière, Paris,1890).
Cullerre, « Observation de catalepsie chez un hypocondriaque persécuté », Annales médico-psychologiques, 17, pp. 177-190 (1877)
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Gustav Fechner, In Sachen der Psychophysik, Leipzig, Breitkopf & Härtel, 1877. Fechner y examine et tente de réfuter les arguments de ses critiques et détracteurs. Parmi ces derniers: Mach, Helmoholtz, et Brentano.
Zippe. « Ein Querulantenbrüderpaar », Wiener medizinische Wochenschrift, 27, 23-24, 1877
1878
Paul-Emile Garnier, Des idées de grandeur dans le délire des persécutions, Delahaye, Paris. Une œuvre très représentative de l’époque, qui n’apporte rien de nouveau sous le soleil de l’aliénisme.
Marandon de Montyel, « Délire des persécutions; assassinat et tentative d’assassinat », in « Revue médico-légale des journaux judiciaires, Année 1877 », Annales médico-psychologiques, 5, 20, p. 122 (1878)
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Lors de la séance du 29 juillet 1878 de la Société médico-psychologique de Paris, Jules Falret prend part à un important débat en présence, notamment, de Legrand du Saulle, Magnan et Delasiauve, et qui traite essentiellement :
- « Du délire de persécution chez les aliénés raisonnants », Société médico-psychologique, séance du 29 juillet 1878, Annales médico-psychologiques, 20, pp. 397-406(1878)
- « Des aliénés persécutés raisonnants et persécuteurs », Société médico-psychologique de Paris, séance du 29 juillet 1878, Annales médico-psychologiques, 19, pp. 413–417 (1878).
- Ballet, vingt-cinq ans plus tard, dans son Traité de pathologie mentale [1903 ], déclarerait au sujet de ces interventions : « C’est J. Falret qui, le premier, en 1878, a constitué le groupe des persécutés-persécuteurs […] et il a fixé les traits particuliers qui en font une catégorie; spéciale (persécutés, persécuteurs type Falret). Les idées de J. Falret sont exposées très complètement dans l’excellente thèse de son élève P. Pottier 1 (1886), qui contient des observations caractéristiques et des plus intéressantes [ cf infra, Pottier, 1886 ].
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H. Emminghaus, Allgemeine Psychopathologie zur Einführung in das Studium der Geistesstörungen, Vogel, Leipzig, , 1878.
Heinrich Schüle, Handbuch der Geisteskrankheiten. Vogel, Leipzig 1878. En 1888 paraîtra en France, sous le titre de Traité clinique des maladies mentales, une traduction de la troisième édition du traité de Schule parue en Allemagne en 1886 (titre original : H. Schüle, Specielle Pathologie und Therapie der Geistes-krankheiten, Vogel, Leipzig, 1886) Ce fut là la seconde traduction d’un ouvrage de psychiatrie en langue allemande, la première ayant été celle d’une œuvre de Griesinger.
Carl Westphal, « Über die Verrücktheit », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 34, pp. 252-257. De ce texte fondateur, deux éléments au moins sont à retenir : d’une part, le fait que Westphal assimile le trouble générateur de la Verrücktheit à un processus anormal dans la sphère des représentations (das Wesentliche bei der Verrücktheit ist der abnorme Vorgang im Vorstellen ), les troubles de l’humeur dépendant selon lui du contenu de ces représentations D’autre part, le fait que Westphal mentionne en des terme très généraux l’existence d’une Verrücktheit aiguë ; car il prépare ainsi le terrain pour d’infinis débats au sujet de l’existence d’une hypothétique forme de paranoïa aiguë.
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Aneshänsel, « Zur Kasuistik des sogenannten Querulantenwahnsinns », Aertliche Mitth , 33, 199-201, Karlsruhe, 1878
Krafft-Ebing, « Über den sogenannten Querulantenwahnsinn », Allgemeine Zeitschrift der Psychiatrie, 35, pp. 395– 419 (1879)
1879
Première édition du Traité de Psychiatrie de Richard von Krafft-Ebing (Lehrbuch der Psychiatrie auf klinischer Grundlage für praktische Ärzte und Studirende, Stuttgart, Enke, 1879) . Comme ceux de Kraepelin, les Traités de Krafft-Ebing, qui font la part belle aux théorie de la dégénérescence, gagnent rapidement le statut d’ouvrages de référence et propulsent leur auteur au tout premier plan de la scène viennoise. Ici, la deuxième version de 1883 ainsi que la traduction française de 1897 établie sur la base de la cinquième version allemande parue en 1893.
Merklin, Studien ueber die primäre Verrücktheit, I.-D., Dorpat, 1879
1880
E. Régis, La folie à deux ou folie simultanée, Thèse, J.-B. Baillière, Paris
Sponholz, « Quaerulantenwahnsinn durch Quaerelen entstanden; forensisch-psychologische Mittheilung », Zentralblatt für Nervenheilkunde und Psychiatrie, 3, 1, pp. 257-261, (1880)
1881
Théodule Ribot, Les Maladies de la Mémoire, Alcan, Paris, 1881. L’ouvrage deviendra un classique ; ici, sa 18ème edition, de 1906
Billod, « Archives cliniques. Démence aiguë sans délire, suivie de lypémanie avec délire de persécutions d’abord, et délire hypochondriaque ensuite », Annales médico-psychologiques, 5, pp. 424-429 (1881)
Marandon de Montyel, « Contribution à l’étude de la folie à deux », Annales médico-psychologiques, 5,28-53 (1881). Quatre études de délires à deux avec idées de de persécution.
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P. Ribas, « Manía melancólica sub-aguda con delirio de persecucion; despues manía vanidosa; alucinaciones de oído y vista; curacion », Revista Frenopática Barcelonesa, pp. 303-309, (1881)
J. de Matos, « Um caso de delirio de perseguições », Coimbra medical,1, pp.323-334, (1881)
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Carl Wernicke, Lehrbuch der Gehirnkrankheiten für Aerzte und Studirende, Kassel, Fischey, 1881
M. Buch « Ein Fall yon acuter primitiver Verrücktheit (Westphal) », Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheiten. 11, 2, pp. 465-477 (1881). Dans cet articles, Max Buch décrit un cas considéré comme typique de Verrücktheit primaire aiguë avec début soudain et hallucinations nombreuses. Il expose également de manière détaillée ses efforts thérapeutiques, et en tire ses conclusions quant au meilleur mode de traitement de cette variété de délire (que nous qualifierions sans doute aujourd’hui de bouffée délirante aiguë).
T. Meynert, « Die acuten (hallucinatorischen) Formen des Wahnsinns und ihr Verlauf », Jahrbuch für Psychiatrie, 2, p. 181 (1881)
J. Fritsch, « Die Verwirrtheit » Jahrbücher für Psychiatrie, 2, p. 27 (1881)
Schlager, Emminghaus, Kien, Gauster, Krafft-Ebing, Die gerichtliche Psychopathologie, H. Lauppschen, Tübingen, 1881 – voir notamment le chapitre rédigé par Kirn, portant sur les « psychoses simples », (p253) au nombre desquelles figure la « Verrücktheit primaire », qui compte notamment comme sous-espèces délire des persécutions (« Verrücktheit mit Wahnvorstellungen — der Verfolgungswahn », p.320) et délire de quérulence (« der Querulantenwahnsinn », p.324))
1882
Les Maladies de la volonté de Théodule Ribot. Tout comme les Maladies de la mémoire, publié l’année précédente, cet ouvrage devient très vite une œuvre incontournable pour plusieurs générations d’étudiants enc psychologie ( ici : sa cinquième édition de 1888 : Th. Ribot, Les Maladies de la volonté, Alcan, Paris, 1888). Pour compléter la trilogie, Les Maladies de la volonté seront suivies, en 1885, des Maladies de la Personnalité (Alcan, Paris, 1885). Cette dernière oeuvre , en 1921, aura atteint sa 18ème édition.
A. Manouvriez, « Homicide par délire des persécutions. Nécropsie du meurtrier », Bulletin de la Société de médecine légale de France, 7, pp. 112-119, 1881–2 – ici, un compte-rendu publié dans les Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 3, 7, pp.177-184 (1882)
M.A. Fabre de Parrel, « Archives cliniques. Délire de persécution systématisé d’orgine alcoolique suivi de paralysie générale », Annales médico-psychologiques. 8, pp.62-70, 1882
A. Giraud, « Les attentats contre les personnes commis par les aliénés. Affaire R…, délire des persécutions », Annales médico-psychologiques 8, pp.415-435 (1882)
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P. Ribas, « Manía parcial de persecucion », Revista Frenopática Barcelonesa, 2, pp. 173-182 (1882)
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Gustav Fechner, Revision der Hauptpunkte der Psychophysik, Breitkopf & Härtel, Leipzig, 1882
Jung, « Über die Verrücktheit », Zeitschrift für Psychiatrie und psychisch-gerichtliche Medizin, 38, pp. 561-57, 1882
Freusberg, « Querulantenwahn », Irrenfreund, 24, pp.65-71 (1882)
1883
Trial Of Lunatics Act 1883 : il ne modifie pas de manière substantielle les M’Naghten Rules mais précise les conditions de détention et de jugement des personnes jugées « not guilty by reason of insanity ».
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A Leipzig paraît chez Abel la première édition du Compendium der Psychiatrie d’Emil Kraepelin. Les rééditions successives de ce traité marqueront autant de grandes dates dans l’histoire de la psychiatrie. Pour l’heure, Kraepelin a recours au terme générique de psychoses afin de désigner les troubles mentaux; parmi ces psychose, il décrit un délire systématisé primitif (Verrücktheit), mais n’en distingue pas encore de manière radicale les formes hallucinatoires des formes non hallucinatoires.
E. Mendel, « Die Paranoia » in A. Eulenburg, Real- Encyclopädie der gesammten Heilkunde, Urban & Schwarzenberg,Wien & Leipzig, 1880-1883 (ici, la seconde édition de 1885, umgearbeitete und vermehrte).
- Mendel donne dans ce court article une définition de la « Paranoia » qui ferait date, et influencerait notamment les écrits de Werner (1891), Cramer (1893) et Ziehen (1894). Mendel inaugure en effet une classification à quatre termes permettant d’opposer les délires chroniques aux délires aigüs et les délires hallucinatoires aux délires simples (non-hallucinatoires).
Kuby, « Verfolgungswahn bei einem politischen Schriftsteller », Friedreich’s Blätter für gerichtliche Medicin und Sanitätspolizei, 34, pp. 199-206, (1883)
Amadei & Tonnini, « La Paranoia e le sue forme », Arch. ital. per le Malaie nervose, Milano, 1883 Fasc. IV & 1884 Fasc. I & II
1884
Theodor Meynert, Psychiatrie : Klinik der Erkrankungen des Vorderhirns begründet auf dessen Bau, Leistungen und Ernährung, Wien, W. Braumüller, 1884. Un chef d’œuvre de l’anatomo-pathologie viennoise fin-de-siècle, planches à l’appui.
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Léon Riboud, Essai sur l’irresponsabilité des aliénés dits criminels, Pichon, Paris, 1884
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M. Vassallo, « Delirio de las persecuciones. Tesis », Biedma, Buenos Aires, 1884
P. Ribas, « Locura alucinatoria de persecucion é inventiva, con anomalías de la voluntad », Independencia Médica 20, 16, pp.186-188 – 197 pp. 186-7, (1884/5)
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1885
Première édition du Manuel pratique de médecine mentale d’Emmanuel Régis, avec préface de Benjamin Ball. (E. Régis, Manuel pratique de médecine mentale, Doin, Paris, 1885)
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1886
P. Pottier, Etude sur les aliénés persécuteurs, Asselin & Houzeaux, Paris, 1886
Meilhon, Du suicide dans le délire de persécution, thèse, Bordeaux, 1886
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Première édition de la Psychopathia Sexualis de Richard von Krafft-Ebing. Dans sa Préface, l’auteur exprime sa volonté de fonder la science des formes psychopathogiques de la vie sexuelle (psychopathologische Erscheinungen des Sexuallebens) et de découvrir quelles lois les régissent. L’ouvrage rencontre un succès foudroyant : en 1906, il en est à sa douzième édition. Ici, la troisième version de 1888 : Psychopathia sexualis mit besonderer berücksichtigung der conträren sexualempfindung, Stuttgart, F. Enke, 1888.
Fritsch, « Ueber den Querulantenwahnsinn ». Jahrbücher für Psychiatrie, 5, 1886/87
H. Schüle, Specielle Pathologie und Therapie der Geisteskrankheiten, Vogel, Leipzig, 1886 (troisième édition, très largement remaniée, du manuel de 1878)
J. Salgo, Compendium der Psychiatrie für praktische Aerzte und Studirende, Bermann & Altmann, Wien, 1888
1887
Considérant que la définition de l’aliénation mentale donnée par les M’Naghten Rules est trop restrictive, l’Alabama Supreme Court (bientôt suivie par de nombreux Etats des Etats-Unis d’Amérique) adopte l’Irresistible Impulse Test. Ce dernier ne supprime donc pas, mais s’ajoute aux M’Naghten Rules : désormais, peut être considéré comme non-coupable pour causes d’aliénation un individu ayant commis un crime s’il y a été entraîné par une impulsion incontrôlable.
En Grande-Bretagne, le concept d’irresistible impulse, inclus dans la catégorie plus vaste des « abnormalities of the mind », a donné lieu à débats dans les années 1960, dans le cadre du procès R v. Byrne. ( Diminished responsibility – abnormality of the mind impairing mental responsibility : « An abnormality of the mind is to be defined widely: a state of mind so different from that of ordinary human beings that the reasonable man would term it abnormal’ and covering all cognitive aspects, from perception to rationality and willpower)
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August Strindberg, Le Journal d’un fou, 1887 (titre original En dåres försvarstal, Bonniers, Stockholm, 1914)
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Valentin Magnan, Leçons cliniques sur les maladies mentales. Considérations générales sur la folie – Les Héréditaires ou Dégénérés – Les Délirants Chroniques – Les Intermittents, Editions du Progrès Médical, Paris, 1887. Médecin-chef à Sainte-Anne à la fin de sa carrière, éternel rival de Benjamin Ball, Magnan réelabore les théories moréliennes de la dégénérescence ; mais surtout, il introduit la notion hautement controversée de délire chronique à évolution systématique caractérisé par la succession de quatres périodes : incubation, persécution, ambition, démence. L’existence de ce délire et le mode de succession de ses quatre périodes fut l’objet d’infinis débats à la Société médico-psychologique de Paris dans les années suivant la parution de l’ouvrage.
Le 31 octobre, Charpentier présente à la Société Médico-Psychologique de Paris, alors présidée par V. Magnan, un exposé ayant pour titre « Des idées morbides de persécution ». Dans cet exposé (publié par les Annales médico-psychologiques, 12, pp. 84-108) en 1888, Charpentier énumère pas moins de neuf groupes de persécutés, depuis ceux dont les idées morbides sont d’origine traumatique ou chirurgicale jusqu’aux mégalomanes, en passant par les arthritiques à forme mélancolique torpide.
Jules Séglas, « La Paranoïa histoire et critique », Archives de Neurologie, 1887
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Deuxième édition du Traité de Kraepelin : Psychiatrie, Ein kurzes Lehrbuch für Studirende und Aerzte, Leipzig, Abel, 1887. La Verrücktheit, ou délire systématisé, prend place entre la folie périodique et circulaire (periodische und circuläre Irresein) et les névroses générales (allgemeinen Neurosen). Elle est considérée comme une pathologies chroniques, par opposition aux pathologies aiguës curables, aux pathologies organiques et aux arrêts de développement. La même année, Kraepelin publie « Über Erinnerungsfälschungen», Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheit, 18, 1, 199-239 (1887)
R. Sandberg, « Beiträge zur Charakteristik der Wahnideen der Chronisch- Verrückten», Inaug-Dossertation, Schottlaender, Breslau, 1887
Muhr, « Querulantenwahnsinn », Jahrbücher für Psychiatrie ,VII, 1887
1888
À la Société Médico-Psychologique, la querelle fait rage au sujet du délire chronique à évolution systématique de Magnan. Dans ce délire, y-a-t-il inévitablement démence terminale ? une phase mégalomaniaque est-elle toujours observable ? et quel est le rôle de l’hérédité ? Tels sont les sujets d’infinies discussions entre Magnan, Garnier, Dagonet, Christian, Delasiauve et bien d’autres encore.
Benjamin Ball, La folie érotique, J.-B. Baillière, Paris
Victor Parant, La raison dans la folie – Etude pratique et médico-légale sur la persistance partielle de la raison chez les aliénés et sur leurs actes raisonnables, Doin, Paris, 1888
A. Cullerre, Les frontières de la folie, J.-B. Baillière, Paris, 1888. Avec d’importants développements (chapitre 5) consacrés aux « persécutés-persécuteurs », « processifs » et « jaloux », mais aussi (chapitre 6) aux « mystiques », « fanatiques » et « érotomanes ».
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Théodule Ribot, La psychologie de l’attention. Cet ouvrage sera suivi, en 1896, par une Psychologie des sentiments.
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Clemens Neisser, « Ueber die originäre Verriicktheit (Sander).Vortrag, gehalten in der XLV. Sitzung des Vereins ostdeutscher Irrenärzte zu Breslau am 30. November 1887 » Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheiten, 19, 2, p.491-504, (1888)
E. Mendel, « Ein Beitrag zur Lehre von den periodischen Psychosen », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 44, pp. 617-625 (1888)
J. Salgo, Compendium der Psychiatrie für praktische Aerzte und Studirende, Bermann & Altmann, Wien, 1888
1889
Pierre Janet, L’automatisme psychologique, essai de psychologie expérimentale sur les formes inférieures de l’activité humaine, Alcan, Paris, 1889
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Troisième édition du Traité de Kraepelin : Psychiatrie, Ein kurzes Lehrbuch für Studirende und Aerzte, Leipzig, Abel, 1889. Cette version apporte peu de nouveautés par rapport à la précédente. La Verrücktheit est toujours considérée comme une pathologie chronique ; elle se décline en formes dépressives et expansives. Parmi les premières, Kraepelin distingue le délire des persécutions hallucinatoire (hallucinatorische Verfolgungswahn), le délire des persécutions combinatoire (combinatorische Verfolgungswahn : un délire sans hallucinations, de type interprétatif ou passionnel ), le délire hypocondriaque (hypocondrische Verrücktheit) et le délire de quérulence (Querulentenwahn). Parmi les formes secondes, il singularise le délire des grandeurs hallucinatoire (hallucinatorische Grössenwahn), le délire des grandeurs combinatoire (combinatorische Grössenwahn, avec entre autres un type religieux et un type érotique) et la originäre Verrücktheit, ou délire primitif.
C. Becker, Der Querulantenwahn, Inaug-Dissertation, München, 1889
Möbius, J.-J. Rousseau’s Krankheitgeschischte, Leipzig, 1889
1890
J.G. Frazer, première édition du Rameau d’Or — inépuisable source sinon d’informations, du moins d’inspiration anthropologique pour les psychanalystes des générations à venir : The Golden Bough: A Study in Magic and Religion, MacMillan, London, 1890.
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Benjamin Ball, Du délire des persécutions ou Maladie de Lasègue, Asselin et Houzeau, Paris, 1890
Régis, Les Régicides dans l’histoire et dans le présent : étude médico-psychologique, Maloine, Paris, 1890
J. Falret, Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, Baillière, Paris
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Theodor Meynert, Klinische Vorlesungen über Psychiatrie auf Wissenschaftlichen Grundlagen, Wien, Deuticke. — — Robert Musil, au détour d’une page de L’homme sans qualité, écrit de l’Autriche-Hongrie et de ses institutions qu’elles étaient « KK » : impériales-royales (kaiserlich-königlich) mais également « K&K » : impériales et royales (kaiserlich & königlich). Musil ajoute cependant que personne ne savait vraiment quand il fallait dire de l’Autriche-Hongrie et de ses institutions qu’elles étaient « KK » (impériales-royales), et quand il fallait dire qu’elles étaient « K&K » (impériales et royales). La confirmation flagrante de ce singuilier état de fait est donné par la page de garde de la grand’œuvre de Meynert. Car si Meynert était K. K. Ord. Professor am K. K. allgemeinen Krankenhause, ses leçons cliniques sont publiées chez Wilhelm Braumüller, K.U.K. Hof- und Universitätsbuchhandels…!
1891
Publication des Leçons cliniques sur les maladies mentales de Valentin Magnan. (ici dans leur deuxième édition non modifiée de 1893, aux Bureaux du Progrès Médical, Paris.) La troisième partie de l’ouvrage illustre les modifications qu’apporte Magnan aux théories moréliennes de la dégénérescence ; quant à la quatrième, elle porte sur le délire chronique à évolution systématique caractérisé par la succession de quatres périodes : incubation, persécution, ambition, démence. Dès l’année suivante, Magnan, en collaboration avec Paul Sérieux, publiera à ce sujet un autre ouvrage intitulé : Le délire chronique à évolution systématique (chez Masson).
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Theodor Ziehen, Leitfaden der physiologischen Psychologie in 14 Vorlesungen, Jena, G. Fischer, 1891.
Clemens Neisser « Erörterungen über die Paranoia vom klinischen Standpunkte » Vortrag, gehalten in der Sitzung des Vereins Ostdeutscher Irrenärzte zu Breslan am 5. Dezember 1891. Publié en janvier 1892, Zb. für Nervenheilkunde und Psychiatrie
Werner, Die Paranoia, eine Monographie, Stuttgart, Enke, 1891. Dans cette oeuvre qui tente d’opérer une synthèse des acquis, Werner propose une classification simple des délires paranoïaques sur la base d’une double distinction entre paranoïas aiguës et chroniques, simples et hallucinatoires. Ce mode de classification, dont les mérites du point de vue purement didactique seront souvent reconnus, sera cependant critiqué dans la mesure où il s’accorde bien mal avec les données cliniques.
1892
Paul Sérieux, Le délire chronique à évolution systématique et les psychoses des dégénérés, Gand, Engelcke.
Gilbert Ballet, « Idées de persécution observées chez les dégénérés à préoccupatoins hypocondriaques ou mélancoliques », Congrès de Blois, 1892
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Theodor Ziehen, « Ueber Störungen des Vorstellungsablaufes bei Paranoia », Archiv für Psychiatrie, 24, pp.112-154, 1892 (pour la seconde partie de cet article, ibid., p. 365-402)
Kirchhoff, Lehrbuch der Psychiatrie, Leipzig u. Wien, Deuticke, 1892
Kausch, « Ein Beitrag zur Kenntniss der periodischen Paranoia », Archiv für Psychiatrie, 24, 3, 1892
1893
Quatrième édition du Traité de Kraepelin, Psychiatrie, Ein kurzes Lehrbuch für Studirende und Aerzte Leipzig, Abel, 1893. Pour la première fois, Kraepelin y adopte le terme de Paranoia, qui remplace celui de Verrücktheit sans en modifier significativement la portée ; ne sont pas encore radicalement séparées les formes de délire simples des formes hallucinatoires.
Cramer & Boedecker, Uber Begrenzung und Eintheilung der Paranoia. Ce rapport, présenté à la Société Psychiatrique de Berlin le 16 décembre 1893, donna lieu à deux publications dans le Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie n°51 de 1895 ( — A. Cramer « Abgrenzung und Differential-Diagnose der Paranoia », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 51, 2, pp. 286-361 ; A. Cramer & J. Boedecker « Abrenzung der Paranoia », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 51, 2 – p.488-491). Il souleva une vaste controverse. En effet, Cramer et Boedecker proposaient d’élargir de manière considérable le cadre des paranoïas pour y inclure toutes les psychoses simples (einfache Psychosen, i.e. les psychoses sans lésion cérébrale apparente) dans lesquelles trouble originaire est d’ordre intellectuel(Verstandesstörung). Une telle classification avait certes le mérite d’établir une distinction nette entre troubles primaires d’ordre intellectuel sans évolution démentielle (groupe des Paranoïas), trouble d’ordre intellectuel avec évolution démentielle (groupe des Anoïas) et troubles de l’humeur (Stimmungsanomalien) consistant en une affection de la base affective (Veränderung der Gemütlage) de type maniaco-dépressif. L’inconvénient était que 70 à 80% des personnes atteintes d’une maladie mentale se virent soudain considérés comme paranoïaques, de sorte qu’un tel diagnostique perdait toute valeur. La redéfinition de la paranoïa par Kraepelin se donna pour but explicite de mettre fin à une telle situation.
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Mittenzweig, « Ueber Querulantenwahnsinn », Zeitschrift für Medizinalbeamte, 6, 10, pp.225-237 (1893)
Horn, « Differentialdiagnose zwischen gesunden and geisteskranken Quaerulanten », Friedreich’s Blätter für gerichtliche Medicin und Sanitätspolizei, 29, 44, pp. 258-273, 1893
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Scipio Sighele, Le crime à deux : essai de psychologie morbide ; traduit sur la 2e édition italienne par Vincent Palmet, Paris, G. Masson
Arnaud, « La folie à deux, ses diverses formes cliniques », Annales médico-psychologiques, mai 1893, Observ. 3.
1894
Sigmund Freud, « Die Abwehr-Neuro-Psychosen : Versuch einer psychologischen Theorie der akquirierten Hysterie, vieler Phobien und Zwangsvorstellungen und gewisser halluzinatorischer Psychosen», Neurolo. Cblatt., 10-11, 1894 (trad. : Les névro-psychoses de défense.Essai d’une théorie psychologique de l’hystérie acquise, de nombreuses phobies et représentations de contrainte et de certaines psychoses hallucinatoires. Selon Freud, les névro-psychoses de défense sont chacunes le produit d’un mécanisme de défense bien particulier. Pour qualifier le mécanisme à l’oeuvre dans les psychoses hallucinatoires, il a ici recours au verbe de verwerfen (ce qui donnera lieu à Lacan de forger le terme de forclusion).
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P. Keraval, « Analyse du rapport de Cramer », Archives internationales de neurologie, 2, 1894. Keraval propose aux spécialistes français (dont bien peu lisent l’allemand) une analyse suivie des diverses interventions et polémiques à la Société psychiatriques de Berlin.
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Clemens Neisser, « Psychische Elementarstörung als Grund der Unzurechnungsfähigkeit : Motivirtes Gutachten, zugleich als kritischer Beitrag zu Wernicke’s Lehre von den fixen Ideen», Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheiten, 26, 2, pp. 543-555 (1894)
Bartels « Zwei bemerkenswerte Fälle von Paranoia », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 50, 1894
Max Friedmann, Über den Wahn, Bergmann,Wiesbaden, 1894
Carl Wernicke, Grundriss der Psychiatrie in klinischen Vorlesungen, Thieme, Leipzig, 1894. Partant du principe hérité de Griesinger voulant que les maladies mentales (Geisteskrankheiten) soient des maladies cérébrales (Gehirnkrankheiten), Wernicke précise : les maladies cérébrales sont liées à un dysfonctionnement du système de projection (Projectionssystem), les maladies mentales sont des maladies cérébrales liées à un trouble de l’organe de l’association (Associationsorgan). C’est donc en appliquant les principes de mécanique à la physiologie et en considérant l’influx nerveux comme un courant d’énergie (Energiestrom) susceptible d’être interrompu (théorie de la Sejunktion) que Wernicke se propose d’élaborer une théorie audacieuse et complexe, à défaut d’être convaincante. La distinction qu’il propose entre les idées autochtones (autochtone Ideen), les idées prévalantes (überwertigen Ideen) et les représentations compulsives (Zwangsvorstellungen) est autrement plus suggestive.
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Theodor Ziehen, Psychiatrie für Ärzte und Studirende, Wreden, Berlin, 1894. Le traité sera plusieurs fois remanié ; sa troisième édition paraît en 1908 (Th. Ziehen, Psychiatrie für Ärzte und Studirende, Hirzel, Leipzig, 1908). Dans chacune des version, Ziehen, très inspiré par les théories de Wundt, tente d’appliquer les doctrines de la psychologie physiologique à la psychiatrie clinique (In dem nachfolgenden Lehrbuch habe ich versucht, die Lehren der physiologischen Psychologie [ …] auf die klinische Psychiatrie anzuwenden.) Il reprend d’autre part la classification des délires paranoïaques proposée par Werner en 1891, distingue par conséquent paranoïa aiguë et chronique, simple et hallucinatoire, et propose enfin quelques illustrations :
> Paranoïa hallucinatoire avec hallucinations angoissantes partiellement fascinatoires (mit beängstigenden z. th. Fascinirenden Hallucinationen), fig 5.
> Paranoïa simple chronique ; hallucinations isolées et idées délirantes à teneur érotique, fig 7.
> Paranoïa hallucinatoire aiguë avec stupeur, fig 9.
> Forme récurrente (recidivirende) de paranoïa aiguë avec délire de persécution, fig. 10.
1895
Sigmund Freud, lettre à Fliess du 24 janvier 1895 connue sous le nom de « Manuscrit H, Paranoïa ». Freud décrit ici un cas de délire de persécution avec sentiment d’observation. Il l’interprète comme le retour d’un souvenir infantile refoulé, et avance quelques précisions au sujet du mécanisme de projection.
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Gustave Le Bon, Psychologie des foules, Alcan, Paris, 1895
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Publication chez Asselin et Houseau, Paris des Leçons cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, données par Jules Seglas à la Salpêtrière de 1887 à 1894. Seglas est l’un des seuls en France à discuter longuement les théories allemandes de Schule, Krafft-Ebing, Kraepelin, etc., notamment au sujet de la distinction entre paranoïa aiguë et confusion primitive, paranoïa pritimitive et secondaire.
P. Keraval, « Des délires plus ou moins cohérents désignés sous le nom de paranoïa », Archives de Neurologie, 95-98, 1895
Magnan et Legrain, Les dégénérés, (état mental et syndromes épisodiques) chez Rueff et Cie, Paris
Louis Cazals, Les persécuteurs processifs : contribution à l’étude du délire des persécutions chez les dégénérés, Thèse de médecine, Faculté de Montpellier, Imp. Centrale du Midi (Hamelin frères), 1895
B. Pailhas, « Etats monomaniaques liés à une déviation de l’instinct de conservation de la propriété ; leur intérêt au point de vue médico-légal. Lu en communication au Congrès de médecins aliénistes et neurologistes de Bordeaux », Albi, Imprimerie H. Amalric, 1895.
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Carl Wernicke, « Über überwertige Ideen und unterwertige Ideen », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie n° 51, 1895
M. Friedmann, « Zur Kenntniss und zum Verständniss milder und kurz verlaufender Wahnformen », Neurologisches Centralblatt, 14. 1895. Les théories de Friedmann au sujet de la milde Paranoia (paranoïa bénigne) seront encore discutées quatre décennies plus tard par Kretschmer et Lacan, dans sa thèse de doctorat en médecine.
Merklin, « Ueber das Verhalten des Krankheitsbewusstseins bei der Paranoia » – Vortrag, gehalten auf der Wanderversammlung der nordostdeutschen psychiatrischen Vereins zu Zoppot am 30 Juli 1894, publié dans le Allgemeine Seitschrift für Psychiatrie, pp. 356-375, 1895. Dans cet article, Merklin compare les différents modes de conscience du trouble (Krankheitsbewusstsein) chez les personnes atteintes de paranoïa. Cette notion centrale de conscience du trouble (Krankheitseinsicht) fera l’objet de bien des commentaires de la part de Gaupp, qui s’efforcera d’en trouver trace chez le meurtrier de masse (Massenmörder) Wagner — mais aussi de la part de Lacan, qui dans sa thèse de doctorat propose une hypothèse permettant de rendre compte de la prise de conscience du trouble par Aimée.
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E. Hitzig, Über den Querulantenwahnsinn, seine nosologische Stellung und seine forensische Bedeutung, Leipzig, Vogel, 1895
G. Aschaffenburg, « Ein Beitrag zur Lehre vom Querulantenwahn », Zentralblatt für Nervenheilkunde und Psychiatrie, 18, pp. 57-63 (1895)
Max Köppen, de la Charité de Berlin, prononce au Congrès des Aliénistes Allemands (Versammlung Deutscher Irrenärzte), à Hambourg, un discours qui sera adapté pour publication dans les Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheiten sous le titre : M. Köppen, « Der Querulantemvahnsinn in nosologischer und forensischer Beziehung », Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheiten, 28, 1, 1895
Gerlach, « Querulantenwahn, Paranoia und Geistesschwäche», Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 52, p. 433, 1895.
1896
Les Vexatious Actions Acts ( « An Act to prevent Abuse of the process of the High Court and other Courts by the Institution of vexatious Legal Proceedings » ) sont adoptées au Royaume-Uni, puis en Écosse deux années plus hard (« Vexatious Actions (Scotland) Act 1998 »). Ils ont pour but de barrer l’accès des tribunaux aux personnes considérées comme des quérulents notoires. Le texte original stipule :
« It shall be lawful for the Attorney-General to apply to the High Court for an order under this Act, and if he satisfies the High Court that any person has habitually and persistently instituted vexatious legal proceedings without any reasonable ground for instituting such proceedings […] order that no legal proceedings shall be instituted by that person in the High Court or any other court, unless he obtains the leave of the High Court or some judge thereof, and satisfies the court or judge that such legal proceeding is not an abuse of the process of the court, and that there is prima facie ground for such proceeding. »
Il faut cependant le préciser, ces Actes furent adoptées dans un contexte particulier : ils avaient pour but de mettre un terme aux agissements vexatoires d’Alexander Chaffers, quérulent qui entre 1890 et 1896 déposa pas moins de 48 procédures en justice et tenta notamment de poursuivre le Prince de Galles, l’archevêque de Canterbury et le président de la Chambre des Communes. Pour empêcher que des poursuites en justice similaires, considérées comme infondées, n’inondent les tribunaux, les magistrats durent se doter de mesures d’interdiction toujours en vigueur aujourd’hui. [ Un article de M. Taggart est consacré à la question :, « Alexander Chaffers and the Genesis of the Vexatious Actions Act 1896», Cambridge Law Journal, 63, pp. 656-684, 2004 ]
D’autre part, les Vexatious Proceedings Acts ne firent que codifier une procédure déjà existante : dès 1887, par l’arrêt Grepe v. Loam, « la Cour d’appel anglaise avait mis en place un dispositif repris par la suite dans la plupart des pays où la procédure civile est d’origine anglaise. Le plaideur déclaré quérulent au moyen d’une ordonnance Grepe v. Loam ne peut plus instituer un recours sans l’autorisation préalable d’un juge désigné à cette fin. » (source, Y-M Morissette, « La quérulence : la quéru-quoi ? » )
A partir des années 1980, la question du vexations licitant (plaideur trop belliqueux, plaideur vexatoire, ou du point de vue psychiatrique, paranoïaque quérulent) reviendra sur le devant de la scène grâce à une série d’articles émanant aussi bien des magistrats que des psychiatres (cf. ci-dessous, notamment : Möllhoff en Allemagne, Morissette au Québec, Grant Lester pour l’Australie). Tous les débats du Law Reform Committee réuni par le Parlement d’Australie dans le cadre d’un projet de loi sur la quérulence sont disponibles en ligne ( Inquiry into vexations litigants – Hearings and Transcripts ). L’état actuel de la question de la capacité juridique en Allemagne peut être connu grâce au site dejure.org
En France, la question fait moins l’actualité, notamment parce que la législation hexagonale ne permet pas de prendre en main sa propre défense au cours d’un procès : obligation est faite de se faire représenter par un avocat. Or, il semblerait que le plaideur trop belliqueux vise exclusivement à se représenter lui-même (et, pourrions-nous dire, à ne représenter que lui). Dès lors, les tribunaux français sont moins susceptibles de devoir affronter les ardeurs des plaideurs.
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Frédéric Paulhan, Esprits logiques et esprits faux : les types intellectuels, Alcan, Paris. Au chapitre II de la seconde partie, §1 (p.270 et suivantes) Paulhan écrit : «la pathologie nous fournit, avec certains faits de délire systématisé, les cas les plus tranchés de la fausseté de l’esprit due à la prédominance d’une idée fixe et, à son avidité pour s’emparer de tout ce qu’elle peut s’assimiler». Le délire systématisé, c’est donc par excellence la perversion de la raison : une raison poussée à l’extrême, mais faussée, systématiquement égarée, qui méconnaît absolument l’esprit de saine logique…
Ballet & Roubinovitch, « Les persécutés processifs », Compte rendus de travaux présenté au IVè Congrès international d’anthropologie criminelle, publié dans les Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 36, 3, pp.458,466 (1896)
S. Soukhanov, « Contribution à l’ étude de la “paranoia inventoria“ », Annales médico-psychologiques, Paris Masson, pp.221-228 (1896)
E. Régis, « Médecine légale. Un cas de délire raisonnant de dépossession », Annales médico-psychologiques, Paris Masson, pp.229-239 (1896)
Raoul Leroy, Les persécutés-persécuteurs, Thèse, Paris, édité par Steinheil, Paris, 1896
M. Koppen. « La folie des quérulants au point de vue nosotogique et médico-légal — Compte-rendu de la discussion au Congrès annuel des médecins aliénistes allemands tenu à Hambourg les 13 et 14 décembre 1895 », Archives de neurologie, 2, 2, pp. 143-148 (1896)
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Cinquième édition du Traité de Kraepelin : Psychiatrie, Ein kurzes Lehrbuch für Studirende und Aerzte, Leipzig, J.A. Barth, 1896. Cette version marque une rupture. Kraepelin adopte en effet pour la première fois une classification basée non sur les symptômes et signes pathologiques extérieurs, mais sur l’évolution des maladies mentale (Krankheitsvorgang). L’étude de leur causes, cours (Verlauf) et état terminal (Ausgang) de chaque maladie devient déterminante. Or, un tel changement est directement lié à la volonté de Kraepelin de définir de manière plus rigoureuse la notion de paranoïa (Paranoiabegriff). Désormais, il peut en effet contourner la distinction cliniquement peu pertinente entre les maladies mentales liées à un troubles de l’intellect (Verstandeskrankheiten) et celles liées à un trouble d’ordre affectif (Gemütskrankheiten) pour mettre en exergue le rôle essentiel de la disposition pathologique constitutionnelle dans le déclenchement d’un délire de type paranoïaque, dont il distingue trois variantes : combinatoire, fantastique, et hallucinatoire.
Clemens Neisser, « Diskussion zum Querulantenwahn », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 52. 1896
Clemens Neisser, « Paranoia und Schwachsinn : Vortrag im Psych. Verein zu Berlin am 21. März 1896 », De Gruyter, 1896
J. Koch, « Die überwerthigen Ideen », Centralblatt für Nervenheilkunde und Psychiatrie, 19, (1896) pp.177-182 — suivi de « Noch einmal die überwerthigen Ideen » (p.354) et pour clore la trilogie, de « Ein drittes Mal die überwerthigen Ideen » (p.585).
M. Friedmann, « Ueber die Beziehungen der pathologischen Wahnbildüng zu der Entwickelung der Erkenntnissprincipien, insbesondere bei Naturvölkern », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 52, 2, p.393 (1896)
R. Sandberg, « Zur Psychopathologie der chronischen Paranoia », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie,52, 3, p. 619-654 (1896)
Hertz, « Wahnsinn, Verrücktheit, Paranoia ? », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie. 52, 3, p. 701. (1896)
Brassert, « Ueber secundäre Paranoia », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 52, 3, pp. 772-798 (1896)
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Sigmund Freud « Weitere Bemerkungen über die Abwehr-Neuropsychosen », Neurologisches Centralblatt, n°10, 1896 (Nouvelles remarques sur les névro-psychoses de défense), avec l’étude d’un cas de délire des persécutions et analyse du mécanisme de projection, qui empêche le reproche d’être reconnu par le sujet.
Lettre de Freud à Fliess du 1er janvier 1896, connue sous le nom de « Manuscrit K : les névroses de défense » ( in : La naissance de la psychanalyse, PUF, Paris, 1956 )
1897
Début de la publication d’une anthologie des travaux psychiatriques et neuropathologiques de Richard von Krafft-Ebing (R. v. Krafft-Ebing, Arbeiten aus dem gesammtgebiet der Psychiatrie und Neuropathologie Leipzig, Barth, 1897-1899 )
K. Kruska, « Ein Beitrag zur Lehre vom Querulantenwahn », Dissertation, Berliner Universität, Ehering, 1897
Krause, « Ueber Zustände von Verwirrtheit mit Aufregung oder Stupor im Beginne und Verlaufe der chronischen Paranoia », Monatsschrift für Psychiatrie und Neurologie, 1, pp.359-378, (1897)
J. Salgo, « Noch einmal Paranoia und Schwachsinn », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 53, , pp.897-912, 1897
Linke, « Zur Pathologie des Beachtungswahnes » Allg. Zt.. Psychiatrie 53 & 59, (1897 &1902).
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Victor Brochard, De l’Erreur, thèse pour le doctorat, Faculté des lettres de Paris (Berger-Levrault, Paris, 1879). Un contrepoint philosophiques aux théories psychopathologiques de l’époque, qui permet de resituer les hypothèses des aliénistes français au sujet du mécanisme de l’interprétation délirante.
A. Cullerre, « Une forme de délire systématisé des persécutés-persécuteurs, le délire de revendication », Annales médico-psychologiques, 5, pp. 353-368 (1897). Invention et définition, par Cullerre, du terme de « délire de revendication ».
Th. Taty & J. Toy, « Des variétés cliniques du Délire de Persécution », Annales médico-psychologiques, 5, pp. 369-383 (1897)
Ed.-Ch. Chuiton, Du délires raisonnant de dépossession, au point de vue clinique et médico-légal, Thèse, Bordeaux, Cassignol, 1897
Jean Lalanne, Les persécutés mélancoliques, (thèse), Durand, 1897
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August Strindberg, Inferno, Stockholm, Gernandt, 1897. Largement autobiographique, ce livre, écrit en français, décrit la lente descente aux enfers de l’auteur lors de son séjour à Paris. (ici, sa traduction anglaise, seule disponible sur internet : A. Strindberg, The inferno, tr. by C.Field, G.P. Putnam’s, Londres, 1913)
1898
P. Janet, Névroses et idées fixes, Alcan, Paris, Alcan, 1898
Béra, Étude sur les aliénés processifs, thèse de Paris, féculé de médecine, 1898 (avec ici deux compte-rendus, d’une part dans les Annales d’hygiène publique et de médecine légale, d’autre part dans les Archives d’anthropologie criminelle
Paul Louis Ladame,(de Genève). « Observation de paranoïaque processive, type du délire de dépossession de Régis », présentée au Congrés des médecins aliénistes et neurologistes d’Angers, 1898 — avec un compte-rendu dans les Archives de neurologie, 2, 6, p. 222, 1898.
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Th. Ziehen, « Eine neue Form der periodischen Psychosen » Monatschrift für Psychiatrie und Neurologie, 3, pp. 30-39 (1898). Avec cet article, Ziehen lance le coup d’envoi d’un long débat au sujet de la paranoïa périodique.
H. Schlöss, « Ueber die Beziehungen zwischen Melancholie und Verrücktheit », Jahrbücher für Psychiatrie und Neurologie 18, p.114 (1898)
L. Roncoroni, « Physiologische Genese der Paranoia », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 54, p. 336 (1898)
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A. Gianelli, « Sulla cosi detta paranoia acuta periodica », Rivista sperimental, di freniatria, 24, 612-625 (1898)
J. de Matos, A Paranoia, Ensaio pathogenico sobre os delirios systematisados, Livraria Editora, Tavares Cardoso & Irmao, Lisboa, 1898
1899
Sixième édition du Traité de Kraepelin, Psychiatrie, Ein kurzes Lehrbuch für Studirende und Aerzte, Leipzig, J.A. Barth, 1899. Il s’agit d’un moment-clé dans l’histoire de la paranoïa, car pour la première fois Kraepelin sépare de manière radicale les délires hallucinatoires des délires combinatoires (sans hallucinations). Seuls les délires sans hallucinations seront désormais considérés par lui comme des délires paranoïaques. Quant aux formes hallucinatoire et fantastique, il les qualifie de paranoïdes et les ranges parmi les cas de démence précoce (catégorie qui recouvre approximativement la future schizophrénie de Bleuler, dont existait déjà une variante paranoïde). A défaut de naître à cette date, l’opposition entre délires paranoïaques (non hallucinatoires) et délires paranoïdes (hallucinatoires) est ainsi significativement renforcée.
W. von Bechterew « Ueber periodische acute Paranoia simplex als besondere Form periodischer Psychosen » Monatsschrift für Psychiatrie und Neurologie, V, 5, 1899.
Max Köppen, « Über die periodische Paranoïa », Neurologisches Zentralblatt, 18, p. 434 (1899)
M. Naef-Zürich, « Zur neueren Literatur über die Psychopathologie des Paranoia », Zeitschrift für Hypnotismus, Psychotherapie sowie andere psychophysiologische und psychopathologische Forschungen,8, pp. 84-105, (1899)
1900
Ducasse & Vigouroux, « Du délire systématisé », Revue de Psychiatie (médecine mentale, neurologie, psychologie), 1900
F. Meschede, « De la paranoïa périodique — XIII° Congrès international de médecine tenu à Paris du 2 au 9 août 1900 » [ Imprimerie Nationale, 1901 ]
Marandon de Monteyel, « De la genèse des conceptions délirantes et des hallucinations dans le délire systématisé », Gazette des hôpitaux, n°64, 1900
Régis, « Etude médico-légale sur Rousseau », Chronique Médicale, fév-juill.1900
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Carl Wernicke, Grundriss der Psychiatrie in klinischen Vorlesungen, Thieme, Leipzig, 1900.
F. Skierlo. Ueber periodisehe Paranoia. J.-D. Königsbergs. Pr.; 1900.
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1901
Gustav Specht, Über den pathologischen Affekt in der chronischen Paranoia, Deichert, 1901
Emil Kraepelin, Einführung in die psychiatrische Klinik : Dreissig Vorlesungen, Barth, Leipzig, 1901
Theodor Ziehen, « Ueber die Affektstörung der ‘‘Ergriiffenheit’’ bei akuten Psychosen », Monatschrift für Psychiatrie und Neurologie, 10, pp.310-320 (1901)
Schoenthal, « Uber die akute halluzinatorisehe Verwirrtheit » Neurologisches Centralblatt, p. 733, 1901
Margulies, « Die primäre Bedeutung der Affekte im ersten Stadium der Paranoia », Monatschrift für Psychiatrie und Neurologie, 10, p.265-288 (1901)
Freyberg, « Ein Fall chronischer Paranoia mit Ausgang in Heilung » Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 68, p.29 (1901)
Ernst Meyer, « Beitrag zur Kenntniss des inducirten Irreseins und des Querulantenwahns », Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheit, 34, 1, pp. 181-224 (1901)
Pilcz, Die periodischen Geistesstörungen, Klinische Studie, Fischer, Jena, 1901.
1902
E. Mendel, Leitfaden der Psychiatrie, Enke, Stuttgart, 1902
T. Tiling, « Zur Paranoiafrage », Psychiatrische Wochenschrift, 43, pp. 432-435 (1902)
A. Cramer, « Krankhafte Eigenbeziehung und Beachtungswahn », Berliner klinische Wochenschrift, 39, pp. 559-560 (1902)
E. Bleuler, « Über periodischen Wahnsinn », Psychiatrisch-neurologische Wochenschrift, 4, 11, pp. 121-127, 1902
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Fohel & Mahaim, Crimes et anomalies mentales, Genève, Kündig, 1902 — avec la description d’un délire de quérulence, pp.75-131
A. Portemer, De l’érotomanie au point de vue médico-légal, thèse, Faculté de médecine de Paris, 1902 ( publié chez Rousset la même année )
1903
Daniel Paul Schreber, publie ses mémoires : Denkwuerdigkeiten eines Nervenkranken, Mutze, Leipzig 1903 (ici, quelques chapitres de la traduction française : Mémoires d’un névropathe, et d’autre part la traduction anglaise qu’en donnent Hunter & Macalpine : Memoirs of My Nervous Illness). Suite à l’analyse qu’en donne Freud dans son texte de 1911 (voir cette date), les Mémoires du Président Schreber gagnent le statut de texte de référence : au cours du XX° siècle, les psychanalystes ne se lasseront jamais de faire retour vers ce texte fondateur, tant et si bien que pour désigner l’ensemble des travaux consacrés à cette oeuvre, on parle aujourd’hui du champ des Schreber studies. Inutile de dire que cette discipline a, comme les autres, ses spécialistes.
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Traité de pathologie mentale, publié sous la direction de M. Gilbert Ballet, par MM. D. Anglade, F.-L. Arnaud, H. Colin,. E. Dupré, A. Dutil, J. Roubinovitch, J. Séglas, Ch. Vallon.
Casimir Fraysse, Contribution à l’étude du délire à deux, impr. de Marqués, Toulouse)
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J. Berze, Ueber das Primarsymptom der Paranoia,,Carl Marhold, Halle, 1903
E. Schultze « Zur Paranoifrage », Deutsche mediz. Wochenschrift, 3, p.793 (1903)
H. Schneider, « Beitrag zur Lehre von der Paranoia », Allg. Zeitschrift für Psychiatrie, 60, p.65 (1903)
F. Jolly, « Degenerationspsychose und Paranoia », Charité-Annalen, 27, pp. 465-476, 1903
A. Rüdin, « Eine Form akuten halluzinatorischen Verfolgungswahns in der Haft ohne spätere Weiterbildung des Wahnes und ohne Korrektur», Allg. Zeitschrift für Psychiatrie, 60, 6, p.852 (1903)
Septième édition du Traité de Kraepelin (Psychiatrie, Ein kurzes Lehrbuch für Studirende und Aerzt, Leipzig, J.A. Barth, 1903-1904.
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1904
O. Binswanger & E. Siemerling, Lehrbuch der Psychiatrie, Fischer, Jena, 1904
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Tissot et Briand, « Aliénés délirants processifs. Communication présentée à la Société de Médecine légale de France, mai 1904 », Bulletin de la Société de médecine légale de France, 36, 2, 1, pp. 121-136 – Daix frères, Clermont, 1904
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1905
Ernest Dupré, La Mythomanie, étude psychologique et médico-légale du mensonge et de la fabulation morbides (publié chez Gainche, Paris, après avoir paru dans le Bulletin médical n.23, 25 et 27). A l’origine de cet ouvrage : une série de cours de psychiatrie médico-légale donnés par Dupré aux élèves de la Faculté de Médecine de Paris.
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Seiffer, « Acute recidivirende hallucinatorische Paranoia », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 62, pp.838-839 (1905)
O. Mönkemöller : « Zur Lehre von der periodischen Paranoia », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 62, pp.538-567 (1905)
L. Weber, « Chronische Paranoiker in verwaltungs- , straf- und zivilrechtlicher Beziehung » Allg. Zt. f. Psychiatrie, 62, pp.1-30 (1905)
Gierlich, « Ueber periodische Paranoia und die Entstehung der paranoischen Wahnideen », Archiv für Psychiatrie, 40, pp.19-40 (1905)
G. Specht, « Chronische Manie und Paranoia », Zentralblatt für Nervenheilkunde und Psychiatrie, 28, pp. 590–597 (1905),
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N. Yennaropoulos, « Analyse de quelques cas de folie quérulente », Thèse de Genève, Faculté de médecine, 1905
Édouard Claparède, « La psychologie judiciaire », L’année psychologiques, 12, 1, pp. 275-302 – 1905. Quelques paragraphes consacrés à la question des quérulents processifs.
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Edward B. Lane, « Litigious insanity, with report of a case », American Journal of Psychiatry, 59, pp. 279-290 (1902) — avec ici un très sommaire compte-rendu, paru trois ans plus tard dans les Annales médico-psychologiques, 1, p. 474,1905
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1906
Eugen Bleuler, Affectivität, Suggestibilität, Paranoia, Halle, Marhold (ici, faute de trouver mieux en ligne, sa première traduction anglaise). Bleuler y critique les théories de Specht portant sur le rôle de l’affect d’angoisse dans la genèse du délire des persécutions, ce qui ne l’empêche pas de reconnaître part affectuelle du délire.
Th Ziehen, « Seltene Fälle des periodischen und zirkulären Irreseins », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 63, p760 (1906)
Kreuzer, « Spätgenesungen », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 57, p. 771, 1906
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Léon Brédif, Du caractère intellectuel et moral de J.J. Rousseau, Hachette, 1906. Au cours des années qui suivent, Jean-Jacques est l’objet de toutes les attentions : Lemaître publie une étudie qui lui est consacrée (Jean-Jaques Rousseau, Calman-Levy, Paris, 1907) tandis que Sérieux et Capgras, dans Les Folies Raisonnantes, (1909, Alcan) analysent dans le détail sont délire des persécutions. Dide, enfin, mentionne son « cas » dans les Idéalistes Passionnés (1921).
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1907
K. Heilbronner : « Hysterie und Querulantenwahn : ein Beitrag zur Paranoiafrage », Zentralblatt für Nervenheilkunde und Psychiatrie, 30, 1907, p.769-784
K. Wilmans, « Zur Differentialdiagnostic der funktionellen Psychosen », Zentralblatt für Nervenheilkunde und Psychiatrie, 30, p.569 (1907)
G. Specht, « Über den Angstaffekt im manisch-depressiven Irresein. Ein Beitrag zur Paranoiafrage », Zentralblatt für Nervenheilkunde und Psychiatrie, 30, pp. 529–533 (1907),
Boege, « Die periodische Paranoia. Eine kritische Studie zur Paranoiafrage », Archiv für Psychiatrie & Nervenkrankheit, 43, 1, pp. 299-343 (1907)
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1908
Gaëtan Gatian de Clérambault, « La passion érotique des étoffes chez la femme » Archives d’anthropologie criminelle, 1908
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J. Saussol, Contribution à l’étude de la criminalité chez les aliénés processifs, Thèse de médecine, Faculté de Toulouse, 1908
Tissot et Briand, « Aliénés processifs non délirants », publié chez Daix frères et Thiron, Clermont, 1908
H. Nouet, « Les persécutés-persécuteurs processifs. Considérations médico-légales », Annales médico-chairgicales du Centre, 12 janvier 1908, p.13 — compte-rendu dans les Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 4, 9,(1908)
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G. Specht, « Über die klinische Kardinalfrage der Paranoïa », Zentralblatt für Nervenheilkunde und Psychiatrie, 31, pp. 817-833 (1908). Dans ce texte essentiel et très controversé, Specht propose de subordonner le groupe des paranoïas à celui des psychoses maniaco-dépressives. Il considère en effet que des états affectuels mixtes (Mischzustände) sont à l’origine des délires de type paranoïaque : le même phénomène qui, chez l’individu en proie à la maniaco-dépression, est cause d’un balancement entre périodes d’exaltation et périodes mélancolie, serait cause du fait que le paranoïaque ne cesse de balancer entre délire de grandeur (Grössenwahn) et délire de persécution (Verfolgungswahn).
La même année, lors d’une séance du Deutscher Verein für Psychiatrie, Eugen Bleuler a pour la première fois recours au terme de schizophrénie. La même année, il publie dans l’ Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie «Die Prognose der Dementia praecox (Schizophreniegruppe)».
Thomsen, « Wahnbildung und Paranoia », Med. Klinik, August 1908 (1908)
E. Kraepelin, «Zur Entartungsfrage », Zentralblatt für Nervenkrankheit und Psychiatrie, 31, pp.745-751 (1908)
A. Petren, « Über Spätheilung von Psychosen », Nordiskt Medicinskt Arkiv, 41, 6, pp. 209-227, 1908
1909
P. Sérieux & J. Capgras, Les folies raisonnantes – le délire d’interprétation, Alcan, Paris, 1909. Partant du constat que le terme de délire systématisé demeure trop vague et imprécis, Paul Sérieux et Joseph Capgras tentent dans cette oeuvre (qui demeure aujourd’hui encore un classique du genre) de mettre en évidence un délire construit sur la base d’interprétations délirantes (raisonnements faux consistant inductions ou déductions erronées, sur la base de sensations réelles ou de faits exacts), avec hallucinations rares, conservations de la lucidité et extension progressive sans démence terminale. Le dernier chapitre est consacré à l’étude du délire d’interprétation dans certaines oeuvres littéraires, et plus particulièrement chez Jean-Jacques Rousseau et Auguste Strindberg.
Gaëtan Gatian de Clérambault, « Première conception d’un automatisme mental générateur de délire » (in : Œuvres Psychiatriques, tome 2 chapitre 1) — —> (au sujet de l’automatisme mental chez Clérambault, cf 1924, «Définition de l’automatisme mental.» )
L. Libert, La folie de Don Quichotte: un cas littéraire de délire d’interprétation, Paris, Steinheil, 1909.
- Après avoir montré l’influence sur la société espagnole des romans de chevalerie et exposé, d’après la critique moderne, les sources de l’oeuvre de Cervantes, nous publierons l’observation de Don Quichotte et de Sancho Panza et nous accorderons à cette double observation la plus large place, parce qu’elle nous aidera à mieux comprendre la pensée des littérrateurs et des psychiatres qui se sont occupés du noble hidalgo, et surtout parce qu’elle sera la pierre sur laquelle nous échaffauderons notre conception nouvelle de la psychose de Don Quichotte.
C. Vallon, Délire de persécution. Délire chronique à base d’interprétations, thèse de Paris, Ballière, 1909
Xavier Francotte, Les processifs, Imprimerie médicale L. Severyns, 1909
Pierre Janet, Les névroses, Flammarion, Paris, 1909
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Thomsen, « Die akute Paranoia. », Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheiten, 45, 3, pp. 803-936 (1909). Dans cet article Thomsen prend position en faveur de l’existence d’une paranoïa aiguë à déclenchement soudain, avec élaboration d’un délire systématisé et disparition rapide soldée par une guérison complète. Que l’on soit ou non en présence d’hallucinations, de troubles d’ordre affectif ou d’atteintes psycho-motrices est selon Thomsen d’ordre tout à fait secondaire. En 1911, un article de Kleist (Die Streifrage der akuten Paranoia) se proposera cependant de réfuter point par point les théories de Thomsen (voir cette date).
Huitième édition du Traité de Kraepelin, Psychiatrie, Ein kurzes Lehrbuch für Studirende und Aerzte, Leipzig, J.A. Barth, 1909 La publication échelonnée des quatre volumes ne sera achevée qu’en 1915. La paranoïa y est toujours considérée comme une affection constitutionnelle (non endogène); délires des persécutions, délires de jalousies, délires de grandeur (formes érotomaniaques, religieuses et revendicatrices) s’opposent donc d’une part aux paraphrénies (nouveau groupe autonome qui permet à Kraepelin d’isoler les délires paranoïdes endogènes anciennement considérés comme des cas démences précoces) d’autre part aux délires de quérulence (que Kraepelin exclut du cadre de la paranoïa proprement dite dans la mesure où ils s’avèrent plus psychogènes que constitutionnels).
1910
L. Lévy-Bruhl, Les fonctions mentales dans les sociétés inférieures, Paris, PUF, 1910
Jacques Roubinovitch, Aliénés et anormaux, Alcan, Paris,, 1910. Réunion d’articles publiés dans les plus prestigieux journaux de la Belle Epoque (le Matin, le Temps, la Revue des Deux Mondes, le Bulletin Medical ). Résultat : un triste musée des horreurs, avec 63 gravures dans le texte.
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P. Sérieux & J. Capgras, « Le délire d’interprétation et la folie systématisée », L’année psychologique, 17, pp. 251-269 (1910)
Charles Blondel, « Paranoïa et hallucinations», Communication à la Société de Psychiatrie de Paris, avril-mai 1910. Compte-rendu dans les annales médico-psychologiques, 12, pp. 461-463 (1910)
G. Dromard, « L’interprétation délirante », Journal de Psychologie, de Neurologie et de Médecine mentale, juil. 1910, pp. 332-366 (1910)
Trénel, « Note sur la question de la paranoïa aiguë », Annales médico-psychologiques, 12, pp. 446-453 (1910)
E. Dupré & P. Kahn, « Manie intermittente et paranoïa quérulente », présentation de malade, Annales médico-psychologiques, 11, p. 489 (1910)
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Karl Jaspers, « Eifersuchtswahn. Ein Beitrag zur Frage, Entwicklung einer Persönlichkeit oder Prozess ? », Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 1, 1, pp. 567-637 (1910)
O. Wilmans, « Zur klinische Stellung der Paranoia » Zentralblatt für Nervenheilkunde und Psychiatrie, 33 (1910)
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M. Löwy, « Beiträge zur Lehre von Quärulentenwahn », Sonder-Abdruck aus Zentralblatt fiir Nervenheilkunde und Psychiatric, 21, pp. 81-97 (1910)
J. Karl, « Hypomanie und Querulantenwahn », Vierteljahrschrift für gerichtliche Medizin und öffentliche Sanitätswesen, 3, 39, 1, 1910 — publié chez Schumacher, Berlin, la mime année
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1911
Sigmund Freud, « Psychoanalytische Bemerkungen über einen autobiographisch beschriebenen Fall von Paranoia (Dementia paranoides)», Jahrbuch für psychoanalytische und psychopathologische Forschungen. 3, 1, pp. 8-68 (1911). Texte fondateur dans lequel Freud propose son analyse des Mémoires du Président Schréber.
Sandor Ferenczi, « Über die Rolle der Homosexualität in der Pathogenese der Paranoia », Jahrbuch für psychoanalytische und psychopathologische Forschungen. 3, 1, pp. 120-144 (1911)
P. Bjerre, « Zur Radikalbehandlung der chronischen Paranoia », Jahrbuch für psychoanalytische und psychopathische Forschung, 3, 2, pp. 795-847 (1911). Compte-rendu de l’une des toutes premières cures psychanalytiques de la paranoïa : un traitement « radical »… !
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K. Kleist « Die Streifrage der akuten Paranoia Betrag zur Kritik der manisch-depressiven Irreseins » Zeitschrift für die gesamte Neurologie u. Psychiatrie, 5, 1, pp. 366-387 (1911). Dans cet article, Kleist réfute point par point les théories que Thomsen défendait en 1909 (> voir cette date) au sujet de la paranoïa aiguë. Il montre que sur 24 cas cas de délire aiguë amenés en exemple par ce dernier, aucun n’est à proprement parler un cas de délire paranoïaque : la paranoïa aiguë de Thomsen ne serait donc pas une paranoïa !
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G. Dromard, « Le délire d’interprétation», Journal de Psychologie, de Neurologie et de Médecine mentale, 8, pp. 289-303 (1911)
1912
Eugen Bleuler, « Dementia Praecox oder Gruppe der Schizophrenien », in G. Aschaffenburg, Handbuch der Psychiatrie, Leipzig-Wien, Deuticke, 1912. Bleuler propose de renommer schizophrénie les démences précoces de Kraepelin. Le terme est promis à un brillant avenir, tout comme la distinction entre délire paranoïaque et délire schizophrénique.
Kraepelin, « Über paranoide Erkrankungen », Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 11, 1, pp. 617-638 (1912)
S. Grebelskaja, « Psychologische Analyse eines Paranoiden », Jahrbuch für psychoanalytische und psychopathologische Forschungen, 4, 1, p. 116-140 (1912)
H. Oppenheim, « Zur Frage der Genese des Eifersuchtswahnes » , Zentralblatt für Psychoanalyse, 2, 2, p. 67-77 (1912)
H. Maier, « Über katathyme Wahnbildung und Paranoia », Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 13, 1, pp. 555-610 (1912)
A. Hoche, « Die Bedeutung der Symptomenkomplexe in der Psychiatrie » Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 12, pp. 540-551, 1912
H. Krueger, « Über Paranoia hallucinatoria », Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 12, 1, pp. 510-521 (1912)
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M. Beauchant, « Homosexualität und Paranoia », Zentralblatt für Psychoanalyse, 2, 4, pp.174-176 (1912)
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C. Rougé, « Les processifs », Annales médico-psychologiques, 1, pp. 667-685, (1912)
P. Soum, Sur une association de la folie intermittente et de la paranoïa, thèse, Bordeaux, 1912
1913
Maurice Dide, Les idéalistes passionnés, Alcan, Paris, 1913. Dide, le premier, propose dans cette oeuvre de regrouper certaines psychoses dans la catégories des psychoses des idéalistes passionnés. Les psychoses des idéalistes passionnés se distinguent des délire d’interprétationdans la mesure où les seconds sont basés sur un jugement rationnel, les premières basées sur un jugement affectif. L’axe autour duquel elles viennent cristalliser est l’idéalisme, le sentiment est chaque fois le même. C’est donc une même tendance qui se ramifie en plusieurs directions, à savoir : l’idéalisme de l’amour (amour idéaliste profane et mystique), l’idéalisme de la bonté (réformes religieuses, réformes sociales, amour de la nautre), l’idéalisme de la bonté et de la justice aboutissant dans la cruauté (avec étude différentielle et singularisation des cas de Gabriele d’Annunzio, Torquemada, Calvin, Robespierre et Marat).
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Karl Jaspers, Allgemeine Psychopathologie, Heidelberg, 1913. Ce qui rend la Psychopathologie général de Jaspers particulièrement digne d’intérêt, est qu’il ne s’agit en aucune manière d’un manuel de psychiatrie qui se contente d’énumérer une série de troubles élémentaires puis d’isoler certains syndromes ou entités nosographiques. Jaspers se propose au contraire de définir de manière aussi claire que possible les termes, concepts et notions auxquels la psychiatrie de son époque a recours — au besoin pour les critiquer, parfois pour proposer de nouvelles distinctions. L’abord est donc philosophique ; il se révèle extrêmement fécond. Des précisions essentielles sont données au sujet d’un trio de termes fort problématiques : Entwicklung, Reaktion, Prozess. Ces termes renvoient aux notions de développement morbide d’une personnnalité, réaction à une expérience vécue, et processus psychique — la question étant de savoir quel est le rôle de chacun de ces trois éléments dans l’étiologie d’un délire paranoïaque.
K. Kleist, « Die Involutionsparanoia », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 70, pp. 1–134 (1913)
C. v. Hösslin, « Die paranoiden Erkrankungen », Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 18, 1, pp.363-386 (1913)
E. Stransky, « Die paranoiden erkrankungen : Beiträge zur neueren entwicklung ihrer klinik» Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 18, 1, pp. 387-416 (1913)
H. Krueger, « Beiträge zur Klinik der Paranoia » Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 20, 1, pp.116-152 (1913)
F. Hartmann, « Anhang zur Referat über Kranksinnigen Statistik : Über “psychopathologische Symptomenkomplexe” », Jahrbuch f. Psychiatrie & Neurol., 34, — Leipzig & Wien, Deuticke, 1913
Golla, « Paranoische Zustandsbilder beim manisch-depressiven Irresein », Referat, Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 70 (1913)
Schnizer: « Die Paranoifrage. Referat über die Paranoialiteratur der letzten 20 Jahre ». Zeitschrift für die gesammte Neurologie und Psychiatrie, 8, 313, p.115 (1913)
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E. Hitschmann, « Paranoia, Homosexualität und Analerotik », Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse, 1, 3, pp. 251-254 (1913)
E. Hitschmann, « Svedenborgs Paranoia », Zentralblatt für Psychoanalyse, 3, 1, pp.32-36 (1913,)
C.R. Payne « Some Freudian Contributions to the Paranoia Problem », Psychoanalytical Review, 1 (pp.76-93 ; 445-451 ; 308-321 ; 187-202) & 2 (93-101 ; 200-202 ; 308-321) 1913 – 1915
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1914
Charles Blondel La conscience morbide, essai de psychopathologique générale, Alcan, Paris, l914
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Sandor Ferenczi, « Einige klinische Beobachtungen bei Paranoia und Paraphrenie » Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse, 2, 1, pp. 12-17 (1914)
F.M. Shockley, M.D. « The Role of Homosexuality in the Genesis of Paranoid Conditions », Psychoanalytical Review,1, pp. 431-438 (1914)
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H. Willige, « Ueber akute paranoische Erkrankungen », Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheiten, 54, 1, pp. 121-210 (1914)
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B. Glueck, « The Forensic Phase of Litigious Paranoia », Journal of the American Institute of Criminal Law and Criminology, 5, 3, pp. 371-386, 1914
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1915
Sigmund Freud, « Mitteilung eines der psychoanalytischen Theorie widersprechenden Falles von Paranoia », Internationale Zeitschrift für Ärztliche Psychoanalyse, 3, 6, pp.321-329 (trad. française : Communication d’un cas de paranoïa en contradiction avec la théorie psychanalytique)
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D. Schnizer « Zur Paranoïafrage», Zeitschrift für die gesammte Neurologie und Psychiatrie, 28, 1, pp.115-137 (1915)
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1916
E. Bleuler, Lehrbuch der Psychiatrie, Springer, Berlin, 1916. De manière un peu anachronique, Bleuler continue d’utiliser comme synonymes les termes de Paranoia et de Verrücktheit. Il indique que la clinique donne rarement l’occasion d’observer des paranoïaques, et commence par donner des exemples de délire de persécution, de quérulence et de grandeur. L’essentiel, dans la Paranoia, dit-il, est l’existence d’un délire chronique, constitué d’un agencement d’idées délirantes possédant des connexions logiques entre elles et ne se contredisant pas mutuellement. Il reconaît l’existence du délire de jalousie et du délire de quérulence, et mentionne également dans un autre chapitre une variété paranoïde de la schizophrénie.
1917
Hermann Krueger, Die Paranoia, Berlin, Springer, 1917. Dans cette mnographie, Krueger indique que la Paranoia provoque ni une transformation ni une destruction complète de la personnalité, bien qu’elle apparaisse sur le terrain d’une prédisposition constitutionnelle empêchant un développement sain. Sous l’influence d’affects mêlés – traductions sensibles d’un processus morbide sous-jacent – une distortion du rapport à la réalité extérieure doit, selon l’auteur, apparaître et s’aggraver, provoquant des conflits chroniques entre le malade et autrui
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1918
Ernst Kretschmer, Der sensitive Beziehungswahn, ein Beitrag zur Paranoiafrage und zur psychiatrischen Charakterlehre, Springer, Berlin, 1918 (traduction française : Paranoïa et sensibilité, Imago Mundi, Monfort, 1918). Pour Kretschmer, l’enjeu de cette oeuvre est double. D’abord, isoler sur la base de nombreuses observations cliniques une nouvelle entité morbide qu’il propose de nommer délire de relation des sensitifs (sensitive Beziehungswahn) et distingue d’une part des névroses de compulsion (Zwangsneurose) d’autre part des états paranoïaques systématisés. En second lieu, découvrir les conditions d’apparition de ce type de délire, ce qui suppose de faire la part des choses entre les facteurs étiologiques endogènes (hérédité, constitution psychopathique, base de caractère sensitif), l’influence du milieu et la valeur traumatique d’une expérience vécue (Erlebnis) qui fait office de déclencheur. A terme, Kretschmer proposer donc de mettre en évidence la triade (Trias) : caractère, expérience, milieu.
W. Gutsch, « Beitrag zur Paranoia-Frage » Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 38, 1, pp.286-321 (1918)
M. Kaplan, « Der Beginn eines Verfolgungswahns », Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse, 4, 6, pp.330-331 (1918)
G. Eisath, « Paranoider Symptomenkomplex und manisch-depressives Irresein », Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 41,1 , pp. 229-289 (1918)
Emil Kraepelin, Hundert Jahre Psychiatrie, Berlin, Springer, 1918
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Benon & H. Luneau, « Blessure de guerre et délire de revendication », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 4, 29, pp. 182-192 (1918)
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1919
E. Kahn : « Psychopathen als revolutionäre Führer » (Les psychopathes : Révolutionnaires et Meneurs d’hommes), Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 52, 1, pp.90-106 (1919)
E. Kahn « Referat uber den sensitiven Beziehungswahn and die mehrdimensionale Diagnostic Kretschmers », Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 20, 1, pp. 69-86 (1919)
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1920
Gaëtan Gatian de Clérambault, « Automatisme mental et scission du moi. Présentation de malade » 1920 (in : Œuvres Psychiatriques, tome 2 chap. 2)
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Robert Gaupp, « Der Fall Wagner. Eine Katamnese, zugleich ein Beitrag zu der Lehre von der Paranoia » Zeitschrift für die gesammte Neurologie und Psychiatrie, 60, 1, pp.312-327 (1920). Dans cet article, Gaupp tente de décrire l’évolution de la paranoïa chronique systématique du meurtrier de masse Wagner après l’internement de ce dernier. Bien qu’il soutienne que la paranoïa soit conséquence du développement d’une personnalité pathologique (Fortentwicklung einer patholosicchen Persönlichkeit), il note que Wagner reconnaît rétrospectivement le caractère délirant des persécutions dont il a, de longues années durant, cru être victime. Il y aurait donc possibilité d’atteindre à une prise de conscience partielle du trouble paranoïaque, qui en l’absence de traces de démence et de généralisation du délire demeure circonscrit. Et pourtant, Gaupp souligne que Wagner ne peut s’empêcher d’être dans une certaine mesure toujours victime de son délire. Plus inquiétant encore : tout en reconnaissant l’innocence des personnes qu’il a massacrées, il déclare n’éprouver aucun remords pour les meurtres commis.
H. Biekel, « Über affektive und intellektuelle Wahnideen. Eine pathopsychologische Studie », Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 58, 1, pp.94-132 (1920)
E. Kahn « Noch einmal Polemisches zu Kretschmers sensitivem Beziehungswahn », Zeitschrift für die gesammte Neurologie und Psychiatrie, 57, 1, pp. 257-258 (1920)
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Rudolg Schmidt, Querulantenwahn oder Verschrobenheit, Inaug. -Dissertation-Rheinische Friedrich-Wilhelms-Universität zu Bonn — Kendler, 1920
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1921
Paul Guiraud, « Les formes verbales de l’interprétation délirante », Annales Médico-Psychologiques, 1, pp.395-412 (1921)
G. G. de Clérambault, « Érotomanie pure, érotomanie associé (présentation de malade)», Bulletin de la Société Clinique de Médecine Mentale, juil. 1921, p.230
- « Les délires passionnels. Érotomanie, Revendication, Jalousie » Bulletin de la Société Clinique de Médecine Mentale février 1921. Au sujet de ce texte, Clérambault écrira deux ans plus tard (in : « Ce qu’il faut entendre par passion lorsqu’on parle de délires passionnels ») : « C’était la premiere fois à ma connaissance que le Mécanisme Passionnel était donné comme le générateur commun de psychoses diverses, que l’épithète Passionnel apparaissait comme terme classificateur et que les délires susdits étaient groupés. » Attention, cependant : le premier soin de Clérambault est de préciser que délires passionnels et délires interprétatifs doivent être soigneusement distingués : les délires interprétatifs ont pour base le caractère paranoïaque (…) se développent en tous sens. La personnalité globale du sujet est en jeu, le sujet n’est pas excité ; les concepts sont multiples, changeants et progressifs, l’extension se fait par irradiation circulaire, l’époque de début ne peut être déterminée(etc.). Quant aux syndromes passionnels, ils se caractérisent pas leur pathogénie, (…) leurs mécanismes idéatifs, leur extension polarisée, leur hypersthénie, (…) la mise en jeu initiale de la volonté, la notion de but, le concept directeur unique, la véhémence, les conceptions complètes d’emblée, une allure revendicatrice commune (etc.). Il n’empêche que, selon les classifications françaises contemporaines, délires interprétatifs de Sérieux et Capgras et délires passionnels de Clérambault (érotomanie, jalousie, revendication) sont regroupés sous la bannière commune de délires paranoïaques.
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Ernst Kretschmer, Körperbau und Charakter, Untersuchungen zum Konstitutionsproblem und zur Lehre von den Temperamenten, Berlin, Springer, 1921. Kretschmer commence ici par dégager trois types morphologiques, ou morphotypes (expression qui ne traduit qu’approximativement le terme de Körperbau) : le pyknique, le leptosome et l’athlétique. Il les corrèle ensuite à huit tempéraments (cyclothyme, schizothyme, épileptoïde…) et dans son introduction déclare que ces huit types de tempéraments peuvent produire (ergeben) le riche spectre d’un jeu de couleurs d’âmes (ein reiches Spektrum seelischen Farbenspiels). Kretschmer précise néanmoins que cette approche ne doit pas servir à répartir (einteilen) les êtres humains en diverses catégories, mais bien plutôt à les caractériser au mieux, en prenant compte de la totalité psychophysique (psychophysischen Ganzheit) qu’ils constituent.
Robert Gaupp, « Die dramatische Dichtung eines Paranoikers über den “Wahn” », Zeitschrift für die gesammte Neurologie und Psychiatrie, 69, 1, pp. 182-198 (1921). Gaupp présente et analyse ici les écrits du meurtrier de masse Wagner. Son étude porte plus particulièrement sur une pièce de théâtre intitulée Wahn (Délire) dont le protagoniste principal est sur le roi de Bavière Ludwig II (déclaré aliéné mental et interné au château de Berg en 1886). Laissant ouverte la question de l’intérêt littéraire de ce texte, Gaupp le considère comme un essai d’Einfühlung (entrée en empathie) d’un paranoïaque (Wagner) dans la psychologie d’un autre paranoïaque (Ludwig II), qui éclaire selon lui la logique du délire.
E. Kahn, « Zur Frage des schizophrenen Reaktionstypus », Zeitschrift für die gesammte Neurologie und Psychiatrie, 66, 1, pp.273-282 (1921)
P. Schilder, « Zur Theorie der Entfremdung der Wahrnehmungswelt ». Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 76, p.487 (1921)-
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1922
Lucien Lévy-Bruhl, La mentalité primitive, Paris, PUF, 1922
F. Achille-Delmas, La personnalité humaine, Flammarion, Paris, 1922
J. Capgras, J. Reboul-Lachaux, « L’illusion des “sosies” dans un délire systématisé chronique », Bulletin de la Société clinique de médecine mentale, 1923, 11, pp. 6-‐16. Première description rigoureuse de ce qui sera rapidement connu sous le nom de syndrôme d’illusion des sosies, ou syndrôme de Capgras : « Le 3 juin 1918, Mme M. va dénoncer au Commissariat de son quartier, la séquestration d’un grand nombre de personnes, d’enfants surtout, dans le sous-‐sol de sa maison et de tout Paris[…]. Idées de persécution. […]. Ses ennemis agissent par vol, empoisonnement, c’est banal; par substitution d’enfants, par disparition de personnes, par transformation corporelle, ce qui est moins fréquent. […] Elle a deux ou trois sosies qu’elle connaît […].Ses enfants ont été aussi l’objet de substitutions […]. Son véritable mari a été assassiné et les « messieurs » qui viennent la voir sont des « sosies » de son mari ; elle en a compté au moins quatre-‐vingts[…].Mais les disparitions débordent largement le milieu familial pour s’étendre à sa maison, eu monde entier, et spécialement à Paris […]. Sous Sainte-‐Anne est un enfer où sont enfermés de nombreux médecins. A Maison-‐ Blanche tout le monde – ou presque-‐ a des sosies. « C’est incroyable la comédie qui se jour avec les sosies [ …]. Le défilé n’arrête pas. Les sosies succèdent aux sosies […].»
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Sigmund Freud, « Über einige neurotische Mechanismen bei Eifersucht, Paranoia und Homosexualität », Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse, 8, 3, pp.249-258 (1922). En 1932 paraîtra dans la Revue française de psychanalyse, tome 5, 3, pp. 391-401, la traduction par Jacques Lacan de cet article de Freud, sous le titre : « De quelques mécanismes névrotiques dans la jalousie, la paranoïa et l’homosexualité ».
O. Berkeley-Hill, « A Case of Paranoid Dissociation », Psychoanalytical Review, 9, pp. 1-27 (1922)
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Ludwig Binswanger, Einführung in die probleme der allgemeinen Psychologie, Springer, Berlin, 1922
Kehrer, « Erotische Wahnbildungen sexuell unbefriedigter weiblicher Wesen », Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 65, 1, pp.315-385 (1922)
T.A. Geier, « Zur lehre von der Paranoia », Arch. f. Psychiatrie u. Nervenkrankheiten. 79, 1, pp. 180-192 (1922)
K. Wilmanns, « Die Schizophrenie », Zeitschrift für Neurologie und Psychiatrie, 78, 1, pp. 325-372, 1922. Directeur de la Psychiatrische Universitätsklinik Heidelberg, Wilmanns s’oppose à la séparation radicale, opérée par Kraepelin, entre délires paranoïaques et schizophrénies.
1923
Année faste pour Gaëtan Gatian de Clérambault :
- « Les psychoses hallucinatoires chroniques. Présentation de malades » (in : Œuvres Psychiatriques, t. 2). Clérambault propose ici, entre autres choses, une définition du délire dogmatique(constructions théologiques, philosophique, religieuse à mi-chemin entre idéation ‘scientifique’ et idéation ‘mystique’) suivie d’une description de psychoses à base d’automatisme mental qui lui permet d’affiner la définition de cette dernière notion. Il précise d’autre part que, dans sa conception des choses, paranoïa et délires interprétatifs sont nettement distincts : le délirant interprétatif diffère du paranoïaque en tant que le premier a recours à des modes de pensée non normaux, demeure hésitant quant à l’identité de ses persécuteurs, prête à ses ennemis des calculs fantastiques et prodigieusement inutiles tandis que le second a recours aux raisonnements de la pensée émotive, a toujours des ennemis et des griefs précis, et prête à ses ennemis des calculs rationnels. En outre, la paranoïa n’est pas une. Elle est le total de plusieurs traits de caractères (méfiance, envie, jalousie, morosité…), auxquels peuvent s’ajouter des états passionnels ; il existe donc un un nombre infini de caractères paranoïaques.
- « Autonomie du syndrome érotomaniaque : sa forme n’est pas une entité clinique. Le syndrome n’est pas a base interprétative ni imaginative. L’érotomanie est irréductible au délire de revendication. Réponse à diverses critiques de M. Capgras » (in Œuvres Psychiatriques, t. 2, chap. 11).
- « Ce qu’il faut entendre par « passion » lorsqu’on parle de « délires passionnels ». Intervention » in : Œuvres Psychiatriques, t. 2, chap. 13. Pour Clérambault, la Passion est essentiellement une émotion intense, prolongée, sthénique et tendant à passer aux actes. Le passionnel se distingue donc de l‘affectif. Passionnel n’est pas non plus synonyme de passivité, (l’acception cartésienne du mot passion n’ayant pas été conservée). Il s’ensuit qu’un paranoïaque, un persécuté passif, un persécuté actif, ne seront appelés passionnels que par un abus de langage : seuls sont susceptibles d’être qualifiés de passionnels les érotomanes, les jaloux et les revendicateurs (y compris les persécuteurs actifs, le terme de revendication ayant le sens le plus étendu : il comprend toutes les formes de protestation ou de vindication possible).
- « Les psychoses passionnelles sont irréductibles à celles des idéalistes passionnés de M. Dide. Intervention » in : Œuvres Psychiatriques, t. 2, chap. 14
- « Conditions d’apparition, de développement et de durée des états passionnels. Présentation de malades » in : Œuvres Psychiatriques, t. 2, chap. 15
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E. Rittershaus, « Die chronische Manie und ihre praktische Bedeutung — Verein der Ärte Halle a.d. S, 13 Dezember 1922 » — Allgemeine Zeitschrift für Neurologie und Psychiatrie, 79, 1923
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1924
Sigmund Freud, « Neurose und Psychose », Int. Zeitschrift für Psychoanalyse, 10, 1, pp.1-5 (1924)
Sigmund Freud,, « Der Realitätverlust bei Neurose und Psychose », Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse, 10, 4, pp.374-379 (ici dans sa traduction française : « La perte de réalité dans la névrose et dans la psychose »)
Van der Hoop: « Über die Projektion und ihre Inhalte », Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse 10, 3, pp.277-288 (1924)
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Robert Gaupp, « Paranoia », Klinische Wochenschrift, 3, 27, pp.1201-1205 (1924)
Westerterp, « Prozeß und Entwicklung bei verschiedenen Paranoiatypen », Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheiten, 91, 1, p. 259-380 (1924)
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Gaëtan Gatian de Clérambault, « Définition de l’Automatisme mentale (Intervention) » in : Œuvres Psychiatriques, tome 2. Par automatisme mental, Clérambault comprends les phénomènes classiques de pensée devancée, énonciation des actes, impulsions verbales, tendance aux phénomènes psychomoteurs. Il oppose ces phénomènes aux hallucinations auditives (voix a la fois objectivées, individualisées, et thématiques) et aux hallucinations psychomotrices caractérisées ; souligne leur teneur essentiellement neutre (tout au moins au début), leurcaractère non sensoriel et leur rôle initial dans le décours de la psychose. L’automatisme mental ainsi défini est un phénomène autonome qui se rencontre assez frequemment isolé et ne comporte par lui-même aucun délire,un délire pouvant ne s’y adjoindre que des années après son début.
M. Hacquard, Etude sur les psychoses érotomaniaques, Thèse de médecine, Nancy, 1925
Emile F. Heim, Les schizophréniques processifs, Thèse de Strasbourg, Faculté de médecine, 1924
1925
E. Dupré, Pathologie de l’imagination et de l’émotivité, Paris, Payot, 1925
H. Claude, « Les Psychoses paranoïdes », L’Encéphale, mars 1925, pp.137-149
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J. Lange, « Über die paranoia und die paranoische Veranlagung », Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheiten. 93, 1, pp.85-152 (1925)
G. Ewald, « Das manische Element in der Paranoia », Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie. 75, 1, pp. 665-763 (1925)
Raecke, « Einiges über Querulantenwahn », Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheit, 73, 1, pp.186-210 (1925)
1926
Pierre Janet, De l’angoisse à l’extase, Alcan, Paris, 1926
M. Montassut, La constitution paranoïaque, thèse, Paris, 1926. Un des monuments de l’école constitutionnaliste française de l’entre-deux-guerres.
G. Génil-Perrin, Les paranoïaques, Paris, Maloine, 1926
H. Claude & M. Montassut, « Délimitation de la paranoïa légitime », L’Encéphale, 23, 1, p.57, 1926
P. Sérieux & J. Capgras, «Délires systématisés chroniques», Traité de Sergent, Psychiatrie, t. 1, Maloine, Paris, 1926.
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« Paranoia from the Subjective Point of View », Psychoanalitical Review, 13, pp. 200-209 (1926)
G. Jelgersma, « Die Projektion » Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse, 12, 3, pp. 293-297 (1926)
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E. Weiss, « Der Vergiftungswahn im Lichte der Introjektions- und Projektionsforgänge », Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse, 12, 3, pp.466-477 (1926)
R. Gaupp & R. Wollenberg, Zur Psychologie des Massenmords, Hauptlehrer Wagner von Degerloch, Berlin, Springer‘
1927
P. Courbon & G. Fail, « Syndrome “d’illusion de Frégoli” et schizophrenie », Bulletin de la Société Clinique de Médicine Mentale 15, pp.121-125 (le lien renvoie à un résumé paru dans les Annales médico-psychologiques, 02, 1927, p.289 Description princeps de ce qui sera plus tard connu sous le nom de syndrôme de Fregoli. « Le sujet, qui est une femme [ …] de 27 ans, a la conviction que ses persécuteurs sont des « Fregoli » qui s’incarnent dans les personnes de son entourage pour la torturer, ou qui la « frégolifient » en d’autres personnages.Cette illusion qui n’apparaît qu’aux instants de paroxysme (prise de pensée, impulsions, inhibitions, injures, attouchements) n’a pas son point de départ dans la perception sensorielle de l’entourage, puisque le sujet ne trouve aucune ressemblance physique entre les diverses transformations de « Frégoli ». Elle n’est pas comme « l’illusion des Sosies » une agnosie par erreur d’un jugement affectif tel que peut en présenter accidentellement une intelligence saine. C’est une création de l’imagination dont seule est capable une mentalité morbide.»
Joseph Levy Valensi, L’Automatisme mental dans les délires systématisés chroniques d’influence et hallucinatoires : le syndrome de dépossession. Paris, Masson.
Eugène Minkowski, « De la Rêverie morbide au délire d’influence », L’Evolution Psychiatrique, 2, pp.130-184 (1927)
Marie Bonaparte « Le cas de Mme Lefebvre » Revue Française de Psychanalyse, N°1, pp.149-199 (1927)
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Sandor Ferenczi, Bausteine zur Psychoanalyse, I. Band, Theorie, Internationaler Psychoanalitischer Verlag, Wien, 1927
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E. Kahn, « Psychopathien und psychogene Reaktionen », Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheiten, 80, 1, pp.4-38 (1927)
K. Landauer, « Automatismen, Zwangsneurose und Paranoia » Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse, 13, 1, pp.10-19 (1927)
Julius Raecke, « Der Querulantenwahn », Journal of Molecular Medicine, 6, 38, pp. 1785-1788, 1927
1928
J. Lacan, J. Levy-Valensi, M. Meignant : « Roman policier. Du délire hallucinatoire chronique au délire d’imagination », L’Encéphale, 5, p.550-551 (1928)
H. Claude & P. Schiff,. « Le délire d’interprétation à base affective de Kretschmer et ses rapports avec le syndrome d’action extérieure », L’Encéphale, 23, 5, p.411 (1928)
G. Heuyer, Les Psychoses passionnelles, Impr. Coopérative, 1928
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H. Gausebeck, « Über Eifersuchtswahn », Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheiten, 84, 1, pp.414-490 (1928)
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1929
Eugène Minkowski, «Jalousie pathologique sur fond d’automatisme mental », Annales médico-psychologiques, 2, pp.24-47 (1929)
Joseph Combi, Le délire de quérulence. Contribution à la psychiatrie sociale, Thèse Méd. Genève, 1929
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G. Bychowski, « Ein Fall von oralem Verfolgungswahn », Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse, 15, 1, p.96-100 (1929)
Ruth Mack Brunswick, « Die Analyse eines Eifersuchtswahnes », Internationaler Psychoanalytischer Verlag, Wien, 1929
1930
°*°*°*°*° Dans « L’Âne pourri », article publié par Le surréalisme au service de la révolution, Salvador Dalí jette les bases de sa méthode paranoïaque-critique. « C’est une méthode spontanée de connaissance irrationnelle, basé sur l’association interprétative-critique des phénomènes délirants (…), un traitement qui procède à l’interprétation systématique de la matière expérimentale qui a une tendance narcissique à s’isoler ». En 1937, La Métamorphose de Narcisse constituera le « premier tableau obtenu entièrement d’après l’application intégrale de la méthode paranoïaque-critique». *°*°*°*°*°*°*°*°*°*°*°*°*°*°*°*°
H. Claude, « Le syndrome d’action extérieure », Le progrès médical, juin 1930.
Henri Ey, « Paraphrénie expansive et démence paranoïde (Contribution à l’étude des psychoses paranoïdes)», Annales médico-psychologiques, 1, pp. 247-281 (1930)
Leroy & C. Pottier, « Délire systématisé de persécution et de possession démoniaque consécutive à des pratiques spirites », présenté à la Société Medico-Psychologique de Paris le 27 octobre 1930, in Annales médico-psychologiques, 2, pp. 217-231 (1930)
Joseph Capgras, « Le délire d’interprétation hypothétique. Délire de supposition », Annales médico-psychologiques, 88, t. 2, p.272 (1930)
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Heinrich Unger, « Die Schrift der Querulanten », Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 130, 1, pp. 116-131 (1930)
Ernest Jones, « Die Eifersucht », Vortrag, gehalten in der „Groupe d’Etudes philosophiques et scientifiques pour l’examen des tendances nouvelles” an der Sorbonne in Paris Psychoanalytische Bewegung, 2, pp.154-167 (1930)
M. Sterba, « Eifersüchtig auf…. ? » Psychoanalytische Bewegung, 2, pp.167-177 (1930). Sterba adopte une approche que les philosophes du langage ne réprouveraient pas. Car au fait : quelle est la grammaire logique de la jalousie… ?
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Dorian Feigenbaum :
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1931
Otto Fenichel, Perversionen, Psychosen, Charakterstörungen, Int. Psychoanal. Verlag, Berlin, 1931
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L.S. London, « Mechanisms in Paranoia: With Report of Case », Psychoanalitical Review, 18, pp.394-412 (1931)
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Jacques Lacan, « Structure des psychoses paranoïaques », La Semaine des hôpitaux de Paris n° 14, pp.437-445 (1931)
R. Targowla & J. Dublineau, L’intuition délirante, Malvoine, Paris, 1931
Henri Ey, « Les états paranoïdes », La Semaine des Hôpitaux de Paris, n° 14, pp. 430-436 (1931)
H. Claude, P. Migault, J. Lacan, « Folies simultanées », Société médico-psychologique, mai 1931 — Annales médico-psychologiquest.1, pp. 483-490 (1931). Lacan, Claude et Mignault se proposent ici entres autres choses de démontrer que dans certains cas de folies simultanées, et contrairement à la thèse la plus généralement admise au sujet de la contagion mentale, on ne peut distinguer clairement ni délire inducteur ni délire induit. Cette étude des relations entre deux délire leur est cependant occasion, voire prétexte, à la description savoureuse d’un délire paranoïde avec construction extrêmement vaste, qui est une deuxième réalité (…) : Blanche est le quadrucéphale à l’œil vert. Ce qui l’a mis sur la voie, c’est que son sang est parfumé. Sa peau à de hautes températures, se métallise et se durcit ; elle est alors en perle et donne naissance aux bijoux.
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J. Klüber, « Ein kasuistischer Beitrag zu G. Spechts Lehre von dem Zusammenhang der chronischen Paranoia (Querulantenwahn) mit der chronischen Manie », Zeitschrift für die gesammte Neurologie und Psychiatrie, 131, 1, pp.152-170 (1931)
K. Kolle, « Über Querulanten », Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheiten, 95, pp. 24-102, 1931
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1932
Publication chez Le François de la thèse de doctorat en médecine de Jacques Lacan, De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité.
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Pierre Janet, « Les sentiments dans le délire de persécution », Journal de Psychologie, de Neurologie et de Médecine mentale, 29, pp. 161-240 et 401-460 (1932)
J. Dublineau, « L’Enfant paranoïaque », Semaine des hôpitaux de Paris, juil. 1932
F. Achille-Delmas, « Le rôle et l’importance des constitutions en psychopathologie », rapport au Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de Limoges, 1932
Henri Ey, Les hallucinations psycho-motrices verbales, Mémoire remis à la société médico psychologique, déc 1932. La même année, Ey publie un grand nombre d’articles dans diverses revues et journaux, dont :
- « La croyance de l’halluciné (à propos des études de M. Quercy sur l’hallucination) », Annales médico-psycholologiques, 11, pp.13-37 (1932)
- « Evolution des idées sur l’hallucination, position actuelle du problème », avec Henri Claude, L’Encéphale, 17, 5, pp. 361-367 (1932)
- « Hallucinose et hallucination. Les théories neurologiques des phénomènes psychosensoriels », avec Henri Claude, L’Encéphale, 27, 7, pp.376-621 (1932)
- « La notion d’automatisme en psychiatrie », L’Evolution Psychiatrique, 4, 3, pp.11-35 (1932)
- « La notion de constitution – Essai critique », L’Evolution Psychiatrique, 4, 4, pp.25-54 (1932)
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1933
Jacques Lacan, « Le problème du style et la conception psychiatrique des formes paranoïaques de l’expérience », Minotaure, 1, Skira, Paris, 1933. Dans ce court texte, Lacan s’efforce de démontrer la signification éminemment humaine des expressions symboliques que donnent les sujet paranoïaques de leur expérience, et soutient que leur production plastique et poétique n’est souvent pas inégale à l’inspiration des artistes les plus grands.
Eugène Minkowski, Le Temps vécu. Études phénoménologiques et psychopathologiques, Paris, Payot,
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1934
Henri Ey, Hallucinations et Délire, Alcan, Paris, 1934. La préface est de Jules Séglas, et les esprits fantasques remarqueront que le Catalogue général de médecine-odontologie de la Bibliothèque Inter-Universitaire de Médecine indique comme éditeur non Alcan, mais Lacan.
J. Levy-Valensi, « Syndromes érotomaniaques », Provence médicale, 1934
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C. Baumann « Besteht ein Zusammenhang zwischen manisch-depressiver Psychose und Paranoia? », Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheiten, 151, pp.17-53 (1934)
1935
Traduction française des Cinq Psychanalyses de S. Freud par M. Bonaparte et R. Lœwenstein
Paul Schiff, « Les Paranoïas et la Psychanalyse », Revue Française de Psychanalyse, 8, 1, pp.44-94 (1935)
A. Stärke, « Die Rolle der analen und oralen Quantitäten im Verfolgungswahn und in analogen Systemgedanken », Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse, 221, pp. 5-22, 1935
1936
Dorian Feigenbaum, « On Projection », Psychoanalytical Quaterly, 5, pp.303-319 (1936)
F. Alexander, W. Menninger, « The Relation of Persecutory Delusions to the functioning of the Gastro-intestinal Tract », Journal of Nervous and Mental Disease, 84, 5, pp. 541-554, 1936. La première partie porte un titre éloquent : « Parallelism between the psychodynamic background of psychogenic chronic contipation and persecutory delusions. »
D. Lagache, « Passions et Psychoses passionnelles » — Exposé présenté le 10 décembre 1935 au Groupe de l’Évolution Psychiatrique, (ici, une brève Intervention de Jacques Lacan à son sujet) — publié une première fois dans L’Évolution Psychiatrique, 1936, 1, pp. 25-27 — puis p.552 des Œuvre I (1932-1946), de Daniel Lagache (PUF, 1977)
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1937
Gaston Ferdière, L’érotomanie : illusion délirante d’être aimé, Paris, Doin, 1937. Il s’agit, à l’origine, de la thèse de médecine de Gaston Ferdière, soutenue la même année à la Faculté de Médecine de Paris. Gaston Ferdière, proche du cercle des surréaliste, fut le psychiatre d’Antonin Artaud. Un livre d’Emmanuel Venet (Ferdière, psychiatre d’Artaud, Verdier, Paris, 2006) brosse le portrait de cette personnalité sensible, complexe, provocatrice. Une émission radiophonique lui a été consacrés de son vivant : Gaston Ferdière, Psychiatre , Radiophonies, 15 novembre 1978 (disponible en ligne sur le site de l’INA).
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1938
Robert Gaupp, «