————————————————————— ——— CHICANEURS, PLAIDEURS ———— —— QUÉRULENTS ET PROCESSIFS ——

by philopsy

 

Éléments de bibliographie chronologique

sur la « quérulence processive»,

ou « manie des procès »

 

 

( … aussi connue sous les noms de paranoïa quérulente,

paranoïa processive, délire de quérulence, délire de dépossession,

paranoïa querulantium, litigious paranoia, litigious delusions,

harassing litigation, Querulantenwahn…)

 

 

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En guise d’introduction : quelques définitions en provenance du
Trésor de la Langue Française informatisé (TLFi)

  • QUÉRULENCE, subst. fém.
  • PSYCH. Tendance pathologique à la revendication, observée chez des sujets de type paranoïaque ou hypocondriaque et revêtant parfois une forme processive. La quérulence est une réaction hostile et revendicatrice de certains sujets qui se croient lésés et considèrent qu’il y a sous-estimation dans l’appréciation du préjudice causé; de ce fait, ils passent facilement de la plainte à l’attaque, soit directement, soit en justice (Porot 1960, 1975).
  • Prononc.: [keʀylɑ ̃:s]. Étymol. et Hist. 1960 (Porot). Dér. sav. du lat. querulus « qui se plaint » (de queror « se plaindre »); suff. -ence, v. -ance. On note aussi l’all. Querulantenirrsein « manie des querelles, des procès » (1879, R. von Krafft-Ebing, Lehrbuch der Psychiatrie, t. 2, p. 87), dér. de querulus.

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  • PROCEDURIER, II. − Adj. et subst., péj. [En parlant de qqn]
  • A. − (Celui, celle) qui a le goût des formalités, qui connaît la procédure à fond, qui sait agir auprès de la justice. Il est le seul prêteur qui prête à cent pour un. Et c’est un vieil avare et un procédurier (Péguy, Ève, 1913, p.764).Cet avocat, cet avoué est un bon procédurier, un redoutable procédurier (Ac.1935).
  • B.Péj. (Celui, celle) qui recourt volontiers aux procès, qui est enclin(e) à faire des procès. Synon. processif1.Autant ils avaient mis de zèle à construire le procès, autant ils en mirent à le défaire (…). Et de quel ton lamentable ces procéduriers bénins (…) dénonçaient-ils l’iniquité (A. France, J. d’Arc, t.2, 1908, p.448).
  • PSYCHOL. Sujet souvent atteint d’un délire passionnel qui le pousse à défendre une cause souvent dérisoire devant des instances judiciaires“ (Carr.-Dess. Psych. 1976).

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  • PROCESSIF : Qui aime les procès, qui aime à intenter des procès. Synon. procédurier.Au prorata de ses gains, M. Taboureau est devenu processif, chicaneur, dédaigneux. Plus il s’est enrichi, plus il s’est vicié (Balzac, Méd. camp., 1833, p.64).Les renseignements recueillis sur votre compte ne sont guère en votre faveur. Ils vous représentent comme un personnage de commerce presque impossible, comme une façon de Chicaneau, processif, astucieux, retors, éternellement en bisbille avec le compte courant de la vie (Courteline, Article 330, 1900, p.261).Les Français d’alors, très processifs, voulaient avoir des juges à portée de la main: aussi l’installation d’un juge de paix dans chaque canton pour les procès civils fut-elle particulièrement populaire (Lefebvre, Révol. fr., 1963, p.174).
  • PSYCHOL. PATHOL. Empl. subst., Sujet ayant une tendance pathologique à chercher des querelles, à invoquer le code, à intenter des procès“ (Piéron 1973).

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Aristophane, Les Guêpes

Chez Aristophane, la « manie des procès » se traduit par l’incoercible désir de juger : Philocléon, citoyen d’Athènes, ne désire rien tant que de siéger, depuis le matin jusqu’au soir, aux tribunaux de la Cité. 

  • Xanthias (serviteur) « Faites silence : je vais vous dire la maladie de mon maître c’est… l’amour des tribunaux. Juger est sa passion, et il gémit s’il ne siège pas sur le premier banc des juges « Dans la crainte de manquer de cailloux pour les suffrages, il entretient chez lui une grève, afin de pouvoir voter. Telle est sa manie ; et plus on l’avertit, plus il veut juger. Aussi nous le tenons enfermé sous les verrous pour l’empêcher de sortir ; car cette maladie fait le désespoir du fils. »
  • Bdélycléon : « […] parce que je veux arracher mon père à cette malheureuse manie de sortir dès le point du jour pour courir après les délations et les procès […] on m’accuse de conspiration et de tyrannie. »

Un tel « amour des tribunaux » ne se confond nullement avec la quérulence processive telle que les modernes la décrivent : cette dernière se singularise en effet par la certitude délirante d’avoir subi un préjudice et par l’appel au droit qui semble en découler de manière logique. Contrairement à la « manie des procès » de Philocléon, la quérulence processive des modernes ne se traduit donc pas tant par l’exigence de juger, que par la demande d’être jugé. 

 

1668

Jean Racine, Les Plaideurs.

Le bourgeois Chicaneau y campe un singulier prototype du fou quérulent, aussi nommé maniaque processif par Pottier qui, dans son Etude sur les aliénés persécuteurs (cf infra, 1886) écrit :  « Les causes occasionnelles  de l’éclosion du délire chez ces malades résident le  plus souvent dans la perte d’un procès qu’ils considèrent comme un déni de justice à leur égard ».  Et Chicaneau de déclarer (acte I, scène 7) :

  • «  Voici le fait. Depuis quinze ou vingt ans en çà, / Au travers d’un mien prés certain ânon passa, / S’y vautra, non sans faire un notable dommage, / Dont je formai ma plainte au juge du village. / je fais saisir l’ânon. Un expert est nommé ; / A deux bottes de foin le dégât estimé. / Enfin, au bout d’un an, sentence par laquelle / Nous sommes renvoyés hors de cour. J’en appelle. […] Et je gagne ma cause. A cela que fait-on ? / Mon chicaneur s’oppose à l’exécution ».
  • Petit Jean, Portier, parlant du juge Dandin, père de Léandre, et successeur du Philocléon d’Aristophane en qualité du juge ayant la manie de juger  : « Il nous veut tous juger les uns après les autres. / Il marmotte toujours certaines patenôtres / Où je ne comprends rien. Il veut, bon gré, mal gré, / Ne se coucher qu’en robe et qu’en bonnet carré. / Il fit Couper la tête à Son Coq, de Colère, / Pour l’avoir éveillé plus tard qu’à l’ordinaire ; / Il disait qu’un plaideur dont l’affaire allait mal / Avait graissé la patte à ce pauvre animal. / Depuis ce bel arrêt, le pauvre homme a beau faire, / Son fils ne souffre plus qu’on lui parle d’affaire. / Il nous le fait garder jour et nuit, et de près [ … ] »
  • La Comtesse, [ archétype de processive ] : « Monsieur, tous mes procès allaient être finis ; / Il ne m’en restait plus que quatre ou cinq petits : / L’un contre mon mari, l’autre contre mon père, / Et contre mes enfants. Ah, monsieur! la misère ! / Je ne sais quel biais ils ont imaginé, / Ni tout ce qu’ils ont fait, mais on leur a donné / Un arrêt par lequel, moi vêtue et nourrie, / On me défend, monsieur, de plaider de ma vie. » […..
  • ….. ]  Autre incident : tandis qu’au procès on travaille, / Ma partie en mon pré laisse aller sa volaille. / Ordonné qu’il sera fait rapport à la cour / Du foin que peut manger une poule en un jour : / Le tout joint au procès. Enfin, et toute chose / Demeurant en état, on appointe la Cause. / Le cinquième ou sixième avril cinquante-six. / J’écris sur nouveaux frais . Je produis, je fournis / De dits, de contredits, enquêtes, compulsoires, / Rapports d’experts, transports, trois interlocuteurs, / Griefs et faits nouveaux, baux et procès-verbaux. / J’obtiens lettres royaux, et je m’inscris en faux. / Quatorze appointements, trente exploits, six instances, / Six-vingts productions , vingt arrêts de défenses , / Arrêt enfin. Je perds ma cause avec dépens, / Estimés environ cinq à six mille francs. / Est-ce là faire droit ? est-ce là comme on juge ? / Après quinze ou vingt ans ! Il me reste un refuge : / La requête civile est ouverte pour moi ; / Je ne suis pas rendu [ … ] »

 

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Au XVII° et XVIII° siècle, le terme de « chicane » se retrouve souvent sous la plume de Boileau, Bossuet et bien d’autres pour désigner tantôt l’« abus des ressources et des formalités de la justice » tantôt « le démon des procès ». [ source : eDICu ]

Par dénigrement, le même terme vient cependant à désigner « tout procès en général » et,  par extension, la « subtilité captieuse en toute matière, difficulté mal fondée et de mauvaise foi »

  • Madame de Sévigné, lettre du 30 mars 1689 (1047) « M. le chevalier vient de me conter que madame de Buri revenant de Paris, madame la princesse de Conti lui demanda ce qu’elle y avoir fait. — Madame, j’y ai sollicité. — Et quel procès ? — Ce procès contre messieurs de Grignan. — Quoi ! vous poussez cette chicane ? Ah fi ! Peut-on recommencer, quand on a une fois perdu, comme vous avez fait ?
  • Boileau, Satyre I :   « Faut-il donc désormais jouer un nouveau rôle ? / Et […] / D’une robe à longs plis balayer le barreau ? / Moi ! Que j’aille crier dans ce pays barbare / Où l’on voit tous les jours l’innocence aux abois / Errer dans les détours d’un dédale de lois / Et dans l’amas confus des chicanes énormes  ? »
  • Boileau, Satyre VIII : « Au milieu de Paris il promène sa vue / Que dit-il quand il voit, avec la mort en trousse / Courir chez un malade un assassin en housse / […] Ou qu’il voit la justice en grosse compagnie / Mener tuer un homme avec cérémonie ? / Et que pense-t-il de nous lorsque sur le midi / Un hasard au palais le conduit un jeudi / Lorsqu’il entend de loin, d’une gueule infernale /  La Chicane en fureur mugit dans la grand’salle  / Que dit-il quand il voit les juges, les huissiers, / Les clercs, les procureurs, les sergents, les greffiers ! / O ! que si l’âne alors de bon droit misanthrope / Pouvoit trouver la voix qu’il eut au temps d’Esope / De tous côtés, docteur, voyant les hommes four / Qu’il dirait de bon coeur, sans en être jaloux / Content de ses chardons et secourant la tête / Ma foi, non plus que nous, l’homme n’est qu’une bête »
  • Boileau, Le Lutrin, Chant I : « La déesse en entrant, qui voit la nappe mise / Admire u si bel ordre, et reconnaît l’Eglise ; / Et, marchant à grands pas vers le lieu du repos, / Au prélat sommeillant elle adresse ces mots : / […]  Sors de ce lit oiseux qui te tient attaché / Et renonce au repos, ou bien à l’évêché / Elle dit, & du vent de sa bouche profane / Lui souffle avec ces mots l’ardeur de la chicane »
  • Boileau, Le Lutrin, Chant V, « Entre [ de ] vieux appuis, dont l’affreuse Grand’Salle / Soutient l’énorme poids de sa voute infernale / Est un pilier fameux, des Plaideurs respecté / Et toujours des Normans à midi fréquente ./ Là, sur un sac poudreux de sac et de pratique, / Hurle tous les matins une Sybille éthique  / On l’appelle Chicane ; et ce monstre odieux. / Jamais pour l’équité n’eut d’oreilles ni d’yeux / La dDisette au teint blême, et la triste Famine / Troublent l’air d’alentour de longs gémissements. Sans cesse feuilletant les Lois et la Coutume / Pour consumer autrui, le Monstre se consume / Et dévorant Maisons, Palais, Châteaux entiers, / Rend pour des monceaux d’or de vains tas de papier.»
  • Bossuet, Oraison funèbre de Henriette de France « Ne croyez pas que ce soit seulement la querelle de l’épiscopat ou quelques chicanes sur la liturgie anglicane, qui aient ému les communes. Ces disputes n’étaient encore que de faibles commencements, par où ces esprits turbulents faisaient comme un essai de leur liberté » , Reine d’Anglet.
  • Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, « Que peut-on objecter à une tradition de trois mille ans, soutenue par sa propre force et par la force des choses ? Rien de suivi, rien de positif, rien d’important ; des chicanes sur des nombres, sur des lieux ou sur des noms »
  • Bossuet, Préface des Variations « On sera fatigué en voyant […]  tant de fausses subtilités de la nouvelle réforme [ Bossuet parle ici de la réforme protestante ] ; tant de chicanes sur les mots ; tant d’équivoques et d’explications forcées sur lesquelles on les a fondées »
  • Etienne Tabourot des Accords, « Du plus grand chicaneur qu’on pourra jamais voir, / En ce tombeau glacé gist la despouille morte ; / Pluton, hoste commun, ne le veut recevoir, / De peur qu’en son pays la chicane il ne porte»  
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1761

Sedaine, L’huître et les plaideurs, ou le tribunal de la chicane. Opéra-comique en un acte, en prose, mêlé de morceaux de musique & vaudeville, représentés le théâtre de la Foire Saint-Laurent en 1759 & 1761. Paris, Hérissant, 1761.

  • M. Fausset, Avocat :
« Ne cédez jamais.
Vive le procès !
 Un vieux amour est sans attrait,
 A soixante ans il est folie.
La table énerve le génie.
 Mais vive, vive le procès!
La chicane, la plaidoirie
Ont toujours de nouveaux attraits;
 Hé vive, ô vive le procès :
S’il faut a l’homme une folie,
 En est-il une plus jolie
 Que d’avoir quelque bon procès I
 Cela tient l’esprit en arrêt,
Son intérêt
 Nous désennuie.
 Vive la plaidoirie !
Ne cédez jamais. »

1857

Casper, Practisches Handbuch der gerichtlichen Medicin, Berlin, Hirschwald, 1857.

  • Casper, dans cet ouvrage de grande ampleur consacré à la médecine légale, livre les toutes premières descriptions cliniques du délire de quérulence — ou pour le traduire de manière plus exacte, de délire des plaideurs (Querulantenwahn — p.543). Il récuse pourtant de manière ferme l’idée de créer, sur la base de ses observations, une nouvelle espèce de délire (eine eigene species des Wahnsinns), ce pour deux raisons principales : il considére d’une part que ni la création ni la classification d’entités nosolographiques ne peuvent relever de la médecine légale, d’autre part que les traits de caractère permettant de singulariser les « plaideurs délirants (wahnsinnige Querulanten » se mélangent et se fondent (sich vermischt und verschmiltzt) toujours avec d’autres traits de caractère qui singularisent pour leur part les délires de grandeur ou de persécution (“Höhen-” oder “Verfolgungs-wahn”). La question de savoir si le délire des plaideurs n’est qu’une sous-forme, voire un épiphénomène des délires de persécution ou de grandeur est donc posée d’emblée.
  • Dans le même temps, Casper souligne cependant qu’il est facile d’expliquer  le déclenchement d’un délire de quérulence  : il serait dû au fait que chaque être humain porte en lui la conscience extrêmement aigüe de ses droits (das Rechtbewusstsein ist eine der tiefsten Empfindungen im Menschen; selon Casper, c’est précisément en cela que les individus se trouvent liés à l’Etat, considéré comme premier protecteur et garant de droits de chacun ( Beschützer des Rechts aller). Il ne lui semble donc guère étonnant qu’une atteinte aux droits de l’individu — qu’elle soit réelle ou parfaitement imaginaire — déclenche des réactions extrêmement virulentes, voire pathologiques.
  • Pour illustrer ses dires, Casper publia une observation extensive du « cas » Nehring, «  persécuteur processif […] qui tua un juge dans l’exercice de ses fonctions » [ Claparède, 1905 — d’autres informations sont disponibles ici ]. Dans la littérature clinique de langue allemande, plusieurs descriptions cliniques supplémentaires de Querulantenwahn devaient se succéder, dans les années et les décennies suivantes — qu’elles émanent de Casper lui-même, ou d’autres psychiatres. Les vignettes cliniques consacrées aux quérulents processifs et livrées par Casper pour illustrer ses thèses dans la première édition de son ouvrage consacré à la médecine légale seraient remaniées au fil des rééditions :  la troisième édition de l’ouvrage, datant de 1860, décrit tout comme l’édition princeps de 1857 plusieurs cas de délires de quérulence ( pp. 569-577)  —  mais une trentaine d’année plus tard, en 1889, la huitième (!) édition, amplement revue et corrigée par Carl Liman, comporte notamment un sous-chapitre additionnel (§ 239 pp. 627-631) consacré à la question de la responsabilité juridique dans une situation de falsification de documents par un plaideur quérulent atteint de maladie mentale (Urkundenfälschung durch einen geisteskranken Querulanten. Ob zurechnungsfähig).

1868

F. ScholzEin wahnsinniger Querulant », in « Zwei Psychiatrische Gutachten von Dr. Friede. Schols», Vierteljahrschrift für gerichtliche und öffentliche Sanitätswesen, 8, pp. 343-355, (1868)

  • Observation d’un « cas » de quérulence processive accompagné d’une profonde perturbation de l’humeur (Perturbation des Gemüths) et impliquant la production de fausses pièces à conviction, des accusations infondées, des crimes de lèse-majesté (Majestäts-Beleidigung) et insultes aux magistrats. Scholz suit Casper [1857] lorsqu’il souligne que le « droit est le fondement éthique de l’Etat, et la conscience de ses droits — la certitude qu’ils sont et seront constamment protégés  — le plus important des liens qui enchaînent (fesselt) l’individu à l’Etat et à ses institutions. C’est pourquoi rien n’est éprouvé de manière plus vive, rien n’est plus approprié pour ébranler l’individu jusqu’en ses fondements spirituels, qu’une atteinte à ses droits, qu’elle soit réelle ou supposée. »

Droste,  « Ein widerwärtiger lästiger Querulant », Vierteljahrschrift für Psychiatrie, 2, 1, pp.73-77 (1868) 

  • Le quérulent dont Droste brosse le portrait dans cet article est un détenu d’une maison d’arrêt, «qui a déjà été appréhendé à plusieurs reprises non tant à cause des menus larcins et escroqueries qu’il a commis (betrüglicher und diebischer Vergehen) qu’en raison des nombreuses attaques qu’il a dirigées contre les autorités (wegen vielfacher Insulte gegen die Behörden).»

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1869

Beer, « Ueber den sogenannten Querulanten-Wahnsinn », Allgemeine Wiener medizinische Zeitung 14, 17, pp.25-33 (1869).

  • Dans la littérature médicale, cet article est souvent cité, voire considéré (à tort) comme le tout premier texte consacré au délire de quérulence. Bien que Beer n’ait, en réalité, pas eu le privilège d’inventer la notion,  ses écrits semblent avoir directement influencé Richard von Krafft-Ebing.

E. Buchner, « Querulanten-Wahnsinn ? »,  Friedreich’s Blätter für gerichtliche Medicin und Sanitätspolizei, 20, 3, pp. 449-466, 1869.

  •  Buchner décrit dans cet article les folles menées de A, cocher accusé d’atteinte à l’honneur de fonctionnaires publiques dans l’exercice de leurs fonctions : A., en effet, aurait déclaré, dans le bureau du commissaire de police B, vouloir avoir affaire à « des fonctionnaires, non à des trafiquants (Schmuggler) ». Et par « trafiquants », précise Buchner, A. voulait désigner tous ceux qui, policiers comme employés de tribunaux, jouèrent un rôle dans les procédures juridiques dont il fut partie prenante. Car l’histoire de A., telle que la décrit Buchner, ne fut qu’une succession de petites et grandes infractions, petites et grandes accusations, arrestations, crimes et poursuites qui le conduisirent à se prendre pour un «martyr de la Vérité et du Droit » écrivant des lettres à répétition à toutes les autorités et instances locales. Finalement considéré comme aliéné en proie à des idées délirantes, donc partiellement irresponsable, A. n’en abandonna pas pour autant (bien au contraire !) sa persuasion d’être dans son bon droit — chose qui, selon lui, deviendrait évidente, à condition que l’on prenne le temps de considérer de manière convenable l’état d’avancement de ses procès. Ne reconnaissant pas l’impartialité des juges et des tribunaux, il se considèra invariablement comme  victime sacrificielle (Opfer) prête à payer de son sang pour que triomphe la vérité : « Dieu est avec moi », disait-il, « les tribunaux ne représentent qu’une coalition de mécréants ». Bref, A., d’après les expertises médicale, se trouvait en butte à un délire irrésistible : sachant fort bien que les fonctionnaires n’ont pas le droit d’être impartiaux, il les accusait néanmoins de l’être ; sachant fort bien ne pas avoir le droit de les mépriser, il le faisait néanmoins, car, écrivit Buchner, « il ne [pouvait] faire autrement (denn er kann nicht anders). Sa quérulence, selon Buchner, était intimement liée à son aliénation mentale — une aliénation qui tomberait dans le groupe des délires de persécution et de grandeur, avec certains éléments de délire religieux.

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1870

 E. Buchner, « Querulantenwahnsinn. Untersuchung wegen Amtsehrenbeleidigung », Friedreich’s Blätter für gerichtliche Medicin und Sanitätspolizei, 21, 4, pp. 342-349, 1870

 

 1871

Buchner, « Selbstbestimmnngsfähig oder nicht ? (Querulantenwahnsinn) », Friedreich’s Blätter für ger. Medicin & Sanitätspolizei, 22, 1, pp. 140-157, 1871.

 

 

1874

Hotzen, « Gutachten über den Geisteszustand des chem. Districts-Schornsteinfeger H. im Bremen (Querulanten-Wahnsinn) », Friedreich’s Blätter für gerichtliche Medicin und Sanitätspolizei, 1, 25, pp. 134-149, pp. 1874

 

 1875

Première édition du Traité de psychopathologie judiciaire de Richard von Krafft-Ebing (Lehrbuch der gerichtlichen Psychopathologie, Stuttgart, Enke).

  • Dans ce traité, réédité à maintes reprises, Krafft-Ebing accorde la plus extrême importance (weitaus die grösste Bedeutung) aux délires de persécution (Verfolgungswahnsinn) qu’il considère comme particulièrement fréquents, difficiles à reconnaître (du fait de leur dissimulation possible) et dangereux. Il consacre également quelques pages au délire des plaideurs (Querulantenwahn — pp.123-127) dont il fait une variété (Varietät) du délire de persécution, et dont il contribue ainsi à vulgariser l’existence.
  • Esquissée par Casper puis répandue par Krafft-Ebing, l’idée que le délire de quérulence constitue une variété du délire de persécution prévaudrait généralement dans l’opinion des psychiatres allemands jusqu’aux environs de 1909 (date de publication de la huitième édition du traité de Kraepelin – cf infra). Krafft-Ebing lui-même, dans les multiples rééditions de ses ouvrages consacrés à la psychopathologie juridique (Lehrbuch der gerichtliche Psychopathologie, 1ère éd. 1875) et à la psychiatrie (Lehrbuch der Psychiatrie1ère éd. 1879), maintint invariablement les « plaideurs en série (Prozesskrämer dans la catégorie des « paranoïaques ». En 1897, (Lehrbuch der Psychiatrie6ème édition) la quérulence processive était donc encore et toujours rangée dans le groupe des Paranoia persecutoria, aux côtés de la Paranoia sexualis ; elle jouxtait le groupe des Paranoia expansiva, au nombre desquels figuraient le délire des inventeurs (Paranoia inventoria), le délire mystique (religiöse Paranoia) et le délire érotique (erotische Paranoia).»
  • Krafft-Ebing, dans le même temps, précisait néanmoins que le délire de quérulence pouvait être distingué à plusieurs points de vue d’avec les autres formes du délire chronique à coloration paranoïaque (une classe de délires qu’à son époque on désignait tantôt par le terme de  primäre Verrücktheit, tantôt par celui de Paranoia )  : 
  •  — 1 /  Ce devaient être « des intérêts juridiques, et non des intérêts vitaux » qui étaient, à en croire le malade, mis en péril par ses adversaire : l’enjeu de la conduite délirante semblait donc être d’obtenir la seule victoire devant les tribunaux.
  •  — 2 /  Le délire devait naître à partir d’une situation concrète, et « sur la base de faits réels ». Il ne pouvait donc pas se développer en prenant pour point de départ des événements purement fictifs (wirkliche Begebenheiten und nicht eingebildete).
  •  —  3 / Le malade devait endosser très rapidement le rôle actif d’attaquant (die active Rolle des Angreifers), et ne conserver donc que peu de temps celui d’attaqué (Angegriffen).
  • Le fait qu’un événement réel doive déclencher le délire de quérulence n’empêchait pas Krafft-Ebing de soutenir que les « candidats à cette forme de trouble » (die Candidaten dieser Störungsform) doivent y être prédisposés par leur  « dégénérescence héréditaire » et présentent très tôt des « tares et anomalies mentales ». «De tels individus »  étaient donc, selon Krafft-Ebing, connus dès leur jeune âge pour « leur brutalité, leurs bizarreries et leur égocentrisme exacerbé ». De tels traits de caractère devaient composer, pour de très longues années, le véritable portrait robot psychologique du quérulent processif. L’extrait suivant en est une simple illustration [ Krafft-E., 1875 ] :
  • « Le délire de quérulence, ou délire des plaideurs (Querulanten-­oder Prozesskrämerwahnsinn) constitue une importante variété du délire des persécutions ( Varietät des Verfolgungswahnsinn). Il touche tantôt des personnes aux capacités intellectuelles limitées, tantôt des individus excessivement orgueilleux, qui fondent leur amour-­‐propre sur certains dons intellectuels véritables ou imaginaires ; condamnés suite à un délit ou lors d’un procès au civil, de tels individus estiment néanmoins que ce sont eux qui sont dans leur bon droit, et non le tribunal ( sich nun im Recht und das Gericht im Unrecht glauben ).Douloureusement affectés et passionnément emportés contre l’atteinte prétenduement portée à leurs droits, ils acquièrent la certitude de plus en plus inébranlable que leur condamnation a été le fait de juges partiaux, pleins de préjugés, voire corrompus [… ].Ce qui, au commencement, était ou semblait n’être encore que passionnel se change progressivement en une véritable affection psychique : ils ne conservent alors nulle clairvoyance intellectuelle, perdent la faculté de corriger leurs idées, font fi de tout égard envers leurs semblables, jusqu’à ce que la raison même les abandonne.Ils suivent obstinément leur logique délirante, faisant preuve d’une insolence éhontée. De tels individus se permettent en effet non seulement de contester la légalité (Gerechtigkeit) du jugement porté contre eux, mais également son irrévocabilité (Rechtskraft). Ils font d’incessants recours en justice, multiplient les requêtes, adressent de continuelles réclamations à toutes les instances, à toutes les autorités, s’érigent en ergoteurs, chicaneurs, avocats pour les autres.Chassés de toutes part, ils deviennent toujours plus insolents envers les autorités, qu’ils accusent de malhonnêteté ; mais eux, ils se permettent d’attenter à la dignité de fonctionnaires, commettent des crime de lèse-­‐majesté, malmènent les employés des services publics, font des courbettes hypocrites devant les forces armées, pour finalement aller parfois jusqu’au meurtre et autres homicides volontaires [ traduction personnelle ]. »

1876

Brosius « Ueber Querulanten-Wahn », Berliner klinischen Wochenschrift, 13, pp. 345-359, 1876. 

  • Brosius, dans cet article, se livre notamment à une étude des antécédents familiaux de personnes qui, pour être des « procéduriers (Processlern) » notoires, n’en sont pas pour autant considérées par lui comme des « malades mentales (Geisteskranke) » ; il espère ainsi montrer que ces procéduriers « non fous » peuvent être originaire de familles où, à chaque générations, se succèdent véritables « aliénés » et « plaideurs en série ».

A. Liebmann, Ueber Querulantenwahn : ein primärer geistiger Schwächezustand, Inaug.-Dissertation, Jena, Neuenhahn, 1876

Ludwig Snell, « Ueber Querulantensucht », Der Irrenfreundt, 18, 8, pp.121-133, 1876

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Taguet, « Les aliénés persécuteurs », 15, Annales médico-psychologiques, pp. 5-19, 1876

  • « Il est une classe d’individus que l’on rencontre principalement dans les couloirs de nos grandes administrations, à la préfecture de police, aux abords des ministères et des tribunaux, nous avons nommé les aliénés persécuteurs.
  • « Ils vivent en liberté jusqu’au jour où leurs excentrécités et leurs bizarreries font songer qu’on a affaire à des malades. Ne doutant de rien, ils acceptent et embrassent tout d’un coeur léger, sans se demander si leur intelligence ne succombera pas à la peine ; à son défaut ils comptent sur leurs avantages physiques, leurs belles manières, leur instruction, leur éducation. Leurs raisonnements n’ont rien d’absurde et s’appuient, le plus souvent, sur un principe vrai, mais ils exagèrent et dénaturent tout au profit de leurs désirs. Lorsqu’ils ont embrassé une idée, ils la poursuivent dans toutes ses conséquences, rien ne les retient, rien ne les arrête ; ils ont une telle confiance dans leur propre valeur qu’ils considèrent comme des ennemis ceux qui essayent de les arrêter dans leur course furibonde. Cette présomption de soi-même, qui les laisse gros Jean après comme devant, finit par dégénérer en un vrai délire, c’est alors que commence le rôle de persécuteur. […] »
  • « Observation I. : A… se dit professeur de littérature à l’Universsité d’Oxford  […]. Il n’a pas tardé à acquérir, dit-il, une fortune considérable, qui l’a mis en relation avec l’aristocratie anglaise et lui a permis de devenir l’amant de la princesse de R…  […] A Ste-Anne, il poursuit de ses réclamations incessantes le directeur de cet établissement et M. le Dr. Bouchereau ; il n’est pas d’injures dont il ne les accable dans ses écrits Ici, il ne cesse de porter plainte au parquet tant pour lui que pour les autres ; un jour il dénonce la moitié du personnel inférieur comme maltraitant les malades ; l’enquête la plus sévère fut ordonnée, elle ne put amener la révélation d’aucun fait grave. A… étant devenu violent et dangereux, comme tous les malades de sa catégorie, on a été obligé de le faire admettre à la sûreté de Bicêtre. […] »
  • « Observation IV. : Mme C…. avait 40 ans quand elle songea à faire l’essai loyal du mariage ; elle se croit recherchée par un étranger jeune, beau et riche qui habitant un hôtel situé en face de la maison où elle était employée comme caissière. Un jour, il disparaît ; Mme C…, désespérée, se rend chez le commissaire de police de son quartier et accuse son patron de l’avoir desservie auprès de son amant. Le commissaire de police reste sourd à ses prières ; elle s’adresse au préfet de police, aux tribunaux, demande 10 000 de dommages et intérêts. Déboutée de ses poursuites, elle reste pendant deux ans toute à ses douleurs. Mme C… après maintes réflexions se décide encore une fois à se marier ; même insuccès, mêmes déceptions. B…, d’où vient tout le mal, est poursuivi de nouveau. Maître Favre, chargé de sa cause, l’abandonné, Maître Grandperret la prend. L’affaire était à la veille d’être portée devant les tribunaux lorsque la malade  fuit séquestrée. Rendue à la liberté elle ne quitte les cabinets des avocats que pour errer dans la salle des pas-perdus du Palais de justice. Elle s’arrête enfin à Maître Lachaud, qui ne peut plaider, une partie de son dossier étant resté entre les mains des premiers avocats. Elle était à la recherche de ses pièces, lorsqu’elle a été séquestrée pour la deuxième fois. Combien de Chicaneau devraient trouver place dans nos maisons de santé ! »

 

1877

Zippe, « Ein Querulantenbrüderpaar », Wiener medizinische Wochenschrift, 27, 23-24,  1877

1878

Aneshänsel, « Zur Kasuistik des sogenannten Querulantenwahnsinns », Aertliche Mitth , 33, 199-201, Karlsruhe, 1878

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Jules Falret, « Des aliénés persécutés raisonnants et persécuteurs », Société médico-psychologique, séance du 29 juillet 1878, Annales médico-psychologiques, 19, pp. 413–417 (1878). 

  • Ballet, vingt-cinq années plus tard, dans son Traité de pathologie mentale  (Doin, Paris, 1903), déclarerait au sujet de cette intervention de Falret à la Société médico-psychologique de Paris  :  « C’est J. Falret qui, le premier, en 1878, a constitué le groupe des persécutés-persécuteurs […] et il a fixé les traits particuliers qui en font une catégorie; spéciale (persécutés, persécuteurs type Falret). Les idées de J. Falret sont exposées très complètement dans l’excellente thèse de son élève P. Pottier 1 (1886), qui contient des observations caractéristiques et des plus intéressantes [ cf infra, Pottier, 1886 ].
  • Dès janvier 1866, Jules Falret avait consacré un « Discours prononcé à la Société médico-psvchologique »  à la question de la folie raisonnante (manie sans délire, folie morale ou folie des actes) », tout en déclarant que « l’étude clinique des diverses variétés de la folie réunies provisoirement sous les noms vagues de folie raisonnante, de folie morale, de manie sans délire ou de folie des actes, exigerait un volume.» Il s’était surtout attaché à démontrer l’hétérogénéité des entités nosographiques réunies sous ces dénominations pour mieux distinguer « les catégories naturelles de faits confondues actuellement sous ce nom ». 
  • « Il est très-dangereux, au point de vue diagnostic de la folie et de la médecine légale, de laisser flottantes les limites entre les excentriques et les aliénés, entre les caractères défiants, soupçonneux, ombrageux et les aliénés persécutés proprement dits. On passe souvent de l’un à l’autre : les caractères défiants, disposés à croire qu’on leur veut du mal ou qu’on leur en veut, passent facilement de cet état du caractère, à un véritable délire de persécutions avec interprétations délirantes ; mais quand la folie se caractérise, il survient de nouveaux caractères qui distinguent la folie de la raison, et c’est sur ces caractères que doit porter l’étude pour faire de la science véritable, rendre réellement service aux magistrats, et ne pas rester dans la sphère des philosophes ou des romanciers qui confondent par nuances insensibles les caractèdes avec la maladie, les mélancoliques du monde avec les mélancoliques aliénés.
  • « Il faut étudier deux variétés bien distinctes de délire de persécution : le délire de persécution classique avec ses phases successives, ses périodes, ses caractères multiples (hallucinations de l’ouïe et de la sensibilité générale) et ses périodes plus ou moins chroniques, et 2° le délire de persécution chez les aliénés raisonnants qui a des caractères particuliers s’accompagnant de symptômes physiques, ne se systématise pas, mais qui souvent n’a pas d’hallucinations.

 1 /  Ils sont héréditaires.

2 /  Ils ont des signes physiques de dégénérescence et des congestions.

3 /  Ils écrivent plus mal qu’ils ne parlent et fond des mémoires.

4 /  Ils personnifient la persécution dans une seule personne et la poursuivent par le chantage, les obsessions, etc

5 / Ils n’ont pas d’hallucinations de l’ouïe ni de la sensibilité générale et n’aboutissent  pas aux périodes chroniques ultérieures.

6 / Ils sont malades toute leur vie avec des paroxysmes, restent toujours les mêmes à un âge avancé, n’aboutissent jamais à la démence. […]

8 / Ils ont un orgueil incomparable, sont des inventeurs stériles, des déclassés, des incompris, ont des facultés remarquables d’immenses lacunes dans l’intelligence et surtout dans le moral. Ils manquent de sens moral. 

 

1879

R. von Krafft-Ebing, « Über den sogenannten Querulantenwahnsinn », Allgemeine Zeitschrift der Psychiatrie, 35, pp. 395– 419 (1879). 

  •  Présentation des thèses de Krafft-Ebing sur le délire de quérulence, qui contribue largement à vulgariser l’emploi de ce terme parmi les psychiatres de langue allemande.

 

1880

 Sponholz, « Quaerulantenwahnsinn durch Quaerelen entstanden; forensisch-psychologische Mittheilung », Zentralblatt für Nervenheilkunde und Psychiatrie, 3, 1, pp. 257-261, (1880)

  • Dans cet article,  Sponholz décrit un cas de psychose déclarée suite à une querelle conjugale.  Les deux acteurs de cette querelle sont des paysans du Mecklenburg en instance de divorce — le mari  poursuivant inlassablement « un but parfaitement légal », la femme défendant avec une âpreté particulière « de prétendus droits ». L’homme finit par  l’emporter ; il avait allégué l’existence d’une soi-disant maladie mentale chez sa femme pour justifier un divorce dont cette dernière ne voulait pas. Il n’en demeure pas moins qu’en définitive, l’épouse délaissée devait, selon Sponholz  vraiment tomber dans la « psychose » : après la longue querelle qui l’opposa à son mari — situation où elle se vit dans l’impossibilité de faire valoir ses propre droits —  « dominée par une idée fixe délirante » elle devait se mettre à assiéger les tribunaux. L’histoire en s’arrête pas là, mais pour en lire le fin mot, je laisse le lecteur se référer au texte original allemand.

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Eulenberg (dir.) Real- Encyclopädie der gesammten Heilkunde, Urban & Schwarzenberg, Wien & Leipzig, 1880-1883 (ici, la seconde édition de 1885, umgearbeitete und vermehrte).

  • Le chapitre consacré à la « Paranoia » (p.214), rédigé par Mendel, inclut  quelques paragraphes portant sur le « délire de quérulence » (Querulantenwahn, p.223). 
  •  En accord avec Krafft-Ebing, l’auteur considère que dans cette forme de délire, seuls des intérêts purement juridiques, non des questions d’ordre vital, sont en jeu. La quérulence pathologique semble devoir être déclenchée par des événements réels qui causent un bouleversement profond de toute la personnalité — mais selon Mendel, ce délire pourrait durer de très longues années sans pour autant s’accompagner de démence au sens strict du terme (perte progressive de l’intelligence).
  •  Contrairement à Krafft-Ebing, Mendel refuse néanmoins de considérer la quérulence comme une forme de paranoïa originaire (originäre Paranoia) car il ne peut y déceler trace du développement continu d”une personnalité morbide : dans bien des cas, cette psychose (Psychose) n’éclaterait qu’au cours de la quatrième ou cinquième décennie de vie et se singulariserait pas l’émergence d’une « idée fixe (fixe Idee)» concernant un point de justice bien particulier. A l’opposé, les véritables paranoïaques auraient toujours été « malades ».  Près de trente ans plus tard, c’est pour les mêmes raisons que Kraepelin, suivant Mendel, ferait sortir la quérulence du groupe des Paranoia pour l’inclure dans le groupe des affections psychogènes.

 

1881

Schlager, Emminghaus, Kien, Gauster, Krafft-Ebing, Die gerichtliche Psychopathologie, H. Lauppschen, Tübingen, 1881.

  • Dans cet ouvrage de psychopathologie juridique, le chapitre rédigé par Kirn et portant sur les  « psychoses simples » (einfache Psychosen, p.253) mentionne la « Verrücktheit primaire » (« délire systématisé chronique » des français) ;  au nombre de ses sous-espèces figurent notamment le délire des persécutions (Verrücktheit mit Wahnvorstellungen : der Verfolgungswahn, p.320) et le délire de quérulence  (der Querulantenwahnsinn, p.324)

 

1882

 Freusberg, « Querulantenwahn », Irrenfreund, 24, pp.65-71 (1882)

J. von Maschka (Ed), Handbuch der gerichtlichen Medicin, Lauppschen, Tübingen (1881).

    • Dans  le volume 4,  consacré à la psychopathologie juridique (Die Gerichtliche Psychopathologie),  un chapitre porte sur le délire de quérulence ( Querulantenwahnsinn, pp.324-326)

A. Giraud, « Les attentats contre les personnes commis par les aliénés. Affaire R…, délire des persécutions », Annales médico-psychologiques 8, pp.415-435 (1882)

 

 

1883

E. C. Spitzka, « Contribution to the Question of the  Mental Status of Guiteau and the History of His Trial »,  Alienist & Neurologist, 4, pp.201-220, 1883.

  • Spitzka, aliéniste de renom, fut appelé comme témoin au procès de  Charles Julius Guiteau, assassin du président Garfield. Pour citer une célèbre source d’informations en ligne : « Dr. Spitzka had stated that it was clear “Guiteau is not only now insane, but that he was never anything else.” While on the stand, Spitzka testified that he had “no doubt” that Guiteau was both insane and “a moral monstrosity.” Spitzka came to the conclusion that Guiteau had “the insane manner” he had so often observed in asylums, adding that Guiteau was a “morbid egotist” who “misinterpreted and overly personalized the real events of life.” He thought the condition to be the result of “a congenital malformation of the brain.”
  • « It will probably be many years before a full and impartial history of the remarkable event which culminated in the conviction and execution of the assassin of the late President [ ] can be written [… ]»
  • « His tendency to litigation displayed toward the Oneida community and the New York Herald, his keen enjoyment of the contobersial episodes in his own trial, were a faithful reproduction of what Krafft-Ebing and the others have described as « Querulanten-Wahnsinn ».

1886

Fritsch, « Ueber den Querulantenwahnsinn »,  Jb. f.  Psychiatrie, 5, 1886/87.

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Pottier, élève de Jules Falret (qui avait crée dès 1878 le groupe des persécutés-persécuteurs [Falret, 1878]) signe une thèse intitulée Etude sur les aliénés persécuteurs ( Asselin & Houzeaux, Paris, 1886).

  • Gilbert Ballet, près de vingt ans plus tard [ Ballet, 1903 ] qualifiera encore cette thèse d’ « excellente » et  soulignera qu’elle « contient des observations caractéristiques et des plus intéressantes ».
  • De fait, Pottier s’attache surtout à montrer que  « les aliénés persécuteurs, au lieu de se rattacher au délire de persécution classique [ type décrit par Lasègue en 1852] […], appartiennent à une autre espèce morbide, c’est-à-dire à la grande famille encore mal déterminée […] des aliénés raisonnants ou des fous lucides. C’est dans cette direction d’idées que nous allons essayer de les décrire dans ce travail, comme variété distincte et spéciale. »
  • « C’est sous les noms variés de folie morale, folie raisonnante, folie des actes, manie des procès (folie quérulante des Allemands), etc., qu’il faut rechercher dans les auteurs les observations se rattachant à cette forme morbide.
  • « En étudiant attentivement ces malades, quand on a l’occasion d’en observer dans les asiles ou au dehors, de même qu’en comparant les diverses observations déjà publiées, on constate que ces aliénés diffèrent essentiellement des persécutés habituels de nos établissements, par l’histoire complète de leur maladie, depuis leur naissance jusqu’à leur mort et par l’ensemble de leurs symptômes physiques et moraux, malgré l’analogie de leur idée délirante prédominante. Ils se croient, il est vrai, victimes d’une persécution et cherchent à se venger de leurs persécuteurs, ou à faire cesser cette persécution par tous les moyens en leur pouvoir, et sous ce rapport, ils ressemblent aux aliénés persécutés, dont nous avons fait la description dans le chapitre précédent ; mais, sauf ce point de contact, ils en diffèrent par leur passé, par leur présent et par leur avenir. Ils méritent donc d’en être nettement distingués. Lorsqu’on est appelé à observer un malade de ce genre et qu’on remonte dans son passé, on n’y retrouve en général aucun des signes distinctifs que nous avons assignés précédemment au délire de persécution essentiel.
  • « Ces aliénés ont ordinairement une intelligence très active, de grandes ressources dans l’esprit, et une véritable facilité d’élocution. Ils parlent beaucoup et avec volubilité, discutent avec une grande variété d’arguments les faits qu’ils allèguent et tous les griefs dont ils se plaignent; ils entrent clans de très grands développements pour exposer ces faits et pour justifier leurs plaintes et leurs accusations contre leurs ennemis et leurs persécuteurs. Ils ont souvent une argumentation très serrée, conforme aux lois de la logique et étonnent leurs interlocuteurs par le luxe de preuves qu’ils semblent apporter à l’appui de toutes leurs affirmations.
  • Il est d’autant plus difficile d’apprécier leur état mental que, le plus souvent, leur délire repose en grande partie sur des faits vrais, qui ont servi de point de départ à leur systématisation délirante, et auxquels ils se sont bornés à ajouter des compléments imaginaires, qu’on a peine à distinguer des faits réels qui leur ont servi de base.
  • « Menteurs et de mauvaise foi, ils ont une aptitude particulière à travestir la vérité. Souvent, on constate chez eux, comme trouble fondamental de l’intelligence, une absence complète de fidélité dans la reproduction des idées, qui entraîne comme conséquencela défiguration de tous les faits » (Krafft-Ebing. Du délire quérulant).
  • « Il faut beaucoup de temps et de sagacité dans l’observation, pour arriver à séparer le faux du vrai dans les récits prolixes, diffus et souvent très compliqués de ces malades. Presque toujours, en effet, les faits vrais se sont produits à l’époque de l’invasion de la maladie, et ont fourni le terrain sur lequel ont pris naissance et se sont développées les conceptions délirantes du malade, sa haine et ses idées de vengeance contre ses ennemis.
  • « Au lieu de se contenter de ruminer en eux-mêmes, pendant des mois et des années, comme les autres persécutés, les mêmes préoccupations pénibles, ces persécuteurs, très actifs de corps et d’esprit, n’ayant aucun des caractères des mélancoliques, ont un besoin de mouvement incessant et sont toujours disposés à passer de l’idée à l’action. Ils croient avoir été victimes d’une injustice, d’une insulte, d’un dommage quelconque, et ils éprouvent dès lors un besoin impérieux d’obtenir une réparation, de satisfaire une vengeance, d’obliger à une rétractation, ou mieux de se débarraser de leurs persécuteurs. On leur a fait du tort, d’une manière ou d’une autre ; on a nui à leur considération, à leur fortune, à leur honneur; on a voulu attenter à leur vie, disent-ils, et dès lors, sans trêve ni merci, ils vont chercher la réparation du préjudice qui leur a été fait. Ils font des procès devant les tribunaux, demandent des dommages et intérêts, poursuivent de leurs obsessions et de leurs menaces incessantes les personnes qu’ils accusent de tous ces méfaits, cherchent à faire des actions d’éclat ou du scandale, produisent leurs réclamations par voie d’affiches, afin d’attirer l’attention publique sur leur personne et sur ce qui les intéresse et arriver ainsi à se faire rendre justice ; enfin, ils en viennent aux actes violents et aux voies de faits contre les personnes qu’ils incriminent et qui, leur refusant satisfaction, doivent devenir les victimes de leur vengeance. Il faut avoir suivi, pendant plusieurs années, dans leur conduite de chaque jour, les malades de cette espèce, pour pouvoir se faire une idée exacte de leur mode d’existence et du supplice incessant qu’ils infligent à ceux qui sont devenus l’objet de cette persécution sans relâche. Quand on a le malheur d’être en butte aux poursuites d’un de ces malades, l’existence entière s’en ressent, car il devient bien difficile de se soustraire à cette tyrannie de tous les instants qui revêt les formes les plus diverses pour atteindre sa victime. L’aliéné se plaint incessamment de celui qu’il considère comme son ennemi acharné et c’est de lui, persécuteur, que vient tout l’acharnement à poursuivre sans répit cet ennemi imaginaire. Celui-ci le retrouve à chaque instant sur son passage et est sans cesse inquiété et menacé par lui. Il reçoit lettres sur lettres, plus injurieuses, plus comminatoires les unes que les autres, et cette correspondance se continue fastidieuse, ressassant toujours les mêmes faits et les mêmes accusations. Aux lettres succèdent les visites; en vain on ferme sa porte, en vain on se fait protéger de toutes les manières, le persécuteur trouve moyen d’arriver jusqu’à celui que son délire lui a désigné. Il l’attend pendant des heures entières, le guette, le recherche partout où il va, le suit, s’attache à ses pas et lui apparaît dans les moments où il s’y attend le moins. Il le saisit au passage, dans les lieux publics, pour l’in- jurier, le menacer et lui répéter verbalement toutes les plaintes et les accusations dont il l’a poursuivi dans ses lettres et ses réquisitoires écrits. Enfin, après avoir épuisé tous ces moyens de contrainte morale, le persécuteur arrive souvent jusqu’à la violence, se précipite sur son ennemi pour le frapper, ou l’épie, le revolver à la main, pour l’atteindre au passage. Procès devant les tribunaux, demandes de dommages et intérêts, menaces de tous genres, souvent tentatives de chantage, lettres, écrits, mémoires imprimés, pamphlets, menace d’un scandale public, actions d’éclat, enfin tentatives de violence ou de meurtre, tels sont les actes les plus habituels auxquels se livrent les persécuteurs raisonnants et qui les conduisent souvent devant la justice, ou les font interner dans les asiles d’aliénés. La presse quotidienne est remplie de faits de ce genre et d’attentats. [….]
  • « Il n’est pas rare, en effet, de voir quelques-uns de ces malades, tout en présentant des idées dominantes incontestables, étendre la sphère de leur délire à plusieurs directions à la fois, en sorte que le délire participe de l’ensemble des symptômes moraux que nous venons de décrire séparément, et que le même malade peut être en même temps un persécuteur processif, amoureux, jaloux et querelleur, enfin accrocher sa manie persécutrice à tout ce qui le touche.  »

1887

 Muhr, « Querulantenwahnsinn »Jahrbücher für Psychiatrie ,VII, 1887

 

  

1888

A. Cullerre, Les frontières de la folie, J.-B. Baillière, Paris, 1888. Le chapitre V (p.161-191) est spécifiquement consacré aux « persécuteurs », que Cullerre divise en trois grandes catégories : « persécutés persécuteurs», « processifs » et « jaloux » :

  • « Ce qu’on est convenu d’appeler la santé est une chose toute relative. Il n’en existe aucune formule absolue, qu’on la considère au point de vue mental aussi bien qu’au point de vue physique, et un type normal de l’esprit humain ne saurait être qu’une abstraction idéale. Comme le fait observer Griesinger, le dilemme « Cet homme est fou ou il ne l’est pas n’a pas le sens commun. De même qu’en pathologie ordinaire il existe tout un ordre de faits contraires à un juste équilibre de toutes les fonctions organiques, et qui pourtant ne caractérisent aucune maladie déterminée; de même en psychopathologie, il y a un nombre considérable d’état mentaux constituant une zone intermédiaire entre l’exacte pondération de toutes les facultés et les maladies mentales véritables.
  • « Que de gens existent dont les allures excentriques, le caractère irritable, les sentiments mobiles, les idées bizarres, les actes insolites, motivent les jugements les plus contradictoires de la part de ceux qui les approchent Que d’individus anormalement déprimés, portés à la mélancolie ou atteints d’un état habituel de surexcitation ! Que de pessimistes, d’enthousiastes, d’originaux, d’inventeurs, de  mytiques, de dissipateurs, de débauchés, de ‘criminels même dont on ne saurait dire qu’ils doivent être mis au rang des fous, bien qu’on ait la certitude que leur place n’est pas parmi les raisonnables ? Que dire encore de ces phrénalgiques qui, sensés et corrects extérieurement, sont dans leur for intérieur le jouet de tics intellectuels irrésistibles, d’idées fixes, de scrupules ridicules, de craintes absurdes et d’obsessions impulsives, causes des plus terribles tortures morales ?
  • « Ces divers états anormaux de l’intelligence ne constituent pas assurément la folie confirmée, mais ils y tendent de plusieurs manières, soit qu’ils s’exagèrent jusqu’au délire proprement dit, soit, ce qui est fréquent, qu’ils servent de porte-greffe à de véritables accès d’aliénation mentale. Mais même dans ce cas, la folie conserve dans ses manifestations quelque chose d’équivoque, de flou, d’incertain, qui pendant longtemps a été une source sérieuse de difficultés pour le diagnostic.
  • « Chapitre V, II — Les processifs  A côté des persécuteurs il convient de placer les processifs, chez qui Casper le premier a entrevu une forme délirante spéciale, étudiée récemment par le Dr. Krafft-Ebing, sous le nom de Délire de la chicane. Selon cet auteur, Brosius, Snell et Liebmann ont complété Casper, en ce qu’ils on t deviné l’origine héréditaire de ce délire. C’est, en effet, une espèce de folie de persécutions ou de manie raisonnante comme cette dernière, elle ne se rencontre que chez les héréditaires et les dégénérés.
  • « Chez les processifs, il y a, le plus souvent, anomalie de développement du crâne et divers autres symptômes de dégénérescence qui sont l’indice certain d’un trouble de nutrition congénital. Leur sens moral est dévié, car ils sont prématurément immoraux, insoumis, peu scrupuleux du bien d~autrui. La notion du droit n’existe pour eux qu’en tant qu’il donne prise sur les autres c’est une arme légale, pour parvenir à leurs fins. Pétris d’égolme, incapables de la moindre concession, du moindre sacrifice, tout ce qui leur porte préjudice les met hors d’eux-mêmes. Entêtés, emportés, ergoteurs et présomptueux, ils sont peu intelligents et leur faconde, qui en impose quelque fois pour du talent, ne couvre pas longtemps l’indigence de leur judiciaire. Notons encore un trouble de l’imagination, qui défigure les faits, et ne les présente que déformés et altérés à la conscience.
  • « Comme les hystériques et les enfants, ils se mentent ainsi à eux-mêmes et ont le travers d’inventer. Pleins d’eux-mêmes et de leur infaillibilité, ils ne supportent aucune contradiction, d’où des conflits permanents avec leur entourage.
  • « Un grand nombre de processifs se maintiennent à ce degré de simple anomalie du caractère, véritables fléaux pour ceux qui les approchent. S’ils n’ont pas de procès ou ne peuvent en faire pour eux-mêmes, ils excitent les autres à en inventer et se font alors avocats.
  • « Le véritable délire de la chicane naît sous l’influence du motif le plus futile, la perte d’un procès, quelquefois même une simple contestation. Alors, la passion s’exalte et atteint instantanément son paroxysme; le processif sacrifie tout, bien-être, fortune, famille, au besoin qui le tourmente de rentrer dans ses droits. Il s’acharne de plus en plus, et ce qui jusque-là n’était que folle passion devient délire. L’idée ne lui viendra pas que sa cause est perdue parce qu’elle est mauvaise il se considère comme martyr ou dupe les juges sont prévaricateurs, fourbes; il en vient à maltraiter les exécuteurs de la loi. On en voit s’ériger en protecteurs ou avocats interlopes des opprimés témoin cet homme qui fonda la Société des opprimés, c’est-à-dire des évincés juridiques.
  • « Le plus souvent, les malheureux fous procéduriers ne sont reconnus tels que lorsqu’ils ont gaspillé leur fortune en procès, troublé l’ordre public, ou même commis quelque crime. 
  • « Madame C. avait ~o ans quand elle songea à faire l’essai loyal du mariage; elle se croit recherchée par un étranger jeune, beau et riche, qui habitait un hôtel situé en face de la maison où elle était employée comme caissière. Un jour il disparaît; madame C. désespérée, se rend chez le commissaire de police de son quartier et accuse son patron de l’avoir desservie auprès de son amant. Le commissaire de police reste sourd à ses prières; elle s’adresse au préfet de police, aux tribunaux, demande 10,000 fr. de dommages et intérêts. Déboutée de ses poursuites, elle reste pendant deux ans toute à ses douleurs. Madame C. après maintes réflexions, se décide encore une fois à se marier même insuccès, mêmes déceptions. B. d’où vient tout le mal, est poursuivi de nouveau. Me Jules Favre, chargé de sa cause, l’abandonne, M. Grandperret la prend. L’affaire était à la veille d’être portée devant les tribunaux lorsque la malade fut séquestrée. Rendue à la liberté elle ne quitte les cabinets des avocats que pour errer dans la salle des Pas-perdus du Palais de justice. Elle s’arrête enfin à Me Lachaud qui ne peut plaider, une partie de son dossier étant restée entre les mains des premiers avocats. Elle était à la recherche de ses pièces, lorsqu’elle a été séquestrée pour la deuxième fois.
  • « Combien de Chicaneau devraient trouver place dans nos maisons de santé !
  • « Une vieille fille avait été renversée par une voiture, et cet accident n’avait eu d’autres suites que des contusions sans gravité. Elle avait reçu une indemnité très équitablement fixée par le tribunal, conformément aux conclusions d’un certificat de M. le docteur Marjolin et d’un rapport de moi. Mais ne se trouvant pas satisfaite, et attribuant à sa chute foutes les indisposions, tous les malaises qu’elle éprouvait, elle poursuivit pendant plus de dix ans, par toutes les voies judiciaires, la réparation d’un dommage chimérique et comme elle attribuait au témoignage des médecins les échecs répétés qu’elle esuyait dans toutes ses prétentions, elle finit par nous prendre à partie mon honorable confrère et moi. N’ayant pu trouver ni un avoué pour poursuivre, ni même un huissier pour nous signifier une assignation, elle alla jusqu’à s’adresser, non moins vainement mais sans se lasser, au syndic pour lui demander la désignation d’office d’un huissier pris à l’assistance judiciaire, donnant ainsi la mesure de l’altération des facultés qu’avait amenée chez elle l’exagération d’une disposition hypocondriaque. (Ambroise Tardieu.)
  • « Le délire de la chicane peut, comme on vient de le voir, se développer sur un fond d’hypocondrie. Il se développe aussi sur un fonds d’idées de persécution.
  • « B. attire tout d’abord l’attention par son physique étrange. Sa figure d’enfant vieillot est complètement imberbe, le nez largement épaté, les pommettes saillantes, les yeux écartés, le teint d’une paleur blafarde. La tête est mal conformée, et élargie dans le sens transversal. Bien que sa taille soit assez élevée, elle est déformée dans sa partie supérieure par des traces de rachitisme. Les organes génitaux ont subi un arrêt complet de développement et ont l’apparence de ceux d’un enfant de quatre ans. Quand il parle, c’est avec la voix grêle et glapissante d’un castrat. D’un accord unanime, il est considéré comme violent, impulsif, chicaneur acharné, processif, n’ayant jamais pu vivre en bonne intelligence avec personne. A propos d’un peu de fumier ou de quelques volailles, il intentait des procès à ses voisins et faisait des menaces de mort. D’une avariée extrême, bien qu’il eût le moyen de vivre comme un cultivateur aisé, il végétait dans un taudis sor- dide où il n’y avait pour tout meuble qu’une paillasse sans literie et une armoire vermoulue qui suffisait à contenir ses hardes et sa nourriture. Ombrageux à l’excès, se déhant de tous ceux qui l’environnaient, il s’imaginait qu’ils n’avaient d’autres préoccupation que de le voler ou d’empiéter sur son terrain. L’un de ses voisins était surtout l’objet de ses défiances et de son animadversion parce qu’il possédait un terrain riverain du sien propre aussi ne cessait-il de porter contre lui devant les gendarmes, les gardes-champêtres, le maire, ses griefs absolument imaginaires. Il lui intenta vainement de nombreuses poursuites devant la justice de paix; et à fin, ne pouvant obtenir justice à son gré, il prit un fusil, et le déchargea sur le malheureux voisin, qui heureusement ne fut pas atteint.
  • « B. sur mes conclusions, fut acquitté par la cour d’asssies comme irresponsable. Cette observation est surtout intéressante en ce qu’elle fait bien ressortir le rôle que joue la dégénérescence dans les aberrations mentales de ce genre. Elle montre, en outre, que les chicaneurs sont dangereux et poussent parfois jusqu’au crime leur appétit de revendications et de justice. Les observations suivantes compléteront cette démonstration. 
  • « Le 15 avril 1876 j’ai eu à examiner, dit Legrand du Saulle, un sieur P… accusé d’avoir porté des coups de barre de fer à M. D. agent d’affaires, à l’occasion d’une réclamation d’un billet ancien. Ii s’était présenté avec le plus grand calme chez M. D. qu’il obsédait depuis longtemps, et il se servait de la barre de fer comme d’une canne. J’ai rarement rencontré un homme plus difficile et plus astucieux que P. aussi, la situation qui lui était faite me préoccupa-t-elle vivement. Voici textuellement le certificat que je rédigeai, après un interrogatoire très serré de trois heures consécutives « Niveau intellectuel moyen. Élocution facile. Volonté énergique. Tendances éminemment processives. Somme de 120,000 francs dépensée en comptes, chicanes, expertises, procès, liquidations, séparation de corps, etc. Prétendu inceste (sa femme aurait été la maîtresse de son propre père). Haine violente contre les officiers ministériels qui l’ont ruiné et contre la justice qui l’a sciemment desservi. Fausses interprétations. Crainte de passer dans son pays pour un voleur, à la suite d’un billet qu’il aurait fait payer deux fois. Idées véritables de persécution. Désir maladif de passer devant un tribunal correctionnel ou une cour d’assises, afin de faire plaider à nouveau tous ses anciens procès et de faire savoir par son avocat qu’il est un honnête homme et qu’il a été victime toute sa vie. Préméditation avouée. Acte violent non regretté. Part considérrable de volonté et de liberté morale. Placement difficile aujourd’hui dans un établissement d’aliénés H. P. fut remis entre les mains d’un juge d’instruction, à la suite de cette pièce; mais des scrupules se firent jour et M. Motet fut commis à titre d’expert. Notre collègue confirma mon opinion clinique. P. fut traduit en police correctionnelle et condamné à six mois de prison.
  • « Entre le processif et le persécuteur, la nuance est parfois insensible, et les deux personnages se fondent souvent en un seul. A preuve, la très intéressante observation suivante, empruntée aussi à M. Legrand du Saulle. 
  • « C. courtier de commerce, âgé de trente-cinq ans, très intelligent, mais non éduqué, a une bonne tenue, le teint pâle, les traits réguliers, le regard incertain, les pupilles égales, la mémoire fidèle, la parole facile, abondante et dégagée. Il a été commis pendant quatre ans et demie chez M. B. manufacturier à Aubervilliers. Il déclare qu’il a fait des efforts inouïs pour améliorer les affaires de. son patron et pour enrichir ce dernier. Il gagnait simplement ï5o francs par mois, mais il était l’âme de la maison. Une contestation s’élève tout a coup entre M. B. et C. au sujet d’une somme de 658 francs, et C. accusé d’abus de confiance, passe en police correctionnelle et est condamné, principalement sur la déposition de M. B. à six mois de prison.
  • « A l’expiration de sa peine, C. se rend chez M. B. lui donne des explications interminables, tente de lui prouver son innocence, sollicite sa réintégration, puis, ne pouvant pas l’obtenir, il demande un certificat de bonne conduite, un billet de confiance, un témoignage d’estime. Toujours éconduit et désespéré, il diffame partout son ancien patron, se place dans une maison rivale de la sienne et invente tous les moyens possibles pour porter préjudice à M. B. en attendant les débats publics d’un procès civil en dommages-intérêts, pour préjudice causé par une fausse déposition à l’audience.
  • « C. n’a point d’argent pour entamer le procès qu’il médite, mais il vole une barrique de gélatine livrée par M. B. et avec le produit de la vente de cette barrique, il pourra enfin plaider contre l’homme qui lui a ravi son honneur. Il est honnête; dit-il, et ne détournerait pas cinq centimes à qui que ce soit, mais vis-à-vis d’une marchandise appartenant à M. B. il a non seulement le droit, mais le devoir de se l’approprier. « Sa conscience l’exige ». Soupçonné bientôt et arrêté, il est jugé et condamné à treize mois de prison.
  • « C. scandalisé de l’injustice des hommes et abreuvé de dégoût, pensant sans cesse aux crimes dont il a été la victime, commence à écrire le journal de ses impressions intimes. Il ne veut causer qu’avec lui, car lui seul est estimable, et il noircit trois ou quatre cents pages de grand papier. On relève ça et là les pensées suivantes « Je ne suis retenu à la vie que par l’espérance de servir U cause humaine avec une abnégation totale de ma personnalité. Les souffrances que la malice nous inflige ne sont rien, puisque la paix de la conscience et la santé de l’esprit les tournent en jouissances. La folie est un démon sans fin qui, pour se faire nourrir et adorer, ne craint pas d’assassiner les lois de la nature, de détruire le siège de la raison. Je tiens à la vie pour être le libérateur du genre humain. De l’enfer terrestre je veux faire un paradis terrestre, sans secousse pour personne, par la seule lumière de la persuasion. Je veux rendre Dieu et le Diable visibles comme une matière que l’on tient dans sa main, que l’on peut interroger, toucher, distinguer et comprendre comme la nuit d’avec le jour. Une opinion est une passion. Une passion, dès qu’elle est victorieuse, domine; tout ce qui domine, opprime, tout ce qui opprime avilit; tout ce qui avilit dégrade. De là le forfait au grand jour par l’adoration du crime vertueux, par le vol honnête, par la probité malicieuse, par la sagesse deconvention, et aussi par la supériorité décrétée tout comme si elle dépendait d’une volonté.
  • « Sorti de prison depuis trois ans, C. renouvelle auprès de M. B. toutes ses entreprises de réhabilitation, ne recule devant aucune obsession, déclare d’abord qu’il se contentera d’un aveu écrit de « l’erreur commise » puis il élève progressivement ses prétentions, sollicite un emploi largement rétribué dans la maison, et. enfin, à titre de réparation, une somme de 3,000, de 10,000, 3o,ooo et enfin de 00,000 francs. Il va plus loin encore M. B. doit lui abandonner immédiatement sa fortune et sa manufacture. Ce n’est pas trop pour le mal qu’il a fait! C. imagine en dernier lieu le guet-apens que voici II loue une chambre rue des Jardins Saint-Paul, près le quai des Célestins, et, sous un faux nom, il fait donner à M. B. un important rendez-vous d’affaires. M. B. sans dénance, arrive à l’heure dite, et est reçu par C. qui lui demande poliment si, oui ou non, il veut lui rendre son honneur. M. B. parlemente, constate qu’il a été trompé par la lettre reçue, et, toujours suivi par C. descend l’escalier, passe devant le concierge, tourne la rue des Jardins-Saint-Paul et se dirige vers sa voiture qui station- nait au coin du quai des Célestins. Au moment où il entre dans sa voiture et adresse la parole à sa femme, C. lui tire aux jambes un coup de revolver, qui n’atteint personne. M. B. afin de -ne plus exposer sa femme, sort brusquement de voiture et se met à courir sur le quai. C.le poursuit, fait feu une seconde fois et M. B. reçoit une balle dans le coude.
  • « Le plan de C. était celui-ci « Je vais blesser M. B. et je passerai devant la cour d’assises; là je démontrerai que j’ai été littéralement martyrisé, que j’avais droit à une éclatante réparation, et que, ne l’obtenant pas, j’avais le devoir d’en appeler à l’opinion publique. Si je viens maladroitement à tuer M. B. toute réhabilitation possible m’échappe et je me brûle immédiatement la cervelle. Je suis, en effet, un honnête homme, et je n’ai pas envie de passer pour un assassin.
  • « Satisfait et fier de ce qu’il a fait, C. est écroucà Mazas. MM. Motet et Voisin l’examinent à diverses reprises et concluent à l’irresponsabilité. Le parquet hésite et ordonne un supplément d’instruction. Je suis commis et je dépose un rapport très net dans le même sens que nos deux collègues. Une ordonnance de non-lieu est rendue, et, en février 1877, le malade arrive à Bicêtre. »

 

1889

C. Becker, Der Querulantenwahn, Inaug-Dissertation, München,  1889

1890

Benjamin Ball, Du délire des persécutions ou Maladie de Lasègue, Asselin et Houzeau, Paris, 1890. Benjamin Ball distingue :

 

  • 1 /  Les « persécutés » (modèle : maladie de Lasègue, i.e. délire des persécutions). « Ce qui caractérise essentiellement tous les persécutés, ce qui domine toutes les différences individuelles, c’est l’autophilie, c’est l’hypertrophie du moi, c’est la tendance à considérer tout par rapport à soi-même, et à se regarder comme le centre du vaste univers. Il résulte de cette disposition d’esprit une susceptibilité morbide, une tendance à tout prendre de travers, à considérer les événements sous un point de vue tout particulier, et à se croire toujours victime.»
  • 2 /  Les « persécutés ambitieux » — des persécutés véritables « chez lesquels un nouveau chapitre vient s’ajouter au précédent, […] une nouvelle phase vient transformer le délire et lui donner un caractère nouveau sans effacer les traces du passé : je veux parler de la période ambitieuse qui, pour n’être pas constante chez tous les persécutés, n’en est pas moins assez fréquente et assez importante pour mériter la plus haute attention […]. Une fois l’ambition développée, le malade est entretenu dans ses préoccupations douloureuses par le contraste entre ses prétentions et la réalité. Un Roi qui ne peut pas régner se plaint amèrement des misérables qui lui barrent le chemin ; un prophète qui n’est pas écouté tonne contre les incrédules. Ce contraste si pénible entre le rêve et les faits réels se manifeste quelquefois par des lamentations grotesques. Je suis Dieu, s’écriait un de nos malades, je suis Dieu, et l’on ne veut pas me donner des œufs pour mon déjeuner ! »
  • 3 /  Les « persécutés-persécuteurs […]  dont l’exaltation peut aller jusqu’au crime, qui attire l’attention du grand public et qui fait intervenir dans la question l’action directe de la justice ». C’est dans cette catégorie  que Ball range « le délire des processifs et des plaignants (Querulanten und Processenkramer), dont Racine semble avoir décrit, par anticipation, le type dans la comtesse des Plaideurs. »
  • 4 /  Les simples « idées de persécution » (« faux persécutés, opposés aux vrais et purs »)
  • 5 /  Les « folies à deux (propagation et partage d’un délire) ».
  • 6 /  Les «  persécutés en liberté ( « passifs » par opp. aux « actifs internés ». Leur mode de vie particulier. Isolé. lubies. — voyageurs, migrateurs, visiteurs — comment les accueillir. leur lubies. Leurs testatments étranges. Leurs écrits)
  • 7 /  La « mégalomanie ou délire ambitieux » : un « trouble spécial de l’intelligence où les idées d’orgueil prennent une telle prépondérance qu’elles constituent le fond même de la maladie […] C’est la mégalomanie des Allemands, la folie des grandeurs de M. Broc, la folie avec prépondérance des idées de grandeur de Foville. Il s’agit là véritablement d’un délire partiel» —  « une idée prépondérante [… ] règle à son gré l’ensemble du délire » . Parmi les mégalomaniaques, ou persécutés  on trouve donc des pseudo-inventeurs,  pseudo-génies, pseudo-rois et reines sans sentiment de persécution.
  • Dans le chapitre qu’il leur consacre, Ball rappelle « qu’il existe des caractères généraux […] communs à tous les persécutés persécuteurs [ dont les « processifs et plaignants (Querulanten und Processenkramer)»].
  • « Le premier, c’est l’activité. Doué d’une grande vigueur d’esprit, ces sujets manifestent leur agitation par des écrits, par des discours, par des démarches sans nombre, enfin par des attentats violents. »
  •   « En second lieu, la ténacité. Une fois qu’ils ont fait choix de leur victime, ils ne l’abandonnent jamais, ils la tourmentent pendant de longues années. Cependant, il peut y avoir des substitutions et surtout des additions. Les persécuteurs s’en prennent, chemin faisant, à tous ceux qui contrarient leur délire et même à ceux qui, après s’être intéressés à leur cause, n’ont pas réussi à contenter leurs espérances. Inutile de dire qu’il faut y joindre les médecins qui les ont soignés, les magistrats qui les ont condamnés. »
  •   « Le troisième caractère est l’exaltation de la personnalité. Plus que les autres persécutés, ils sont orgueilleux, vaniteux et profondément égoïstes. Ils ont toujours raison, jamais ils n’avouent leurs torts, ils sont absolument dénués de tout sentiment d’altruisme. Ils envisagent tout par rapport à eux-mêmes, ils ne pensent qu’à eux. Un persécuté de ce genre tue sa femme ; il la regrette comme il l’a dit à moi-même, parce que, séquestré dans une maison de santé après avoir passé en cour d’assises, il se voit empêché de gérer sa fortune, ce qui le préoccupe beaucoup. »
  •   « Le quatrième caractère est l’abus de la logique. Ils vivent dans un monologue perpétuel, ils n’écoutent leurs interlocuteurs, quand ils veulent bien les écouter, que pour argumenter, répliquer et discuter ; leur vie est un plaidoyer continuel. »
  •     « Le cinquième caractère qui leur est commun, c’est la longévité intellectuelle et souvent physique. Ce sont des types vigoureux. Leur intelligence ne fléchit pas, et leur vie se prolonge souvent pendant de longues années. Il faut ajouter qu’ils sont sujets à des alternatives d’excitation et de rémission qui permettent quelquefois de les croire guéris, alors qu’ils ne font que dissimuler leur délire. »
  •   Ball rappelle en outre qu’ « il est une manie commune à tous les aliénés, mais qui prédomine surtout chez les persécutés, et plus encore chez les persécutés ambitieux. Nous voulons parler de la manie d’écrire, du besoin de noircir le papier. Presque toujours, à un moment quelconque de leur évolution, ces sujets se lancent dans la correspondance ; ils s’adressent de préférence aux journaux politiques, aux autorités, aux gens en vue, au pape, aux évêques, au président de la République, au préfet de police, aux magistrats. C’est ce qu’on a spirituellement appelé la manie des petits papiers, car on trouve des écrits partout, sur tous les meubles et dans tous les coins, chez certains persécutés. »
  •   « Messieurs, si je me suis longuement étendu sur la description des persécutés persécuteurs, c’est que, plus que tous les autres, les aliénistes sont exposés à devenir leurs victimes. Condamnés par profession à rester longtemps en contact avec eux, nous devenons facilement l’objet de leur colère. »

1891

Publication des Leçons cliniques sur les maladies mentales faites à l’asile clinique (Sainte-Anne) de Valentin Magnan.  (ici dans leur deuxième édition non modifiée de 1893, aux Bureaux du Progrès Médical, Paris.)

  • Médecin-chef à Sainte-Anne à la fin de sa carrière, éternel rival de Benjamin Ball, Magnan réelabora les théories de la dégénérescence héritées de l’aliénistes Morel — mais il introduisit aussi et surtout  la notion hautement controversée de délire chronique à évolution systématique caractérisé par la succession de quatres phases, ou périodes : incubation, persécution, ambition, démence. L’existence de ce délire et le mode de succession de ces quatre périodes fut l’objet d’infinis débats à la Société médico-psychologique de Paris.
  • Bien qu’il considère qu’existe une « différence très tranchée entre les délirants chroniques et les persécutés-persécuteurs » — due notamment au fait qu’on ne trouve pas trace, chez ces derniers, d’évolution systématique du délire — c’est bel et  bien dans la partie de son ouvrage consacrée au « délire chroniques à évolution systématique » que Magnan fait un sort aux les « persécuteurs processifs », considérés comme des « persécutés-persécuteurs » un brin particuliers — proches parents des « fous moraux » et autres « maniaques raisonnants », atteints de « dégénérescence héréditaire ». Il en donne donc plusieurs observations au septième chapitre, partie quatre de ses Leçons cliniques.
  • SEPTIÈME LEÇON
  • Diagnostic.Les persécutés-persécuteurs.
  • Sommaire. Leur parenté avec les fous moraux et les maniaques raisonnants. Manie raisonnante : Pinel, Marc, Trélat, Morel, Marc, Falret, Campagne. C’est une exagération de la déséquilibration habituelle du dégénéré. Persécutés-persécuteurs. Lasègue en fait une variété du délire de persécution, Falret, Pottier. Ce sont des héréditaires dégénérés. Leur persévérance, leur ténacité aveugle, leurs modes divers de réaction.
  • Observation XIV. Persécuteur menaçant ; affiches et cartes postales injurieuses. Plaintes nombreuses.
  • Observation XV. Anomalies du caractère. Persécuteur processif.  Hallucinations de l’ouïe passagères. Requêtes à  toutes les autorités, à la Chambre des députés,  aux magistrats, à la presse. Lettres injurieuses aux médecins.
  • Observation XVI. Persécuteur processif. Caractère agressif. Affiches, plaintes. Trois internements.
  • Nous connaissons suffisamment le délire chronique pour passer en revue maintenant d’autres formes mentales qui en revêtent parfois les apparences, tout en étant de nature complètement différente. Occupons-nous d’abord des plus intéressants de ces malades, des persécutés-persécuteurs.
  • Ces malades sont des héréditaires dégénérés qui se présentent au clinicien sous un aspect nouveau, et avec une physionomie toute spéciale. Ils tiennent, par certains côtés de la folie morale et souvent aussi, pendant des phases d’excitation, ils deviennent des maniaques raisonnants ; mais néanmoins, ils présentent un ensemble de caractères très tranchés qui permettent d’en faire un groupe à part.
  • Je vais donc, avant d’étudier ces persécutés-persécuteurs, esquisser rapidement la manie raisonnante. La manie raisonnante, la folie morale sont des termes qui servent habituellement à désigner les mêmes états morbides. Quelques auteurs, M. Campagne en particulier, font de la manie raisonnante une espèce pathologique distincte ; d’autres, et notamment Legrand du Saulle, la considèrent comme un syndrome pouvant appartenir à plusieurs maladies ; d’autres enfin, avec M. Falret, ne regardent la folie raisonnante ni comme une espèce, ni comme une variété de maladie mentale, mais comme un complexus clinique dans lequel ont étés confondus des états très différents que l’on doit séparer en plusieurs catégories distinctes. Vous le voyez, les avis sont différents, les opinions divergentes, la confusion est grande et vous vous ferez aisément une idée de la difficulté en vous reportant en arrière et en jetant un coup d’oeil sur les différents travaux publiés sur ces états raisonnants.
  • De tout temps, les médecins ont remarqué que des sujets à intelligence lucide pouvaient commettre des actes de folie, et Millier, par exemple, décrit une mélancolie sans délire ; mais, jusqu à  Pinel, ces observations restèrent isolées. Pinel, le premier, a insisté sur ces faits et il a crée la manie sans délire, ce que l’on appelle, ajoute-t-il, dans plusieurs passages de son livre, la folie raisonnante.
  • C’est en effet, le nom sous lequel les infirmiers, les surveillants désignaient les aliénés qui, tout en n’ayant pas de lacunes dans le raisonnement, se livraient néanmoins à  des actes violents.
  • La manie sans délire de Pinel réunit des faits très disparates ; tout sujet à apparences normales, commettant des actes  extravagants, rentre dans ce groupe. Certaines observations de Pinel se rapprochent de la folie morale, telle est la suivante :
  • « Un fils unique élevé sous les yeux d’une mère faible et indulgente prend l’habitude de se livrer à  tous ses caprices, à  tous les mouvements d’un coeur fougueux et désordonné ; l’impétuosité de ses penchants augmente et se fortifie par le progrès de l’âge, et l’argent qu’on lui prodigue semble lever tout obstacle à  ses volontés suprêmes. Veut-on lui résister, son humeur s’exaspère ; il attaque avec audace, cherche à régner par la force ; il vit continuellement dans les querelles et les rixes. Qu’un animal quelconque, un chien, un mouton, un cheval, lui donnent du dépit, il les met soudain à mort. Est-il de quelque assemblée ou de quelque fête, il s’emporte, donne et reçoit des coups, et sort ensanglanté ; d’un autre côté, plein de raison lorsqu’il est calme, et possesseur, dans l’âge adulte, d’un grand domaine, il le régit avec un sens droit, remplit les autres devoirs de la société et se fait connaître même par des actes de bienfaisance envers les infortunés. Des blessures, des procès, des amendes pécuniaires avaient été le seul fruit de son malheureux penchant aux rixes ; mais un fait notoire met un terme à ses actes de violence : il s’emporte un jour contre une femme qui lui dit des invectives, et il la précipite dans un puits. L’instruction du procès se poursuit devant les tribunaux, et, sur la déposition d’une foule de témoins qui rappellent ses écarts emportés, il est condamné à  une réclusion dans l’hospice des aliénés de Bicêtre. »
  • Il est d’autres cas rapportés également dans le traité médico- philosophique, celui, par exemple, intitulé : « manie sans délire marquée par une fureur aveugle » qu’il est difficile de considérer comme une manie raisonnante. Enfin, le malade, qui, délivré comme victime de l’ancien régime par une troupe d’hommes armés, s’empare, au sortir de Bicêtre, du sabre de l’un deux et frappe ses libérateurs, ne semble guère être un  raisonnant .
  • De violentes critiques se sont élevées contre cette manie  sans délire, et Griesinger est allé jusqu’à  dire qu’elle avait été crée pour le malheur de la science. Ce jugement est assurément trop sévère, et Pinel a rendu, au contraire, un grand service on rangeant dans le cadre de la folie, c’est-à -dire parmi les irresponsables, un certain nombre de malades qu’on avait considérés jusqu’alors comme des individus vicieux et pervers et sur lesquels s’appesantissaient toutes les rigueurs de la justice.
  • C’est ce que pensait déjà Marc, lorsqu’après avoir rappelé les erreurs judiciaires dont étaient victimes ces aliénés raisonnants il rend un pompeux hommage à  Pinel. (De la folie considérée dans ses rapports avec les questions médico-judiciaires, 1840).
  • Esquirol, classant ses monomanies d’après le trouble prédominant d’une faculté, arrive à faire entrer les manies sans délire de Pinel dans ses différents groupes de monomanie.
  • Marc décrit les faits indiqués par Pinel sous le nom de monomanie impulsive ou instinctive. Il admet, en outre, une monomanie raisonnante., synonyme, pour lui, de monomanie avec actes raisonnes et motivés par le délire. Chez les premiers, aucun raisonnement ne précède pas les actes dits instinctifs, automatiques ; chez les autres, l’acte est la conséquence d’une association d’idées. Par exemple, le monomaniaque qui attente à  la vie de quelqu’un parce que, voulant mourir et n’ayant pas le, courage de se donner la mort, il veut se faire condamner, est un fou qui n’agit pas par impulsion instinctive, mais qui raisonne l’acte qu’il commet. Il en est de même du monomaniaque auquel une hallucination fait entendre des propos insultants et qui, pour se venger, attaque la première personne qui se présente à  sa vue. Ce sont là  assurément des faits d’un ordre tout différent, et la monomanie raisonnante de Marc ne correspond pas du tout à  ce que Pinel et Esquirol ont appelé folie raisonnante.
  • Pritchard la considère comme une folie à part sous le nom de folie morale (moral insanity) ou de folie du caractère ; elle n’est ni la monomanie avec ses conceptions délirantes déterminées, ni la mélancolie avec sa tristesse, ni la manie avec sa grande excitation et son incohérence, ni la démence, ni l’imbécillité avec ses facultés diminuées ou nulles. Scipion Pinel (1) comprend la manie raisonnante dans l’ordre des affections mentales caractérisées par la lésion des penchants et des instincts. Guislain décrit différents types de manie, et, entre autres, les formes tranquille, raisonnante, astucieuse, malicieuse, tracassière, qui peuvent se rattacher à la manie raisonnante. Pour Brierre de Boismont, c’est une folie d’action ou un délire des actes ; pour Billod, ces malades sont bien plus raisonneurs que raisonnants, et la maladie revêt bien plus le caractère de la lypémanie que celui de la manie. Trélat, en 1861, montre dans son traité sur la folie lucide une série de tableaux admirablement tracés d’aliénés qui ne paraissent pas fous parce qu’ils s’expriment avec lucidité, mais il évite tout essai de classification naturelle en les rangeant par groupes purement symptomatiques.
  • Morel ouvre une ère nouvelle en rattachant la folie raisonnante aux folies héréditaires et en faisant ressortir le lien étroit qui l’unit, dans la succession des générations, à l’imbécillité et à l’idiotisme, c’est-à -dire aux dégénérescences. C’est pour lui un délire des sentiments et des actes avec conservation des facultés intellectuelles. Marc se fait une idée assez juste de ces états raisonnants et ne croit pas à  une entité pathologique distincte ; tous ces faits se rangent pour lui en deux catégories. Ce sont des états congénitaux dont on retrouve des traces dès la première enfance et qui peuvent être légitimement rattachés à l’imbécillité ou à  des états anormaux de l’intelligence consécutifs à  des accès antérieurs de folie et se rapprochant de l’excitation maniaque.
  • Lors de la discussion qui eut lieu à ce sujet à la Société médico-psychologique, M. Falret, après avoir rappelé combien était complexe l’état morbide désigné sous le nom de folie raisonnante, s’est efforcé de démontrer qu’elle n’est qu’un état symptomatique observé dans des formes ou dans des périodes de maladies très différentes, telles que : 1° La période d’exaltation maniaque qui précède le stade mélancolique de la folie à  double forme ; 2°  La première période de la paralysie générale; 3° La folie hystérique; 4° L’hypochondrie morale avec conscience; 5° L’aliénation partielle avec prédominance de la crainte du contact des objets extérieurs.
  • M. Campagne, dans son traité sur la manie raisonnante, publie douze observations fort intéressantes, et regarde avec juste raison tous ses malades comme des héréditaires s’efforce de séparer de cette maladie des états raisonnants qui en sont tout différents, mais il a le tort de considérer comme une entité pathologique une phase, une épisode de l’histoire morbide du malade.
  • Pour nous, ces maniaques raisonnants sont des héréditaires dégénérés chez lesquels nous constatons comme toujours le défaut d’équilibre psychique commun à  tous ces malades. Lorsque chez ces déséquilibrés survient un certain degré d’exaltation des facultés intellectuelles ils s’excitent tout en restant lucides, ils montrent une activité très grande en pensées et en paroles, suractivité dont ils n’ont pas conscience. Toutes les facultés sont en effervescence, une foule de souvenirs depuis longtemps oubliés reviennent à l’esprit; ils récitent des vers, des pages entières des classiques. L’association des idées se produit avec une rapidité extrême, mais la réflexion, l’attention font défaut, le jugement est faussé. Leur imagination très active forme de nombreux projets. Ils demandent des audiences auprès des personnages en vue, font des listes de souscription, et, grâce à  leur activité, à  leur merveilleux aplomb, arrivent parfois à convaincre ceux qui les écoutent. La manie raisonnante est donc, en résumé, un état d’exaltation que présentent les facultés intellectuelles déséquilibrés des dégénérés, exaltation accompagnée d’inconscience ; c’est un simple costume que prend le dégénéré et non une maladie spéciale. Bien différente de la manie ordinaire, elle se distingue aussi du délire des dégénérés. C’est un trait d’union entre l’état mental ordinaire de ces derniers et leur état délirant. Ajoutons qu’ils commettent parfois des excès de boissons, qu’ils peuvent avoir de l’inégalité pupillaire et que la confusion est alors possible avec la paralysie générale à  la première période.
  • Si, au contraire, c’est le défaut d’équilibre du moral qui s’accuse, si les perversions augmentent, deviennent inconscientes, on a la folie morale. Manie raisonnante et folie morale ne sont donc que des modifications de l’état mental spécial des dégénérés. Les persécutés-persécuteurs que nous allons maintenant étudier présentent de temps à  autre des périodes d’exaltation maniaque qui souvent contribue au succès de leurs plaintes incessantes ; mais leur caractère spécial est une persévérance et une ténacité qui les distinguent nettement des maniaques raisonnants. Ces persécutés-persécuteurs avaient été entrevus par Lasègue qui ainsi que nous l’avons déjà  dit, les avait compris tout d’abord dans le délire de persécution ; mais plus tard, il avait remarqué parmi quelques-uns de ces persécutés un certain air de famille qui les distinguait des autres malades du groupe. C’est surtout à  l’occasion du procès Teulat, l’amoureux de la princesse de B.,,, que Lasègue fit ressortir quelques-uns des caractères des persécutés-persécuteurs, mais sans reconnaître toutefois les liens qui les unissent aux héréditaires il en faisait simplement une variété du délire de persécution.
  • M. Taguet, dans un mémoire sur « les aliénés persécuteurs » (Annales médico-psychologiques, 1877), a cité plusieurs observations de ce genre, mais sans s’arrêter à la nature de la maladie. Krafft-Ebing avait également tait allusion à quelques-uns de ces malades aliénés processifs (Paranoia quaerulens) mais c’est M. J. Falret, le premier, qui l’avait observé dans la discussion sur les aliénés raisonnants, que les persécuteurs appartenaient à ce groupe. Les idées de M. Falret sur ce sujet ont été exposées avec détail en 1886 dans la thèse d’un de ses élèves, M.Pottier (Etude sur les aliénés persécuteurs).
  • Nous avons eu nous-même l’occasion de revenir à  plusieurs reprises sur cette catégorie de malades que nous rattachons, comme M. Falret, à la folie héréditaire, au groupe des raisonnants. Parmi ces malades vous connaissez Sandon, l’abbé Paganel, L’abbé Cotton et Mariotti, devenus en quelque sorte historiques par les vives polémiques et les procès qu’ils ont provoqués. Nous avons vu ici Teulat, l’abbé Cotton et Mariotti ; ces deux derniers, par un procédé différent, avaient voulu attirer l’attention, l’un, par la bizarrerie de son costume, et, de fait, il avait assez bien réussi ; l’autre, par un coup de revolver, au moment du passage de la voiture de M. de Freycinet ; depuis, devenu plus actif, il a fait à  Bicêtre, où il est placé, une tentative de meurtre sur son médecin, notre distingué collègue, le Dr. Deny , enfin, mes deux persécuteurs actuels, très différents par l’éducation et l’instruction, mais identiques, coulés dans le même moule, par leurs idées délirantes. Placés à  l’asile à la suite d’excitation, de scandale, d’actes notoirement déraisonnables, tous deux récriminent contre leur séquestration et réclament impérieusement la rétractation du jugement porté sur leur état mental. Tous deux m’accusent de complaisance criminelle. D…, l’employé de la ville, orgueilleux persécuteur, prétend que j’ai cédé à  l’influence d’une puissance occulte; j’ai voulu couvrir mon confrère de la Préfecture de police et aussi obéir aux injonctions du pouvoir qui redoute son influence politique. L’autre, plus modeste, prétend que j’ai maintenu sa séquestration pour protéger les huissiers et les commissaires de police. Tous deux posent ce dilemme : ou bien les médecins sont des ignorants, puisqu’ils reconnaissent aliénés des hommes non seulement sains d’esprit mais fort intelligents, ou bien ils sont des criminels trafiquant honteusement de leur conscience. Tous deux s’adressent à  des journalistes, et l’un, le déménageur, obtient un article un peu pâle: « Une grave affaire» l’autre, l’employé de la  ville fournit de nombreuses notes pour une longue diatribe contre les Bastilles modernes, sous le titre : « Un crime inouï ; mais ce pamphlet soulève des discussions dans les journaux, et D…, qui ne veut pas passer pour fou, est l’objet, pendant huit jours, de longs commentaires sur ses paroles et ses actes délirants. Cette première escarmouche ne donnant pas les résultats qu’ils attendaient, ils poursuivent leurs attaques. L’un, le déménageur, va droit au but et, après avoir écrit des lettres un peu vives au Procureur de la République et au Préfet de police, il a recours au procédé diffamatoire et public de la carte postale et de l’affiche pour injurier grossièrement ou menacer le médecin,
  • Obs. XIV. M. M… a toujours été bizarre, extravagant : il a fait plusieurs métiers, marchand de vins, déménageurs, sergent de ville. A la suite d’une faillite, il s’est persuadé que les huissiers avaient dirigé contre lui une fausse procédure : depuis il veut obtenir justice, lit des livres de droit, porte des plaintes nombreuses aux pouvoirs publics, poursuit de ses menaces des huissiers, à qui il reproche d’avoir signé de faux actes. Enfin, il s’attaque aux magistrats, adresse des écrits insultants au commissaire de police et menace de se rendre justice lui-même. Ses excès alcooliques augmentent son excitation et il est interné en juin 1885.
  • Après sa sortie des asiles, il poursuit avec acharnement les médecins, écrit au Préfet de police pour lui dénoncer leur conduite :  « Ils ont agi, dit-il, sous un certain ordre. » Au procureur de la République il écrit ; « Prenez garde, M. le procureur, je ne suis pas du tout disposé à me laisser séquestrer de nouveau, il vu vous incomber une grave responsabilité. »
  • Dans son quartier, il affiche des placards contre le commissaire de police; il va jusqu’à coller des affiches manuscrites sur les murs de Sainte-Anne. Il envoie à  Legrand du Saulle et à  nous-même une grande quantité de cartes postales, injurieuses et menaçantes. Certains mots sont écrits à l’encre rouge et soulignés trois fois
  • L’autre, l’employé, est plus méthodique ; il s’adresse aux tribunaux, mais, débouté de sa plainte, il vise plus haut et porte à  la Chambre des députés une première pétition, à  laquelle la Commission, après une enquête sommaire, ne donne aucune suite. D… ne se décourage pas et six semaines après il adresse une deuxième pétition à  la Chambre avec demande en réhabilitation. La seconde pétition n’ayant pas plus de succès que la première, il tourne ses batteries de mon côté et je vous ai fait voir la singulière carte qu’il m’a envoyée dans une enveloppe tout aussi bizarre ; il y a peu de jours, c’est encore une lettre recommandée qui, sauf la forme, ne diffère guère, comme arguments, de celles que m’envoie le déménageur.
  • Obs. XV.  D…, âgée de trente ans, entre le 8 janvier 1885. Renseignements douteux sur les antécédents héréditaires. Sa mère aurait été folle. Caractère triste, soupçonneux. D’après ses amis, il a été bizarre, extravagant dès sa jeunesse. Fils d’un menuisier, il a d’abord été apprenti chez son père, puis employé dans une Compagnie d’assurances ; ensuite engagé volontaire pendant cinq ans, il a pu arriver au grade de sous-officier. Pendant son service militaire, il était fantasque, s’exaltant sans motifs ; on le considérait comme un fou. 11 dormait peu, passait quelquefois une partie des nuits à écrire, parfois il se levait, parcourait la chambre, venait, sans rien dire, regarder dans les yeux ses camarades. Il fut condamné à  quinze jours de cellule pour diverses extravagances. Il prétendait que ses chefs lui en voulaient, et, plusieurs fois, il a manifesté des craintes d’empoisonnement. Il a subi plusieurs punitions assez sérieuses ; une fois, entre autres, pour avoir poursuivi de ses obsessions une jeune iille dont le père vint se plaindre au colonel. Il fit une autre fois un rapport contre un de ses officiers qui lui valut quinze jours de prison. Cet acte donne déjà  une idée de son vrai caractère ; très méticuleux, très pointilleux sur ce qu’il considère comme le devoir des autres, moins scrupuleux pour lui-même. Il dit cependant dans une pétition qu’il adresse plus tard à la Chambre : « je ne pourrais jamais, fût-ce pour tout l’or du monde, jouer le rôle exécrable de « délateur, mais j’estime que les fonds de l’Etat étant chose sacrée, « tout citoyen a pour devoir de participer au contrôle de ces fonds « pour mesure d’intérêt public. » Cette citation montre déjà  combien ce malade oublie facilement ses fautes et combien, au contraire, il est prêt à  relever celles des autres, à  se considérer comme un justicier dont le rôle social est considérable. C’est bien le type du redresseur de torts, si fréquent chez les persécutés-persécuteurs. De 1878 à 1882, il est employé au chemin de fer à Tours. Il quitte son emploi pour échapper aux sarcasmes et aux moqueries. Sa femme, prétend-il, se conduisait mal, et dans les promenades, des jeunes gens se moquaient de lui et faisaient allusion à  ses malheurs de ménage. Il ne connaissait d’ailleurs pas ces individus, mais ceux- ci le regardaient, et il comprenait bien ce que cela voulait dire. A partir de ce moment, il mène une vie misérable. Chargé par commisération, par M. D…,du recouvrement des cotisations de deux Sociétés de secours mutuels, il soupçonne son bienfaiteur de vouloir lui nuire, parce qu’il s’est occupé de politique. Au lieu de porter lui-même les sommes qu’il a recouvrées, il les envoie par la poste employant une partie de son maigre salaire à  recommander les lettres. Le trésorier l’engage plu,sieurs fois à venir directement chez lui, mais il n’en fait rien: c’était, dit-il, pour avoir en main les reçus authentiques de la poste. Néanmoins et contrairement à ce que pouvait faire prévoir tant de scrupules, il s’approprie des sommes qu’il devait déposer et il est poursuivi pour escroquerie. Par une contradiction étrange, mais dont ces malades sont coutumiers, lui, si pointilleux, si méticuleux pour les autres, il n’admet pas qu’il ait eu tort de s’approprier sans prévenir des sommes qu’il était chargé de recouvrer. Il prétend queles poursuites dont il est l’objet ne sont u’un chantage, « ce sont des manouvres de D… etc consorts, probablement payés pour agir ainsi . »
  • Trois mois avant son admission à Sainte-Anne, il entre comme auxiliaire dans un des bureaux des travaux de la ville. Bientôt il devient triste, morose, taciturne, parle seul, s’enferme, bouleverse des dossiers, annote des feuilles contrairement aux usages, s’exalte et finalement menace ses collègues faisant le simulacre de leur couper le cou avec un couteau à papier. Le chef de bureau lui conseille de se reposer jours. Le lendemain, il revient de très bonne heure, décidé à parler au chef, ferme les portes et ne veut laisser entrer personne avant qu’il ne l’ait vu. Il s’excite : bref, il cause un scandale tel que pour éviter un accident, on l’invite à aller voir le chef qui l’attend, lui dit-on, à  son restaurant et on l’accompagne à la Préfecture de police, où il est soumis à l’examen de Legrand du Saulle. A son arrivée à  Sainte-Anne, il est sombre, méfiant et refuse de répondre ; il demande à sortir, sa place n’est pas ici. Dans une lettre adressée au directeur de Sainte-Anne, il s’exprime ainsi:  « Si je fus amené par suite d’influences occultes, c’est à  moi qu’il appartient d’en remonter à la source pour sauvegarder et mon existence et les intérêts des miens.» Dans ses lettres il parle à chaque instant des malades répugnants auprès desquels il se trouve et cependant il était placé parmi les malades tranquilles. Au bout de quelques jours il raconte qu’il avait à  se plaindre de ses jeunes collègues qui, pendant qu’il travaillait, le narguaient et l’appelaient « officier prussien». Transféré à  Bicêtre, il passe ensuite à Mazas, « le parquet, dit-il, voulant sauvegarder la réputation des médecins, le déshonorer lui-même et étouffer sa voix. Les magistrats, ajoute-t-il, escamotèrent la discussion au tribunal. »
  • Mis en liberté, il entreprend une campagne ardente contre tous ceux dont il a eu à  se plaindre ; il envoie lettres sur lettres au procureur de la République, au président de l’Académie de médecine, au ministre de la justice, aux journaux qui publient son histoire sous le titre de « crime sans nom » .
  • Ce sont surtout les médecins des asiles où il a passé qu’il poursuit de sa haine. Il adresse une pétition à  la Chambre des députés en nov. 1885. Le rapporteur de la Commission des pétitions ayant, « dans des conclusions hâtives, » dit D…, proposé de ne lui donner aucune suite, il adresse une deuxième requête en décembre avec ce titre : demande en réparation d’un préjudice indûment causé. C’est un véritable réquisitoire contre les médecins qui l’ont examiné et un panégyrique de son caractère, de son existence tout entière.
  • Cette pétition, très longue, fourmille d’inexactitudes, de contradictions. Avec des apparences de précision, de vérité, il indique exactement les dates, décrit les événements, mais il dénature les faits et les citations de prétendus interrogatoires. Néanmoins, ce document est intéressant, parce qu’il révèle ses préoccupations pénibles, ses soupçons, ses idées de persécution et aussi sa vanité, son orgueil, et qu’il fournit la mesure de la haute idée qu’il a de sa mission. Il passe d’ailleurs très légèrement sur les faits qui ne lui sont pas favorables. A chaque instant son orgueil se montre en des phrases typiques : « Aucun peut-être ne porta plus haut que moi le point d’honneur. J’ai laissé des traces ineffaçables dans mon régiment ; la carrière des armes s’ouvrait assez brillamment devant moi. »
  • Il accuse le Parquet de complaisance pour les aliénistes et « puisque le procureur de la République, s’écrie-t-il n’a pas cru devoir réclamer, du haut de son siège, un châtiment pour les coupables, je viens, aujourd’hui, seul, inspiré par l’ardent amour que je porte au culte de la vérité et à la grande cause de la justice et du droit, réclamer etc. « Il considère les sept certificats médicaux comme sans valeur contre lui, mais « comme devant être considérés néanmoins, en cour de justice, comme pièces à conviction d’un crime, qui, après avoir reçu un commencement d’exécution, ne fut pas entièrement perpétré, par suite de circonstances complètement indépendantes de la volonté de leurs auteurs. » Il discute la décision prise envers lui, tant au point de vue médical qu’au point de vue légal. Il « affirme hautement, avec la plus mêle énergie, qu’il a couru les plus grands dangers dans les asiles et qu’il aurait pu devenir fou.»
  • Chemin faisant, il fait le procès de la « monstrueuse » loi de 1838. « C’est une arme terrible, s’écrie-t-il, en parlant des certificats dont il a été l’objet, que certains hommes ont entre les mains, et dont ils seront toujours à même de se servir contre moi, au cas où ils juge- raient nécessaire une seconde séquestration. »
  • Cette pétition ayant eu le même sort que la première, le malade s’adresse à la Société protectrice des citoyens contre les abus ; il expose sa séquestration, dans une réunion à laquelle il nous convoque. Il demande l’assistance judiciaire « pour suivre, contre nous et le personnel du service, une action en justice », exige des dommages-intérêts. En même temps, il nous poursuit de réclamations incessantes, afin d’obtenir un certificat de sortie,nous accable de lettres chargées souvent injurieuses et qu’il signe:
  • D…, auteur du projet de la loi spécial 12,014, sur la mobilisation de l’armée. Voir le Journal officiel, n° 300 en date du 5 nov. 1886. à Paris, 2 germinal, an 96, ou encore: D. .., attaché de ministère. Ses cartes de visite sont également singulières ; sur l’une, il fait suivre son nom de ce titre : « Citoyen de la République française » ; une autre porte sous son nom les lignes suivantes : « Publiciste, ancien président commandant d’armes au comité de résistance du Seize Mai, dans le département de Maine-et-Loire. Dans les angles de la carte, se trouvent les lettres suivantes : H. W. D. R. P. Il n’est pas d’autres autorités qu’il n’ait fatiguées de ses plaintes : députés, ministre de la justice, procureur de la République, grand chancelier de la légion d’honneur, etc..
  • Un troisième malade est F…, persécuteur du maire et de l’adjoint d’une commune de Seine-et-Oise ; c’est un dégénéré qui n’a jamais pu s’occuper régulièrement, qui s’excite facilement sous l’influence d’excès alcooliques et qui a subi de nombreuses condamnations pour injures, menaces et coups. Enfermé une première fois dans un asile, en 1886, et trouvant que les injures ne sont pas suffisantes, il se décide à  faire connaître toute son histoire par voie d’affiches manuscrites et vient placarder sur les murs de Paris un long factum contre le maire et contre les juges qui l’ont plusieurs fois condamné. Il se fait arrêter au moment ù il collait son immense affiche à l’entrée du Corps législatif. Son affaire, dit-il, fera autant de bruit que celle de Wilson, il veut aller en justice et faire la preuve des faits qu’il avance. Il est interné une seconde fois en 1887, et une troisième en 1888. Vous l’avez vu très ferré sur le Code, ayant, dit-il, appris par coeur les articles qui se rattachent à  son affaire, et il a été heureux de saisir l’occasion de réciter encore une fois la fameuse affiche, qu’il s’est donné la peine de copier déjà  19 fois. (Il ne met pas moins de trois heures à  la transcrire).
  • Obs. XVI. F… (Charles), 35 ans, entré le 7 novembre 1887. Fils d’un père ivrogne, il présente une conformation vicieuse du crâne. Durant l’enfance, oreillons ; pas d’autres maladies. Bonne instruction primaire facilement acquise. Part pour le régiment en 1871, va en Cochinchine, revient sans galons après avoir été cassé du grade de caporal. A son retour (1876), travaille deux mois chez le successeur de son père et, ne voulant pas rester domestique là  où il avait été maître, se fait cocher de fiacre jusqu’en 1880; il retourne alors près de sa mère infirme. Il travaille comme bûcheron ou terrassier. En 1879, se croyant frustré dans une succession, il fait écrire à  des oncles des lettres de menaces à  propos du règlement des biens de son père mort en 1872. Il frappe un de ses parents et il est condamné à  6 mois de prison. En 1881, un chef de gare aurait dit, le voyant traverser la voie devant un train : « Quel est donc ce sale voyou ? » A quoi il aurait répondu : « Tu es un cochon habillé en chef de gare. » Coups de canne de celui-ci, riposte de F… qui lui casse un manche de balai sur le dos. Finalement, disgrâce du chef de gare (?) et 3 mois de prison pour F. . . Il se figure que le maire se complaît à  faire courir le bruit que sa condamnation lui enlève ses droits électoraux, jusqu’en 1884; ie se met alors à étudier le Code, et écrit au Procureur de la République qui lui fait aussitôt délivrer une carte électorale. A cette époque il ne connaît encore que fort peu le maire et son adjoint chez lequel il travaille de temps à  autre. La femme de l’adjoint venait chez sa mère et calomniait, dit-il toutes les autres femmes; alors il lui conseille de jeter un coup d’oeil sur sa vie passée et les moeurs présentes de sa fille. En 1885, au maire qui vient, dit-il, prendre sa voix, il répond par des invectives, persuadé que c’est lui qui, durant 4 ans, l’a prive de ses droits électoraux; il lui fait de l’opposition; il lui reproche d’avoir été commis-architecte chez H…, accusant celui-ci d’avoir tripoté, en faisant acheter des terrains par ses commis, etc. 11 se figure ensuite que le maire, trop lâche, confie sa vengeance à  l’adjoint ; aussi, après des injures, est-il de nouveau arrêté en avril 1885, et, un mois après, envoyé à  l’asile de Clermont(Oise) où on le garde 33 jours. Aux élections d’octobre 1885, la liste radicale ayant passé, il croit que le maire réactionnaire lui attribue ce succès et lui en veut. « Je devais payer cela, aussi en janvier 1886 un juge B…, qu’il prétend être réactionnaire, le condamne de nouveau à 3 mois de prison, bien qu’ayant instruit son affaire, « sans preuve et sans témoin,» parce qu’il avait appelé c…, l’ignorante et crasseuse « brute qui lui servait d’adjoint.» Il est condamné de nouveau pour injures, en mars 1886, à 6 mois de prison. Aussitôt sorti, en octobre, il s’empresse d’afficher, partout où il le peut, les faits ci-dessus exposés. On lui dressa pour cela plusieurs contraventions a Jamais, dit-il, on n’osa me poursuivre » Il continue à  diffamer le maire, et devient violent quand il a « bu un coup de trop.» Ayant frappé et jeté à  la porte le garde champêtre, à « mouchard du maire» il est de nouveau condamné à  un mois de prison. Le maire ne l’insulterait pas, dit-il, mais lui ferait dire, de loin, des injures par son adjoint. Depuis octobre 1886 il s’empresse, chaque fois qu’il en trouve l’occasion, de coller des affiches conformes à  celles qu’il a écrites ici.
  • Depuis sa sortie de prison, il aurait, dans sa commune, collé, en des lieux bien en vue, plus de 150 affiches. Il collait son affiche à la Chambre des Députés, il y a deux jours, quand un agent le prie de le suivre ; le commissaire lui demandant des éclaircissements, il lui reconnaît le droit de le faire arrêter et de lui dresser contravention, mais c’est tout. Quand à ce qui concerne le contenu de l’affiche, il ne le discutera que devant le juge d’instruction. Il espère aller en justice, où il exposera ses griefs et en fera la preuve.
  • Le jour de son arrestation, il avait déjà  collé 6 affiches : une au Crédit Foncier de France (dont le maire est membre du Conseil d’administration), deux à  l’Hôtel de ville, deux au Palais de Justice, une à  la Chambre des députés. Ces affiches ont le format grand couronne à  6 centimes la feuille.
  • Chaque fois qu’il en collait une, il achetait pour un sou de colle qu’il laissait au pied du mur, une fois même il en voulut barbouiller un agent. Il espère qu’en cas de contestations MM. Laguerre ou Vergoin le défendront.
  • Il réclame sans cesse son internement soi-disant arbitraire. Sa mémoi contre re est excellente : il cite par coeur des articles du Code et récite ses affiches.
  • Le malade, sorti de Ville-Evrard en mai 1888, ne tarde pas à  entrer à  Ste-Anne pour la 8e fois. Il avait fait le pari de toucher la main de son prétendu persécuteur; il se rend donc chez lui, lui touche la main, et M. R… se retire, dit-il, le laissant seul. Quelque temps après, il affiche un placard injurieux à  la porte du Crédit Foncier, où se rend M. R… pour ses occupations. Assigné à la 11°= chambre, il demande que l’on appelle M. R. . . comme témoin ; « il faut, dit-il, qu’il lui dise son affaire en public. » Il est arrété, trouvé couché sur la voie publique et porteur d’un revolver. Actuellement, il est toujours convaincu qu’il est une victime, qu’il a subi une séquestration arbitraire ; il s’imagine qu’on lui a fait remettre, de la part du maire et comme indemnité, une somme de 5,800 fr. qui lui revenait en réalité de l’héritage paternel. Malgré l’affirmation de sa mère, il ne se laisse pas convaincre et persiste dans son interprétation erronée.
  • Voici quelques passages de son affiche :
  • Le 20 juin 1880, je suis allé habiter V… Sitôt arrivé dans cette commune, je me fis inscrire à la mairie comme électeur. Le nommé R. . ,, maire de ladite commune, chevalier de la Légion d’honneur (grâce à  sa complicité dans les vols de la bande H…, dont Wilson et C. ont repris les très propres affaires, tripoteur d’affaires véreuses et voleur de grande expérience, trouva que, n’étant pas réactionnaire, je n’étais pas digne de voter, dans ladite commune, dont il est le plus bel ornement (le malade avait déjà  subi 2 condamnations)… Autant ce sale oiseau avait été hautain et insolent, autant il fut plat et rampant, car il eut l’impudence de venir lui-même mendier ma Voix : mon vote et ma propagande le souffletèrent comme il le méritait.Trop lâche pour se venger lui-même, il chargea de ce soin son adjoint, paysan idiot, d’une ignorance crasse, et orné d’une femme et d’une fille qui feraient les délices d’une maison de tolérance Si le maire, adjoint, conseil municipal, magistrats osent démentir une seule de mes assertions, je tiens à leur disposition les preuves irréfutables de ce que j’avance, et je termine en vous demandant, citoyens, si un gouvernement qui soutient une pareille fripouille ne mériterait pas un solide coup de balai.  »
  • HUITIÈME LEÇON 
  • Diagnostic. Persécutés-Persécuteurs. 
  • Sommaire. Caractère obsédant de leurs conceptions erronées. Absence ou rareté des hallucinations. Pas d’évolution systématique. Différence très tranchée entre les délirants chroniques et les persécutés-persécuteurs. Dans quelques cas, l’apparition d’hallucinations rend le diagnostic difficile.
  • Observation XVII. Persécuté plaideur, soupçonneux, raisonnant, orgueilleux, menteur. Appoint alcoolique amenant des hallucinations. Préoccupations hypochondriaques.
  • Observation XVIII. Persécuté. Déséquilibration constante. Inventeur. Orgueilleux, emporté. Tentative d’homicide à  l’ambassade d’Allemagne,
  • Messieurs,
  • Les persécutés-persécuteurs appartiennent, comme nous l’avons vu, au groupe des dégénérés héréditaires à  la variété désignée  du nom de manie raisonnante ; chez tous nous trouvons les antécédents des héréditaires, et, dès l’enfance ou dès la jeunesse.,la disharmonie des facultés intellectuelles, le défaut d’équilibre du moral et du caractère. Cette déséquilibration mentale n’exclut pas la prédominance de certaines aptitudes ; l’employé de la ville, l’élagueur d’arbres, que nous avons vus dans la précédente leçon, ont l’un et l’autre une imagination vive, une mémoire très heureuse, une dialectique serrée. Très pointilleux, rusés et menteurs, d’une patience et d’une activité infatigables, les persécutés-persécuteurs mettent leur mémoire, leur imagination, leurs facultés syllogistiques très développées au service de leurs sentiments maladifs, de leur haine profonde, de leur soif de vengeance. Ils veulent redresser les torts, flétrir les dénis de justice obtenir des réparations pour les prétendus dommages portés à  leur fortune, à  leur honneur et à leur considération.
  • Si, au début, leurs discours et leurs démarches semblent ne tenir que de la passion, à mesure qu’ils s’exaltent, leur désir de rentrer dans leurs droits, de satisfaire leur vengeance n’a plus de frein et domine complètement leurs sentiments leurs conceptions et toute leur volonté ; le caractère maladif devient évident.
  • Très prolixes, très loquaces, ils accumulent leurs prétendues preuves, parfois avec beaucoup de logique, s’appuient sur des arguments tirés de la lecture du Code, sur des faits vrais auxquels ils ajoutent des compléments imaginaires ; ils peuvent ainsi quelquefois en imposer et rendre difficile la distinction du vrai et du faux. Quoi qu’il en soit, ainsi que je vous l’ai dit, ils ne s’arrêtent pas aune longue période d’incubation, d’interprétations délirantes, comme les persécutés ordinaires ; il passent promptement de l’idée à  l’acte. Nous les avons vus s’adressant aux tribunaux, entamant des procès, réclamant des dommages-intérêts, écrivant des lettres, des mémoires, se tournant vers les journalistes, cherchant ensuite à  gagner à  leur cause les conseillers, les sénateurs, les députés ; ils en viennent enfin aux écrits injurieux, menaçants, aux cartes postales, aux affiches, enfin aux tentatives de violences et de meurtre.
  • En dehors de leur état mental si caractéristique, les persécuteurs raisonnants se distinguent des délirants chroniques par l’absence de troubles sensoriels ; les hallucinations ne se présentent qu’à  titre d’exception, et, quand elles existent, elles n’offrent pas cette marche, cette évolution si curieuse qui, du mot, du monologue, conduit au dialogue, à  l’écho, à l’indépendance des centres cordeaux affranchis des centres supérieurs, à  cette sorte d’automatisme par lequel ces derniers ne paraissent plus prendre part aux troubles sensoriels.
  • Ces persécuteurs raisonnants se montrent dès le début orgueilleux et persécutés ; l’employé de la ville ne manque pas une occasion de donner carrière à  sa vanité, ses cartes sont significatives. Notre malade F… est tout aussi vaniteux ; il en est de même de Mariotti et de l’abbé Colton.
  • Ces malades ne se modifient pas; chez eux nous n’avons pas à  rechercher cette évolution systématique du délire chronique, le passage progressif de l’interprétation délirante à  la persécution réalisée, de celle-ci à  l’ambition définitive et à la démence ; non, les persécuteurs raisonnants sont constants dans leur délire, incapables de changement ; vous les trouverez au bout de plusieurs années tels qu’ils étaient au début de la maladie, à 5O ans, comme à  10 ou 15 ans, car chez eux le délire est précoce (autre caractère distinctif d’avec le délire chronique). Ils conservent jusqu’au bout la même activité et le même degré d’intelligence. Quelquefois, à la fin, il survient des accidents apoplectiques, comme chez Sandon, mais ces complications, d’après les cas assez nombreux que j’ai déjà  eu l’occasion d’observer, sont moins fréquentes qu’on ne l’avait pensé.
  • Ces deux groupes d’aliénés, les délirants chroniques et les persécuteurs raisonnants, sont donc séparés par les caractères distinctifs les plus tranchés; mais, dans quelques circonstances, le diagnostic est des plus malaisé ; si l’on prend, en effet, un délirant chronique au début de la seconde période, si celui-ci surtout- cherche à dissimuler, ce qui arrive quelque- fois, s’il cache ses hallucinations ou, du moins, s’il ne leur donne plus libre cours et qu’il se contente d’exposer ses griefs contre ses ennemis imaginaires; si, d’autre part, on est en présence d’un persécuteur raisonnant,  à antécédents inconnus, on voit deux malades chez lesquels la note dominante est le délire de persécution. Tous les deux sont lucides, logiques avec un point de départ erroné ; ils possèdent à  un haut degré la faculté syllogistique. Si, en outre, comme dans quelques cas, rares il est vrai, le persécuteur raisonnant présente des troubles sensoriels, des hallucinations auditives, passagères sans doute, et plus limitées, mais enfin se traduisant par un mot injurieux, une phrase, la difficulté est très grande et l’erreur est presque inévitable.
  • Ainsi, dans le cas de D…, l’employé de la ville dont nous avons parlé dans notre dernière leçon, il y a eu pendant plusieurs jours une véritable difficulté. Les fatigues, les veilles, un léger appoint alcoolique avaient fait naître des hallucinations auditives, et le malade basait son délire non seulement sur les interprétations erronées, mais aussi sur des illusions et des hallucinations. Ses collègues avaient l’air de le mépriser, on l’appelait « officier prussien ». Il avait eu également plus de 2 ans auparavant des hallucinations auditives : à  Tours, sur les promenades, des jeunes gens qu’il ne connaissait pas se moquaient de lui et faisaient des allusions blessantes à  ses malheurs de ménage. Il avait quitté Tours pour échapper à ces railleries imaginaires. Les idées de persécution et les hallucinations marchaient d’un pas égal, remontant déjà  à  plus de 2 ans ; il semblait appartenir au délire chronique plutôt qu’aux persécuteurs raisonnants ; mais les renseignements très circonstanciés que nous avons eus depuis, permettent de le considérer comme un raisonnant persécuteur, comme un héréditaire dégénéré en proie à  des idées obsédantes délirantes. Comme les obsessions ordinaires ces idées s’installent, se fixent et persistent avec la même ténacité, en présentant parois, comme elles, de longues périodes de rémission, mais sans changer de caractère.
  • L’observation suivante nous montre un malade très orgueilleux, très menteur, ayant de ses capacités une opinion très haute, et dont toute la vie s’est passée en discussions interminables. A la mort de sa mère, à  celle de son beau-père, il plaide contre ses parents ; il veut plaider contre la régie ; il intente un procès au syndic de la faillite ; il accuse sa femme de le tromper avec un berger, avec ses trois charretiers. Sa fille n’est pas à  l’abri de ses accusations. Enfin, à l’occasion d’excès alcooliques, il s’excite, présente des hallucinations de l’ouïe, veut s’emparer de l’argent nécessaire aux affaires de la maison, et tire un coup de revolver sur son fils. Notons l’existence de préoccupations hypochondriaques.
  • Obs. XVII. CL… Pierre, âgé de 60 ans, entre à l’asile le 9 octobre 1888, à la suite d’une ordonnance de non-lieu pour coups et blessures envers son fils.  Antécédents héréditaires : Le grand-père était breton, lieutenant de cuirassiers sous Louis XV. Son père avait un caractère emporté, il ne voulait pas commander la même chose deux fois. Il buvait une à  deux gouttes le matin, supportant d’ailleurs très mal la boisson ; au moindre excès il ne dormait plus, il était malade pendant plusieurs jours. Il avait été capitaine d’artillerie sous le premier Empire. Il mourut subitement à 57 ans; depuis l’âge de 40 ans, il avait eu 4 à  5 coups de sang. La mère est morte à  75 ans, elle se portait bien.
  • Le malade n’a pas fait de maladie grave pendant son enfance, il est assez menteur et ne nous donne pas de renseignements bien concluants sur sa jeunesse. A 16 ans, il était forgeron et reçut un coup de pied de cheval à  la face ; il porte encore des cicatrices à chaque orbite et au nez; il fut 18 mois sans voir distinctement.il est en France depuis 1858. Quand son père mourut, il avait 18 ans, il resta chef de famille ; il est persuadé que la maison n’a bien marché que grâce à lui, il le donne volontiers, comme preuve de son intelligence et de sa bonne conduite. Ce malade est raisonnant; toujours prêt à  plaider ; dans ses récits et dans ses plaintes, nous verrons à chaque instant, des illusions qui s’installent dans son cerveau comme des faits certains. Il dit avec aplomb que les soeurs de sa femme ont toutes eu une mauvaise conduite, des enfants avant le mariage ; il paraît qu’il n’en est rien. Quand il était en Berry, il était très jaloux et raconte sur sa femme des faits complètement faux.
  • D’un incident futile, il conclut que son berger est l’amant de sa femme et que son dernier fils n’est pas de lui. Il dit qu’une autre fois il a appris au cabaret que ses trois charretiers étaient les amants de sa femme ; il les renvoya le jour même. Jamais rien de semblable n’a existé. Nous verrons dans ces derniers temps cette facilité d’illusions aller jusqu’à l’hallucination. lia une très haute idée de ses capacités ; tout ce qu’il fait est bien, tout ce que font les autres est mal; ses fils, qui gèrent sa maison aujourd’hui, la perdent à son avis. Il a toujours raison et cela l’amène souvent à plaider. A la mort de sa mère, il a plaidé contre ses frères et leur a fait perdre de l’argent, ils ne veulent plus le voir. De même, à  la mort de sa belle-mère, il a encore plaidé et a arrêté la succession pendant deux ans. Il soupçonne toujours les autres ; sa fille cadette, ayant voulu aller en Belgique chez ses tantes, il y a peu de temps, il ne voulut pas la laisser partir ; il avait peur qu’elle fit des bêtises, cela parce qu’elle est d’une famille où les filles en avaient fait beaucoup. Il croit que tout le complot qui l’a conduit à l’asile est menée par sa fille aînée; elle a l’intention d’entrer au couvent, d’y amener sa mère et de frustrer ses frères de la fortune qui leur revient, etc. Les médecins, quand ils l’ont vu, ont dit qu’il était sain d’esprit aux premières visites, et c’est toujours après avoir vu sa femme qu’ils ont dit qu’il était aliéné. Il réclame devant ces injustices au Procureur de la République, au Président de la République, etc. Il est très intelligent, il le prouve de toutes les façons, il n’y a pas d’argument dont il ne se serve. Il a toujours fait des marchés excellents ; tous les malheurs qui lui sont arrivés sont causés par les saisons, par l’incendie; jamais ce n’est de sa faute. En réalité, il est très ambitieux, fait des projets en l’air, réussit quelquefois, mais parfois, commet des fautes grossières. En 1879, il achète des pommes gelées, croyant faire une excellente affaire, et c’est une des causes de sa ruine. Il est parfait, il a été trop bon avec ses frères, sa mère le lui reprochait ; il a été trop bon avec sa femme et ses enfants, dit-il, et il est facile de voir que sa femme en a absolument peur; sa vie n’a été que discussions perpétuelles. C’est parce qu’il aimait beaucoup sa fille qu’il n’a pas voulu qu’elle aille en Belgique, en convalescence, malgré l’avis des médecins.
  • Ainsi toute sa vie il a été très bienveillant, très dévoué, et ce sont les autres qui ont eu tort ; quand on lui démontre qu’il n’a pas en raison en telle ou telle circonstance, ce sont des bagatelles. Il a toujours été et tel il est aujourd’hui. Des excès alcooliques ont encore exagéré ses tendances et l’ont amené souvent à des actes violents, dont il va nous faire lui-même l’histoire dans un long réquisitoire qu’il adresse au juge d’Instruction. Il raconte qu’il a été ruiné par l’hiver de 1879, nous savons ce qu’il en est. En 1882, ils ont repris une maison à Paris, en son nom, dit-il; c’est faux, c’est au nom de son fils aîné. Tout le inonde était découragé la maison, c’est lui qui les a relevés. Si les affaires ont bien marché, c’est grâce à lui; ses fils ne faisaient que des sottises, de mauvais marchés. Il se plaint que sa fille s’est retirée chez les soeurs, les laissant dans la gêne; le fait est vrai, il la frappait tant qu’elle s’est éloignée pendant un certain temps. En 1886, sa fille, malade, lui demande à aller chez ses tantes, à  Bruges, il refuse. Un jour elle s’en va sans qu’on le prévienne (sa femme affirme qu’il était prévenu) ; il voulut d’abord aller la chercher, mais, changeant d’idées, il rentre chez lui assez tard ; survient alors une scène qui montre l’état d’excitation dans lequel il devait être et les hallucinations auxquelles il fut en proie : « Ma femme vient m”ouvrir la porte et elle commençait par me narguer; je lui donne un soufflet, elle se laisse tomber ; je la relève, elle se met à  crier ; les trois enfants sont venus et’ ont voulu me tuer; je ne pouvais pas échapper à leurs menaces, je prends mon couteau ouvert dans ma main. A cette vue personne n’osait s’avancer, cela m’a empêché d’être écrasé; ils m’ont tenu là  pour m’injurier, pendant une demi-heure; ils me disaient toutes les plus affreuses injures et menaces qu’il soit possible d dire. »
  • A partir de ce jour, il est franchement persécuté et insulté ; à  chaque instant ce sont de nouvelles scènes, on l’insulte, on l’appelle crapule, soulard, vieille pourriture. Un jour il entend sa fille le traiter de « vieux fumier », il lui donne un coup de pied; les frères défendent probablement leur soeur, il dit qu’ils ont voulu le tuer. Il porte plainte chez le commissaire, demande le divorce, veut absolument avoir de l’argent. Le 16 août, il a acheté un revolver (il dit que c’est d’après le conseil de son homme d’affaires qui l’avait engagé à faire du bruit, pour amener la police à  régler ses affaires). Le 17 il entre dans la chambre où était l’argent, et, le revolver au poing somme sa fille de s’en aller ; celle-ci se sauve et va prévenir ses frères. Pendant ce temps il fracture la serrure de l’armoire, prend l’argent (1.500 fr.); il entend ses fils qui montent en proférant, dit-il, des menaces de mort, il se fortifie dans sa chambre, barricade les portes ; ses fils, dit-il, hurlaient : « Allons le tuer, vieille canaille. » Il s’avance alors et tire un coup dans la porte en bois blanc; la balle atteint son fils aîné à  l’épaule. Il voulait simplement leur faire peur, dit-il. On l’arrête.
  • « La blessure que j’ai faite involontairement à  mon fils, écrit-il, est tout simplement causée par ma mauvaise femme, comme le sont toutes les sept filles de mon beau-père; elles ont toutes fini par faire mourir leurs maris. Je suis le dernier; depuis six ans, si je n’étais pas d’une constitution hors ligne, je serais depuis longtemps allé rejoindre mes beaux-frères. »
  • Nous avons vu ce malade si fort, et si fier de lui, atteint d’un accès d’hypochondrie absolument ridicule chez un homme aussi vigoureux. Le 27 novembre au soir, Cl… souffre de quelques douleurs intestinales, il est inquiet toute la nuit, anxieux, et le lendemain, se fâche de ce qu’on n’ait pas dérangé le médecin ; à  la visite, il est agité, il a peur d’avoir une attaque, il se sent pris de la langue, il finira comme son père, etc. Il est impossible de décrire la triste mine qu’il fait pendant quelques jours , il ne s’en relèvera pas, il demande à revoir sa femme et sa fille aînée avant de mourir, il ne leur en veut plus et semble vouloir une réconciliation. On lui administre un purgatif; changement complet d’attitude ; il va mieux, dit-il ; ses douleurs de ventre ont cessé ; il sent les forces revenir, il se félicite, il est guéri. Quelques jours après, ses idées hypochondriaques réapparaissent; il éprouve des douleurs, dit-il, dans le ventre; le sang s’était porté sur la rate et l’intestin n’était plus en place. Son gosier est sec. Après l’extraction de deux dents, l’écoulement de sang a été suivi d’une facilité plus grande de la prononciation, sa langue était plus libre.
  • Quelques jours plus tard, il reçoit sa femme et sa fille, veut faire l’aimable, mais très vite reprend le ton aigre, veut démontrer qu’il est un excellent homme et consent à leur pardonner si elles veulent être sages. Aujourd’hui il  est tout à  fait disposé à  pardonner, à  rentrer près des siens s’ils veulent être tranquilles. Il ne doute pas qu’il est très nécessaire à la maison, il rumine encore des projets grandioses qui doivent amener la fortune.
  • Dans certains cas, ce n’est point, comme chez les persécuteurs que nous avons examinés dans notre dernière leçon, le souvenir obsédant d’une injustice subie qui poursuit le malade et qui arme son bras contre ceux dont il croit avoir à  se plaindre : c’est l’intérêt d’un parti politique, d’une classe  sociale, le salut de la Patrie qui le pousse au meurtre.
  • Tel est ce malade qui a lire un coup de revolver sur un employé de l’ambassade d’Allemagne, et qui a été l’objet d’un examen médico-légal de la part de M. Motet. Très orgueilleux, très autoritaire, très emporté, il a, à  maintes reprises, donné des preuves de sa déséquilibration.
  • En 1886, sans demander conseil il part pour exploiter une mine de charbon ; il dépense tout son avoir dans une entreprise à  laquelle il n’était nullement préparé. Avec sa femme, ses enfants, sa conduite a toujours été singulière : il assiste au mariage d’un de ses fils en costume de travail, il refuse de prendre part au dîner de noces de l’autre. Plus tard, il fait une invention dont il est très fier (distillation des carottes, des cosses de pois). Il tombe dans la misère, et sa haine de l’Allemand, haine qu’il tient de son père, se réveille ; il croit qu’une guerre avec l’Allemagne fera marcher le commerce : sans hésiter, il essaie, en 1887, de faire sauter l’ambassade, et, en 1888, après avoir longtemps guetté l’ambassadeur, tire sur un employé.

1893

Mittenzweig, « Ueber Querulantenwahnsinn », Zeitschrift für Medizinalbeamte, 6, 10, pp.225-237 (1893)

Horn, « Differentialdiagnose zwischen gesunden and geisteskranken Quaerulanten »,   Friedreich’s Blätter für gerichtliche Medicin und Sanitätspolizei 29, 44, pp. 258-273, 1893

 

 

1895

E. Hitzig, Über den Querulantenwahnsinn, seine nosologische Stellung und seine forensische Bedeutung, Leipzig, Vogel, 1895

  • L’ouvrage est d’importance, et à en croire Gustav Specht [1908] il fit longtemps autorité. Hitzig y brosse le portrait-robot du « quérulent processif » fin-de-siècle — un quérulent dont le délire semble à première vue n’être qu’une réaction exacerbée  à la perte d’un procès ou à certaines atteintes aux droits fondamentaux.
  • Hitzig soutient donc que le «désir de quéruler (Lust am Querulieren) n’est pas toujours pathologique quant à son origine, mais peut le devenir pour progressivement mener jusqu’au crime. En de  de tels cas, ce seraient l’ensemble du caractère et tout l’état d’esprit de l’individu concerné qui auraient, entre-temps, pris une coloration profondément morbides.
  • Les croyances délirantes corrélées à la conviction animant le sujet qu’il est dans son bon droit et doit lutter pour triompher consisteraient selon Hitzig en un mixte d’idées de persécution et d’idées de grandeur. Cependant, leur développement ne serait permis que par l’émergence première d’une « idée de préjudice (Betrachtungsidee)» isolée, qui gagnerait en importance pour s’étendre progressivement, et finir par englober dans son cercle tout l’univers du « malade ».
  • En dernière analyse, un délire de grandeur de type mégalomaniaque pourrait finir par s’imposer, accompagné de faux souvenirs – de sorte que la quérulence pleinement développée ne se limiterait pas à l’idée fixe isolée de départ (du type de celles rencontrées dans les monomanies) mais à une foule d’idées délirantes composant de vastes complexes associatifs, et qui finiraient par n’avoir plus que des rapports très lâches avec les  premières idées délirantes de préjudice.
  • Un délire d’une extension aussi prodigieuse serait en réalité, selon Hitzig, la traduction phénoménale d’un processus morbide affectant le système cérébral.
  • Le « malade mental », victime de soi-disant injustices sociales et atteintes aux droits, devrait enfin être considéré comme hautement dangereux pour la société, aliéné d’esprit (unfrei), donc irresponsable (nicht veranwortlich).

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G. Aschaffenburg, « Ein Beitrag zur Lehre vom Querulantenwahn », Zentralblatt für Nervenheilkunde und  Psychiatrie, 18, pp. 57-63 (1895)

Max Köppen, de la Charité de Berlin, prononce au Congrès des Aliénistes Allemands (Versammlung Deutscher Irrenärzte), à Hambourg, un discours qui sera adapté pour publication dans les Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheiten sous le titre : M. Köppen, « Der Querulantemvahnsinn in nosologischer und forensischer Beziehung », Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheiten, 28, 1, 1895. Un Compte-rendu français du discours de Köpppen et de la discussion à laquelle il donna lieu fut publié sous le titre « La folie des quérulants au point de vue nosotogique et  médico-légal —  »,  Archives de neurologie, 2, 2, pp. 143-148 (1896) :

     Séance du 11 septembre. M. Koppen. 

     La folie des quérulants au point de vue nosotogique et médico-légal

  • M. Koppen. La folie des quérulants au point de vue nosotogique et  médico-légal. — L’auteur insiste sur l’importance pratique qu’il y a  pour les médecins aliénistes à échanger leurs vues sur la question  du délire des quérulants et signale, parmi les travaux récemment  parus sur ce point, le livre de M. Hilzig.
  • Les reproches da public qui, par suite d’une confusion due au mot de « Querulantenwaknsinn » (folie des réclamations), s’imagine que le diagnostic de maladie mentale repose essentiellement sur les nombreuses réclamations de ces sujets; ces reproches ne sont pas fondés : aucun spécialiste n’a considéré le fait de c réclamer » comme une maladie mentale; celle-ci a été diagnostiquée en se basant sur l’existence d’autres symptômes pathologiques.
  • Cependant, en raison de la confusion que le mot en question éveille dans l’esprit du public, il y aurait lieu de ne pas s’en servir devant les tribunaux, ainsi qu’on l’a déjà fait d’ailleurs. Tous les cas de délire des quérulants ne doivent pas être rangés dans la paranoïa. D’autres malades aussi peuvent persécuter les autorités, fatiguer les tribunaux, échafauder des idées délirantes d’une façon assez logique, et conserver leur activité malgré la longue durée de la maladie. Au point de vue étiologique certains cas doivent une empreinte spéciale au traumatisme, à la sénilité, à l’alcoolisme. 11 faut donc ranger certains cas de délire des persécuteurs dans la paranoïa, d’autres dans la folie des dégénérés, dans l’imbécillité, d’autres encore dans l’alcoolisme ou dans la folie traumatique. Mais en raison des classifications diverses des maladies mentales on pourra toujours employer le mot de folie des quérulants comme dénomination d’ensemble pour un groupe de faits d’ailleurs non identiques entre eux au point de vue clinique.
  • M. Koppen insiste sur quelques symptômes particuliers au point de vue de leur signification médico-légale comme preuve d’une maladie mentale. Tels sont le nombre des mémoires, la conduite des malades, l’aspect de ses manuscrits. Mais la démonstration ne peut venir que de la mise en évidence d’autres troubles pathologiques, et avant tout de conceptions délirantes. Le médecin doit montrer comment le malade est arrivé à créer ses idées délirantes et indiquer ce qui différencie celles-ci de la réalité. 11 verra ainsi que les faux souvenirs, les exagérations innombrables, la reproduction infidèle des faits jouent un grand rôle. Souvent les faits sont déna- turés d’une façon extraordinaire; souvent aussi les connaissances si étendues des questions de droit qu’on a attribuées à ces maladies se réduisent à une connaissance superficielle des numéros des paragraphes, des pages, alliée à une compréhension tout à fait fausse du contenu. L’intelligence des malades est d’ailleurs fréquemment affaible. Us ont tout au plus une certaine facilité de langage quand ils parlent du sujet qui leur tient à cœur, mais avec cela ils sont incapables de s’en tenir à la question en cause; leurs preuves con- sistent dans une pure logomachie et non dans une argumentation basée sur des faits. Ajoutons, comme il a été dit plus haut, qu’il y a souvent une certaine débilité mentale. Une question difficile à résoudre est de savoir s’il y a des c quérulants » sains d’esprit.
  • Michel  Kohlhaas, personnage historique, peut être rangé parmi ces derniers; il signait ses manifestes du titre de « Représentant du Christ». Pour l’aliéniste qui connaît les tares héréditaires des quérulants, ces sujets seront toujours marqués d’une empreinte psychopathologique, mais cette empreinte psychopathologique ne peut tenir lieu de preuve démonstrative devant les tribunaux.
  • La folie des quérulants est susceptible de rémissions; peut-être même peut-on voir des améliorations et aussi des guérisons. La rétrocession passagère des manifestations maladives, surtout sous l’influence du repos à l’asile, doit ôtre présente à l’esprit de l’expert qui a sous les yeux un rapport fait au moment où la psychose était dans sa plus grande activité.
  • Discussion : M. Mendel. — Des considérations de l’orateur précédent il résulte qu’une série de psychoses différentes peuvent présenter ce symptôme, 1′ « obsession desréclamations v. Je suis par- faitement d’accord avec lui sur ce point. Mais il faudrait tirer de ces constatations cette conclusion à savoir qu’il n’y a pas de maladie mentale spéciale,caractérisée par la manie des réclamations. Il n’y a pas plus de « folie des quérulants qu’il n’y a une kleptomanie, une pyromanie, etc. Abandonnons donc un mot qui ne prête qu’à des confusions. Dans les cas où l’on voit la manie des réclamations constituer le symptôme prédominant, il ne faut pour justifier son diagnostic s’appuyer sur le fait des réclamations. Il faut montrer que le malade est un aliéné, est atteint d’une affection mentale, et qu’un des symptômes de cette affection est la manie des réclamations — et non pas chercher à prouver qu’il y a maladie mentale en invoquant le fait des réclamations.
  • M. Bruns signale que, assez souvent, c’est un déni de justice réel dont le malade a souffert, qui a été le point d« départ de l’affection. Souvent on ne tient pas suffisamment compte dans les rapports de ce point de départ positif; on tient toutes les affirmations du malade pour mensongères, ce qui irrite profondément celui-ci et aggrave son état. L’expert lui-même peut être victime de cette erreur, en ce sens que son autorité est diminuée quand, plus tard, il est démontré que le point de départ de l’affection n’était pas imaginaire. Bruns pense aussi qu’il est préférable d’abandonner le mot de « querulantenwahnsinn », mais il faut avouer qu’il est des cas dans lesquels, en l’absence de toute idée délirante, le fait de réclamer constitue à lui seul le symptôme unique et un symptôme pathologique. Le côté maladif de la conduite du patient consiste dans la façon avec laquelle il poursuit sans cesse ses revendications, sans souci de sa famille, de sa fortune et de sa réputation, dans l’impossibilité où il est de se résigner au déni de justice qu’il prétend avoir essuyé, dans le besoin d’occuper durant des années les autorités, la presse, le pays tout entier avec ses petites histoires, besoin qui s’accompagne d’une certaine mégalomanie.  […]
  • M. Mittenzweig ne partage nullement l’opinion de M. Mendel. H y a de véritables persécuteurs aliénés, il y a un « querulantenwahnsinn », et il y a aussi d’autres malades qui présentent certaines particularités des persécuteurs. J’ai par exemple observé un paralytique général persécuteur. Il n’y a pas lieu non plus d’abandonner la conception de la folie des quérulants parce que cette conception n’a pas été acceptée par le public. 11 y a des sujets atteints de paranoïa dont les réclamations prennent une place si prépondérante que leurs idées délirantes, de persécution ou de grandeur, passent presque inaperçues. Le délire dans la folie des persécuteurs ne se traduit pas qualitativement, parce que son contenu ressemble assez aux conceptions normales. C’est une raison de plus pour attacher grande importance à son mode de développement et à sa quantité. En effet, l’intensité et l’extension croissante des idées de persécution montrent le caractère maladif des symptômes, et ce qui importe au point de vue médico-légal. […]
  • M. Thomsen voudrait voir disparaître la dénomination de « querulantenwahnsinn ». La plupart des cas auxquels on l’applique appartiennent en effet au groupe de la paranoïa. Quand il s’agit d’états périodiques, de formes circulaires, l’excitalion est le symptôme primaire, les réclamations ne viennent qu’après. Dans ces cas avec la disparition de l’accès d’excitation maniaque on observe une g ué ris on ou une amélioration notable de la folie des réclamations.
  • M Meschede pense qu’il convient de rayer le mot de « querulantenwahn » de la nomenclature psychiatrique. Pour désigner ce symptôme on pourrait dire « querulirsucht » (obsession des réclamations).
  • L’affirmation de Siemerling que la maladie en question ne survient que chez des débiles me parait contestable. Elle n’est pas d’accord avec ce fait, signalé par le rapporteur et admis par différents auteurs, que la folie des persécuteurs peut se rencontrer dans différentes conditions et qu’enfin elle est curable dans quelques cas exceptionnels. D’ailleurs on voit souvent des malades qui ne présentent point de signes de débilité mentale et dont la cause première de l’affection tient plutôt à un sentiment très intense des torts subis lié à une énergie de la volonté et à une intelligence solide.
  • M. Hitzig n’admet pas que la folie des persécuteurs ne soit pas une forme clinique, qu’il n’y ait pas de « querulantenwahnsinn ». Si Ton veut exprimer par là que la maladie peut avoir des facteurs étiologiques différents, on peut en dire autant de presque toutes les formes cliniques. Si, en outre, on invoque cet argument qu’il y a nombre de maladies mentales dans lesquelles on constate le fait de € réclamer», je répondrai que l’obsession de réclama- tions est, comme les hallucinations, la dépression, etc., un symptôme qui, là comme ailleurs, ne peut suffire à lui seul au diagnostic. Y a-t-il pour la folie des persécuteurs, comme pour les autres dénominations de maladies mentales, un ensemble de symptômes typiques, dont le complexus réalise un type morbide caractéristique? On est obligé de répondre par l’affirmative. On laisse de côté évidemment les cas dans lesquels la manie des réclamations n’est qu’un symptôme accessoire. Il faut en conséquence conserver le mot de « querulantenwahn ».
  • M. Koppen répond aux orateurs précédents qu’il est lui aussi convaincu qu’une partie des persécuteurs doivent être rangés dans le groupe de la paranoïa, mais il veut insister sur ce point qu’on ne peut admettre également, parmi les formes de la paranoïa, les cas dans lesquels le délire processif ne constitue qu’une phase dans toute l’évolution de la maladie, et dans lesquels les idées délirantes passent au second plan, dans le tableau clinique, devant la prédominance des anomalies du caractère d’une personnalité congénitalement anormale et souvent aussi faible d’esprit. Ces sujets sont des imbéciles, des dégénérés dans le sens de Magnan. M. Koppen constate que M. Mendel est d’accord avec lui sur les points les plus importants. Si je conserve le mot de « querulantenwahnsinn » comme appellation générale, tout en refusant à ce mot de repré- senter une forme clinique unique et tout en le rejetant au point de vue médico-légal, c’est que je crois devoir tenir compte des vues très divergentes des auteurs en ce qui concerne la classification des maladies mentales. C’est aller trop loin que de dire qu’il n’y a pas de folie des réclamations, car cette expression est appuyée sur des observations cliniques excellentes. A M. Bruns je répondrai qu’à mon sens le seul fait de « réclamer sans cesse » ne peut au point de vue médico-légal constituer une preuve de folie. L’absence de toute considération de fortune, d’argent, se rencontre chez des sujets « quérulants », mais qui au point de vue légal ne peuvent être considérés comme aliénés. La preuve de la maladie il faut la tirer de la présence d’autres troubles maladifs, de conceptions délirantes.
  • M. Siemerling. — Le fait que le délire des persécuteurs a des  facteurs étiologiques divers ne prouve rien contre l’unité de la forme clinique que ce mot désigne. Ce délire peut constituer une phase au cours de diverses psychoses, mais il est avant tout une variété clinique de la paranoïa. Cette forme apparaît sur un fond de débilité mentale, parfois très accentuée. Les interprétations sur lesquelles s’appuient les malades sont parfois impossibles à contrôler; elles ne constituent d’ailleurs pas le symptôme maladif, ce sont les réactions pathologiques qu’elles provoquent qu’il faut consiidérer.
  • La folie des persécuteurs, qu’il s’agisse de la forme clinique spéciale désignée habituellement sous ce nom ou des états passagers survenant au cours d’autres psychoses, peut s’améliorer, elle peut même guérir. P. Sérieux.

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Gerlach, « Querulantenwahn, Paranoia und Geistesschwäche», Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 52, p. 433,  1895

  • Gerlach s’oppose à l’usage voulant que l’on ait recours au terme de «délire de quérulence (Querulantenwahn)» en guise de diagnostic. Selon lui, la quérulence (das Queruliren) ne serait en effet qu’un phénomène secondaire, purement symptômatique, survenant dans des cas de paranoïa ou d’affaiblissement intellectuel. En l’absence de ces affections, il serait impossible de parler de «délire de quérulence».
  • — Chez le paranoïaque, ce serait plutôt l’hypertrophie du moi, la surévaluation des complexes associatifs liés à la personne propre, l’égocentrisme qui seraient en cause, et inciteraient à la revendication.
  • — Dans les cas d’affaiblissement intellectuel (type démentiel), ce seraient plutôt le relâchement des processus associatifs, la prévalence des affects sur l’entendement, l’absence de sens critique qui finiraient par donner naissance à  des « idées pseudo-délirantes (Pseudo-Wahnideen)» peu profondément ancrées en l’individu, et ne lui en imposant qu’en raison de sa crédulité exacerbée.
  • En définitive, le quérulent ne serait donc pas tant victime d’une « idée prévalante (überwerthige Idee) », que de « la prévalence d’une idée (die Ueberwerthigkeit eider Idee) ».

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Louis Cazals, Les persécuteurs processifs : contribution à l’étude du délire des persécutions chez les dégénérés, Thèse de médecine, Faculté de Montpellier, Imp. Centrale du Midi (Hamelin frères), 1895

 B. Pailhas, « Etats monomaniaques liés à une déviation de l’instinct de conservation de  la propriété ; leur intérêt au point de vue médico-légal. Lu en communication au Congrès de médecins aliénistes et neurologistes de Bordeaux », Albi, Imprimerie H. Amalric, 1895. 

  •  Pailhas, grâce à ce texte, inaugurait une longue série de travaux consacrés aux «déviation de l’instinct de propriété » et à leurs conséquences médico-légales (procès, recours, expertises…). Parmi les travaux directement inspirés de ceux de Pailhas, deux au moins devaient gagner une notoriété singulière : tout d’abord celui de Régis, publié dès l’année suivante, et consacré aux « délire de dépossession »  [ Régis, 1896 ] ; ensuite, celui de Cullerre, publié deux années après, et qui donnait à son auteur l’occasion de créer le terme de « délire de revendication » [ Cullerre, 1897 ]. Régis puis Cullerre, tout en se démarquant de Pailhas, devaient reconnaître leur dette profonde à son égard ; ils apportaient dans le même temps des contributions décisives à l’étude des « délires de quérulence », comportements « processifs » et autres personnalités « pathologiquement » procédurières.

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  • « Etats monomaniaques  liés à une déviation de l’instinct de la propriété ; leur intérêt au point de vue médico-légal » 
  • « Je voudrais arrêter votre attention sur une particularité d’ordre mental que la pratique médico-légale a offerte à mon observation, et qui se rattache îi une variété de tendances psycho-pathiques, dont le support physiologique semble bien être ce qu’on a désigné sous le nom d’instinct de propriété. »
  • « Cet instinct, d’où procèdent le désir louable de posséder et l’envie cupide, l’acquisition légitime et le vol, l’économie et l’avarice, engendre aussi, à coté de l’amour du bien possédé et légitimement acquis, l’attachement immodéré et déréglé à ce bien. Et c’est cette tendance, ainsi déviée du pur et simple sentiment de conservation de la propriété, distincte du désir excessif d’accumulation. qui est l’avarice, que nous avons vue constituer des états morbides, à la fois embarrassants pour la Justice et pour les médecins chargés de les apprécier au point de vue de la responsabilité. »
  • « Les hommes d’affaires, les magistrats, et, parmi eux, surtout les juges de paix, sont fréquemment appelés à côtoyer cette série d’infirmes de l’esprit, recrutés particulièrement au sein des populations rurales, chez les petits cultivateurs, amoureux jaloux de leurs terres, et qui, en raison de cet attachement outré, se montrent récalcitrants devant la dépossession, révoltés contre la saisie, processifs, réfractaires aux divers arrangements où leur sol est en jeu ; le disputant au voisin, au parent, avec une àpreté passionnelle, parfois, jusqu’au meurtre. »
  • « Et, dans l’espèce des cas auxquels nous faisons allusion, n’intervient point ou n’intervient que très accessoirement la pensée d’un accaparement illicite. Le besoin de donner satisfaction à une propension impulsive semble s’associer peu à peu à la conviction d’un prétendu droit, et, par suite d’échecs successifs subis, à cette autre conviction qu’on ne leur rend pas justice, pour dominer et diriger ces revendications tenaces, qui, si elles n’aboutissent point au crime, entraînent une série d’actes préjudiciables à autrui. Parmi ces actes, les uns, rentrant dans la catégorie ordinaire des crimes et délits, cèdent à la répression judiciaire; les autres, au contraire, sont entretenus, exaltés même, par la menace et l’application des sévérités pénales, et la Justice, après les avoir longtemps poursuivis sans effet d’amendement, de guerre lasse, les abandonne au médecin. »
  • « Ce sont deux faits de ce genre que j’ai l’honneur de vous communiquer, les faisant suivre de la relation d’un cas similaire, publié en 1841 dans les Annales Médico-Psychologiques, par M. le docteur Girard de Cailleux. »
  • « J’ai pensé que ce groupe d’observations, composées d’éléments à peu près identiques et comportant les mêmes difficultés, les mêmes solutions pratiques, rangeables dès lors sous une même désignation, qui sera, si vous le voulez bien, celle de dégénérés conservateurs de la propriété, ne paraîtrait pas sans intérêt. »
  • «  1° OBSERVATION  —  Monomanie instinctive de conservation de la propriété chez un imbécile. […]  »
  • «  2° OBSERVATION — Monomanie intellectuelle de conservation de la propriété (suite d’expropriation).  Quatre arrestations pour 1890. — Trois rapports — Internement en février 1895.  […] »
  • «  3° OBSERVATION — (Par M. H. Girard, médecin en chef de l’Asile public d’aliénés d’Auxerre. — Annales Médico-Psychol. 1850.) Monomanie intellectuelle. — Huit condamnations devant le Tribunal correctionnel d’Avallon pour dévastations de récoltes et outrages à la force publique. — Appel devant les tribunaux d’Auxerre. — Ordonnance de non-lieu.  […] »
  • « Douée de sentiments affectueux, aimant son mari et ses enfants, mais remarquable par la fermeté de son caractère, Jeanne avait un goût très prononcé pour la propriété. Elle était laborieuse, économe, et poussait quelquefois cette habitude de l’épargne et de la prévoyance jusqu’à l’avarice. Cet amour de la propriété a même été porté chez elle au point de lui faire oublier ses devoirs. Jeanne, en effet, avait été condamnée, en 1831, pour soustraction de récoltes, à un an de prison. »
  • « Depuis 1831, Jeanne s’était conduite de manière à ne s’attirer aucun reproche de la part des autorités locales et n’avait présenté aucun dérangement de l’intelligence jusqu’au moment de la mort de son père et de l’expropriation de son champ. »
  • « A cette époque, Jeanne, privée d’instruction, comme nous l’avons déjà dit, mais ayant, comme toutes les personnes douées d’une certaine intelligence, la conscience du juste et de l’injuste, ne put comprendre comment on pouvait la déposséder d’une terre qui ne devait pas cesser équilablemenl de lui appartenir. Elle ne put s’élever à la hauteur des raisons qui ont dicté au législateur les formalités à remplir dans ces sortes de cas. »
  • « Son idée de conservation, qui n’était d’abord qu’une conviction erronée, ne tarda pas, sous l’influence des causes irritantes qui agacèrent son système nerveux, à dégénérer en conviction délirante, véritable  délire partiel qui absorba toutes ses facultés et que vinrent fortifier les débats et les contradictions au centre desquels elle vécut. »
  • « Jeanne ne parla plus que de sa propriété, objet unique de ses préoccupations ; elle perdit le sommeil, de silencieuse elle devint loquace, aux habitudes laborieuses succédèrent l’agitation et l’inquiétude. Les fonctions organiques se dérangèrent ; de bonne, d’all’eclueuse qu’elle était envers tout le monde, elle devint dure, acariâtre, méchante et insociable ; enfin, elle fut considérée comme « un objet continuel de trouble et de scandale pour les habitants de Fonlèle, qui tous eurent à se plaindre d’elle ». (Lettre du procureur d’Avallon, 13 novembre 1841). […] »
  • « Conclusion. — De tout ce qui précède, je conclus que Jeanne est atteinte de monomanie intellectuelle, dont l’origine remonte probablement à l’époque de sa première condamnation, et que la justice, d’accord avec l’humanité, exige qu’elle soit transférée de la prison d’Auxerre dans l’asile de cette ville pour y recevoir les soins que réclame sa santé. »
  • « Cette malheureuse femme fut conduite dans l’asile d’Auxerre, où, après un traitement suivi pendant deux ans, elle eut le bonheur de sortir de l’asile, après avoir recouvré sa santé, qui n’a cessé depuis lors d’être bonne. Aujourd’hui, elle se fait remarquer par ses habitudes d’ordre, de travail et une économie extrême, elle est redevenue aflectueuse et sociable ; mais on observe toujours une décision très prononcée de son caractère. Aucune plainte nouvelle n’a été adressée jusqu’à ce jour, 15 avril 1850, à son égard. Elle comprend la légalité de l’acte qui l’a dépossédée, quoiqu’elle en déplore le résultat et en nie l’équité. »
  • « L’instinct de conservation de la propriété, devenu par un ensemble de conditions individuelles et accidentelles un état morbide, tel est ce qui semble résulter du rapprochement de ces trois observations. […] »
  • « En raison de la nature purement instinctive de ses mouvements, il leur faut, pour se produire avec cette violence, la sollicitation immédiate et objective des causes provocatrices. La pensée seule de sa ferme est incapable d’éveiller en lui une émotion tant soit peu vive. A la prison comme à l’asile, il est heureux de vivre, du moment qu’il a du pain à sa disposition. C’est en automate surtout, qu’incessamment il est revenu à sa maison de G., où ses habitudes l’appelaient. […] »
  • « A la suite de ce fait, de ceux qui précèdent, rassemblant ici et résumant les considérations qui peuvent en être déduites, au point de vue spécial de la médecine légale, nous ajouterons :
  • 1°  Il existe une variété de dégénérescence dont un syndrome constitué par la déviation morbide de l’instinct de conservation de la propriété est le caractère dominant, sinon exclusif.
  • 2°  Cette catégorie de monomanes conservateurs de la propriété, plutôt défensifs qu’offensifs dans la revendication de leurs droits, semble devoir être rapprochée d’une certaine autre variété de monomanes processifs, chez lesquels aussi est mis en jeu l’instinct de propriété, mais où les revendications sont offensives.
  • 3°   Il est pratiquement important de différencier de bonne heure, parmi cette classe de dégénérés, détenteurs du bien d’autrui :
  • A  Ceux qui, irritables, insoumis, et dotés d’une grande ténacité, trouvent dans l’intervention de la justice la persistance et surtout l’aggravation de leur état morbide.
  • Ceux que l’appareil judiciaire et les sanctions répressives amènent aux sages résolutions et au redressement des actes incriminés. Aux premiers convient l’organisation des asiles d’aliénés, même dans son insuffisance actuelle. A la deuxième catégorie doit être réservée la pénalité ordinaire.
  • 4°    C’est utilement que les magistrats connaîtront ces variétés nosologiques. Loin de se mettre en lutte avec les obstinés irréductibles, ils sauront s’assurer, à temps, du concours du médecin aliéniste, au bénéfice de ces mentalités défectueuses et aussi de leur propre ranquillité.

 

1896

Les Vexatious Actions Acts ( « An Act to prevent Abuse of the process of the High Court and other Courts by the Institution of vexatious Legal Proceedings » ) sont adoptées au Royaume-Uni, puis en Écosse deux années plus hard (« Vexatious Actions (Scotland) Act 1998 »).  Ils  ont pour but de barrer l’accès des tribunaux aux personnes considérées comme des quérulents notoires. Le texte original stipule :

  • « It shall be lawful for the Attorney-General to apply to the High Court for an order under this Act, and if he satisfies the High Court that any person has habitually and persistently instituted vexatious legal proceedings without any reasonable ground for instituting such proceedings [… ] order that no legal proceedings shall be instituted by that person in the High Court or any other court, unless he obtains the leave of the High Court or some judge thereof, and satisfies the court or judge that such legal proceeding is not an abuse of the process of the court, and that there is prima facie ground for such proceeding. »

Il faut cependant le préciser, ces Actes furent adoptées dans un contexte très particulier : ils avaient pour but de mettre un terme aux agissements vexatoires d’Alexander Chaffers, quérulent qui entre 1890 et 1896 déposa pas moins de 48 procédures en justice, et tenta notamment de poursuivre  le Prince de Galles, l’archevêque de Canterbury et le président de la Chambre des Communes. Pour empêcher que des poursuites en justice similaires, considérées comme parfaitement infondées, n’inondent les tribunaux, les magistrats durent se doter de mesures d’interdiction, toujours en vigueur aujourd’hui. [ Un article de M. Taggart set consacré à la question :, « Alexander Chaffers and the Genesis of the Vexatious Actions Act 1896», Cambridge Law Journal, 63, pp. 656-684, 2004  ]

D’autre part, les Vexatious Proceedings Acts ne firent que codifier une procédure déjà existante :  dès 1887, par l’arrêt Grepe v. Loam, « la Cour d’appel anglaise avait mis en place un dispositif repris par la suite dans la plupart des pays où la procédure civile est d’origine anglaise. Le plaideur déclaré quérulent au moyen d’une ordonnance Grepe v. Loam ne peut plus instituer un recours sans l’autorisation préalable d’un juge désigné à cette fin. »  (source, « Y-M Morissette, La quérulence : la quéru-quoi ? » )

 A partir des années 1980, la question du vexations litigants (plaideur trop belliqueux, plaideur vexatoire, ou du point de due psychiatrique, paranoïaque quérulent) reviendra sur le devant de la scène grâce à une série d’articles émanant aussi bien des magistrats que des psychiatres (cf. ci-dessous, notamment : Möllhoff en Allemagne, Morissette au Québec, Grant Lester pour l’Australie). Tous les débats du Law Reform Committee réuni par le Parlement d’Australie dans le cadre d’un projet de loi sur la quérulence  sont disponibles en ligne  ( Inquiry into vexations litigants – Hearings and Transcripts ). L’état actuel de la question de la capacité juridique en Allemagne peut être connu grâce au site dejure.org

En France, la question fait moins l’actualité, notamment parce que la législation hexagonale ne permet pas de prendre en main sa propre défense au cours d’un procès : obligation est faite de se faire représenter par un avocat. Or, il semblerait que le plaideur trop belliqueux vise exclusivement à se représenter lui-même (et, pourrions-nous dire, à ne représenter que lui). Dès lors, les tribunaux français sont moins susceptibles de devoir affronter les ardeurs de plaideurs.

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Clemens Neisser, « Diskussion zum Querulantenwahn », Allg. Zeitschrift für Psychiatrie, 52. 1896

J. Koch, « Die überwerthigen Ideen », Centralblatt für Nervenheilkunde und Psychiatrie, 19, (1896) pp.177-182 — suivi de « Noch einmal die überwerthigen Ideen » (p.354)  et pour clore la trilogie, de « Ein drittes Mal die überwerthigen Ideen » (p.585). Quelques éléments de réflexion sur le statut des « idées prévalentes » (überwerthigen Ideen, terme d’abord employé par l’allemand Carl Wernicke).

  • Quelques éléments de réflexion sur le statut des « idées prévalentes » (überwerthigen Ideen), terme d’abord employé par l’allemand Carl Wernicke et dont le statut fut longuement débattu par les psychiatres allemands à la fin du XIX° siècle : il s’agissait notamment de distinguer entre « idées fixes (fixe Ideen)», « idées autochtones (autochtone Ideen) », « idées prévalantes (üverwertige Ideen) », « idées compulsives (Zwangsvorstellungen)» et  « idées délirantes (Wahnvorstellungen) » afin de pouvoir mieux déterminer la nature exactes des croyances en jeu dans les délires de persécution, les délires de quérulence, les démences précoces (dementia praecox de Kraepelin) — etc. !
  • Koch soutenait l’hypothèse voulant que ce soient des idées prévalentes, au sens de Wernicke, qui causent les plus typiques d’entre les délires de quérulence. Or, Wernicke,  dans ses Grundriss der Psychiatrie in klinischen Vorlesungen (Thieme, Leipzig, 1894) définissait les idées prévalentes comme des  « souvenirs de quelqu’expérience que ce soit, pourvu qu’elle ait été accompagnée de puissants affects (Erinnerungen an irgend ein besonder affectvolles Erlebnis) ». Wernicke précisait qu’il pouvait également s’agir de « souvenirs liés à toute une série d’expériences du même type, liées entre elles (eine ganse Reihe derartiger zusammengehöriger Erlebnisse) ».
  • Koch en conclut que dans les cas de délires de quérulence, on serait en présence d’« idées prévalantes » causant une autopsychose circonscrite, sans systématisation du délire. Dans certains cas, le « terreau » dans lequel germerait l’idée prévalante serait déjà de nature  psychotiques — mais l’idée prévalante apparaîtrait néanmoins comme une anomalie nouvelle, élémentaire et pour ainsi dire autonome ; dans d’autres cas, l’idée prévalente circonscrite pourrait devenir tellement forte qu’elle suffirait à causer la psychose, en s’imposant progressivement à l’ensemble de la vie psychique pour causer au final un état de trouble généralisé.

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 Ballet & Roubinovitch, « Les persécutés processifs », Compte rendus de travaux présenté au IVè Congrès international d’anthropologie criminelle, publié dans les  Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 36, 3, pp.458,466 (1896)

  •  «  La dénomination dont on se sert pour les désigner suffirait à la rigueur à donner une idée, sommaire sans doute, mais néanmoins assez précise des individus auxquels on l’applique. Les persécutés processifs sont ces aliénés (car il s’agit bien d’aliénés) dont l’esprit, dominé par la préoccupation de torts chimériques, s’aborde dans cette préoccupation, obsédante comme une idée fixe ; qui poursuivent avec une ténacité maladive la réparation des dommages dont ils se disent victimes, et dans ce but, déposent des plaintes, consultent des codes, envoient des assignations, frappent à la porte des tribunaux les plus divers,et s’agitent ainsi sans résultat et sans succès jusqu’au jour où l’extravagance de leurs prétentions, l’insolence de leur attitude, le caractère agressif de leurs actes appellent sur eux l’attention de l’autorité et provoquent leur internement. »
  • « Cliniquement les persécutés processifs constituent une simple variété du groupe de malades qu’on désigne sous le nom de persécutés persécuteurs. On sait que les aliénés de ce groupe se différencient des persécutés décrits par Lasègue par plusieurs caractères »

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E. Régis, « Médecine légale. Un cas de délier raisonnant de dépossession », Annales Médico-Psychologiques, Paris Masson, pp.229-239 (1896)

  • « Sous le titre un peu imprécis, il faut le dire, de : « États monomaniaques liés à une déviation de l’instinct de conservation de la propriété », M. le Dr. Pailhas a communiqué au Congrès des aliénistes et Neurologistes de Bordeaux un intéressant travail où il décrit l’état mental de certains individus qui, expropriés de leurs biens, refusent d’accepter la chose jugée, et se considérant comme injustement dépouillés et comme toujours légitimes propriétaires, se livrent, pour défendre leurs soi-disants, à des revendications plus ou moins violentes. […] »
  • «Les faits de ce genre, qui semblent appartenir au délire raisonnant de persécution, à la paranoia quaerulens des Allemands, ne doivent pas être  absolument rares. En dehors des trois observations  rapportées par M. Pailhas […], je puis en citer une autre de M. Mahon, dans laquelle il  s’agit d’un délire en commun, partage” par plusieurs membres d’une même famille dont deux, la mère et un fils, furent internés à la suite de plusieurs tentatives de récupération, à main armée de leur ancienne propriété. »
  • « Les circonstances m’ont mis tout récemment en présence, en qualité d’expert, avec mes confrères MM. Pitres et Lande, d’un nouveau cas de cette variété de paranoia quaerulens, qu’on pourrait désigner plus exactement et plus simplement, je crois, sous le nom de délire raisonnant de dépossession. Éclairés dès l’abord par l’étude de M. Pailhas, ce qui prouverait une fois de plus, s’il en était besoin, l’utilité de nos Congrès au point de vue pratique comme au point de vue scientifique, nous avons pu, mes collègues et moi, démontrer le trouble mental et l’irresponsabilité de l’inculpé, niés par de précédents experts, et obtenir du tribunal son acquittement et son internement […]. »
  • —  « Premier rapport (de responsabilité)
  • « Interrogé sur l’expropriation dont il a été victime, [ le nommé O… ] répond qu’il ne l’admet pas ; que, ne devant rien à personne, personne n’a le droit de le mettre hors de chez lui. Il a, dit-il, consulté un homme d’affaires, très expert en la matière, qui lui a expliqué tous ses droits, et il entend les exercer jusqu’au bout. S’il a résisté aux injonctions de la justice, c’est que la justice a violé sa propriété, comme elle viole en ce moment sa liberté. […]
  • « Il n’en veut à personne, et personne ne lui a donné lieu de lui en vouloir. Il blâme cependant certains de ses voisins d’avoir excité sa femme contre lui et d’avoir mis le désordre dans son ménage. Il ne croit pas qu’ils l’aient fait dans le but de lui nuire, mais uniquement par suite du besoin de bavarder sur le compte des autres.  […]
  • « L’affaire vient devant le tribunal de Bergerac qui, le 3 juillet 1894, prononce le divorce en faveur de la demanderesse et condamne O… à resistuer les biens revenant à sa femme et à lui servir ue pension mensuelle de 30 francs.
  • « O… fait appel et la cause vient à nouveau devant la Cour de Bordeaux qui le 24 janvier 1895, confirme purement et simplement l’arrêt du tribunal de Bergerac.
  • « Sur refus persistant d’O…. d’exécuter les clauses du jugement, on procède à la liquidation, puis  à la saisie de ses biens, et on vend ses meubles le 1er septembre et son enclos le 13 novembre 1895.
  • « Lors de ces ventes,O… laisse faire et ne dit rien. Mais il n’en reste pas moins dans sa propriété, et lorsque l’acheteur veut en prendre possession, il refuse de la quittern se déclarant toujours chez lui. En même temps, et comme pour bien affirmer ses droits, il continue de faire acte de propriétaire en arrachant des arbres fruitiers et en cultivant le terrain.
  • « C’est en vain que les autorités interviennent et cherchent à l’expulser. O… prend une attitude dangereuse et, armé tantôt d’une bêche, tantôt d’un fusil, menace de mort le commissaire de police, les gendarmes, et l’huissier qui se présentent tour à tour.
  • « On se saisit enfin de lui par surprise, et il et écroué à la maison d’arrêt, où il est l’objet, de la part des docteurs Z… et Y…, d’un examen médico-légal qu conclut qu’il jouit de ses fonctions cérébrales et qu’il est responsable de ses actes. Mais, le jour de l’audience venu, il refuse de s’y rendre.
  • « C’est dans ces conditions, et en présence de l’attitude étrange de l’inculpé, que le tribunal a jugé nécessaire de la soumettre à un nouvel examen pour lequel nous avons été commis. […]
  • « Ne voyant dans sa condamnation par les tribunaux qu’une manifestation d’hostilité ayant pour but de provoquer sa ruine, on comprend que O…. ait herché à s’y opposer de toutes ses forces.
  • « Pour cela il a interprété les choses à sa façon, et s’est crée une sorte de droit et de procédure à lui, essentiellement basés sur ce principe que, tant qu’il ne donnait pas son acquiescement par sa signature ou par sa présence, le jugements prononcés et les actes faits étaient entachés de nullité. Ainsi, selon lui, le jugement de la Cour d’appel de Bordeaux a été prononcé mais non rendu parce qu’il n’y a pas eu de plaidoiries et qu’il n’a pas signé. De même, la vente de ses meubles est nulle, parce qu’on a procédé comme pour une vente volontaire et non comme pour une vente sur saisie, et qu’on a fait payer au vendeur et non à l’acheteur le sou du franc. De même encore, la vente de son enclos n’existe pas, parce que l’administration ne peut pas l’enregistrer s’il ne donne pas sa signature, et qu’il ne l’a pas donnée. Enfin, s’il ne s’est pas présenté à l’audience, c’est parce que, «en y allant, on aurait pu rendre un jugement ; en n’y allant pas, on ne le pouvait pas.»
  • « Partant de là, O… considère qu’il est toujours chez lui dans son enclos, et c’est pourquoi il n’a rien voulu écouter des sommations qui lui étaient faites, répétant toujours : « Si vous avez des droits, faites-les valoir » ; ou bien : « Je n’ai rien à faire avec M. le procureur ; s’il veut me voir, qu’il vienne ».
  • « O… est donc un persécuté raisonnant ou persécuté-persécuteur, c’est-à-dire un de ces individus qui, avec des apparences de logique et de raison, se croient l’objet d’injustices imaginaires et, sous l’empire de ce délire systématisé, cherchent par tous les moyens possibles, en particulier par les moyens violents, à donner satisfaction à leurs droits soi-disant lésés.
  • « Etant donné le mélange de délire et de raison qui existe chez ces sujets, il est difficile de faire un départ exact de l’un et de l’autre, c’est-à-dire d’établir nettement s’ils sont ou non responsables de leurs actes, la mesure en ces matières échappant à une appréciation mathématique. Ce qu’on peut dire, c’est qu’O… agit de plus en plus sous l’influence de ses idées fixes, et par suite qu’il est dominé par une force à laquelle il ne saurait résister. Par là, c’est un irresponsable, au moins pour les choses afférentes à son délire.
  • « Si O…, une fois dehors après condamnation ou non, devait rester en repos, il serait possible de le remettre en liberté ; mais comme il continuera de poursuitvre, selon toute apparence, ses revendications maladives, et cela, au besoin, par des actes violents et susceptibles de compromettre à ouvreau la sécurité publique, nous estimons que le mieux serait de le placer dans un établissement d’aliénés et de l’y tenir renfermé jusqu’au jour où ses conceptions délirantes  paraîtraient s’être suffisamment atténuées pour supprimer de sa part les dangers auxquels elles exposent en ce moment.
  • « L’Epilogue de l’affaire nous est fourni par le Petit Journal du 10 mai 1896, auquel nous l’empruntons textuellement : LE RÉVOLTÉ DE BERGERAC – Tribunal correctionnel de Bergerac :
  • « L’affaire d’O…, le révolté de Bergerac, vient de se terminer hier à l’audience du tribunal correctionnel […]. Le ministère public a demandé au tribunal de donner défaut contre le prévenu, de l’acquitter sur les deux chefs de la prévention, étant donné son irresponsabilité, et de décider qu’O… serait remis entre les mains de l’autorité administrative pour être interné dans un asile d’aliénés. […]. Tel est le dénouement d’une affaire qui a fait beaucoup de bruit dans notre ville. »

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Raoul Leroy, Les persécutés-persécuteursThèse, Paris, édité par Steinheil, Paris, 1896

S. Soukhanov, « Contribution à l’ étude de la “paranoia inventoria” », Annales Médico-Psychologiques, Paris Masson, pp.221-228 (1896)…..

      •  …… avec la question récurrente de savoir si existent des liens entre délire des inventeurs et délire des plaideurs.

M. Koppen. « La folie des quérulants au point de vue nosotogique et  médico-légal — Compte-rendu en français de la discussion au Congrès annuel des médecins aliénistes allemands tenu à Hambourg les 13 et 14 décembre 1895 »,  Archives de neurologie, 2, 2, pp. 143-148 (1896)

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1897

A. Cullerre, « Une forme de délire systématisé des persécutés-persécuteurs, le délire de revendication », Annales médico-psychologiques, 5, pp. 353-368 (1897).

  •  Travail d’une très grande importance, puisque Cullerre y invente la notion de « délire de revendication » promise à un glorieux avenir. Dès l’année suivante, deux comptes-rendus seront publiés sur le même thème [ cf infra ].
  • « Les mémoires de MM. Pailhas et Régis [1895 ] sur un trouble mental ayant pour point de départ une déviation de l’instinct de propriété m’engagent à présenter ici deux cas très analogues, quant à la matière du délire, à ceux qu’ils ont publiés, mais différents quant aux circonstances du fait qui ont motivé les enquêtes judiciaires dont les individus que je vais présenter au lecteur ont été l’objet. Il ne s’agit plus, en effet, de gens refusant de s’incliner devant les décisions de la justice et de sortir de biens dont un jugement les a dépossédés, mais de persécutés se croyant indûment frustrés de biens à la possession desquels ils se prétendent des droits imaginaires. C’est pourquoi l’on me pardonnera l’expression nouvelle de délire de revendication (1) que j’emploie pour désigner le trouble mental de ces malades : expression à laquelle je n’attache d’autre importance que celle de désigner d’une façon précise le genre d’idées qui sert de pivot à leurs conceptions délirantes.  […] »
  • « Note (1) : Revendication : terme de jurisprudence, action de revendiquer. La revendication d’un terrain. Revendiquer : réclamer une chose qui nous appartient  et qui est entre les mains d’un autre (Grand Dictionnaire Littré). »
  • « Il y a là tout un coin peu connu de la folie systématisée qu’il serait bien intéressant d’explorer à la lumière de nombreuses observations nouvelles. »
  • « Observation I — D… (François), quarante-huit ans, admis le 5 avril 1887, appartient à une famille de petits cultivateurs qui, au moment de la conscription, ont voulu le racheter du service militaire pour conserver ses bras à leur petite exploitation. Son père s’associa avec quatre autres pères de famille en une sorte d’assurance mutuelle, moyennant la somme de 600 francs ; mais,tombé au sort, D… préféra partir au service, de sorte que son père, au lieu de lui acheter un remplaçant, acheta la part qui lui revenait dans l’association, soit 1000 francs. Ce fait est important à connaître, car il est le point de départ du délire qui se manifestera plus yard chez D… Il se persuada en effet que cette somme de 1000 francs lui appartenait et que son père devrait lui en tenir compte un jour. […] »
  • « Malgré ses douze ans de service militaire et les grades conquis, D…, en somme, est un insociable, que domine un instinct de jalousie, de défiance et d’avarice [… ].Défiance, amour de l’argent, jalousie, tout cela explique dans une certaine mesure que le sacrifice que voulait s’imposer son père pour l’exempter du service militaire auquel il a volontairement renoncé pût se transformer dans son esprit en une obligation pécuniaire envers lui.
  • Observation II — G…, trente et un ans, est admis d’office le 13 juillet 1892 […]. L’idée qui forme l’assise de [ son ] édifice délirant est très analogue à celle qui sert de point de départ aux conception maladives du précédent. Tous deux s’imaginent avoir des droits supérieurs à ceux de leurs cohéritiers pour des raisons un peu différentes mais aussi peu fondées […]. Le grief qui sert de point de départ à leurs revendications n’est pas sensiblement plus déraisonnable que ceux que l’on voit invoquer couramment par des gens sains d’esprit mais absurdes. En matière d’intérêt il est de pratique habituelle de manifester les prétentions les plus extravagantes. Les droits les plus contraires à la lois et au bon sens sont revendiqués journellement par des gens qui ne sont pas fous, qui ne sont que passionnés. Mais ces revendications viennent expirer dans l’enceinte du tribunal ; devant l’autorité de la chose jugée, la passion cède au bon sens qui reprend ses droits. Il n’appartient qu’au délire de ne céder devant aucune considération de force majeure.
  • Dirons-nous qu’il s’agit du élire de la chicane, ou paranoia quaerulens ? Non si comme certains auteurs allemands on considère la paranoïa quaerulesn comme a cheval sur la folie des dégénérés et la folie systématisée à évolution progressive. Mais nous n’insisterons pas sur cette question de nosographie qui, à nos yeux, n’a qu’une importance purement spéculative, bonne à servir de thème à une discussion académique,mais oiseuse au point de vue pratique et surtout médico-légal.Les observations que nous venons de rapporter sont de ces cas mixtes que l’on rencontre si fréquemment en clinique. Si, comme psychologue, j’ai surtout été frapp de la nature purement morale des conceptions délirante de ces aliénés et du peu d’importance des troubles sensoriels observés chez eux, comme expert, je n’ai pas hésité et je n’hésiterais pas davantage en semblable occurrence à porter le diagnostic ferme de délire systématisé de persécution qui est pleinement justifié par la relation clinique des symptômes et qui est accepté sans discussion par tous les magistrats.

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Ed.-Ch. Chuiton, Du délires raisonnant de dépossession, au point de vue clinique et médico-légal, Thèse, Bordeaux, Cassignol, 1897

Th. Taty & J. Toy, « Des variétés cliniques du Délire de Persécution »,    Annales médico-psychologiques, 5, pp. 369-383 (1897)

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 K. Kruska, « Ein Beitrag zur Lehre vom Querulantenwahn », Dissertation, Berliner Universität, Ehering, 1897

 

 

 

1898

Paul Louis Ladame,(de Genève). « Observation de paranoïaque processive, type du délire de dépossession de Régis », présentée au Congrés des médecins aliénistes et neurologistes d’Angers, 1898 — avec un compte-rendu dans les  Archives de neurologie, 2, 6, p. 222, 1898. 

  • « Il s’agit d’une femme de soixante ans, qui s’était consacrée pendant bien des années à soigner son vieux père, qui l’avait rappelée de l’étranger où elle était institutrice. Pour la récompenser des soins dévoués qu’elle lui avait donnés, il lui légua par testament une petite propriété qu’ils habitaient au moment de sa mort. Les autres enfants se disent lésés par ce legs, attaquèrent ce testament qui fut cassé, en effet, par le tribunal, le legs déassant les limites fixées par le Code. Dès lors, c’est une lutte acharnée devant les tribunaux. […]
  • « 1° Mme F… est atteinte depuis plusieurs années d’une forme spéciale d’aliénation mentale qui s’appelle en psychiatrie « le délires raisonnant de dépossession ». Cette psychose est une variété clinique de la « manie processive » ou paranoia quaeulans qui appartient à la grande classe des délires de persécution. »
  • « 2° toutes réserves faites quant aux mesures ultérieures qui pourraient être nécessitées dans l’intérêt de cette malade et pour la sécurité d’autres personnes, nous conclusion qu’il n’y a pas lieu actuellement de provoquer son interdiction. »
  • « 3° la nomination d’un conseil judiciaire nous paraît une mesure nécessaire pour sauvegarder ses intérêts et mettre un terme à ses débats devant les tribunaux, aussi préjudiciables à sa bourse qu’à sa santé. »

Béra, Étude sur les aliénés processifs, thèse de Paris, féculé de médecine, 1898 (avec ici deux compte-rendus, d’une part dans les Annales d’hygiène publique et de médecine légale, d’autre part dans les Archives d’anthropologie criminelle

  •  AAC : « Bien que des tendances à la chicane puissent se montrer chez les aliénés atteints d’affections les plus diverses, l’auteur admet que c’est parmi les persécutés qu’on trouve le plus souvent cette manie du procès. Parmi ces aliénés processifs, il a recueilli dix observations où le délire reposait surtout sur des préoccupations d’argent ou sur la propriété. Parmi les persécutés persécuteurs, certains malades ont l’esprit de chicane très accusé : ce sont surtout des ruraux ayant un amour exagéré et une déviation d’instinct de la propriété. Tarés, héréditaires, dégénérés, psychiquement inférieurs, ils se montrent méfiants, querelleurs, sans grande affection, entêtés. Le point de départ de leur délire est un fait exact en totalité ou en partie. La guérison n’existe pas chez ce genre de malades. Tout au plus y a-t-il quelques rémissions. Sans les séquestrer indéfiniment, on ne doit les remettre en liberté que lorsqu’on sera certain qu’ils ne reprendront pas à la sortie leurs procès et leurs violences. »
  • AHP : « Les aliénés processifs appartiennent à une catégorie de malades souvent très difficiles à reconnaître, car ils diffèrent très peu de certains individus réputés sains d’esprit et qui sont presque aussi insupportables, mais moins dangereux. Le Dr. Béra résume ainsi le diagnostic différentiel entre ces deux états :
  • — Tandis que le chicaneur ordinaire, normal, se soumet d’une façon générale à l’exécution des jugements rendus contre lui, quitte à s’adresser ensuite à une juridiction supérieure, le chicaneur pathologique refus invariablement de se conformer aux décisions des tribunaux, de payer les amendes, d’évacuer les biens saisis, etc…
  • — […] L’aliéné processif […] menace par calcul ; quand il n’a pas obtenu satisfaction, il emploie la menace d’une façon raisonnée, espérant que ce moyen lui réussira, et si la menace ne lui suffit pas, il a recours à la violente ; cette progression est calculée chez lui, il veut arriver à ses fins et procède par gradation, pour obtenir, par tous les moyens, la reconnaissance de ses prétendus droits.
  • — Il y a aussi un examen qui serait profitable au diagnostic, c’est l’examen du malade en prison. Si l’on observe de près l’aliéné, on sera alors frappé de son attitude ; il réclame sans cesse, pour des motifs futiles : on le traite moins bien que ses compagnons d’infortune, il prétend que les gardiens l’ont pris en grippe, ne savent qu’inventer pour le contrarier, se sont fait les complices des magistrats.
  • — Tous ces symptômes contribuent à différencier le processif sain d’esprit du processif pathologique ; mais malheureusement, ils n’apparaissent pas d’une façon évident aux seules personnes qui, au début, auraient à faire le diagnostic de l’état morbide, nous voulons parler des hommes de loi. D4ailleurs, les caractères les plus importants pour le diagnostic sont ceux auxquels les personnes incompétentes songeront le moins, ce sont les antécédents, la vie antérieure du malade. Pour songer à connaître ces antécédents, pour pouvoir les apprécier, il faut avoir l’habitude des malades; voilà pourquoi le diagnostic de la folie processive ne peut être fait par les hommes de loi, voilà pourquoi il est généralement tardif.

A. Cullerre, « Forme tardive du délire de revendication »,  Revue neurologique 6, pp. 595-596   —   &   —  « Sur le délire de revendication en dehors de la folie raisonnante »Annales Médico-Psychologiques, 8, pp. 197-198 (1898)

 

 

1899

M. Naef-Zürich, « Zur neueren Literatur über die Psychopathologie des Paranoia » Zeitschrift für Hypnotismus, Psychotherapie, sowie andere Psychophysiologische und psychopathologische Forschungen, 8,  pp.85-105 (1899)

 

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1901

Ernst Meyer, « Beitrag zur Kenntniss des inducirten Irreseins und des Querulantenwahns », Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheit, 34, 1, pp. 181-224 (1901)

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Gustav Specht, Über den pathologischen Affekt in der chronischen Paranoia, Deichert, 1901

  • Specht inaugure par cet article une série de travaux qui lui donnèrent l’occasion de défendre une thèse aussi originale que riche d’implications : les délires de quérulence devraient être intégré dans la grande classe des psychoses maniaco-dépressives — certains états affectuels mixtes (Mischzustände) étant à l’origine aussi bien des psychoses maniaco-dépressives que de la bien-nommée « manie des procès ».
  • Le même phénomène qui, chez l’individu en proie à la maniaco-dépression, semble causer un balancement entre périodes d’exaltation et périodes de mélancolie, serait ainsi, à en croire Specht, cause du fait que le quérulent ne cesse de balancer entre délire de grandeur (Grössenwahn) et délire de persécution (Verfolgungswahn). Dans la série des autres articles portant sur ce sujet et publiés par Specht entre 1901 et 1908, on peut relever  :
    • G. Specht, « Chronische Manie und Paranoia », Zentralblatt für Nervenheilkunde und Psychiatrie, 28, pp. 590–597 (1905)
    • G. Specht, « Über den Angstaffekt im manisch-depressiven Irresein. Ein Beitrag zur Paranoiafrage. », Zentralblatt für Nervenheilkunde und Psychiatrie, 30, pp. 529–533 (1907)
    • G. Specht, « Über die klinische Kardinalfrage der Paranoïa », Zentralblatt für Nervenheilkunde und Psychiatrie, 31, pp. 817-833 (1908).
    • « On prétend que la cause de tous les maux, dans les délires de quérulence, est la conviction délirante d’être victime d’un préjudice juridique. Il est pourtant impossible de méconnaître que chaque quérulent authentique n’a pu devenir un plaideur en série (pathologischen Prozesskrämer) que parce qu’il promène avec lui tout l’attirail de la manie. L’idée d’avoir été victime de préjudices — ou bien d’autres idées de même acabit — des milliers d’hommes sains d’esprit la gardent en tête des années, voir même toute  leur vie, sans pour autant devenir des plaideurs quérulents. Par contre, je le répète, l’état d’esprit maniaque — ou plus précisément maniaco-dépressif — ne permet pas seulement de rendre compte de la conception première, puis de l’élaboration morbide des idées de persécution, mais aussi de l’extraordinaire réaction que ces idées provoquent — donc de la manière dont elles bouleversent toute la personnalité du malade. Il n’en va pas autrement des autres formes du délire (Verrücktheitsformen) : trouver un paranoïaque chez qui les traits élémentaires d’un trouble maniaco-dépressif ne peuvent être décelés, cela est bien difficile [ traduction personnelle ]».

 

1902

Edward B. Lane, « Litigious insanity, with report of a case », American Journal of Psychiatry, 59, pp. 279-290 (1902)  — avec ici un très sommaire compte-rendu, paru trois ans plus tard dans les Annales médico-psychologiques, 1, p. 474,1905

  • « L’auteur rapporte l’histoire d’une femme, qui était en réalité une persécutée vraie, laquelle cherchait à se venger de tous ceux dont elle croyait avoir à se plaindre […]. A la lumière des travaux de Falret, il n’aurait sans doute pas classé sa malade parmi les aliénés que nous nommons processifs ».

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Th. Ziehen, « Neuere Arbeiten über pathologische Unzurechnungsfähigkeit  », Monatschrift für Psychiatrie und Neurolologie, 3, pp.115-122, 1898. 

 

 

 

1903

A.H.F. Kirchberg, « Zur Paranoia chronica querulatoria », Inaugural Dissertation, Berlin — Schade Verlag, 1903 

Hoppe-Allenberg, « Ein Fall von Querulantenwahnsinn », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie und psychisch-gerichtliche Medizin, 59, (2/3), pp. 271-305 (1902)

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Ballet & alii, Traité de pathologie mentale, Doin, Paris,  1903. 

  • « La manie raisonnante est caractérisée essentiellement par la suractivité des facultés intellectuelles et morales avec besoin incessant de mouvement et tendance souvent irrésistible aux actions bizarres, désordonnées et nuisibles Les maniaques raisonnants, dit Campagne, ont tous une sensibilité morale vive, exagérée et très mobile. La. moindre chose, la plus légère émotion, la plus petite discussion, les anime, les passionne, les exalte outre mesure… Un rien les surexcite… Ils s’enivrent pour ainsi dire en parlant… Leur exaltation apparaît et disparaît avec la plus grande facilité… […] La manie raisonnante n’est pas un accident dans la vie des malades; elle constitue une manière d’être qui dure très longtemps »
  • Les fous moraux «  sont atteints d’un daltonisme moral (Maudsley); ce sont ces sujets qui méritent bien la dénomination d’idiots moraux, qu’on leur a depuis longtemps appliquée. Ils n’ont pas la notion du bien et du mal, ils manquent de tout sentiment altruiste, et leurs  actes sont exclusivement déterminés par leurs appétits, par leurs tendances du moment.» La folie morale est donc « une perversion profonde des sentiments et des instincts, sans délire intellectuel véritable »
  • Les persécutés-persécuteurs se distinguent des simples « persécutés hallucinés » qui « réagissent quelquefois contre leurs prétendus ennemis par des actes de violence », mais dont « les réactions agressives ne constituent […] qu’un incident au cours d’un long état morbide ». Car chez les « vrais persécuteurs », contrairement au simples « persécutés actifs », « les tendances agressives et nuisibles, loin d’être accidentelles et passagères, constituent le fond même, de la maladie. Elles en sont la manifestation constante et prédominante, sinon la manifestation unique ». « Suivant qu’ils manifestent telle ou telle tendance prédominante, suivant qu’ils poursuivent tel ou tel objet particulier, on a distingué plusieurs variétés de persécutés-persécuteurs » : hypocondriaques, persécuteurs amoureux, persécuteurs familiaux et filiaux, persécuteurs jaloux, ambitieux, mystiques, processifs ou plaideurs. […]
  • « L’une des plus anciennement connues est celle des processifs ou plaideurs. Casper en rapporte une observation  typique, celle de Nehring, qui finit par tuer un juge en pleine audience. Mais c ‘est surtout. Krafft-Ebing […] qui a étudié en détail cette variété de persécuteurs (1878); il les groupe, sous la rubrique de délire quérulant, déjà, employée par Beer en 1869. Sous le titre de « délire raisonnant de dépossession », Régis a désigné, une variété de quérulants signalée par Pailhas et dont le trait caractéristique, « déviation de l’instinct de propriété », consiste dans, le refus absolu d’accepter là chose jugée qui les a expropriés de leurs biens. C’est ordinairement le hasard d’un premier procès qui met en branle les dispositions latentes et. détermine l’orientation du délire. Dès lors, l’esprit de chicane apparaît à son plus haut degré Les processifs passent leur existence à plaider, à soutenir devant les tribunaux toutes les contestations possibles. Ils fatiguent non seulement leurs adversaires, mais aussi les avocats et les magistrats. Ayant l’esprit faux des persécuteurs de toute catégorie, les procès qu’ils intentent sont généralement,détestables. Ils refusent de le reconnaître, multiplient, les incidents de procédure d’où naissent de nouveaux débats, et quand leur affaire est définitivement perdue, ils accusent leurs avocats d’incapacité ou de trahison et les juges de. vénalité ou de parti pris. Puis, ils recommencent, et, le plus souvent, jusqu’à l’épuisement de leurs ressources, jusqu’à la ruine complète. Alors, ils deviennent menaçants et dangereux. Bien, que le fait ne soit pas très fréquent, il existe quelques exemples de meurtre ou de tentative d’assassinat commis par des persécuteurs processifs. S’ils ne vont pas jusqu’à cette extrémité, ils injurient, ils dénoncent dans les journaux les magistrats prévaricateurs, ils les signalent aux pouvoirs publies, aux. Chambres, etc.. Cette variété de persécuteurs s’observe assez fréquemment à la campagne, chez des paysans ».

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O. Giraud, « Notes sur les aliénés processifs », Congrès de Neurologie de Bruxelles, 1903, II, p.335

 

 

1904

Tissot et Briand, « Aliénés délirants processifs. Communication présentée à la Société de Médecine légale de France, mai 1904 », Bulletin de  la Société de médecine légale de France, 36, 2, 1, pp. 121-136. Daix frères, Clermont, 1904

  • Les « persécutés persécuteurs », ou « fous raisonnants » qui donnent « libre cours à leur obsession processive » sans délirer de manière visible ou évidente, et pourraient donc être qualifiés d’aliénés processifs non délirants : leur  « trouble psychique, souvent mal caractérisé, peut passer inaperçu » et « l’on en voit quelques-uns poursuivre les médecins de leurs récriminations ».
  • Les « délirants vrais, le plus souvent hallucinés », qui « mènent leurs poursuites judiciaires contre de prétendus persécuteurs », sont victimes de « troubles de la sensibilité générale » et tomberaient donc selon Tissot et Briand dans la catégorie des aliénés délirants processifs.
  • Pour distinguer les uns des autres, il semble à Tissot et Briand  « que la justice puisse de moins en moins se passer du concours de l‘expertise médicale ». Manière, pour les auteurs, d’affirmer l’autorité des médecins-experts, contre celle des juristes…. mais aussi d‘éviter les  « erreurs judiciaires dont les aliénés peuvent être victimes » et  « celles que les aliénés peuvent faire commettre. »

1905

N. Yennaropoulos, « Analyse de quelques cas de folie quérulente », Thèse de Genève, Faculté de médecine, 1905

Édouard Claparède, « La psychologie judiciaire », L’année psychologiques, 12, 1, pp. 275-302 – 1905. Quelques paragraphes consacrés à la question des quérulents processifs.

  • « Le délire de persécution, dans la paranoïa. Les cas les plus intéressants au point de vue judiciaire sont ceux qu’on a désignés sous le nom de folie quérulente, ou folie de la chicane (synonymes : processo-manie, persécutés-processifs). Au premier abord, les plaintes de ces malades ne paraissent pas absurdes; elles sont toujours provoquées par un événement réel. Ce n’est qu’en discutant longtemps avec ces plaignants qu’on s’aperçoit qu’ils ont des troubles du jugement et que leurs accusations sont mal fondées. On constate aussi que ces malades se croient persécutés, et que c’est pour cela qu’ils persécutent; ils se croient calomniés et ils calomnient. — On a discuté sur la nature nosologique de cette tendance à la chicane (bien décrite déjà dans les Guêpes d’Aristophane, les Plaideurs de Racine). »
  • « C’est Casper, en 1858, qui en publia la première observation, mais c’est Krafft-Ebing, en 1878 (Allg. Z. f. Psychiatrie), qui découvrit la maladie et la baptisa (Querulantenwahnsinn) [ on remarquera ici de légères inexactitudes de la part de Claparède ]. Cet auteur, ainsi que Falret et Régis, ont fait de la quérulence une obsession; Hitzig, Kraepelin, Ballet, au contraire, la font rentrer dans la paranoïa : l’idée délirante, en effet, est acceptée par le malade, ce qui n’est pas le cas pour l’idée obsessive. La tendance à la quérulence peut d’ailleurs se retrouver dans diverses psychoses (manie, épilepsie, imbécillité). »
  • « Il ressort des considérations qui précèdent que l’état de toute personne accusatrice doit être soigneusement exa miné. »

 

 

1907

K. Heilbronner : « Hysterie und Querulantenwahn : ein Beitrag zur Paranoiafrage », Zb. für Nervenheilkunde & Psychiatrie, 30, 1907, p.769-784 –

  • Dans cet article, Heilbronner étudie les liens complexes entre hystérie, délire de quérulence et délire paranoïaque. Il vise notamment à distinguer la Paranoia du Querulantenwahn en se basant sur deux observations cliniques : des délires de quérulence lui semblent s’y être développés « sur terrain hystérique ( auf hysterischem Boden) ». Il n’y aurait donc aucunement lieu d’assimiler spécifiquement les délires de quérulence aux délires paranoïaques.
  • Quatre ans plus tard, Paul Bjerre — arguant que les observations de Heilbronner étaient inexactes ou incomplètes — tenterait pourtant de récuser l’idée d’un lien entre hystérie et délire de quérulence  [ « Zur Radikalbehandlung der chronischen Paranoia », Jahrbuch für psychoanalytische und psychopathische Forschung, 3, 2, pp. 795-847 (1911)],
  • Malgré les critiques de Bjerre, les idées de Heilbronner ne seraient pas   toutes oubliées. On retiendrait surtout ses très sérieux doutes quant à la possibilité d’identifier délire de quérulence (Querulantenwahn) et Paranoia. En d’autres termes : Heilbronner n’était pas parvenu à prouver que la quérulence peut se développer sur terrain hystérique, mais il avait su montrer qu’elle n’est pas tout à fait assimilable aux délires paranoïaques  —  ces deux types de délire présentant des modes de développement très différents l’un de l’autre……
  • ….. ou pour le dire avec le jeune Lacan (De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité, Le François, Paris, 1932 ) : « Heilbronner […] distingue radicalement le délire de quérulance [sic] de la paranoïa légitime par la valeur organisatrice de l’idée fixe, par la constance du système délirant et sa curabilité
  • Kraepelin s’inspirerait de telles critiques, lorsqu’il déciderait, dans l’édition de 1909 de son Traité [cf infra] de séparer, comme le conseillait Heilbronner, paranoïa et délire de quérulence.

1908

J. Saussol, Contribution à l’étude de la criminalité chez les aliénés processifs, Thèse de médecine, Faculté de Toulouse, 1908

Tissot et Briand, « Aliénés processifs non délirants », publié chez Daix frères et Thiron, Clermont,  1908

H. Nouet, « Les persécutés-persécuteurs processifs. Considérations médico-légales », Annales médico-chairgicales du Centre, 12 janvier 1908, p.13 — compte-rendu dans les  Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 4, 9,(1908)

  • « Un individu de cinquante-huit ans, enfant naturel, abandonné par sa mère, portant des stigmates de dégénérescence, à peu près illettré, est atteint depuis treize ans environs de délire de persécution. Se croyant lésé dans ses intérêts, à la suite de l’achat d’une petite maison, il est persuadé que tous ses voisins cherchent à lui nuire, et particulièrement à le faire expulser du local qu’il habite avec sa femme, son fils, sa fille et sa petite fille. Ayant entamé des procès avec ses voisins, ayant formulé contre eux des plaintes au procureur de la République et n’ayant pas eu gain de cause, il mit aussitôt tous les hommes d’affaires et les magistrats au nombre des personnes qui cherchaient à lui nuire. A deux reprises, il se livra à des voies de fait et fut condamné, et il est encore sous le coup de poursuites pour avoir menacé un de ses voisins avec un revolver et l’avoir frappé à coup  de bâton. 
  • « Il est impossible de faire comprendre à ce malade l’invraisemblance de ses revendications : il a toujours les poches rempliers de documents, de lettres, qu’il exhibe avec complaisance « comme un commis voyageur exhibant ses marchandises ».
  • « Cependant, à part les sujets étrangers à son droit de propriété, il paraît raisonner normalement ; il n’a pas d’affaiblissement intellectuel et, en dehors des circonstances spéciales rapportées ci-dessus, on n’a jamais formulé de plaintes à son égard.
  • « Ce malade a entraîné dans son délire sa femme […] qui est convaincue de la justesse de ses revendications ; mais elle n’a pas des idées aussi nettement persécutrices, et c’est elle qui retient son mari pour lui éviter de commettre des actes de violence. Le fils et la fille partagent les idées de leurs parents, de même que la petite-fille, âgée de treize ans, qui souvent sert de secrétaire à son grand-père ; tous se croient persécutés ; mais tout en partageant les idées de leurs parents, ils seraient disposés plutôt que de lutter à abandonner le pays.
  • « L’attention des médecins doit être attirée sur ces malades, car les persécutés persécuteurs sont souvent méconnus, et le caractère délirant de leurs propos ne s’impose aux magistrats qu’à la suite de plusieurs condamnations motivées par des faits identiques.
  • « D’autre part, le public souvent n’admet pas chez eux l’aliénation, et, si on les interne, on est porté à les considérer comme les victimes de séquestrations arbitraires. L’internement amène chez ces malades une atténuation apparente ou réelle du délire. L’atténuation réelle est due à la simulation. Le malade apprend à cacher ses intentions violentes pour obtenir des magistrats et des médecins sa mise en liberté.
  • « Il est remarquable avec quelle facilité ces malades imposent leurs idées délirantes à leur entourage (folie à deux, folie communiquée, imposée), ce qui s’explique parce que la maladie évolue sur un terrain de dégénérescence, et que le plus souvent les enfants des malades sont, eux aussi, des dégénérés présentant des prédispositions à des psychoses identiques à celles de leurs parents.
  • « On observe diverses variétés de persécutés persécuteurs ; l’observation rapportée par M. Nouet est de la forme dite processive. Cette forme se rencontre surtout chez les individus d’un niveau social peu élevé, souvent chez les cultivateurs et les paysans. En effet, l’on retrouve fréquemment dans toutes les variétés de psychoses, modifié et déforme le caractère normal que possédait l’individu antérieurement à son affection mentale. Or, ce qui caractérise la mentalité du paysant est l’amour exagéré de sa propriété. Si un paysan, prédisposé héréditairement, vient à faire une psychose, il est naturel de rencontrer chez lui une exagération morbide de ses dispositions naturelles.

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Berze, « Anklage von Geisteskranken », Forensische Psychiatrie 1, 8, p. 201 (1908, )

P. Jolly, « Gutachten über einen Fall von Querulantenwahnsinn », Friedreich’s Blätter für gerichtliche Medicin und Sanitätspolizei 58, p.441 (1907) — 59, p81 (1908)

H. Kondring, Beiträge zur Frage des Querulantenwahns, Med. Dissertation Frieburg, 1908

 

 

1909

Huitième édition du Traité de Kraepelin,  Psychiatrie,  Ein kurzes Lehrbuch für Studirende und Aerzte, Leipzig, J.A. Barth, 1909

  • Commencée en 1909, la publication échelonnée des quatre volumes de cette huitième édition du Traité de Kraepelin ne serait achevée qu’en 1915. Kraepelin y décidait notamment d’exclure les délires de quérulence du groupe des Paranoia : à l’en croire, ils s’avéraient plus psychogènes que constitutionnels. En d’autres termes :
    • —— Les délires paranoïaques (délire de persécution, délire de jalousie et délires de grandeur en leurs formes érotomaniaques, religieuses et revendicatrices) étaient, selon Kraepelin, les purs produits du développement d’une personnalité pathologique. Ils ne semblaient pas naître sur la base de faits réels mais se nourrir exclusivement d’interprétations délirantes, faux souvenirs, événements fictifs et illusions des sens. Kraepelin les qualifiait donc de « troubles constitutionnels (konstitutionnelle Störungen)», au même titre que la psychose maniaco-dépressive, l’hystérie, la névrose de contrainte (Zwangsneurose), etc.
    • —— Comme l’avait déjà remarqué Krafft-Ebing, le délire de quérulence (Querulantenwahn) semblait au contraire naître sur la base de faits réels (quand bien même ces faits donnaient lieu à une réaction disproportionnée). Kraepelin, par conséquent, se résignait à qualifier la quérulence d’« affections psychogène (psychogène Erkrankungen) », et à la ranger dans le même groupe que la névrose traumatique, la folie induite, etc
  • On peut considérer cette manière, propre à Kraepelin, de distinguer le Querulantenwahn du « délire paranoïaque » comme une façon de répondre à la fois….:
    • —— aux thèses de Gustav Specht, qui voulait à tout prix séparer quérulence et paranoia : « ce n’est que sur la base de considérations portant sur l’histoire des dogmes que je puis comprendre comment on a pu si longtemps contraindre la symptomatologie du délire de quérulence à entrer dans le cadre de la paranoïa » [ Specht, 1909 — cf supra ]
    • —— aux  critiques de Heilbronner, qui remarquait que paranoïa et délire de quérulence pouvaient difficilement être assimilés l’un à l’autre tant leur étiologie et leurs structures étaient dissemblables.  [ Heilbronner, 1907 — cf supra ]
    • —— aux théories des français Sérieux et Capgras, qui avaient donné une description magistrale du délire de persécution purement constitutionnel dans Les folies raisonnantes – le délire d’interprétation (Alcan, Paris, 1909) et séparaient radicalement le mécanisme de « l’interprétation délirante » à l’oeuvre dans cette affections psychique d’autres mécanismes causant l’apparition de troubles de l’esprit (dont, précisément, ce que Kraepelin nommerait la « psychogenèse » du délire de quérulence).
  • Pour le reste, la description que donnait Kraepelin de la quérulence processive se rapprochait à s’y méprendre de celles de ses précédesseurs [ à commencer par Krafft-Ebing – cf  1875 ] :
    • « Les délires de quérulence se déclarent immanquablement après qu’un préjudice juridique — réel ou supposé — a été imposé au malade. Ce dernier se trouve alors en proie à une série d’idées délirantes : on voudrait délibérément et systématiquement le priver de ses droits, le rabaisser. Il entreprend donc une lutte acharnée, au cours de laquelle ne cesse de s’élargir le cercle imaginaire de ses ennemis. L’amour-­‐propre dont il fait preuve, son excitabilité accrue, son complet manque d’égards envers les droits d’autrui le conduisent à se lancer dans des attaques insensées, à entreprendre des recours interminables, exiger d’invraisemblables dédommagements, s’enferrer dans une ribambelle de procès dont l’issue peu favorable donne du grain à moudre au délire. Dans de tels cas de figure, l’apparition de faux souvenirs est monnaie courante. En général, le combat prend fin soit parce que l’épuisement du combattant se substitue à l’enthousiasme, soit parce qu’une mesure d’interdiction judiciaire met un terme à ses entreprises. Mais il peut aussi arriver que les plus vifs et diserts de ces malades parviennent à convaincre telle ou telle personne du bien-­‐fondé de leurs accusations, et obtiennent ainsi leur soutien [ traduction personnelle]. »

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Kurt Mendel, « Über Querulantenwahnsinn und Neurasthenia querulatoria bei Unfallverletzten », Neurologisches Zentralblatt, 27,  p.1140-1159 (1909).

Frese, « Der Querulant und seine Entmündigung », Juristisch-Psychiatrische Grenzfragen, 6, 8, p.44 (1909)  — Halle, Marhold, 1909.

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Xavier Francotte, Les processifs, Imprimerie médicale L. Severyns, 1909

P. Sérieux & J. Capgras,  Les folies raisonnantes – le délire d’interprétation,  Alcan, Paris, 1909. Dans leur Introduction, Sérieux et Capgras précisent l’opposition entre « délire d’interprétation » et « délire de revendication : 

  • « (1) C’est à ces deux espèces cliniques : délire d’interprétation et délire de revendication, qu’il convient de circonscrire la « Paranoia ». On met ainsi en évidence les affinités nosologies de ces formes et de plus on reste en accord avec l’étymologie du vocable qui indique, non pas une abolition ou une diminution de l’activité psychique, mais une déviation des facultés intellectuelles, une perversion : la paranoïa est en quelque sorte pour l’état normal ce qu’est le paradoxe au regard de la vérité. »  (Introduction, p. 8) 
  •  Mais c’est surtout au chapitre VI  (« Diagnostic ») qu’est étudié le « Délire de revendication » (pp. 246-263) , avec un tableau synoptique  permettant d’en préciser les traits différentiels d’avec le délire d’interprétation.

1910

J. Karl, « Hypomanie und Querulantenwahn », Vierteljahrschrift für gerichtliche Medizin und öffentliche Sanitätswesen, 3, 39, 1, 1910 — publié chez Schumacher, Berlin, la mime année

Stertz, « Über psychogene Erkrankungen und Querulantenwahn nach Trauma, nebst ihre Bedeutung für die Begutachtungspraxis », Zeitschrift für ärztliche  Fortbildung 37, 7-8, pp. 237-243 (1910)

H. Köster, Zur Lehre vom Querulantenwahnsinn, Dissertation med., Liebenwerda, Kiel, 1910

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Chavigny, « Un quérulent dans le milieu militaire, précocité et fréquence de ses réactions », L’Encéphale 5, 1, pp.438-441, 1910

E. Dupré & P. Kahn, « Manie intermittente et paranoïa quérulente », Annales Médico-Psychologiques, 11, p. 489 (1910)

  • Société de psychiatrie de Paris, Séance du 17 mars 1910. III — Manie intermittente et paranoïa quérulente. — Présentatoin d’une malade chez laquelle on observe un état maniaque pur. […] Elle a présenté un délire systématisé à base d’interprétations avec de nombreuses revendications. La constitution paranoïaque de cette malade se révèle en outre par de multiples démarches après de ministres, fonctionnaires, députés, etc., des procès, des plaintes…
  • La coexistence des deux constitutions cyclothymique et paranoïaque chez la même malade est intéressante à constater au point de vue de leur parenté, d’autant plus que les travaux de Specht en Allemagne ont mis dernièrement cette question à l’ordre du jour. […]
  • M. Capgras fait remarquer que le cas en discussion, avec délire de revendication non extensif, doit rentrer dans le cadre de la manie raisonnante, de l’hypomanie délirante, plutôt que dans celui du délire d’interprétation.

 

1911

 Encyclopedia Britannica, 11th Edition, « Paranoia Querulans – Litigious Paranoia (paranoia querulans) », Cambridge, Cambridge University Press, 1911.

  • The clinical form of litigious paranoia presents uniform characteristic features which are recognized in every civilized community. The basic emotion is vanity, but added to that is a strong element both of acquisitiveness and avarice. Moreover the subjects are, as regards character, persistent, opinionative and stubborn. When these qualities are superadded to a mind of the paranoiac type, which as has been pointed out, is more influenced by the passions or emotions than by ordinary rational considerations, it can readily be appreciated that the subjects are capable of creating difficulties and anxieties which sooner or later may lead to their forcible seclusion in the interests of social order. It is important to observe that the rights such people lay claim to or the wrongs they complain of may not necessarily be imaginary. But, whether imaginary or real, the statement of their case is always made to rest upon some foundation of fact, and is moreover presented, if not with ability, at any rate with forensic skill and plausibility. As the litigants are persons of one idea, and only capable of seeing one side of the case – their own – and as they are actuated by convictions which preclude feelings of delicacy or diffidence, they ultimately succeed in obtaining a hearing in a court of law under circumstances which would have discouraged any normal individual. Once in the law courts their doom is sealed. Neither the loss of the case nor the payment of heavy expenses have any effect in disheartening the litigant, who carries his suit from court to court until the methods of legal appeal are exhausted. The suit may be raised again and again on some side issue, or some different legal action may be initiated. In spite of the alienation of the sympathy of his relations and the advice of his friends and lawyers the paranoiac continues his futile litigation in the firm belief that he is only defending himself from fraud or seeking to regain his just rights. After exhausting his means and perhaps those of his family and finding himself unable to continue to litigate to the same advantage as formerly, delusions of persecution begin to establish themselves. He accuses the judges of corruption, the lawyers of being in the pay of his enemies and imagines the existence of a conspiracy to prevent him from obtaining justice. One of two things usually happens at this stage. Though well versed in legal procedure he may one day lose self-control and resort to threats of violence. He is then probably arrested and may on examination be found insane and committed to an asylum. Another not uncommon result is that finding himself non-suited in a court of law he commits a technical assault upon, it may be, some high legal functionary, or on some person in a prominent social position, with the object of securing an opportunity of directing public attention to his grievances. The only result is, as in the former instance, his medical certification and incarceration.

1912

C. Rougé, « Les processifs »Annales Médico-Psychologiques, 1, pp. 667-685, (1912)

  • « Dans le courant de l’année 1911, j’ai été commis pour deux expertises médico-légales relatives à des processifs ou plaideurs. Si je rapporte ces deux observations, ce n’es pas qu’elles comportent des idées nouvelles sur cette variété de persécutés-persécuteurs. C’est, d’abord, parce que les observations de processifs sont assez rares dans la littérature psychiatrique française, on pourrait facilement les compter, et il peut être utile de connaître les décisions de la justice dans ces cas qui sont, souvent, fort délicats pour le médecin légiste.
  • « Dans la plupart des observations que j’ai lues, le délire procédurier n’est pas  un délire unique ; il y est souvent associé à un délire mégalomanie et à un délire de persécutions antérieurs et indépendants du délire processifs. Quelquefois, même, il a été précédé d’accès d’aliénation mentale. D’autres fois, c’est un délire de persécuté-persécuteur simple où le délire de la chicane n’a rien à voir.
  • « Dans mes deux observations, au contraire, il s’agit, pour chacun des plaideurs, du même procès qui dure depuis vingt ans chez l’un, depuis onze ans chez l’autre, et qui ne cessera, très probablement, que par la mort de ces deux plaideurs. [….]
  • « S’il est un cas où la passion soit difficile à distinguer de la maladie, c’est bien le cas des processifs, surtout au début. Plus tard, même, ces malades sont souvent méconnus par le public. Le plus souvent, dit Cullerre, ils ne sont reconnus comme tels que lorsqu’ils ont gaspillé leur fortune en procès, troublé l’ordre public ou même commis quelque crime. [….]
  • « I. — Affaire C… — […]
  • « Le diagnostic de délire de persécution, type Lasègue, doit être écarté. D’autre part, la connaissance des commémoratifs net permet pas de porter le diagnostic de délire systématisé des héréditaires. La cause de cette manière procédurière ne récite pas chez l’inculpée dans sa constitution originelle, mais bien dans les conditions fâcheuses où elle s’est trouvée. Avant ses malheurs, la famille C… paraissait être en pleine prospérité, jouissait d’une certaine considération. Tout cela disparut presque coup sur coup. L’orgueil d el’inculpé n’a pu s’accommoder de cette déchéance. Elle a mis toutes les ressources de son esprit à remonter le courant, les difficultés n’ont fait que l’exaspérer et produire un déséquilibre mental qui est accidentel, peu accentué et à peine distinct de la raison, mais dont les effets peuvent être, jusqu’à un certain point, assimilés à ceux du délire systématisé des dégénérés.
  • « Ces considérations m’ont fait conclure à une responsabilité atténuée. Le tribunal s’est montré indulgent, et Mlle C… a été condamnée, seulement, à six jours de prison avec sursis. »
  • « I. — Affaire AM… — […]
  • « Commémoatifs — Les circonstances qui ont amené ce crime datent de loin : la veuve S. …, belle-mère d’Am…, possédait, dans l’ancien étang de Marseillette, une vigne qui, pour produire, avait besoin d’être arrosée. Elle prétendait avoir droit à l’irrigation par l’eau du canal de ceinture. La Société de l’étang lui refusait ce droit. C’est en 1900 que Am…, prenant en mains les intérêts de sa belle-mère et de sa femme, commença une longue série de procès avec la Société des Eaux de l’étang et, subsidiairement, toujours au sujet de l’irrigation de sa vigne, avec deux de ses riverains dont l’un, Louis B…, est le mari de sa victime.
  • « Cette revendication du droit d’irrigation a complètement absorbé la vie d’Am… pendant ces dix dernières années. Elle a été pour lui une préoccupation constante, une idée fixe, une obsession qui lui a fait négliger ses autres affaires, l’a conduit peu à peu à la ruine et, enfin, sur le banc des assises […].
  • « Les décisions de la justice ayant tourné contre Am… dans tous ses procès n’ont fait qu’exaspérer sa manie procédurière et l’ont entraîné, lui et sa femme, à commettre de nombreux actes de violence sur les personnes, actes couronnés par le plus grave, la tentative d’assassinat […] qui n’a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté du meurtrier […].
  • « Il résulte des renseignements recueillis que jusqu’au moment où il s’est occupé du litige en question, Am… a paru être un homme normal jouissant de l’intégrité complète de ses facultés mentales et de la considération publique […].
  • « Avant ces difficultés avec la Société de l’étang, Am… avait une existence convenable ; il travaillait régulièrement et paraissait faire honneur à ses affaires. Mais à partir de ce moment, son humeur a changé. » [….] « Dès qu’il a été marié, il est entré en procès avec l’Administration des Eaux de l’étang, et c’est à partir de ce moment que son caractère s’est aigri. » […]
  • « Il en veut à son avocat qui s’est entendu avec ses ennemis. Il accuse les magistrats qui l’ont jugé. Confiants dans son ignorance, ils ont cru, dit-il, le fatiguer par la longueur de la procédure ; mais il n’est pas découragé, il ne cessera de protester et de chercher à faire valoir ses droits. C’est en Cour d’Assises qu’il espère faire la lumière et mettre au jour le scandale dont il est victime. […]
  • « Mais ce qui donnera les indications les plus caractéristiques sur l’état mental d’Am…, ce sont ses écrits. Il a emporté à l’asile une grande quantité de notes écrites par lui à la maison d’arrêt de Carcassonne. Ce sont, généralement, des copies de pétitions adressées à toutes les autorités administratives et judiciaires. Toutes reproduisent uniformément les mêmes griefs, les mêmes réclamations, toujours avec les mêmes expressions : elles sont comme stéréotypées. Ces écrits sont des documents précieux, car ils portent la marque caractéristique de l’état mental d’Am… […]
  • « La grande préoccupation de l’inculpé, c’est de ne plus avoir affaire aux tribunaux ordinaires qu’il accuse de partialité : « Il est impossible, dit-il, dans une de ses notes, que je sois jugé par ces tribunaux qui ne cherchent qu’à dénaturer les faits pour éviter le scandale judiciaire. Pour l’honneur de ma fanlle et de ma personne, c’est aux assises que revient l’honneur de ce jugement qui, certainement, mettra fin à notre vie de tourments en nous donnât satisfaction de nos droits si longtemps attendus. »  […]
  • « Cette obsession de la Cour d’assises date de loin. Il l’avait déjà manifestée lorsque sa femme était en prison, en 1908, en faisant des démarches pour la faire passer par les assises : « afin de dévoiler à l’opinion publique les cruautés et les scandales de la Société de l’Etang ». […]
  • « A chaque instant, dans ses nombreuses copies de lettres ou de pétitions, il n’est question que « des crimes», « des cruautés » dont ils sont les victimes. Dans une autre : « L’existence de notre famille est une véritable vie d’enfer et de tourments, impossibles à décrire, de 1901 à 1911. »
  • « On peut se figurer par ces citations l’état continuel de surexcitation dans laquelle a vécu ce ménage pendant plus de dix ans. On s’aperçoit vite, en lisant ses élucubrations, à quel degré Am… a la manie procédurière : il cite les articles de loi, ou de décrets qui ont paru sur les irrigations et il emploie souvent des termes techniques de jurisprudence. Il a d’ailleurs, sur ce point, des prétentions qui dénotent un grand fonds d’orgueil ; à son avis, il n’y a pas d’avocat capable de défendre sa cause aussi bin que lui-même ».[…]
  • « Il a une opinion bien exagérée de sa personnalité, un orgueil excessif, hors de proportion avec ses moyens réels. […] Chez cet esprit vaniteux, les mécomptes ne pouvaient que faire germer des idées de persécution. Il s’en prend aux magistrats qui ne cherchent qu’à dénaturer les faits pour éviter ce qu’il appelle « un scandale judiciaire ».  […]
  • « Les déséquilibrés forment, pour ainsi dire, la transition entre l’état normal et l’état pathologique. Ce ne sont pas des fous ; mais, souvent, ils le deviennent. Ils font partie de ce groupe d’anormaux que le professeur Grasset a désignés du nom de « démi-fous », que le professeur Mairet appelle des « invalides moraux ». Ces gens sont considérés avec raison comme étant sur la frontière de la raison et de la folie. […]
  • « Conclusions […] : Il y a lieu de tenir compte de sa déséquilibration mentale dans l’appréciation de l’acte incriminé. Pour ce motif, sa responsabilité mérité d’être atténuée. »

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E. Lassmann, Casuistischer Beitrag zum Querulantenwahnsinn. Med. Dissertation, Kiel — Halberg & Büchting, 1912

 H. Maier, « Über katathyme Wahnbildung und Paranoia », Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 13, 1,  pp. 555-610 (1912). 

  • Dans cet article, Maier se penchait sur le mode de développement « catathymique » de certaines formes de délire ; par développement « catathymique », il entendait désigner les situations dans lesquelles «  l’influence active de complexes de représentations fortement empreints d’affect (affektbetonete Vorstellungskomplexe) » permettrait de rendre compte de l’apparition d’un délire. C’étaient, à l’en croire, ces complexes de représentations particuliers, relatifs à des « souhaits (Wünschen) », « craintes (Befürchtungen) » ou « tendances ambivalentes (ambivalente Strebungen) » qui donnaient naissance aux manifestations psychiques morbides.
  • Cette conception des choses impliquait d’établir une distinction fondamentale entre psychoses purement affectives (non catathymiques, de type notamment maniaco-dépressif) et Paranoia (considérée comme un trouble catathymique, essentiellement intellectuel). Sur ce point, Maier citait son collègue Willmanns déclarant que l’importance de l’affect dans le déclenchement d’une Paranoia semblait relativement faible — son influence se limitant aux complexes d’idées paranoïaques….
  • … ou, pour le dire à la manière de Karl Wernicke, leur illustre prédécesseur : ce qui donnerait le coup d’envoi d’une psychose paranoïaque serait  l’affect insupportable, bien que très circonscrit, sous-tendant une ou quelques « idée(s) prévalente(s) (überwertige Ideen) ». Dans les cas de maniaco-dépressions, au contraire, le très vaste champ d’influence de puissants affects générateurs ne se limiterait nullement à de telles « idées prévalantes ».
  • Cela étant, Maier n’excluait pas que puissent faire dans leur apparition des réactions de quérulence « purement symptomatiques » – donc toutes secondaires – chez certains patients maniaco-dépressifs. Pour Maier, les « délires de quérulence des maniaques » décrits par Specht relevaient simplement de ce type de phénomènes. Ces formes de quérulence, purement symptômatiques, susceptibles de naître sur le terrain de la manie, ne pouvaient néanmoins, selon lui, être assimilées au véritable Querulantenwahn : « Il serait ainsi tout aussi faux de penser que tous les cas de quérulence sont des cas de manie, que de dire que toutes toutes les manies sont des paralysies générales sous prétexte que certaines paralysies générales s’accompagnent de syndromes maniaques ». Ou pour le dire autrement : le « délires de plaideurs » de Kraepelin n’était pas assimilable à la « quérulence des maniaques » de Specht.
  • Pour conforter ses thèses, Maier donnait l’exemple d’un cas de maniaco-dépression singularisé par certains traits de quérulence : le sujet affecté était, selon lui, sans le moindre doute maniaco-dépressif — ce qui ne l’empêchait pas de montrer « dans ses périodes expansives [ maniaques ] » des tendances quérulentes, ainsi que des idées de grandeur et de persécution, le tout en l’absence d’élaboration systématique et de regroupement des idées délirantes « dont le contenu paraî[ssai]t varier en fonction des événements extérieurs ». Des idées fausses incorrigibles semblaient avoir fait leur apparition, mais être demeurées relativement peu ordonnées ; un élargissement systématique du délire et une cohérence interne globale paraissaient donc totalement absents. Dans les moments maniaques, pouvaient survenir des conflits entre la personne affectée et son entourage ; et alors seulement, selon Maier, les idées fausses paraissaient mieux ordonnées, plus cohérentes. Quant aux périodes de quérulence, montrant d’éphémères traits « catathymes », elles n’étaient que toutes secondaires et ne faisaient, selon Maier, que naître sur la base des phénomènes relevant de la manie : les idées délirantes peu systématisées, leur caractère décousu et instable, ne pouvaient nullement, à l’en croire, être mises en parallèle avec le développement d’un délire paranoïaque.
  • En dehors de certains cas de figure isolés (« quérulence des maniaques »), les délires de quérulence tout comme les troubles paranoïaques devaient, selon Maier, être de purs produits de processus catathymiques. Il y avait donc distinction nette entre le Querulantenwahn véritable, et les « délires de quérulence des maniaques » décrits par Specht..

 

1913

Hans Berger, « Klinische Beiträge zur Paranoiafrage », Monatsschrift für Psychiatrie und Neurologie, 34, 3, pp.204-216 (1913)

L. Lütje, Ein Beitrag zur Casuistik des Querulantenwahns, med. Dissertation, Kiel — Fiencke, 1913 

M. Dide (1913). Les idéalistes passionnés. Paris : Alcan 

  • « Nous proposons le groupement d’un certain nombre d’anormaux sous le titre d’Idéalistes passionnés. Nous n’avons pas la prétention d’avoir découvert ces êtres exceptionnels qui avant nous ont été reconnus tels; nous désirons simplement les grouper d’après leurs affinités psychologiques, et la synthèse pathogénique qui nous sert de base permet — pensons-nous — de comprendre les déviations de l’esprit que nous envisageons, mieux que leur étude disséminée dans différents chapitres de la psychiatrie. » (p. 1)
  • « L’association des passions aux inclinations idéalistes. —  “Ce qui fait la passion, ce n’est pas seulement l’ardeur, la force des tendances ; c’est surtout la prépondérance de la stabilité d’une certaine tendance exaltée à l’exclusion et au détriment des autres. La passion, c’est une inclination qui s’exagère, surtout qui s’installe à demeure, se fait centre de toutes, se subordonne les autres inclinations et les entraîne à sa suite. La passion est dans le domaine de la sensibilité ce qu’est l’idée fixe dans le domaine de l’intelligence.” (Malapert) (1).  (1) Les éléments du caractère. Paris, F. Alcan, 1897, p.229.
  • « Nous dirons d’une façon plus concise que la passion est une inclination fixe. De la sorte nous soulignons une analogie avec la variété la plus connue de notre groupement, celle des revendicateurs (idéalistes pessimistes et égoïstes du concept abstrait de justice) où l’idée fixe, brusque centre de cristallisation psychopathique, s’oppose  à la période de rumination ou plus ou moins longue des interprétateurs. Il s’agit, disons-nous, plutôt d’une inclination que d’une idée fixe, car même l’idéaliste de la justice ne perçoit pas une notion intellectualisée, mais bien une tendance passionnée.
  • « Cette façon de voir est encore bien plus évidente dans les autres variétés d’idéalistes passionnés.
  • « L’inclination fixe qui subordonne à elle les autres représentations n’est jamais considérée subjectivement comme étrangère, moins encore comme pathologique. C’est assez dire qu’elle exerce sur le jugement — limité aux faits compris dans son rayonnement — une influence fâcheuse. 
  • « Le substratum psychologique de la passion est presque tout entier affectif. La passion choisit dans son objet un certain nombre d’attributs fournis par les souvenirs affectifs et représentant pour elle la totalité de l’objet. Cette simplification extrême est favorable aux conceptions neuves, elle emprunte son originalité à l’imagination, mais elle peut laisser une large place à l’erreur.
  • « Il y a en quelque sorte opposition entre ce jugement affectif et le jugement rationnel (1).  (1) Ribot, Essai sur les passions (3ème éd., Paris, F. Alcan) »  (pp. 8-9)
  • « Nous pouvons prévoir que l’élément  passionnel, ajouté à une inclination, aura pour effet de diminuer, au moins transitoirement, l’auto-critique ; et si l’inclination comporte essentiellement ou occasionnellement des opérations intellectuelles, elles peuvent être viciées et donner lieu à des interprétations erronées. » (p.10)
  • « Chez nos idéalistes passionnés le cercle des interprétations erronées est très étroit et limité aux attributs de l’inclination prévalente; si une systématisation se produit, elle est affective, passionnelle. » (p.11)

 

 

 

1914

B. Glueck, « The Forensic Phase of Litigious Paranoia », Journal of the American Institute of Criminal Law and Criminology, 5, 3, pp. 371-386, 1914

  • « Where it concerns his delusional field the paranoiac’s judgment is formed, not as a result of observation, or logic and reasoning, but as a result of an emotion, a mere feeling that this or that proposition is true. In every adverse decision of the court he sees a deep-laid conspiracy to deprive him of his rights. His lawyers are incompetent and in collusion with his persecutors; the judge is corrupt or ignorant of the law, and the legislators negligent in their duties in not writing into the statutes laws which would take care of his grievance. He constantly harps upon what he calls “the principle of the thing”, losing, gradually, all concern in the real issues involved.[…]
  • « The means these individuals use in their efforts to convince the authorities of the righteousness of their cause or of the genuineness of the persecutions to which they are subjected, are really amazing in their ingenuity. They are supported to a considerable extent by retrospective falsifications of memory, and when occasion arises, by a conscious distortion of facts, and prevarication. […]
  • « The reputation and character of the objects of their delusions are unsparingly attacked by the paranoiac litigant, and this not infrequently results in bringing matters to a head, where as defendant in a criminal suit for libel the paranoiac is recognized in his true light and sent to a hospital for the insane. Before, however, this final scene in the litigious career is enacted, especially where the persecuted has turned persecutor, the objects of his delusions have not infrequently suffered an untold amount of anguish and financial ruin, through having been obliged to play the part of defendants in civil suits based on nothing else but the distorted fancy of a diseased mind.
  • « ——  Case II.——  Y. was found guilty of libel in the Criminal Court of the District of Columbia, and while awaiting sentence was adjudged insane by a jury and admitted to the Government Hospital for the Insane, June 22, 1911, at the age of 56.  Y. is an attorney by profession, comes from a prominent family in Ohio, and has received an excellent education. […]
  • « According to his own story, he was always moderate in his habits, and prior to his marriage in November, 1902, he had never come in conflict with anyone. The latter part of this statement is contradicted by his relatives, who state that for more than twenty years past, the patient has exhibited an uncontrollable desire to sue people for all sorts of imaginary grievances, and that on this account he frequently came into serious conflicts. The patient is inclined to put all the blame for his difficulties to his wife, whom he describes with a great deal of rancor as the descendant of an insane and illegitimate grandfather and illy-favored mother. […]
  • « Now this master litigant, this profoundly diseased man, succeeds in making quite a normal impression in a casual interview, and in his writings he frequently succeeds in conveying the idea of being quite normal. Each isolated fact looks plausible enough to the casual observer. He talks quite rationally, shows a remarkably well-preserved memory, has never exhibited hallucinations or those gross disorders of conduct which to the lay mind form the sine qua non of mental disease. It is only after a close study of the entire life history, of the many fine shades of deviation from the normal which this man exhibits, that one discovers that his mind is very seriously affected indeed, and that because of his plausibility he belongs to a rather dangerous type of mentally diseased individuals […]. »

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Max Keller, Beitrag zur Klinik und forensischen Beurteilung des Querulantenwahns, med. Dissertation, Kiel — Wolf, 1914

K. von Economo, « Die hereditären Verhältnisse bei der Paranoia querulans », Jahrbuch für Psychiatrie und Neurologie 36, pp.418-442, 1914

B. Sünder, Querulantenwahn und Dienstfähigkeit, med. Dissertation, Bonn — Carthaus, 1914

 

 

1915

G. Eisath, « Paranoia, querulantenwahn und paraphrenia », Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 15, 1, pp. 12-78, 1915

  • Eisath prend partie sur la délicate « question de la Paranoia (Paranoiafrage) »  — expression qui renvoie à une controverse qui fit rage, et souleva les plus vifs débats, dans les pays de langue allemande, entre les années 1860 et les années 1930.
  • Pour ce faire, l’auteur examine la valeur des apports de Kraepelin sur cette vaste « question ». Kraepelin, selon lui, fut loin de faire toute la lumière sur les notions de paraphrénie, de Paranoia et de délire de quérulence Il faudrait donc analyser à nouveaux frais la pertinence de telles notions, pour pouvoir parvenir enfin à poser des diagnostics fiables. 

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H.  Strassburger, Zweiundzwanzig Fälle von Querulantenwahnsinn,  Dissertation med., Ebering, Berlin, 1915

Heinrich Brüggemann, Casuistischer Beitrag z. Lehre vom Querulantenwahnsinn, med. Dissertation, Kiel, publié chez H. Fiencke, 1915

Karl Birnbaum, Kriegsneurosen und-psychosen : auf Grund der gegenwärtigen Kriegsbeobachtungen, Springer, Berlin, 1915.

  • Dans cet ouvrage rédigé au commencement de la première guerre mondiale (1915), Birnbaum évoque notamment (p.51) certains « types psychopathiques […] dotés de traits de caractère quérulents et paranoïdes (  psychopathische Typen […] mit  querulatorischen und paranoiden Zügen) qui occasionnèrent de sérieuses frictions au cours du service militaire,  et masquaient parfois de véritables idées de préjudice (Beeinträchtigungsideen).»

 

 

 

1916

Walter Pryll, Zur Lehre vom Querulantenwahnsinn, med. Dissertation Tübingen, 1916

 

 

 

1917

Engelmann, « Ein typischer Fall von Querulantenwahnsinn », Allgemeine Zeitschrift  für Psychiatrie,  78, p.428-442 (1917)

Max Nebendahl, Zur forensischen Beurteilung des Querulantenwahns, med. Dissertation, Kiel, 1917

H. Seelert,  « Zur Pathologie des Querulantenwahnes », Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 73, pp.303-340 (1917)

Otto Nageli, Unfalls- und begehrungsneurosen, Enke, Stuttgard, 1917. 

  • Dans cet ouvrage consacré aux « névroses post-traumatiques et névroses de désir (Unfalls- und Begehrungsneurosen) », on ne trouve aucune mention explicite du délire de quérulence ; en revanche, on peut y découvrir de très nombreuses occurrences du verbe querulieren quéruler »). Elles témoignent du caractère courant de ce verbe dans les ouvrages médicaux de langue allemande au début du XX° siècle. Le même terme permet aujourd’hui encore de désigner — de manière généralement péjorative — des attitudes revendicatrices et processives.

 

 

 

 

1918

 Benon & H. Luneau, « Blessure de guerre et délire de revendication », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 4, 29, pp. 182-192 (1918)

  • Tous les délires systématisés chroniques (délire hallucinatoire chronique, d’interprétation chronique, délire de revendication chronique, etc) se développement à la suite d’états passionnels complexes, plus ou moins riches et variés ; c’est pourquoi nous désignons personnellement ces affections psychiques sous les noms de : hyperthyme chronique délirante hallucinatoire, hyperthermie chronique délirante interprétative, hyperthermie chronique délirante de revendication, etc.
  • Le délire de revendication dont nous rapportons une observation chez un blessé de guerre (1) peut compliquer la sinistrose, la neurasthénie post-traumatique, les dyskinésies fonctionnelles post-traumatiques, etc. Signalons à cette occasion que l’exagération, dans la sinistrose, est sous la dépendance étroite de l’inquiétude justifiée du patient au sujet de son avenir.  […]
  • Le 21 octobre 1916, il est réformé temporairement avec gratification renouvelable […] par la Commission de réformes de Nantes pour névrose traumatique consécutive à un fait de guerre. Reconduit à son corps, il a été admis à la gratification temporaire par décision ministérielle, le 30 mai 1917. Se croyant lésé dans ses intérêts, il a toujours refusé de quitter son dépôt. […]
  • Après sa réforme le 21 octobre 1916, il refusa de quitter l’hôpital militaire Baur, déclarant ne consentir à sortir que si on lui donnait son livret militaire, ses papiers de réforme et son argent.
  • Origine et organisation du délire — L’idée de la réforme paraît avoir occupé et hanté de suite le cerveau du soldat Jean-Maire […]. Il explique « On me le cachait que j’étais réformé […]
  • Le soldat Jean-Marie, au point de vue mental, présente des idées délirantes systématisée d’hypocondrie, de revendication et de persécution […] Un état psycho-affectif  avec idées fixes et obsédantes s’est constitué et développé chez lui. Il a éprouvé de l’inquiétude pour l’avenir, du chagrin de se voir toujours malade. Il a eu consécutivement le vif désir de la réforme et celle-ci a traîné en longueur. L’état passionnel crée par cette situation militaire n’a cessé de se compliquer ; des interprétations fausses, des illusions de l’ouïe et de la vue sont apparues et le délire a commencé à s’organiser. […] Le soldat Jean-Marie, malade véritable, exagérateur peut-être sur certains points, est devenu progressivement un hypocondriaque revendicateur persécuté. 
  • Le délire actuel, état chronique, appartient à la variété délire de revendication, délire systématisé raisonnant, délire des persécutés-persécuteurs, délires des processifs et des quérulents. 
  • Ces syndromes  on l’a dit à juste titre — se développent chez des sujets dont le caractère est spécial. Mais, à notre avis, il n’y a pas chez eux que de la méfiance, de l’orgueil et de la susceptibilité (constitution paranoïaque des auteurs). Ce sont sans doute des individus très attachés à leurs intérêts pécuniaires, mas aussi quelquefois enclins à une indignation légitime ; autrement dit, des sentiments vils comme des sentiments élevés peuvent présider à l’éclosion du délire. 


1919

Ernst Kretschmer,  « Über psychogene wahnbildung bei traumatischer hirnschwäche », Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 45,1, pp 272-300 (1919)

 

 

 

1920

Rudolg Schmidt, Querulantenwahn oder Verschrobenheit ?, Thesis (doctoral)–Rheinische Friedrich-Wilhelms-Universität zu Bonn — Kendler, 1920

W. Kittel, « Beitrag zur klinischen und forensischen Beurteilung querulatorischer Zustandsbildung », Aertzliche Sachverständigen-Zeitung, 26, pp.233-238 (1920)

 

 

1921

G. G. de Clérambault, «  Les délires passionnels. Érotomanie, Revendication, Jalousie » Bulletin de la Société Clinique de Médecine Mentale février 1921.

  •  Au sujet de ce texte, Clérambault écrira deux ans plus tard (in : « Ce qu’il faut entendre par passion lorsqu’on parle de délires passionnels ») :  « C’était la premiere fois à ma connaissance que le Mécanisme Passionnel était donné comme le générateur commun de psychoses diverses, que l’épithète Passionnel apparaissait comme  terme  classificateur et que les délires susdits étaient groupés. » Attention, cependant : le premier soin de Clérambault est de préciser que délires passionnels et délires interprétatifs doivent être soigneusement distingués : les délires interprétatifs ont pour base le caractère paranoïaque (…)  se développent en tous sens. La personnalité globale du sujet est en jeu, le sujet n’est pas excité ; les concepts sont multiples, changeants et progressifs, l’extension se fait par irradiation circulaire, l’époque de début ne peut être déterminée(etc.)Quant aux syndromes passionnels, ils se caractérisent pas leur pathogénie, (…) leurs mécanismes idéatifs, leur extension polarisée, leur hypersthénie, (…) la mise en jeu initiale de la volonté, la notion de but, le concept directeur unique, la véhémence, les conceptions complètes d’emblée, une allure revendicatrice commune (etc.). Il n’empêche que, selon les classifications françaises contemporaines, délires interprétatifs de Sérieux et Capgras et délires passionnels de Clérambault (érotomanie, jalousie, revendication) sont regroupés sous la bannière commune de délires paranoïaques.
  •  « Les syndromes passionnels se caractérisent pas leur pathogénie, leurs composantes soit communes, soit spéciales, leurs mécanismes idéatifs, leur extension polarisée, leur hypersthénie allant quelquefois jusqu’à l’allure hypomaniaque, la mise en jeu initiale de la volonté, la notion de but, le concept directeur unique, la véhémence, les conceptions complètes d’emblée, une allure revendicatrice commune, etc. [Ils] se présentent tantôt autonomes et purs, tantôt associés à d’autres délires (intellectuels ou hallucinatoires). »
  • « Les revendicateurs ont été déjà séparés des interprétatifs par Sérieux et Capgras. Nous adoptons tous leurs critères différentiels, mais nous y ajoutons cette notion, que tous procèdent d’une donnée unique : la pathogénie passionnelle. Ce sont en effet des traits passionnels que l’animation initiale, l’objectif unique et conscient d’emblée, l’oubli de tout intérêt autre que ceux de la passion, d’où dérive la limitation, typique pour nous, des idées de persécution et de grandeur aux seuls intérêts de cette passion, et l’absence habituelle, notée par les auteurs, d’énormité dans les conceptions terminales. »
  • « L’association entre elles des formes intellectuelles (interprétation, revendication, érotomanie, « jalousie) est chose fréquente, mais l’étude des cas purs nous force à n’attribuer à chaque facteur que ce qui en dérive. »

1923

G. G. De Clérambault :

  • « Ce qu’il faut entendre par “passion” lorsqu’on parle de “délires passionnels” » in : Œuvres Psychiatriques. Paris: Frénésie Eds, 423-425 (1923/1987).
    • « La Passion est essentiellement une émotion intense, prolongée, sthénique et tendant à passer aux actes. »
    • « Un trait fondamental des Délires Passionnels, c’est l’Effort : la volonté entre en jeu dès le premier moment, et tous les caractères ultérieurs du délire (précision du début, extension polarisée, graphorée, initiatives, etc.) sont en relation avec ce trait initial et constant. »
  • « Les psychoses passionnelles sont irréductibles à celles des idéalistes passionnés de M. Dide. » In :  Œuvres Psychiatriques. Paris: Frénésie Eds., 426-427 (1923/1987)
    • « Les conceptions de Dide ne pouvaient, les eussé-je connues, ni inspirer ni même influencer les miennes. Nos bases, nos directives,  nos synthèses sont constamment ou différentes ou radicalement opposées ; nous ne pouvons coïncider que dans des affirmations partielles »

1924

Emile F. Heim, Les schizophréniques processifs, Thèse de Strasbourg, Faculté de médecine, 1924

 

 

1925

H.H. Drysdale, « Legal insanity », Ohio Medical Journal. 221, pp.173-180, 1925

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Julius Raecke, « Einiges über Querulantenwahn », Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheit, 73, 1, pp.186-210 (1925)

J. Lange,  « Über die Paranoia und die paranoische Veranlagung », Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheiten. 93, 1, pp.85-152 (1925).

  • Dans cette étude de grande ampleur consacrée aux délires paranoïaques, Lange revint sur l’hypothèse émise par Kraepelin voulant que la Paranoia  et les délires psychogènes (dont les délires de quérulence) ne soient que les deux maillons extrêmes d’une chaîne continue sur laquelle on trouverait toute une gamme d’intermédiaires — la distinction entre Paranoia et délire de quérulence n’étant donc qu’une question de proportions entre influences psychogènes (venues de l’extérieur) et facteurs morbides internes (de type constitutionnel).
  • Les quérulents, selon Lange, n’entreraient en effet dans la sphère des Paranoia que dans une mesure extrêmement limitée :  Querulantenwahn et Paranoia, plutôt que d’être les deux maillons extrêmes d’une chaîne continue, seraient plutôt deux cercles ne se recoupant que très partiellement. 
  • Les erreurs et mécompréhensions au sujet de la quérulence, en ses rapports avec les délires paranoïaques, seraient dues, selon Lange, au fait que l’on n’ait examiné, en général, et jusqu’à lui, que des cas de quérulence se situant sur la zone de chevauchement entre quérulence et Paranoia — ce qui n’empêcherait pas qu’existent certains quérulents non paranoïaques et des paranoïaques non quérulents.
  • Ces considérations expliquent que dans la cinquième de ses observations, Lange puisse décrire un patient « paranoïde » (« insolent, arrogant, indiscipliné, méfiant, irritable, susceptible, exalté, excitable, emporté, pointilleux, impoli, quérulent ») tout en notant qu’en général, le délire de quérulence peut se passer complètement de traits paranoïaques, voir même demeurer inaperçu pendant de longues années :
  • ——  Les quérulents pourraient, à l’en croire, sembler à leurs proches parfaitement sain d’esprit, et même recevoir l’approbation (Zustimmung) de leurs familles, une caution (Gewahr) juridique ou des aides officielles (officielle Hilfe). Leurs allégations seraient d’autant plus vraisemblables qu’ils auraient, en général, été victimes d’un tort véritable, et pourraient souvent se plaindre à juste titre d’avoir été traités avec trop peu d’égards.
  • ——  Les paranoïaque, pour leur part, ne trouveraient de point d’appui « qu’en eux-mêmes » — s’opposant tout d’abord à tout leur entourage, puis au monde entier.
  • En dernière analyse, ce qui, selon Lange, unit les quérulents (was die Querulanten vereinigt) ne serait pourtant ni leur « caractère délirant , ni ce qui peut y ressembler (nicht das Wahnhafte oder was diesel megr oder weniger gleichsieht) », mais leur « tempérament volontaire, énergique et déterminé (das Willensmütige)» mis au service d’une cause unique — bref, le fait qu’ils se meuvent  «en direction d’un but parfaitement déterminé (die Richtung auf ein ganz bestimmtes Ziel) ». Dans bien des cas, des tels quérulents « n’auraient absolument rien de paranoïaques (bei vielen Querulanten Paranoisches im eigentlichen Sinne fehlt) ».
  • Cela étant, Lange accordait que les paranoïaques puissent avoir pour leur part une forte propension à quéruler — à condition, et là était selon lui le point-clé, qu’ils se trouvent dans des circonstances qui les y entraînent….. et qu’ils disposent en outre des traits de caractères afférents. Ainsi :
      • —  Dans les cas de quérulence véritable ( sur ce point, Lange suivait Ernst Kretschmer) le vécu (Erlebnis) et le caractère (Charackter) constitueraient les ingrédients essentiels et suffiraient à eux seuls à donner l’impulsion première du délire.
      • — Au contraire, en l’absence d’une constitution paranoïaque  (paranoische Veranlagung) préexistante, « le caractère le plus singulier confronté au destin le plus adverse » ne pourrait pas devenir véritablement paranoïaque — cela, même si la constitution paranoïaque ne représentait pour Lange qu’un matériau premier à partir duquel caractère individuel et destin pouvaient forger « les figures vivantes du délire »).
  • Pour le dire encore autrement : Lange soutenait que pour être paranoïaque, il fallait y avoir une prédisposition constitutionnelle, mais que pour quéruler (zum Querulieren), une « constitution paranoïaques (paranoïsche Veranlagung) » n’était nullement nécessaire — ce, même lorsque la quérulence impliquait la présence de symptômes généralement jugés comme paranoïaques, tels que les faux souvenirs chers à Krapelin (Erinnerungsfälschungen) et la systématisation des idées.  Dans la quérulence, ce qui, selon Lange, importait, c’était que le malade veuille imposer sa volonté à une puissance adverse, et qu’aussi bien son caractère que des circonstances vitales l’y aient porté.
  • Pour finir, Lange soulignait que les représentants de la Justice ses trouvaient souvent dans une position délicate, lorsqu’ils étaient sommés de répondre aux attaques de quérulents – ne pouvant ni  éviter de le faire, ni le faire de manière efficace et sans risquer de provoquer de nouveaux débordements. Il émettait l’hypothèse qu’ôter leur capacité juridique aux quérulents pourrait éviter d’interminables menées juridiques, mais  conseillait aussi aux praticiens du droit de cesser de recourir au terme de « quérulent », trop aisément pris pour insulte. Il valait mieux, selon lui, parler de « réaction paranoide (paranoische Reaktion)» ou de «position délirante (wahnhafte Einstellung ) » que de « délire de quérulence », afin de pour clarifier la situation auprès des juges.

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1927

Julius Raecke, « Der Querulantenwahn », Journal of Molecular Medicine, 6, 38, pp. 1785-1788, 1927

  • Raecke fait ici le portrait-robot du Charakter quérulent (une personnalité, dirions-nous aujourd’hui). Pour ce faire, il commence par distinguer la quérulence véritable de la quérulence symptômatique qui pourrait, selon lui, accompagner d’autres troubles psychiques. En procédant ainsi, Raecke ne faisait que suivre l’exemple de son prédécesseur Maier, qui proposait de distinguer  la « quérulence des maniaques » du véritable « Querulantenwahn » [Maier, 1912].
  • Les traits de quérulence rencontrés chez certains patients maniaco-dépressifs ne seraient selon Raecke que des « complexes de symptômes (Symptomenkomplex) » transitoires et d’importance toute secondaire ; on en trouverait de pareils dans d’autres troubles de l’esprit, tels que les démences séniles et les paraphrénies.
  • Quant aux cas de quérulence véritable, on ne saurait, selon Raecke, les ranger ni sous la bannière de la Paranoia ni sous celle de la maniaco-dépression — encore moins les assimiler à quelqu’autre psychose chronique que ce soit. Il serait certes possible d’y reconnaître des phénomènes comparables à une réaction en chaîne de type paranoïde, mais cette réaction en chaîne ne serait susceptible de se déclarer que sur des base psychopathiques très particulières :
  • — La quérulence véritable, considéré comme un état d’esprit bien spécifique, serait en premier lieu conditionnée par l’existence d’une base caractérielle (Charakteranlage).  Sur cette base caractérielle, elle ne viendrait pourtant à se développer qu’à condition qu’au cours du développement de l’individu ait lieu une transformation psychique. Il ne faudrait donc ni penser que chaque quérulent est totalement en proie à la psychose, ni douter qu’il ne soit profondément égaré,  « extrêmement psychopathique » voir parfois aliéné de manière plus ou moins durable.
  • En dernière analyse, ce qui singulariserait la quérulence vraie serait  précisément cet état d’esprit mixte, ambiguë, ne permettant pas de surmonter ou d’« abréagir (abreagieren) » de manière normale à certains évènements vitaux (déceptions, vexations). Sans signes avants-coureurs ni phénomènes psychotiques pour l’annoncer, la « réaction quérulente ( querulatorische Reaktion)» apparaîtrait des suites d’un événement psychique majeur tel qu’une décision de droit décevant les espérances du malade. L’excitation atteindrait alors rapidement son comble, et pourrait aussi bien rapidement retomber (les circonstances extérieures s’y prêtant) que persister (en cas de long procès) pour se transformer en un vaste délire de persécution. Autrement dit, la quérulence, comme toutes les autres réactions psychopathiques, se déclarerait de manière soudaine et serait susceptibles soit de se calmer rapidement (l’affect retombant, et permettant ainsi la correction des idées fausses), soit de persister pour donner naissance à un délire à tendance chronique. Les véritables quérulents pourraient donc évoluer dans des directions différentes — ce qui explique que Raecke s’oppose fermement au dogme, erroné selon lui, de l’incurabilité du délire de quérulence.
  • Remarquons que Raecke, comme Maier — bien qu’ils s’opposent sur plus d’un point — insistaient sur le rôle important des affects : c’est l’affect qui, selon Raecke, dominait la pensée du quérulent chronique — de sorte que chaque fin de non-recevoir opposée à ses recours en droit soit interprété par lui comme un acte de violence, chaque limite à ses désirs perçue comme un déni de droit, et la plus bienveillante des mises en gardes considérée comme une insulte.
  • Un tel état d’esprit expliquerait, pour Raecke, que des traces de « délire de relation personnelle (Eigenbeziehung) » fassent rarement défaut dans les cas de quérulence chronique : le quérulent trouverait dans son expérience quotidienne tout ce dont il a besoin pour alimenter son vécu «morbide ».
  • Là se jouait, selon Raecke, le lien entre quérulence et paranoïa — ces deux entités étant le produit de la prévalence d’une idée bien déterminée, dotée d’une puissante teneur affective. Cette idée, Raecke la nommait, en accord avec Wernicke,  « “idée prévalente” (“überwertige Idee“) ». Tel était en effet  « le nom que donnent les psychiatres allemands à un complexe de pensées doté d’une coloration affectives particulièrement forte, et qui peut parfois venir occuper le premier plan de sorte à exercer une influence dominante sur les pensées et les actions d’un sujet ».
  • Au demeurant, les formations morbides du quérulent, contrairement à celles du paranoïaque, auraient, selon Raecke, non pas une seule origine (l’idée prévalente ) mais plusieurs sources psychologiques : parfois ce serait le sentiment d’être méprisé, dominé par une justice toute-puissance, qui causerait la réaction de quérulence pathologique et lancerait le « malade » dans une longue période de combat désespéré  et de défaites répétées. L’impression d’être victime d’une conspiration se développerait alors de  manière bien compréhensible.
  • Raecke insistait également sur le rôle des faux souvenirs (Erinnerungsfälschungen) et des confabulations, qui pourraient pousser un sujet atteint de quérulence chronique à se prendre pour le héraut de la Justice et l’incarnation du Droit.
  • Il soulignait enfin aussi bien le caractère suggestible que la force de suggestion du quérulent, qui pourrait selon lui souvent parvenir à convaincre son entourage de la légitimité de son combat.

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1928

G. Heuyer, Les Psychoses passionnellesImpr. Coopérative, 1928

1929

G. Strassmann, «Die gerichtsärztliche Behandlung der Querulanten  Vorgetragen auf der 17. Tagung der Deutschen Gesellschaft für gerichtliche und soziale Medizin in Hamburg, September 1928», Deutsche Zeitschrift für die gesamte gerichtliche Medizin, 13, 1, pp.146-158 (1929)

 

Hanns Schwarz, « Einige Bemerkungen zur Rentenneurose, insbesondere zu ihrer Beurteilung im Rentenverfahren », Monatsschrift für Psychiatrie und Neurologie 71, 3-4,  pp. 231–250 (1929). 

Hanns Schwarz, « Einige Bemerkungen zur Rentenneurose, insbesondere zu ihrer Beurteilung im Rentenverfahren », Monatsschrift für Psychiatrie und Neurologie 71, 3-4,  pp. 231–250 (1929).

  • Dans l’entre-deux guerres, le problème posé par les névroses de rente (Rentenneurose) — surtout lié aux pensions dues par les autorités aux soldats invalides de guerre — représenta un enjeu majeur des discussions entre psychiatres allemands. Dans quel cas la revendication visant à obtenir (ou conserver) le bénéfice d’une pension était-elle légitime, abusive, outrancière, bien fondée ? Dans quels cas le refus de perdre le bénéfice d’une rente était-il une conséquence d’un traumatisme véritable — et dans quels cas le psychiatre pouvait-il au contraire chercher à déceler la trace d’une simulation de traumatisme visant à retarder la reprise d’un travail « ordinaire »… ? Quelques années plus tôt, dans la quatrième édition de l’Encyclopédie médicale d’Eulenburg (Real-Encyclopädie der gesamten Heilkunde. Ergänzungsband: Ergebnisse der gesamten Medizin, Urban & Schwarzenberg, Berlin, 1921), Martin Reichhardt y allait déjà de sa tentative d’évaluation des incidences de la névrose traumatique (« Die Beurteilung der sogenannten Unfallneurosen », pp.1-42) : il soutenait notamment l’idée qu’il n’existe  pas de « neurasthénie quérulente (Neurasthenia querulatoria) » symptômatique d’une « névrose posttraumatique (traumatische Neurose) », mais bien plutôt « des prédispositions (Veranlagung) neuropathiques, vasomotrices ou psychopathiques (quérulentes, etc.) sur la base desquelles une émotion forte ou un événement psychique peut provoquer, dans certaines circonstances, une réaction en réponse ».

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Joseph Combi, Le délire de quérulence. Contribution à la psychiatrie sociale, Thèse Méd. Genève, 1929

 

1930

 Heinrich Unger, « Die Schrift der Querulanten », Zeitschrift für die gesamte Neurologie und Psychiatrie, 130, 1, pp. 116-131 (1930) 

 

 

 

1931

Otto Fenichel,  Perversionen, Psychosen, Charakterstörungen, Int. Psychoanalytische Verlag, Berlin, 1931.

  • Dans cet ouvrage se trouve l’une des très rares études consacrées à la quérulence dans la psychanalyse d’entre-deux-guerres (pp.86-87) : « Le délire de quérulence n’a pas encore été l’objet d’études psychanalytiques », déclare Fenichel en guise d’entrée en matière — ce qui fait de lui (à l’en croire) un vrai pionnier en la matière…!
  • D’entrée de jeu, Fenichel souligne la tendance hautement narcissique du caractère quérulent : quéruler, c’est en effet penser qu’il est vital de clamer sa propre innocence…. et n’admettre que rien n’entache sa propre intégrité.
  • Au demeurant, l’instance auquel s’attaque le quérulent n’est, selon Fenichel, autre que le Surmoi — ou pour mieux dire, « une projection du Surmoi (das projizierte Über-Ich) » auquel s’attaquerait un Moi disproportionné, narcissiquement surinvesti.
  • Dans la quérulence véritable aurait également lieu une rationalisation systématique de l’attitude hostile — ce en quoi le délire de quérulence serait assimilable à la paranoïa, pareillement douée d’une tendance à la systématisation. Mais contrairement à la systématisation paranoïaque, la rationalisation systématique à l’oeuvre dans la quérulence ne se ferait pas dans le vide, ex nihilo — et la projection du Surmoi ne pourrait se faire que là où la réalité offre quelque prise.
  • Le quérulent de Fenichel serait ainsi conduit à voir « l’épine dans l’oeil de son prochain » et pas la poutre dans le sien propre. Il serait en butte à un conflit narcissique entre Moi et Surmoi, projeté dans le monde extérieur là où le monde s’y prête… et doté de deux significations à la fois :
  • Il s’agirait d’une part, comme dans le délire de relation, d’une sexualisation (ou mobilisation du contenu à teneur homosexuelle latente) de la sphère « peine-culpabilité ». En ce sens, le besoin de voir authentifiée par une instance externe l’absence de culpabilité ne serait qu’une tentative de se défendre de motions homosexuelles refoulées.
  • Quant au sentiment persistant que « les autres me font du tort, je suis innocent », il ne serait qu’une défense contre le sentiment contraire, « je suis coupable» — et témoignerait d’une tentative du Moi, régressé au niveau du narcissisme primaire, de se défendre contre un sentiment de culpabilité profond pouvant pointer vers un conflit primitif avec le père : les autorités (tribunaux, administrations, etc) seraient combattues comme autant d’avatars du père.
  • Pour résumer, Fenichel avance donc que dans le délire de quérulence, il en irait d’une défense projective régressive contre un sentiment de culpabilité sexualisé.
  • Dans un cas qu’il présente, il pense pouvoir observer concrètement à l’oeuvre l’identification d’un patient à sa mère. Cette dernière avait mené plusieurs procès contre son mari — père du patient — pendant leur procédure de divorce ; sous l’identification à la mère, Fenichel croit deviner un reproche adressé au père de ne l’avoir pas pris pour nouveau conjoint, substitut de la mère…. et de lui avoir ainsi fait subir le même préjudice qu’à elle.
  • — Dans un second cas qu’il décrit, Fenichel pense pouvoir observer un modèle typique de revendication adressée aux autorités pour qu’elles suppléent à une blessure narcissique. La patiente dont il est question se sentait, selon Fenichel, fortement coupable — une culpabilité donc elle se se serait défendue grâce au mécanisme de projection.

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J. Klüber, «  Ein kasuistischer Beitrag zu G. Spechts Lehre von dem Zusammenhang der chronischen Paranoia (Querulantenwahn) mit der chronischen Manie  », Zeitschrift für die gesammte Neurologie und Psychiatrie, 131, 1, pp.152-170 (1931)

  • Sur la base d’observations cliniques, Klüber souligne l’importance théorique comme la valeur  pratique des thèses de Specht. Ce dernier, rappelons-le,  pensait qu’existent des liens étroits entre quérulence, paranoïa  et manie chronique. [cf. Specht, 1908]

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K. Kolle, « Über Querulanten », Archiv für Psychiatrie und Nervenkrankheiten, 95, pp. 24-102, 1931

  • Kolle publia cette étude — longue de plus de 75 pages — en 1931 ; aujourd’hui encore, elle reste une  référence en matière de quérulence.
  • Inspiré des thèses de Kretschmer, Kolle, dans son travail, se penchait tout particulièrement sur le rôle de l’événement déclencheur de la « quérulence pathologique », mais soulignait dans le même temps l’importance du facteur constitutionnel.Il fut ainsi conduit à décrire la dialectique entre événement déclencheur (avec la réaction qu’il provoque) et facteur constitutionnel préexistant (vecteur d’une prédisposition à la quérulence considérée comme pathologique). Cette dialectique était , selon Kolle, constitutive de ce que Lange avait proposé de nommer le « conflit vital chronique (chronische Lebenskonflikte) » singularisant les personnalités quérulentes. Dans cet ordre d’idées, c’est en accord avec Specht que Kolle soulignait le rôle majeur du « tempérament hypomaniaque-hyperthymique » dans le déclenchement d’une réaction de quérulence dite « pathologique » : ce tempérament était considéré par lui comme une condition préalable à c qu’il refusait de nommer le « délire » de quérulence.
  • L’un des apports majeurs de Kolle consista en effet à séparer radicalement les concepts de  « Paranoia » , de « délire » et de « quérulence » : le terme de Querulantenwahn (délire de quérulence) s’avérait selon lui parfaitement inadéquat, puisque par « quérulence pathologique » on ne pouvait désigner qu’un type de « personnalité psychopathique (psychopathische Persönlichkeiten) », non un type de délire (Wahn). Autrement dit, l’emploi du terme « délire » pour désigner une attitude consistant simplement  à « vouloir avoir raison » (Rechthaben-Wollen) était selon Kolle globalement inadéquate.
  • Ce que Kolle choisissait au final de désigner du nom de « névrose juridique (Rechtsneurose) »consistait selon lui en la rencontre d’un « type de personnalité » au développement psychopathique bien particulier, et d’un événement déclenchant une réaction vitale. Caractère, vécu et milieu — la triade était directement reprise de Kretschmer — suffisaient donc, selon Kolle, à expliquer le déclenchement de la quérulence, qui en définitive n’aurait absolument rien à voir avec une psychose, surtout pas avec une schizophrénie : « l’existence du typus quérulent (der Typus Querulant) en sa spécificité s’imposera d’autant plus à notre conscience clinique que nous serons bien persuadés du fait qu’il n’existe pas de délire  de quérulence, mais seulement des quérulents
  • Ces considérations permettaient à Kolle de se montrer relativement optimiste quant aux possibilités de guérison de la quérulence pathologique — à condition que le thérapeute n’ait pas recours au seul attirail de la médecine scientifique, mais aussi à ses connaissances en psychologie et en sociologie… tant il semblait vrai à Kolle que le destins de vie des individus ne pouvait être considéré in abstracto, sans se pencher sur les fonctions sociales d’institutions telles que l’Etat, la société, le droit. Bref, pour Kolle, à condition que les médecins se fassent « caractériologues », psychologues, voire sociologues ,  il pourrait et devrait  « ne rester […] qu’un faibles reliquat des thèses soutenues pendant un demi-siècle et faisant état d’un pronostic de guérison défavorable dans les cas de quérulence. »

1936

D. Lagache« Passions et Psychoses passionnelles »  —  Exposé présenté  le 10 décembre 1935 au Groupe de l’Évolution Psychiatrique,  (ici, une brève Intervention de Jacques Lacan à son sujet)  — publié une première fois dans L’Évolution Psychiatrique, 1936, 1, pp. 25-27  —  puis p.552 des  Œuvre I (1932-1946), de Daniel Lagache (PUF, 1977)


1937

L. Anglade, Les revendicateurs : contribution à l’étude de délire de revendication.
Doctorat en Médecine, Paris, Faculté de médecine de Paris, 1937. Publiée à Paris, Jouve, 1937.

1938

A. Kielholz, « Von den Quellen der Querulanz (Des sources du délire processif)», Schweizer Archiv für Neurologie und Psychiatrie,42, pp. 58-76 (1938)

 

1940

A. Bostroem, « Ueber Querulanten », Münchener medizinische Wochenschrift, p. 1107 (1940)

 

 

1941

« Woman held to be vexatious litigant », The Herald (Melbourne), 21 July 1941

 

 

 

1943

« Vexatious litigation », Australian Law Journal, 17, p. 9  (1943)

 

 

1949

En Inde est adopté le Madras Vexatious Litigation (Prevention) Act (Act 8 of 1949) qui sera suivi du Maharashtra Vexatious Litigation (Prevention) Act (Act XLVIII of 1971). En 2005, un projet de loi (Draft bill – The Vexatious Litigation Prevention Bill ) vise à réunir ces deux Acts sous un seul et même intitulé, valant pour l’ensemble de la République d’Inde. De tels Acts, calqués sur les Vexatious Actions Acts adoptés au Royaume-Uni en 1896, ont pour but d’interdire l’accès des tribunaux aux vexations litigants ( plaideurs trop belliqueux, ou plaideurs vexatoires : nom donné, dans le champ juridique, à ceux que les psychiatres tendant à désigner du nom de  paranoïaques quérulents) :  « The main purpose of enacting the law on the subject is to prevent a person from instituting or continuing vexatious proceedings habitually and without reasonable ground in the High Courts and subordinate courts». Des Acts similaires existent, ou sont en projet, en Nouvelle-Zélande, Australie, Canada, et autres pays appartenant ou ayant appartenu au Commonwealth britannique. 

1950

G. Kleine, Der Querulantenwahn und §51StGB,  Dissertation München, 1950

 

1952

J. Borel, Les psychoses passionnelles. Paris, L’expansion scientifique française, 1952

K. Ehrlich, « Behandlung des Querulanten », Schweizerische Juristen Zeitung 48, pp. 329-334 (1952)

A. van der Heydt, Querulatorische Entwicklungen, Marhold, Halle, 1952

  •  Van der Heydt, dans l’un des plus importants travaux d’après-guerre en langue allemande consacrés à cette thématique, s’attache à décrire le large spectre de la quérulence pathologique tout en demeurant fidèle à l’enseignement de  Kraepelin : selon lui, les quérulents authentiques seraient des sujets qui recherchent la justice par pur amour de la justice — ce qui entraînerait une série de complications, plaintes, écrits, requêtes, lettres, accusations, contre-accusations et justifications. Après de nombreuses années de combat, il serait souvent difficile de distinguer la cause première de cette attitude des thématiques secondaires, événements annexes, et facteurs nouveaux corrélés a posteriori. La vie sociale du « malade » et les impératifs de l’existence seraient souvent négligés au profit de son unique sujet de préoccupation. Pour Van der Heydt, on pourrait donc, dans de tels cas, parler de « névrose de caractère ».

1953

« Declared vexatious litigant », The Herald (Melbourne), 27 mars 1953, p.3

 

1954

 Nass, « Querulatorische Haftreaktionen », Monatschfrift für Kriminologie und Strafrechtsreform, pp. 162-166 (1954) 

 

 –

1955

Ernst Kretschmer, jamais poursuivi malgré ses nombreuses compromissions avec le régime totalitaire nazi — adhérent à la NSDAP dès l’arrivée de Hitler au pouvoir, défenseur du programme de stérilisation forcée des « faibles d’esprit », membre du Conseil d’organisation de l’« Aktion T4 » (campagne systématique d’élimination des handicapés mentaux et physiques mise en oeuvre en 1940-1941) — est conduit, en 1955, dans le cadre d’une affaire particulièrement célèbre, à s’opposer à une demande d’indemnisation (Wiedergutmachung) de la part d’une victime de guerre.

  • Un certain Venzlaff, interne à la Clinique psychiatrique universitaire de Göttingen, s’était en effet prononcé, dès 1952, en faveur d’une patiente dépressive qui paraissait souffrir d’une névrose induite par des persécutions réellement subies et se pensait en droit d’exiger une pension. Il semble que les autorités aient alors craint de devoir faire face à une avalanche de demandes de pension de guerre. Kretschmer, qui de 1947 à 1956 occupait rien moins que le poste de directeur de l’Institut Universitaire de Psychologie de Tübingen, fut appelé à la rescousse : sans même avoir rencontré la patiente, il rédigea un long rapport, expliquant contre toute attente qu’il n’existait rien de tel que des névroses induites par des faits réels. L’organisme humain était en effet, disait-il, doté d’une capacité illimitée à compenser les traumatismes psychiques.
  • En soutenant ces thèses, Kretschmer prétendait s’opposer à l’usage « détourné » du concept de « névrose sensitive » (un concept qu’il avait lui-même contribué à forger). Dans le cadre restreint de cette affaire particulière, son avis ne devait pas prévaloir ; il serait pourtant largement répandu par la suite, et ferait jurisprudence. Les opinions défendues dans le tristement célèbre « Rapport du Kretschmer du 24 octobre 1955 » gagneraient notamment un poids particulier du fait de leur inclusion dans un commentaire légal consacré au programme de réparation des atteintes à la santé (Gesundheitliche Schäden in der Wiedergutmachung, Ammermüller & Wilden). Ce document stipulait qu’il était « scientifiquement intenable » de prétendre accorder une pension pour causes de névrose « induite » par des faits réels — avis qui devait prévaloir et faire jurisprudence jusque dans les années 1960. Ce n’est qu’en 1968 que la Cour Suprême allemande rendrait plus aisée la tâche de reconnaître l’existence de troubles psychologiques liés aux temps de guerre — de sorte que les demandes d’indemnisation adressées aux autorités ne soient pas nécessairement considérées comme des « revendications » indues.

1956

G. Bublitz, « Bericht über juristische Probleme des Querulantentums », Richter und Arzt,  124-36, pp. 136-59 (1956)

1957

Le 9 janvier 1957, dans son séminaire, consacré à  La relation d’objet,  Jacques Lacan évoque la co-implication des notions de frustration et de revendication : 

  • « Il y a frustration si le sujet entre dans la revendication que ce terme implique en en faisant intervenir l’objet comme quelque chose qui était exigible en droit, qui était déjà de ses appartenances. »
  • Ce faisant, Lacan reprend presque mot pour mot la définition de la notion de « revendication » donnée par Alexandre Cullerre en 1897 [ cf. supra] : « Revendiquer : réclamer une chose qui nous appartient et qui est entre les mains d’un autre  »

°°°°°°

P. Hülsmann, « Das Problem des Querulierens ». Arbeit, Beruf und Arbeitslosenhilfe – Das Arbeitsamt Stuttgart 8, p. 42 (1957)

1963

 « Engineer declared vexatious litigant », The Age, (Melbourne, 7/09/63, p.7 

J.-E. Meyer, « Das sozialverhalten des Querulanten », Monatschfrift für Kriminologie und Strafrechtsreform, pp. 250-257 (1963)

T.P. Pechernikova «  A Contribution to the Question of Pathological Litigiousness », Journal of Russian and East European Psychology, 2 (2), 1963-1964.

  • Pathological litigiousness has long attracted the attention of psychiatrists. However, our literature on this subject still lacks precise and well-defined views on the clinical essence of this phenomenon. In 1838, Graff published the first description of patients presenting litigiousness. Considerably later, Gasper introduced the term “litigation mania.” Thereafter there were two main trends in interpretation of the mechanisms and causes of litigious tendencies. As early as 1886, Schuele, describing the clinical picture of the litigious syndrome, pointed to the existence in such patients of special inborn personality qualities, “predispositions.” N. M. Popov was inclined to attribute all cases of litigiousness to “hereditary insanity.” In support of this he pointed to alleged physical signs of degeneration in such patients, and also to hereditary transmission of the disease. An analogous view was expressed somewhat later by Raecke. He suggested the term “genuine litigious delusion.” Many other writers were inclined to classify all cases of pathological litigiousness in the group of paranoias. Thus, Hitzig, basing himself on analysis of serious cases of “litigious insanity,” regarded them as a special sub-category of paranoia, “litigious paranoia.” 

 

1964

Gernot Blum, Die Grenze zwischen Querulantentum und paranoischer Wahnbildung in forensischer Sicht, Dissertation Düsseldorf, 1964

 

 

 

 

1967

Hallermann, « Die gerichtsmedizinische Beurteilung der Persönlichkeitseigenheiten des Querulanten », Deutsche Zeitschrift für die gesamte gerichtliche Medizin 57, pp. 85-90 1967

Rotthaus, « Die Aufgaben einer besonderen Vollzugsanstalt für schwierige und psychisch abnorme Gefangene »,  Monatschfrift für Kriminologie und Strafrechtsreform 50, pp. 344-352 (1967)

 

 1970

J. Anglade, Paranoïa et psychoses passionnelles, Thèse de Médecine, Tours, 1970

 

1971

Fritz Werner, « Der Querulant », in Recht und Gericht in unserer Zeit, Heymann, Köln,  pp.406-410, 1971

 

                                               °°°             1972          °°

Naissance informelle du GIAGroupe Intervention Asile dont les membres,  aujourd’hui encore, sont régulièrement qualifiés de « quérulents processifs » par les professionnels du soin en milieu psychiatriques.

  • Le GIA a pour vocation de défendre les droits des patients hospitalisés en faisant appel, si besoin est, au tribunal.  Faut-il le préciser ? Le terme de « quérulence processive » gagne toute sa valeur stigmatisante lorsqu’il est employé pour désigner de telles  procédures juridiques, qui  le plus souvent s’avèrent bien fondées.
  • « Le GIA a d’abord été un mouvement informel, initié en 1972, dans l’après mai 68, par quatre futurs médecins, de la mouvance maoïste, alors internes en psychiatrie au Centre hospitalier spécialisé (CHS) Perray-Vaucluse, dans l’Essonne. Ils voulaient exprimer leur révolte devant les excès des pratiques traditionnelles de leur profession.  »
  • En novembre 2010 se produit une scission, André Bitton créant sa propre association, le Cercle de Réflexion et de Propositions d’Action (CRPA) : sur l’internement psychiatrique abusif et illégal. Toute la documentation 

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1973

H. Dietrich, Querulanten, Ferdinand Enke-Verlag, Stuttgart, 1973

  • Dietrich, dans cet important travail, dresse une liste impressionnante de divers types de quérulents qu’il eut, dit-il,  l’occasion de rencontrer au cours de sa carrière de psychiatre :
  • — quérulents  juridiques (Rechts-Querulanten de type classique), se lançant dans de nombreux recours en justice et procès en série.
  • —  quérulents au travail (Karrière-Querulanten) qui pourraient notamment défendre des droits imaginaires devant les tribunaux des prud’hommes.
  • —  quérulents altruiste (altruistiche Querulanten) qui défendraient inlassablement autrui, ou la cause d’autrui.
  • —  quérulents conjugaux (Ehe-Querulanten dont le caractère se révèlerait souvent au cours des procédures de divorce.
  • —  quérulents pénitentiaire (Haft-Querulanten) dont l’attitude, calquée sur le modèle de la paranoia pénitentiaire, est décrite par Dietrich comme une réaction à la privation de liberté.
  • — quérulents de rente (Renten-Querulanten) adoptant une forme agressive, dysthymique  et tenace de la fameuse « névrose de rente » qui se diviserait en quérulence post-traumatique, quérulence des victimes de guerre, et quérulence des exilés.
  • —  quérulents collectifs (Kollektiv-Querulanten) : défenseur des droits du monde en général, ou d’une cause en particulier ; loups solitaires ou protecteurs particulièrement acharné et agressifs d’une minorité. Selon Dietrich, on devrait soigneusement les distinguer des révolutionnaires fanatiques (revolutionäre Fanatiker ).
  • Selon Dietrich,  il existerait également une forme de quérulence « névrotique » et « normale » , assimilable aux  types extrêmes des « névroses actuelles » de Freud. Ce qui distinguerait la forme délirante chronique de quérulence « pathologique » des réactions de quérulence « normales », simplement « névrotiques » — ces réactions fussent-elles extrêmement virulentes — serait surtout la persistance des affects mis en jeu. La quérulence véritable, chronique, se laisserait en effet définir comme la fixation du comportement de quérulence névrotique : elle consisterait en une « névrose de caractère » avec persistance de motions agressives liées à un premier vécu d’intense frustration. Tandis que le quérulence « névrotique » ne serait un fardeau que pour les autorités officielles (tribunaux et administrations), le quérulent authentique, doté d’une personnalité quasi-psychopathique, serait l’affaire du psychiatre. Au demeurant, cette dernière forme de quérulence,  « authentique » et « chronique », serait une rareté — la majorité des comportements processifs relevant selon Dietrich de la quérulence « névrotique ».
  • Non content de se prononcer en psychiatre, Dietrich, dans son travail, tentait enfin de décrire « l’idéologie de la quérulence » : à l’en croire, on ne « quérulerait » que « de bas en haut ». La « parvenu » ne quérulerait pas, ou plus — n’ayant pas, ou plus de raison de le faire. Tout au plus pourrait-il combattre pour conserver ses acquis,en cas de menace. La quérulence serait ainsi liée à la domination — synonyme d’inégalité et de rapports de force. Ceux qui possèdent le pouvoir et désirent le conserver parleraient de « quérulence » pour désigner ceux qui ne le possèdent pas, mais le désirent : le « quérulent » serait toujours le dominé contre le dominant — le moins privilégié contre le plus privilégié. Par conséquent, la quérulence refléterait non seulement un état d’esprit individuel, mais aussi un état de choses prévalent sur le plan social.

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K. Händel, « Die Behandlung des Querulanten », Kriminalistik 1, p.17-20, (1973)

1974

D. Benayoun-Trzcinski, La revendication de réparation dans les accidents du travail : le dommage et la faute ou l’univers morbide du malentendu. CES Psychiatrie, Paris, Université Paris VII. Faculté de médecine Lariboisière – Saint-Louis.

1976

L. Giraudon, « Demande, revendication et agressivité dans l’hystérie paucisymptomatique : étude de cas clinique  », Mémoire de Psychiatie, Paris 5, Faculté de médecine Cochin – Port Royal (1976)

1977

G. Winokur,  « Delusional Disorder (Paranoia) », Comprehensive Psychiatry, 18, pp.511-521, 1977

 

 

1978

P. AschwandenDie Behandlung der Querulanten im Zivilprozess, Dissertation, Recht-und staatswissenschaftliche Fakultät, Zürich  — Juris-Verlag, Zürich, 1978

Graham L. Fricke, « The injustice collectors », Australian Law Journal, 58, p.316-319 (1978)

 

1979

Y. Cheziere, Passion, excès du mal, délire et traitement : réflexions sur quatre années de traitement d’un délire passionnel. CES Psychiatrie, Paris, Université Paris-7, 1979.

R. Bolton, « Differential aggressiveness and litigiousness- Social support and social status hypotheses », Aggressive Behavior, 5, 3, pp. 233-255, 1979

  • « The Qolla Indians have high rates of involvement in agonistic forms of interaction. In previous reports the author suggested that ecological and physiological factors are causally associated with intracommunity differential participation in aggressive behavior. The present article described tests of hypotheses using other variables to explain this behavioral differentiation. The hypothesis that aggressiveness and participation in litigation are a function of the amount of social support the individual can potentially mobilize is tested. The relationships between indicators of social status (wealth, education, age, political activities, and ritual participation), on the one hand, and aggressiveness and litigiousness, on the other, also are examined. »

 

 

 

1980

O. W. Stålström, « Querulous Paranoia: Diagnosis and Dissent », Australian & New Zealand Journal of Psychiatry, 14, 2, pp. 145-150, 1980

  • « The possible misuse of psychiatric diagnosis for political and social purposes not originally intended as coming within the domain of diagnostic categories is reviewed. One such example, the category of querulous paranoia, is described in terms of both diagnostic criteria and actual applications. Possible applications and potential for abuse of this classification are noted also, particularly with regard to the classification including reactions to actual, as well as imagined, persecution. The relationship between the use of the concept of querulous paranoia and psychiatric abuse, as well as points of difference are discussed. »

R.L. Goldstein « Credibility and incredibility: The psychiatric examination of the complaining witness »,  American Journal of Psychiatry,  137, 10, p. 1238-1240, 1980

  • « Psychiatrists are called on to evaluate the credibility (and incredibility) of complaining witnesses in criminal proceedings despite a longstanding controversy about their ability to accurately make such determinations. The author discusses the history of such psychiatric activity from Freud through the Alger Hiss prejury trial, its current status in terms of benefits to the criminal justice system, the legal and social questions it raises (e.g., the competing issue of the complainant’s right to privacy), andthe court’s restrictions on the psychiatrists. He presents two illustrative case histories. »

°°°°°°

Joachim Hellmer, « Gutachter als Waffe gegen “Querulanten” »,Süddeutschen Zeitung 16/17, p.9 (1980)

K.-D. Klag, Die Querulantenklage in der SozialgerichtsbarkeitProzessrechtliche Abhandlungen, Heymann, Köln-Berlin-München, 1980

 

 

 

 

 

1982

 « Exit Goldie, fighter », The Age (Melbourne), 1 mai 1982, p.2

C. Francis, « Valete Goldie »Victorian Bar News, 20,  4, p.133 (1982). Goldie était le surnom donné à Goldsmith Collins, footballer, escrimeur  et vexations litigant ayant longtemps défrayé la chronique dans l’Etat de Victoria, Australie (cf infra, 2008).

 °°°°°°

W. Kaupen, « Sind Querulanten geisteskrank ? », Zeitschrift für Rechtssoziologie, 3, 1, pp. 171-179 (1982)

Karin Rausch, « Warum führen ‘Querulanten’ ihre Prozesse ? : biographische Rekonstruktion prozeßauslösender Ereignisse für eine Frau, anhand ihrer Angaben in einem Tonbandinterview » Zeitschrift für Rechtssoziologie, 3, 1, pp. 163-173 (1982)

 

 

 

 

 

1984

C. Astrup, « Querulent Paranoia: A Follow-Up », Neuropsychobiology, 11, 3, 1984

  • « This study deals with all querulent paranoias admitted to Gaustad Hospital during 1938–1972. As querulent paranoia is a rare clinical condition, a plea is made for a multicenter study. We had only 22 cases, but most of them have a follow-up over several years, so that we are able to know fairly well the long-term course of illness. The family background has very little to do with schizophrenia and manic-depressive psychoses. It seems that querulent paranoia is a psychogenic disorder, based on deviant personality structures and unlucky personal experiences. Somatic treatments with ECT and drugs have no effects.»

P. J. McKenna,  « Disorders with overvalued ideas », British Journal of Psychiatry 145, pp. 579– 585, (1984) 

  • « The overvalued idea, first described by Wernicke, refers to a solitary, abnormal belief that is neither delusional nor obsessional in nature, but which is preoccupying to the extent of dominating the sufferer’s life. Disorders conforming to his definition are well documented, though their recognition as such has been variable, and they may not be as rare as is often thought. As well as sharing a distinctive phenomenology, the conditions develop in similar settings and carry a uniformly poor prognosis. Their pathogenesis is obscure and difficult to account for in conventional terms. »

 

 

 

1985

Jacques Roux, Histoire et évolution du concept de paranoïa,  Thèse de médecine, Université de Clermont, 1985. Avec un aperçu de l’évolution de la place de la quérulence dans la classification de Kraepelin.

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Norbert Nedopil, « Schuld- und Prozeßfähigkeit von Querulanten », Forensia 1985, pp.185-195 (1985)

Querulanz als Gegengewehr — Vorgänge, Zeitschrift für Gesellschaftspolitik, 74, 2, 1985

  • D. Kreidt, « Geschichten über Widerstand und Verfolgung », pp. 87-90
  • U. Vultejus, « Die Kunst kein Querulant zu sein », pp. 36-39
  • J. Feest & D. Pécic, « Querulanz im Gefängnis », pp. 46-49
  • D. Pécic, « Aus dem Leben eines Querulanten », pp. 50-56

1986

 

J.-P. Olie, G.A. Serio, M. Leboyer, F.-R. Cousin, H. Loo, P. Deniker, « La notion de psychose passionnelle sans délire », Annales Médico-Psychilogiques, 144 (1), pp. 88-94 (1986) 

 

 

 

1987

 

 R.L. Goldstein, « Litigious paranoids and the legal system : The role of the forensic psychiatrist »,  Journal of Forensic Sciences, 32, 4,  pp. 1009-1015, 1987

  • « Forensic psychiatrists should be aware of the many ways that paranoid individuals may present within the legal system. Litigious paranoids often utilize the legal system as a vehicle to act out their fantasies and delusional preoccupations. Imaginary grievances, accusations based on delusional ideation, and irrational vindictiveness toward imagined persecutors may find full expression in any number of legal contexts. They can defeat the rational and legitimate objectives of the legal system, enmesh innocent and unsuspecting victims in nightmarish legal entanglements, and subvert the process of justice. The forensic psychiatrist can assist the court by alerting it to the presence of paranoid illness in parties or witnesses and by clarifying what the effects of such psychopathology are and what the most favorable response should be. Three legal contexts wherein paranoid individuals may present within the legal system are discussed: the “hypercompetent” defendant, the paranoid party in a divorce proceeding, and the paranoid complaining witness. Case illustrations are presented for each legal context. Two issues are discussed: the dividing line between paranoid ideation (and its impact on the legal process) and so-called “normal” thinking (and its objective to use the legal process to obtain certain ends); and the degree to which psychiatric opinions in this area should influence the way an individual’s case is handled by the legal system. The author concludes that, despite the costs involved, it is preferable that even paranoids have their “day in court.” »

Spencer Zifcak, « Vexatious complainants : A lawyer’s dilemma » in Berah, Ellen and Grieg, Deidre (dir.), Community issues in psychiatry, psychology and the law: Proceedings of the 8th annual congress of the Australian and New Zealand Association of Psychiatry, Psychology and the Law, The Association Press , Melbourne(1987)

J. M. McLaughlin, « An extension of the right of access- the pro se litigant’s right to notification of the requirements of the summary judgment rule »Fordham Law Review 55, 6, pp.1109-1137, (1987) 

 °°°°°°°°°

A.I. Lazebnik, I.I. Sergeev, « Induced litigious-paranoid disorders with onset at an advanced age », Zhurnal nevrologii i psikhiatrii imeni S.S. Korsakova, 87 (12), pp. 1825-1827.

1988

I. Freckleton, « Querulent Paranoia and The Vexatious Complainant », International Journal of Law and Psychiatry  11, 2, pp. 127-143 (1988)

I. Freckelton, « The Vexatious Complainant », International Journal of Law and Psychiatry, 11, 2,  pp. 127-143, 1988

A. Munro, « Delusional (paranoid) disorders », 33, 5, pp.399-404, Canadian Journal of Psychiatry, (1988).

  • « The group of paranoid or delusional disorders, although not nearly as common as the mood and schizophrenic disorders, may be much more frequent than has usually been thought. DSM-IIIR has made a decisive step in recognizably defining at least one group of them. Interestingly, this change partly came about because the advent of an effective treatment helped to define that group more clearly. Nevertheless, DSM-IIIR’s classification is too restrictive, and it was wrong to exclude the diagnosis of paraphrenia. Cases fitting this description will have to be consigned to the category of Psychotic Disorder NOS, which will inevitably be a grab-bag of mixed diagnoses. Also, DSM-IIIR does not emphasize the link between the delusional disorders and paranoid schizophrenia, and the somewhat less well defined overlap with affective disorders, both of which give rise to much diagnostic confusion and inappropriate treatment. Precise history taking and mental status examination and, above all, an up-to-date knowledge of their existence are essential to the recognition and appropriate treatment of the delusional disorders.»

M.W. Rowlands, « Psychiatric and legal aspects of persistent litigation », British Journal of Psychiatry, 153, pp. 317-32, 1988

  • « There is a paucity of literature in English about those people who persistently complain. In Germany and in Scandinavia, a diagnosis of querulent paranoia may be made, although this interesting and uncommon syndrome is rarely recognised in the UK. Five cases of litigiousness or persistent complaining are reported, to illustrate the typical psychopathology and the types of diagnosis that occur. Four of these people are barred from further litigation by the courts (vexatious litigants) and were contacted directly for the purpose of this study.»

R.L. Goldstein, M. Rotter, « The psychiatrist’s guide to right and wrong : Judicial standards of wrongfulness since M’Naghten », Bulletin of the American Academy of Psychiatry and the Law, 16, 4, pp. 359-367, 1988

  • « In insanity defense litigation, the precise legal definition of wrongfulness is often critically important. References in the M’Naghten Rules to the appropriate standard of wrongfulness were ambiguous, resulting in a divergence of judicial opinion as to whetherwrongfulnessmeanslegalwrong, subjectivemoralwrong, orobjectivemoral wrong. This article reviews and analyzes these three judicial standards of wrongfulness in the context of case law from jurisdictions that follow each of the respective standards. The evolution of knowledge of right and wrong tests of criminal respon- sibility is traced back to its philosophical roots. Most psychiatrists claim no expertise in matters of morality or law. The American Psychiatric Association would bar psychiatric expert testimony on the ultimate issue of insanity, on the grounds that there are “impermissible leaps in logic” when psychiatrists opine on the probable relationship between medical concepts and moral-legal constructs. Whether or not they testify on the ultimate issue, psychiatrists should ascertain the applicable standard of wrongfulness in order to properly relate their findings to the relevant legal criteria for insanity and thereby enhance the probative value of their testimony. »

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Andrea Dinger, Querulatorisches Verhalten im Justizsystem : Beschreibung und Ursachenanalyse unter Verwendung ausgewählter Verhaltenstheorien, Dissertation Philosophie, Freiburg,  1988 

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R. Pons,  « Délires Quérulents », Société Médico-Psychologique, 1987, séance du 23-24 octobre — Annales Médico-Pschologiques, 146, 1-2, pp 104-108, 1988

A. Lobidel,  Passion et psychoses passionnelles, Thèse de doctorat en médecine, Lille, 1988

 

 

 

 

 

 

1989

Smith, « Vexatious Litigants and Their Judicial Control — The Victorian Experience » Monash Law Review, 15, pp. 48-67, 1989

  • Abusive or vexatious litigants pose special problems for courts seeking to balance litigant access whilst maintaining public confidence in the legal system. That the courts and in particular the Victorian courts, show remarkable toler- ance to this group is indicated by the small number of eight declared liti- gants and the large number of unsuccessful proceedings that these litigants have conducted before the Victorian Attorney-General has initiated the statutory application to have them declared vexatious. For example at one end of the scale Rupert Millane was allowed 116 unsuccessful actions and at the lower threshold Edna Isaacs was allowed unsuccessful actions. Whilst this tolerance is to some degree statutorily required so that the provisions of “habitually” and “persistently” can be satisfied it is suggested that it is difficult for the court to be fully aware of the full extent of abusive liti- gants activity as most is likely to be invisible as discussed above.

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Tölle, « Probleme mit Querulanten », Deutsche Ärzteblatt 86, pp. 187-190 (1989) 

 

 

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1990

G.G. Möllhoff, « Historical, social and psychiatric aspects of the querulous patient », Offentliche Gesundheitwesen,  52, 3, pp. 123-127, 1990.

  • Courts, administrative agencies and doctors are occasionally but stubbornly confronted with reproaches and viciously hostile attacks by habitual litigious grouchers and fault finders to whom court judgements or counsels are purposeful personal insults. Such querulous, opinionated persons are obstinate “bellyachers” who “stick to their guns” and imaginary legal positions to the extent of being a general nuisance. Many of them are unable to appreciate the difference between law and their entirely subjective (often perverted) sense of justice; they feel constantly wronged or even persecuted. Basing on semantics and history, the psychological, psychiatric and expert problems are exhaustively discussed, including the problems of causing public annoyance and of the risks inherent in litigious paranoia.
  • Du même Möllhoff, suivront deux autres articles :
  • —— « Querulanten Anmerkungen zu einem unerschöpflichen Thema in der forensischen Psychiatrie » in H. Binder, Macht und Ohnmacht des Aberglaubens : Magie, Wissenschaft, Pseudowissenschaft, Hohe Warte, Pähl, pp. 182-199, 1992
  • ——   « Querulous patients », Versicherungsmedizin, 46, 2, pp. 63-8, 1994. Möllhoff tente d’établir un diagnostic différentiel permettant de distinguer des traits de quérulence à caractère psychogène, propres à certaines personnalités pathologiques,  troubles névrotiques et psychoses schizophréniques. Il en tire une série de conclusions en matière d’expertise médico-légale, dans le but d’éclairer les décisions des cours de justice :
  • « Querulousnes is no uniform psychiatric phenomenon and no disease entity. Causes and occasions are of the most various types, difficult to compare between persons, often moulded by the currents of the day, inherited ways of thinking, experiences and environment. Querulants are personalities, who, after colliding with the legal system and having had their own claims dismissed, suffer from an often chief and irremediable feeling of being victim of an injustice. They cannot understand that, what is in due form valid can, when, scrutinized with the greatest sense of justice and practical common sense, impress upon someone as injustice. The submission to the unattainable, the parting from hopes, expectations and claims do not materialize. The step by step stiffening readiness for action can be confined to the lawsuit matter, it comes however about, that it extends to further spheres of life. Escalations occur in particular then, when the authorities course of action, courts of justice and opponents are felt as tyrants or mortal threat. A person deriving a meaning from his entire life or events, which he interprets for himself, makes his relations to the community and Law fragile [90]. Are presented within the framework of differential diagnostic distinctions, manifestations of querulous behaviour among abnormal personalities, neurotic disorders and schizophrenic psychoses under psychiatric aspects. Brought into sharper focus are the psychogenic psychoses, which became manifest in the USA, GUS and scandinavian countries in connection with serious querulous evolutions. Hints to decision of the supreme court and forensic psychiatric expert opinion conclude the article.»

Ehrhardt, « Zur psychologisch-psychiatrischen und forensischen Beurteilung sogenannter Querulanten », pp. 409-428 in Kriminalität. Persönlichkeit, Lebensgeschichte und Verhalten. Festschrift für Hans Göppinger, Kerner & alii (Ed), Springer, Berlin-Heidelberg,  (1990)

 

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R. Perez Aubaud, A propos d’un cas de délire passionnel, CES Psychiatrie, Grenoble, 1990.

 

1991

G. Buffone « Understanding and Managing the Litigious Patient », Psychotherapy in Private Practice, 9, 2, pp. 27-45, 1991

  • This article is offered to assist the psychotherapist in better understanding the psychological and relational factors which can contribute to patient dissatisfaction, anger and associated malpractice actions. A brief review of the objective and subjective components of malpractice are presented. Primary focus will be on the specific characteristics in the patient, provider and office setting which tend to increase the risks of such complaints. Practical suggestions for the management of these risks are presented.

S.F. Signer, « Les psychoses passionnelles” reconsidered – a review of de Clérambault’s cases and syndrome with respect to mood disorders.», Journal of Psychiatry and Neurosciences, 16 (2), pp. 81-90, 1991.

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A.  Dinger,  U. Koch, Querulanz in Gericht und Verwaltung, Beck, München 1991

Johannes Feest, « Unterbringung und Zwangsbehandlung wegen Querulanz »,Recht & Psychiatrie, 9,  p.141 (1991)

 

 

 

1992

 Le 24 aout 1992, Valery Fabrikant abat quatre de ses collègues à l’Université de Concordia, Montréal, Canada. Avant les faits, Fabrikant était connu pour son tempérament querelleur et pour sa quérulence : à plusieurs reprises, il avait formulé des menaces de mort, mais les autorités québécoise n’avaient pas jugé bon d’intervenir — et personne n’avait fait grand cas de ses accusations répétées d’imposture intellectuelles dirigées contre ses supérieurs hiérarchiques. Morris Wolfe s’est attaché à retracer la trajectoire de Fabrikant et de sa longue lutte contre l’Université de Concordia dans un texte disponible en ligne : « Dr Fabrikant’s Solution ». Mathieu Beauregard, a d’autres part publié une analyse sociologique sur la question : La folie de Valery Fabrikant : une analse sociologique, L’harmattan, 1999.

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D.B. Wexler, « Justice, Mental Health & Therapeutic Jurisprudence », 40 Cleveland State Law Review, p.517,  (1992) 

  • Therapeutic jurisprudence (TJ) is a term first used by Professor David Wexler, University of Arizona Rogers College of Law and University of Puerto Rico School of Law, in a paper delivered to the National Institute of Mental Health in 1987. Along with Professor Bruce Winick, University of Miami School of Law, who originated the concept with Wexler, the professors suggested the need for a new perspective, TJ, to study the extent to which substantive rules, legal procedures, and the role of legal actors (lawyers andjudges primarily) produce therapeutic or antitherapeutic consequences for individuals involved in the legal process.
  • Black’s Law Dictionary, 9th edition, 2009, defines ‘therapeutic jurisprudence’ as: “The study of the effects of law and the legal system on the behavior, emotions, and mental health of people: esp, a multidisciplinary examination of how law and mental health interact. This discipline originated in the late 1980s as an academic approach to mental health law.”  

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Fabricius, « Die Klage des Querulanten », Recht & Psychiatrie, 10, pp. 124-128 (1992)

 

 

 

 

 

1993

G.S. Ungvari, R. Hollokoi,, « Successful treatment of litigious paranoia with Pimozide » Canadian Journal of Psychiatry 38, 1,  4 (1993) 

  • A case of querulous-litigious delusional disorder successfully treated with low-dose pimozide is reported. A summary of the contemporary literature on this neglected topic is provided.

H. Powles, V. Bruce & F. Jones, « The litigant in person : Discussion papers », Australasian Institute of Judicial Administration, Melbourne (1993)

  • La question des « vexatious litigants » ne recoupe que partiellement celle des  « litigants in person », aussi connus sous le nom de « pro se litigants » (et plus rarement : « self-representing litigants » ou « unrepresented parties »).
  • Par « litigant in person » on désigne en effet, en anglais, les « partie non représentées » par un avocat lors d’un procès. Pour des raisons historiques aussi bien que juridiques, de tels cas de figure sont nettement plus fréquents dans les pays anglo-saxons qu’en France [ cf. Swank, 2004 ] .
  • Bien que tout «  litigant in person » soit fort loin d’être un « plaideur fou », il semblerait que la possibilité d’être « son propre avocat » favorise grandement l’émergence de modes de défense et d’attaques proche de ceux adoptés par les  « plaideurs quérulents » — ce en partie seulement parce que l’ignorance des règles formelles du droit encourage les parties non représentées à se montrer, en contrepartie, plus tenaces et plus revendicatrices que les parties représentées par un avocat.
  • A donc fleuri dans les années 2000 toute une littérature consacrée aux parties non représentées lors d’un procès : comment favoriser leur accès au droit et aux ressources juridiques, et éviter qu’elles ne se montrent trop belliqueuses, voire processives ? Comment leur permettre de présenter des requêtes apparemment fondées devant le tribunal, fût-ce sans qu’un avocat intervienne pour défendre le plaideur — sans pour autant risquer de donner libre cours aux étranges lubies d’un  « processif » dont les recours seraient dès lors perçus comme « abusifs » ? Faut-il, enfin, permettre à  des citoyens s’estimant lésés de gagner leur « quart-d’heure de gloire » devant les tribunaux… et si oui, comment le faire sans pour autant favoriser l’infinie multiplication des recours ? Telles sont quelques-unes des questions soulevées par le « pro se phenomenon ».

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David Rottman, Trust and confidence in the California courts 2005: A survey of the public and attorneys, Commissioned by the Administrative Office of the Courts on behalf of the Judicial Council of California — National Center for State  Court  (2005). Voir également à ce sujet, sur le site du National Center for State Courts (NCSC), la page Public Trust and Confidence – Resource Guide.

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Nedopil, « Grenzgänger – Zum Dilemma von Recht und Psychiatrie », in Festschrift für Horst Schüler-Springorum zum 65. Geburtstag,, pp. 571-579 (1993)

 

 

 

 

 

1995

 G.S. Ungvari, A. Pang, H. Chiu,, « Delusional disorder, litigious type »Clinical Gerontologist, 16, 71,  (1995)

R.L. Goldstein, « Paranoids in the Legal System : The litigious paranoid and the paranoid criminal », The Psychiatric Clinics of North America, 18, 2, pp. 303-315, 1995

Australian Law Reform Commission, For the sake of the kids: Complex contact cases and the Family Court, Report No. 73 (1995)

Australian Law Reform Commission, Costs shifting – who pays for litigation, Report No. 75 (1995)

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F. Caduff« Querulanz – ein verschwindendes psychopathologisches Verhaltensmuster ? » Forschritte der Neurologie Psychiatrie, 63, 504– 510, 1995

 

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D. Zagury, G. Lopez, J. Bornstein, C. Kottler. 3è salon international psychiatrie et système nerveux central. Les homicides passionnels .Crime passionnel et narcissisme Crimes et jalousie .Mystiques et le crime .Revendication passionnelle .Magnicides .Homicide passionnel et libre arbitre. Psysnc ; 1995.

 

1996

A.H. Pang, « Querulous Paranoia in Chinese Patients: A Cultural Paradox », Australian & New Zealand Journal of Psychiatry, 30, pp. 463-466, 1996

  • OBJECTIVE  :  There has been no reported case of querulous paranoia from the Asian population. A prospective study was undertaken to identify patients with querulous paranoia in an outpatient clinic.
  • METHOD  : One thousand, five hundred and fifty-one new referrals to a university-affiliated psychiatric outpatient clinic in Hong Kong were screened for querulous paranoia during routine clinical work.
  • RESULTS  : Three patients with querulous paranoia (0.19%) were identified during 1 year. The case histories of these three patients are reported.
  • CONCLUSION  : Possible reasons for the low reporting rate are discussed and the importance of sociocultural traditions in the development and recognition of querulous paranoia is emphasised.

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F. Dukes, Resolving Public Conflict: Transforming Community and Governance, Manchester, Manchester University Press. 1996

Gisela Friedrichsen, « “Sachgerecht nach Sachlage” », Der Spiegel 44/1996, pp. 82-85 

 

 

 

 

 

 

1997

S.G. Raymond, M. Godfryd, « Revendication passionnelle: à propos de trois cas », Revue de psychiatrie légale, 15, pp. 12-13 (1997)

D. Zagury, « Les crimes passionnels », Perspectives psy, 36 (1), pp. 35-41 (1997)

G.S. Ungvari, A.H. Pang, C.K. Wong,  « Querulous behavior », Medicine, science and the law, 37, 3, pp.265-270, 1997

Paul E. Mullen, « Disorders of passion », in A. Munro & D. Bhugra (dir.), Troublesome disguises: Underdiagnosed psychiatric syndromes, Blackwell Science, Oxford  (1997)

C. Layne, J. Miller, K. Schmucker, « “Hypocondriacs” who sue : causes and correlates of somatoform disorders »American Journal of Forensic Psychology, 15, 3, pp. 53-63, 1997

Richard Douglas, « Ordering personal litigants to provide security for costs », Queensland Lawyer, 18, 86, pp.87-88 (1997) 

Justice Research Centre — Marie Delaney & Ted and Wright, Plaintiffs’ satisfaction with dispute resolution processes: trial, arbitration, pre-trial conference and mediation,  (1997)

 

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En 1997, des amendements substanciels sont apportés aux  Texas Constitution and Statutes — chap. 11 : Vexatious Litigants 

  • Sec. 11.001.  DEFINITIONS. In this chapter: (1)  “Defendant” means a person or governmental entity against whom a plaintiff commences or maintains or seeks to commence or maintain a litigation. (2)  “Litigation” means a civil action commenced, maintained, or pending in any state or federal court. (3)  “Local administrative judge” means a local administrative district judge, a local administrative statutory probate court judge, or a local administrative statutory county court judge. (4)  “Moving defendant” means a defendant who moves for an order under Section 11.051 determining that a plaintiff is a vexatious litigant and requesting security. (5)  “Plaintiff” means an individual who commences or maintains a litigation.
  • Sec. 11.054.  CRITERIA FOR FINDING PLAINTIFF A VEXATIOUS LITIGANT. A court may find a plaintiff a vexatious litigant if the defendant shows that there is not a reasonable probability that the plaintiff will prevail in the litigation against the defendant and that: (1)  the plaintiff, in the seven-year period immediately preceding the date the defendant makes the motion under Section 11.051, has commenced, prosecuted, or maintained in propria persona at least five litigations other than in a small claims court that have been: (A)  finally determined adversely to the plaintiff; (B)  permitted to remain pending at least two years without having been brought to trial or hearing; or (C)  determined by a trial or appellate court to be frivolous or groundless under state or federal laws or rules of procedure; (2)  after a litigation has been finally determined against the plaintiff, the plaintiff repeatedly relitigates or attempts to relitigate, in propria persona, either: (A)  the validity of the determination against the same defendant as to whom the litigation was finally determined; o (B)  the cause of action, claim, controversy, or any of the issues of fact or law determined or concluded by the final determination against the same defendant as to whom the litigation was finally determined; or (3)  the plaintiff has previously been declared to be a vexatious litigant by a state or federal court in an action or proceeding based on the same or substantially similar facts, transition, or occurrence. Added by Acts 1997, 75th Leg., ch. 806, Sec. 1, eff. Sept. 1, 1997.

1998

M. Christ, The Litigious Athenian (Ancient Society and History), The Johns Hopkins University Press, Baltimore, 1998

  • The democratic revolution that swept Classical Athens transformed the role of law in Athenian society. The legal process and the popular courts took on new and expanded roles in civic life. Although these changes occurred with the consent of the “people” (demos), Athenians were ambivalent about the spread of legal culture. In particular, they were aware that unscrupulous individuals might manipulate the laws and the legal process to serve their own purposes. Indeed, throughout the Classical Period, when Athenians gathered in public and private settings, they regularly discussed, debated, and complained about legal chicanery, or sukophantia.

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Lee W. Rawles, « The California vexatious litigant statute: A viable judicial tool to deny the clever obstructionists access ? », Southern California Law Review, 72, pp.275-310  (1998) 

  • In 1963 the California legislature, in an attempt to reduce the judicial burden of vexatious behavior, enacted the VLS [ Vexatious Litigant Statute ]. Despite the determination that it is “imperative that the courts enforce the [VLS],” courts continue to use the statute in an arbitrary and ineffectual manner.190 As the above analysis of the text, historical interpretation, and application of the VLS demonstrates, thirty-five years after its inception the VLS has yet to be- come a viable judicial tool. The text of the VLS, read in its entirety, shows that the statute possesses strong mechanisms for preventing vexatious indi- viduals, once identified, from continuing their frivolous pursuits. How- ever, the anecdotal history of the VLS’s implementation supports, in gen- eral, a conclusion that the VLS has not been regularly implemented when vexatious characteristics first appear. While the limited statistics currently available and the anecdotal cases cited above do not, by themselves, lead to a conclusive determination that the VLS is still not being used when circumstances strongly support its implementation, they do provide signifIcant support for that assertion. The problems of delaying the imposition of VLS sanctions once vexatious behavior has been identified, the lack of set procedures and poli- cies regarding the Vexatious Litigant List, and the failure to dismiss suits after vexatious litigants ignore orders requiring security have rendered the VLS ineffective. Under such circumstances, the VLS can neither act as a general nor a specific deterrent to those who repeatedly engage in ground- less litigation. The solutions offered above are strong steps toward making the VLS fulfill the purposes for which it was created. These solutions, if implemented, either individually or collectively, may provide the courts with a truly viable vexatious litigant statute.

H.M. Schmidt & A. Schmidt (dir.)  Juristen im Spiegel ihrer Stärken und Schwächen, Otto Schmidt Verlag, Köln (1998) 

 

 

 

 

1999

Paul-Laurent Assoun, Le préjudice et l’idéal, Anthropos/Economica, Paris, 1999

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R. Konakanchi, J.J. Grace, D. Yap, L. Guttmacher, R. Szarowicz, « Pimozide in the treatment of litigious delusions », Psychiatric services Washington DC, 50, 6, p. 837, 1999

  • In subtyping delusional disorder, the authors of DSM-IV did not include a litigious variant, although the syndrome had been previously described. It is thought to be both rare and resistant to treatment, especially when related to an organic condition, in which case a diagnosis of psychotic disorder due to a general medical condition would be appropriate. This report describes the successful treatment of a litigious delusional patient with pimozide.
  • Mr. A, a 52-year-old Caucasian male, began exhibiting litigious delusions at age 51, about a year after his father’s death. He falsely believed that his sister, attorneys, and judges conspired to deny him his share of his father’s estate, and he had hired and fired nine attorneys in his efforts to claim imaginary missing funds. He wrote numerous letters to state and federal authorities charging unfair treatment by the courts and made death threats toward his sister that resulted in his arrest. He was found incompetent to stand trial and subsequently was hospitalized. Mr. A had a premature and difficult birth. He was deaf since age 2, secondary to streptomycin treatment for an infection; developed conduct disorder at age 13; and abused alcohol from age 20 to age 40. He developed a grand mal seizure disorder at age 39. When he was 40, during the course of the work-up after his first seizure, a 5 cm left frontal lobe meningioma was diagnosed and resected. He had been maintained on anticonvulsant therapy and remained free of seizures since his surgery. His most recent CT scan, at age 50, showed no regrowth of the meningioma or other abnormalities. On his initial mental status examination after hospitalization, Mr. A was clear and logical in his thinking and oriented to person, time, and place. However, his affect was constricted, and he had prominent paranoid litigious delusions. An MRI revealed a 3 cm venous angioma in the right posterior temporal lobe.Mr. A was initially given prolixin, but it was discontinued after four weeks due to intolerance. He then was started on pimozide 2 mg per day, gradually titrated to 6 mg per day. After five weeks Mr. A’s symptoms substantially resolved. He no longer considered pursuing litigation or writing letters to various state and federal authorities, although he still felt that he was cheated of his share of the estate. He no longer threatened his sister and was discharged. He was subsequently linked to aftercare treatment and, six months later, had not been readmitted to our facility.

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Law Reform Commission of Western Australia, Review of the criminal and civil justice systems in Western Australia – Final report (1999)

 

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2000

Chris Colby, « There’s a new Sheriff in Town : the Texas vexatious litigants statute and its application to frivolous and harassing litigation », the School of Law, Texas Tech University, Texas Tech Law Review, 31, p.1291-1318 (2000)

  • We learn of “vexatious litigants,” like the night watchman who, when rebuked by New York courts for bringing more than 50 lawsuits, including one against his mother for slamming a door on his finger, complained to the press, “You can’t go around hitting people, so the only thing you can do is sue.”
  • INTRODUCTION — American society is often referred to as a “litigious society.” Although this classification may or may not characterize Texas culture, the fact remains that Texas courts are often burdened by an overwhelmingly large caseload. Legislators, judges, and lawyers constantly struggle to reduce this burden. Nevertheless, despite attempts to alleviate the number of lawsuits filed in this state, particular individuals continue to congest the courts with their grievances.  These individuals choose to live their lives around the lawsuits they file. They direct their lawsuits at nearly everyone, including neighbors, lawyers, and judges.  They choose to advance a claim that has no merit or bring multiple actions where only one is sufficient.  Abusing the legal system is their mark. In other words, these individuals are vexatious.

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D. Neveils, « Florida’s Vexatious Litigant Law: An End to the Pro Se Litigant’s Courtroom Capers? », Nova Law Review, 25, pp. 343-364, 2000

  • « Chief Judge Walter N. Colbath, Jr., who oversees the Fifteenth Judicial Circuit of Florida for Palm Beach County, has been the target of numerous personal attacks in the voluminous court filings of pro se litigant Anthony R. Martin in the Fifteenth Judicial Circuit of Florida, the Fourth District Court of Appeal, the Supreme Court of Florida, and various federal courts.
  • In [ a ] petition […] Martin [said] about Palm Beach County’s Chief Judge: “Colbath is a pretty good politician, but not much of a lawyer or judge. He should go back to law school.” And in a second petition filed in the Supreme Court of Florida that same year, Martin directed insults at newly appointed Supreme Court Justice Barbara J. Pariente, asserting that “Jewish judges are using their official positions to pervert the law against petitioner,” and that Jewish judges have retaliated against him.

Scott Trueman, « Vexatious litigants »Solicitors Journal, 144, 28, pp.676-677  (2000) 

Bruce J. Winick « Therapeutic jurisprudence and the role of counsel in litigation » in D. Stolle, D. B. Wexler, B. J. Winnick (dir..), Practising therapeutic jurisprudence: Law as a helping profession, p. 309 (2000) 

 

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Vexatious Litigant — Royal Courts of Justice, The Strand, London WC2, Wednesday, 29th March 2000, HER MAJESTY’S ATTORNEY GENERAL —v—MISS MOTTERSHEAD :

  • « […] I, for my part, am satisfied that she has habitually, persistently, and without reasonable ground instituted vexatious civil proceedings in the High Court but, particularly, in the County Court, and in inferior courts against different people […] ».

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American Psychiatric Association (APA), DSM-IV-TR, 2000 (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders IV  Text Revision).

  • La querulous paranoia y est considérée comme une sous-espèce (subtype) du trouble délirant de persécution (delusional disorder, persecutory type).

 

 

 

 

 

 2001

A. Moore, «  Isaac Wunder Orders », Judicial Studies Institue Journal, pp.137-146 (2001). Plus d’informations sur les Isaac Wunder Orders, suivez ce lien ( « An Isaac Wunder order is an order issued by an Irish court restricting the ability of a vexatious litigant to institute legal proceedings without leave from that or another court, whether for a specified period of time or indefinitely. » 

  • Isaac Wunder orders are named after the plaintiff in Wunder v. Irish Hospitals Trust,1 although they predate the decision in that case, having first arisen in this jurisdiction in Keaveney v. Geraghty.2 In that case, the plaintiff instituted proceedings against the defendant claiming damages for libel. The defendant then applied to have all further proceedings stayed on the grounds that they were inter alia frivolous, vexatious and an abuse of process of the court. In the High Court, Murnaghan J. stayed all further proceedings, whereupon the plaintiff appealed. The Supreme Court examined its jurisdiction to control the administration of the courts, which derived from two sources, namely its inherent power and the Rules of the Superior Courts. Walsh J., with whom Haugh and O’Keeffe JJ. agreed, varied the order of the High Court to provide that no further proceedings in the action should be taken without leave of the court. [….]
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Erin Schiller, & Jeffrey Wertkin, « Frivolous filings and vexatious litigation », Georgetown Journal of Legal Ethics, 14, p.909 (2001)

  • Are frivolous lawsuits clogging our judicial system? The answer may depend on how we define frivolous. Frivolous is a subjective word; what may be a frivolous complaint or argument to one person can be of primary importance to another. Most attempts to address the problem of frivolous litigation reflect an appreciation of its subjective nature. Rule 11 of the Federal Rules of Civil Procedure, Rule 3.1 of the Model Rules of Professional Conduct, and § 170 of the Restatement of Law Governing Lawyers all seek to balance efforts to curb frivolous suits with an understanding that prohibitions against such suits should be tempered to avoid over-enforcement. Historically, legislators have understood this need for balance, as evidenced by the 1993 Amendments to Rule 11 of the Federal Rules of Civil Procedure. More recently, however, state and local lawmakers have come to believe that these standards do not go far enough. The popular conception that lawyers and vexatious litigants routinely abuse the justice system for personal gain is reflected in, and perpetuated by, the news media, television dramas, and political rhetoric. This widespread notion of lawyers and frivolity has translated into political capital for national and state politicians. In recent years, a virtual deluge of legislation has been proposed to curb frivolous suits and judgements. Much of this legislation attempts to affect attorney behavior by limiting judgements, adjusting pay schemes, barring future litigation, and tightening procedural requirements.

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Edward M. Hold, « How to Treat “Fools” : Exploring the Duties Owed to Pro Se Litigants in Civil Cases », 25. Journal of Legal Profession, pp. 167-168 (2001)

  • Notwithstanding the truism that says, “one who is his own lawyer has a fool for a client,” the number of pro se litigants appearing in American civil courts today represents a significant segment of the federal court system’s case load. Many of these litigants are underprivileged, and almost certainly “lack . . . both the skill and knowledge adequately needed to prepare their defense.” Without additional assistance from the courts, unrepresented parties are denied the level of access to the courts and protection from the courts granted to parties represented by counsel. Consequently, if changes are not made, the only “fools” in this scenario will be judges and court personnel who, through their actions, will be denying pro se litigants their right to be heard. This comment explores the duties owed to pro se litigants by courts, including judges and court administrators, to ensure that pro se litigants’ cases are decided on their merits. These duties encompass pre-trial, trial and post-trial treatment of pro se litigants, most of whom are indigent. Finally, this comment proposes that the federal court system follow the lead of Minnesota in developing a model for uniform treatment of pro se litigants.

F. Jones & J. Popple, « Vexatious litigants », in T. Blackshield,M. Coper & G. Williams (dir.) The Oxford companion to the High Court of Australia, pp. 698-699, 2001

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Australian Institute of Judicial Administration, Litigant in person management plans: Issues forcourts and tribunals (2001)

  • « The problem of self-representation is not just a lack of legal skill – it is also a problem of a lack of objectivity and emotional distance from their case. » […]  « Litigants in person are not in a good position to assess the merits of their claim, and as a result they are more likely than represented litigants to be involved in frivolous or vexatious litigation. »« Vexatious litigants : Most states have legislation dealing expressly with litigants, whether or not represented, that habitually, persistently and without reasonable ground bring legal proceedings, for example the Vexatious Proceedings Restriction Act 1930 (WA). On application, orders can be made limiting the ability of those litigants to commence fresh litigation. Concerns have been expressed over the workability of such legislation in Western Australia.»

Vexatious Litigant — Royal Courts of Justice, The Strand, London WC2, Thursday, 14th June 2001, HER MAJESTY’S ATTORNEY GENERAL —v— MICHAEL BOOTHE-CHAMBERS (known as Mike Chambers) : « […] The action was struck out as disclosing no reasonable cause of action and being frivolous and vexatious and an abuse of the process of the court […]».

 

 

 

 

 2002

 M. Jézéquel, « Ontologie de la quérulence »Journal du Barreau, 34, 8, 2002

  • La médecine a ses malades imaginaires, le droit ses plaideurs (trop) belliqueux. Justiciers infatigables en mal de reconnaissance de droits, plaideurs compulsifs en quête permanente de justice, perpétuelles victimes en manque de querelles, ils encombrent les salles d’audience, multiplient les recours judiciaires et finissent par une plainte généralisée contre leur avocat, le juge, le procureur. Reconnaissez-vous ce portrait parmi l’un de vos clients? Alors, c’est sans doute que vous êtes en face d’un cas caractérisé de « quérulence ».

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A. Murdie, « Vexatious litigants and de Clerambault syndrome », New Law Journal, 152, 61 (2002)

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 Jeremy Kelly, « Farmer wins 16-year epic court battle », Herald Sun (Melbourne), 31 jan. 2002, p.13

Fergus Shiel, « Court must act on pests: Judge », The Age, 14 July 2002

  • Courts must take measures to clamp down on “querulous” litigants who disproportionately waste time and resources on baseless claims, a Federal Court judge has warned. Justice Ronald Sackville told a conference in Brisbane yesterday that the problem would only get worse if it was not tackled. He said measures to curtail “querulous” litigants were needed, as a small but significant minority of litigants would not rationally accept decisions made by the courts against them. “Frequently those same litigants resolutely refuse to accept the legitimacy of adverse judicial decisions, no matter how great in number or how fair the process by which they have been reached,” he told the Australian Institute of Judicial Administration conference. Justice Sackville said there were procedures to declare a person a vexatious litigant but they were rarely invoked, as the criteria that had to be satisfied were so stringent. As a result, he said, many courts had to devote substantial time and resources to claims that were frequently not merely baseless, but had a disruptive effect on the civil justice system. “Unless the courts themselves are prepared to tackle the problem – perhaps by challenging some long-held assumptions about the sanctity of facilitating access to the justice system for litigants – the problem will get worse,” he said. But the president of the Law Institute of Victoria, David Faram, told The Sunday Age that it would oppose any attempt to further curtail litigants’ right of appeal. “If people want to and can afford to be engaged in the appeal process, they should be entitled to do it,” Mr Faram said.

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B.C. CairnsAustralian civil procedureThomson ReutersPymont,  (3th. édition 1992 — 5th. edition, 2002 — 6th. édition 2005 — 7th. édition 2007 — 8th. édition 2009 — 9th. édition 2009) tout au long des années 1990-2000, les éditions successives de cet ouvrage tiennent compte de l’avancée des débats au sujet de la question des Vexatious Litigants.

John Dewar, Bronwyn Jerrard, Fiona Bowd, « Self-representing litigants : A Queensland perspective »,  Queensland Lawyer 23, 3, pp.65-77 (2002) 

Rosemary Hunter,« Through the looking glass: Clients’ perceptions and experiences of family law litigation », Australian Journal of Family Law 16,  pp.7-25  (2002)

Nadia Boni, « Issues in civil litigation against police », Australasian Centre for Policing Research, Current Commentary 5, (2002), disposable sur le site de l’ACPR (Australasian Centre for Policing Research) — ACPR-CC-05

  • For the purposes of this paper, civil litigation against police refers to “any claims or actions instigated by citizens against police, police administrators, or police departments.” The study found that it was difficult to measure precisely the nature and extent of victim actions against police in Australasia due to problems regarding the accuracy and reliability of data and the inconsistency of data collected from various jurisdictions. This was also the case for the United States and the United Kingdom. Overall, there were significant indications that civil litigation against police has increased significantly in Australasia, the United States, and the United Kingdom. Some types of incidents were apparently more likely to give rise to civil litigation against police. These incidents were the use of firearms; motor vehicle pursuits; arrest, search, and seizure; responses to citizen complaints or requests for protection; rendering first aid; domestic assault; citizen endangerment; sexual harassment; training; and dispatch, monitoring, and control of police activities. The organizational consequences of civil suits include financial costs, even if suits are successfully defended, and deterioration in agency morale. On the other hand, some positive influences of civil litigation can be increased police accountability and reforms in police training and procedure. Civil litigation can also have consequences for the individual officers involved, including financial costs, psychological stress, and a reluctance to perform policing tasks that carry a high risk for civil liability. Police agencies can institute a number of policies and procedures that can manage and minimize the risk of civil litigation. A risk management plan should include, but not be limited to, appropriate personnel selection procedures, including psychological screening; training, education, and supervision; legislative options; and research and data collection. 2 tables and 25 references

L. Bloom & H. Hershkoff, «Federal Courts, Magistrate Judges, and the Pro Se Plaintiff », Notre Dame Journal of Law, Ethics & Public Policy, 16, 475, pp.494-495,  (2002)

  • « “Access to justice is the subject for countless bar commissions, committees, conferences, and colloquia, but it is not a core concern in American policy decisions, constitutional jurisprudence, or law school curricula,” writes Deborah L. Rhode, an influential scholar on legal ethics and the legal profession. Decrying the “shameful irony that the nation with the world’s most lawyers has one of the least adequate systems for legal assistance,” Professor Rhode urges “courts, legislatures, and bar associations … [to] assume greater obligations to insure adequate legal assistance for those who need but cannot realistically afford it. »

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Law in Context, 20, 2, Special Issue – Therapeutic Jurisprudence (2002)

  • Therapeutic jurisprudence is the study of the potential of law to heal or harm. It originally emerged in the mental health law field and uses the tools of the behavioral sciences to assess law’s impact. It seeks to assess the therapeutic and counter-therapeutic consequences of law and how law is applied. When reform would be consistent with other important legal values, it seeks to reshape law and legal processes in ways that can improve the psychological functioning and emotional well-being of those affected.

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Vexatious Proceedings Restriction Bill 2002, Western Australia, 2002 — Vexatious Proceedings Restriction Act, Western Austrlian Consolidated Acts 

  • Restriction of vexatious proceedings  (1)  If a Court is satisfied that — (a) a person has instituted or conducted vexatious proceedings (whether before or after the commencement of this Act); or —  (b) it is likely that the person will institute or conduct vexatious proceedings the Court may make either or both of the following orders —(c)   an order staying any proceedings, either as to the whole or part of the proceedings, that have been instituted by that person; (d)  an order prohibiting that person from instituting proceedings, or proceedings of a particular class, without the leave of a court or tribunal, as the case requires under section 6(1).

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Erhard Blankenburg, « Der Querulant als soziale Konstruktion », in Strempel & Rasehorn (dir.), Empirische Rechtssoziologie : Gedenkenschrift für Wolfgang Kaupen, pp. 203-212, 2002

 « Querulanz als spezifische Konfliktquelle » in Dettenborn & Walter (dir.), Familienrechtspsychologie, Ernst Reinhardt Verlag, Munich, pp. 128-135 (2002)

Fachhochschule für Verwaltung und Rechtspflege Berlin, Projektbericht Nervende Bürger, Beiträge aux dem Fachbereich 1, 76, 2002. Quelques “énoncés de problèmes et “recettes” énoncés par la Fachhochschule für Verwaltung und Rechtspflege Berlin (Haute Ecole d’Administration et de Justice Berlin) pour lutter contre les citoyens nerveux, énervés, et qui « usent les nerfs » de l’adminitration (Nervende Bürger). Au nombre desquels figure, comme de bien entendu….les citoyens-quérulents… (Querulanten).

 

 

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2003

 Yves-Marie Morissette, professeur à l’Université de McGill, Montréal, rédige plusieurs articles clairs et synthétiques consacrés à la quérulence et aux plaideurs trop belliqueux, considérés du point de vue juridique : 

 —     « Pathologie et thérapeutique du plaideur trop belliqueux », Revue de droit de l’Université de Sherbrooke (RDUS),  32, 2, pp. 252-269, 2002

  • Introduction — La procédure abusive peut revêtir diverses formes dans le cadre des litiges civils. L’expression «procédure abusive» évoque d’emblée une forme de l’abus de droit1 et, donc, un comportement fautif susceptible d’entraîner la responsabilité de son auteur. Mais ce n’est là qu’un aspect parmi plusieurs autres de la procédure abusive. Celle-ci traduit, en effet, une réalité composite qui se déploie de nos jours sur bien d’autres plans que celui plus classique de la responsabilité civile. Chacun semble s’entendre pour qualifier cette réalité de fâcheuse et pour souhaiter qu’on en corrige ou qu’on en supprime les manifestations. Je dresserai ici un inventaire sommaire de certaines difficultés analytiques que présente cette réalité et passerai en revue divers moyens dont dispose le droit pour y remédier2. L’inventaire livré ici n’a aucune prétention à l’exhaustivité. Il vise essentiellement à ouvrir le champ du débat et à faire ressortir certains aspects souvent passés sous silence du sujet en question.

—      « Abus de droit, quérulence et parties non représentées », Revue de Droit de McGill / McGill Law Journal, 49, pp. 23-58, 2003. Quelques éléments de ce travail ont été repris, et vulgarisés, dans un article plus court et plus accessible : « La quérulence : la quéru-quoi ? », ( 12 décembre 2011 )

  • Qui n’a jamais rencontré de personnes faisant de leurs recours judiciaires une affaire obsessionnelle ? Ces abus présentent parfois un aspect véritablement maladif, que l’on appelle la quérulence. […] Il s’agit d’un trouble de l’affect et non de l’intellect : les sujets quérulents ont souvent une intelligence et une instruction supérieures à la moyenne. Le trouble se manifeste à l’âge mûr, vers quarante ans ou plus, et touche les hommes dans une proportion de trois à quatre fois supérieure aux femmes. Le sujet présente un tableau narcissique et compulsif. Dans les cas les plus sévères, on diagnostique un délire de persécution ou une paranoïa.

G. Lester,  « The Unreasonable, Querulent and Vexatious as Litigants in Person », document Powerpoint, (2003)

  • Querulant (morbid complainant) – relentlessly driven by a „pursuit of justice‟, their complaints cascade in type and target over years and secondarily devastate their own lives.
  • Vexatious Litigant – institute legal proceedings, habitually, persistently and without reasonable grounds.
  • Unreasonable Complainant Behaviours – unreasonable or vexatious complaint, demanding, persistent, uncooperative or aggressive (anger, intimidation, threats and violence).

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Belinda Paxton, « Domestic violence and abuse of process » Australian Family Lawyer, 17, 1, pp.7-13, (2003)

Joanna Lobo, « Unreasonable behaviour » New Law Journal 153, p.1387-1388  (2003)

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Candice K. Lee, « Access Denied :  Limitations on Pro Se Litigants’ Access to the Courts in the Eighth Circuit », U.C. Davis Law Review 36, p.1261 (2003)

  • Complaints regarding the federal courts’overflowing dockets are by no means a new phenomenon. Frivolous claims further exacerbate the hostility that judges, attorneys, and laypersons feel towards anything that appears to tip the scales in favor of a larger docket. Pro se lawsuits pose a particular problem because many pro se lawsuits are dismissed as frivolous. Accordingly legal professionals and laypersons alike assume that all pro se litigation is frivolous. Such an assumption, however, is dangerous because it could lead to a growing indifference to the cries of pro se litigants with legitimate claims.
  • Despite the proliferation of frivolous claims, both the First Amendment and the Due Process Clause of the Fourteenth Amendment guarantee sufficient access to the courts. Even with these rights to judicial process, however, the intricate requirements of the summary judgment rule often hinder pro se litigants’ access to the courts. Summary judgment is granted when there is no genuine issue of material fact. This procedural device allows for the speedy disposition of a controversy without the need for trial.

W. Brookbanks, « Therapeutic jurisprudence : Implications for judging », ” Paper delivered at the District Court Judge’s Triennial Conference, Rotorua, published by the New Zealand Law Journal, 472, pp.463-467, 2003

Disability Council of New South Wales, Australia, A question of justice: Access and participation for people with disabilities in contact with the justice system (2003)

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 B. Hesse, « Querulatorischer Terrorist oder Kämpfer um’s Recht ? : Heinrich v. Kleists “Michael Kohlhaas”», Neue Juristische Wochenschrift, 35, p. 621 (2003)

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Ann Goldberg, « A Reinvented Public: “Lunatics’ Rights” an Bourgeois Populism in the Kaiserreich », German History 21, 2, p.159 (2003)  —  Engstrom & Roelcke (dir.), Medizinische Forschung 13,  Psychiatrie im 19. Jahrhundert :  Forschungen zur Geschichte von psychiatrischen Institutionen, Debatten und Praktiken im deutschen Sprachraum, Basel, 2003 . pp. 189-217 (2003)

  • Roughly between 1890 and 1914, stories of psychiatric abuse and false incarcerations became the stuff of scandal, parliamentary debate and an organized lunatics’ rights movement in Germany. A grassroots movement of the ‘mad’, lunatics’ rights, this article argues, suggests both the possibilities and the limits, the emancipatory and repressive features, of bourgeois populism in the Kaiserreich. On the one hand, in constructing the figure of psychiatric abuse, lunatics’ rights made possible a new populist civil rights movement that utilized and extended the democratic functions of the public sphere. In their self-revelatory pamphlets, the ‘mad’ invented new literary hybrids that commodified private experience while politicizing madness. They did so by recasting personal traumas within the language of law and the nation-state, i.e., by nationalizing and juridifying it, as well as by using the tools of mass democracy (lobbying, pressure groups, etc.). On the other hand, lunatics’ rights was compatible with völkisch, antisemitic thought, and its critique of psychiatry was limited both by its legalism and by its class and gender biases.

 

 

 

 

2004

M. Taggart, « Alexander Chaffers and the Genesis of the Vexatious Actions Act 1896 », The Cambridge Law Journal, 63, 3, pp. 656-684, 2004

  • IT is highly unlikely that those persons declared habitually vexatious litigants pursuant to statute would know to curse Alexander Chaffer for their predicament. Nevertheless, it was principally the litigation mania of Mr. Chaffers that stirred the British Parliament to enact the Vexatious Actions Act 1896. This piece of legislation empowers the law officers to apply to the High Court to have a person declared a habitually vexatious litigant, with the consequence, if an order is made by the judge, that the person cannot initiate any legal proceedings whatsoever without prior leave of the Court. Discussions of the genesis of the Act invariably note that in the mid-1890s Aleander Chaffers filed 48 proceedings against a umber of leading personages — including the Prince of Wales, the Archbishop of Canterbury, the Speaker of the House of Commons, Lord Chancellors and many judges — but succeeded only once, receiving one pound for work done copying an affidavit for the use of the Treasury’s solicitors. Costs were awarded against Chaffers in most of the other cases, but he never paid a penny. as a consequence, the Vexatious Actions Act was enacted in 1896, and, in the following year, Mr. Chaffers was the first person declared habitually vexatious and to lose his liberty to commence future litigation without judicial permission. This oft-repeated tale fails to capture Alexander Chaffer’s full claim to infamy […]

M. Pelly, « Nuisances in court: judges get tough on serial pests », The Sydney Morning Herald, 27 mai 2004

  • Australia’s courts system is being clogged by serial pests and judges have had enough, writes Michael Pelly. When Drago Jambrecina took a building society to court for the 44th time he told the judge that the more he went on, the more he learned about the law. But Justice David Levine wasn’t prepared to offer him any more lessons. “It is quite clear that ‘time going on’ must come to an end,” he said. The self-represented litigant had tested the court’s patience – and his opponent’s pockets – by persisting with a hopeless case for the best part of eight years. So in November 2002, Levine declared him a vexatious litigant and barred him from taking any other action against the building society without the express permission of the Supreme Court. Jambrecina is one of seven people on the court’s vexatious litigants register, four of whom have been added in the past 18 months. The court has complained that “obsessive and obdurate litigants” are clogging the system and at any time the Crown Solicitor’s office is investigating at least one person with a view to making an application that the person be declared vexatious.But the courts are extremely reluctant to take the final step of effectively declaring someone an official pest. That is because access to the courts is considered a fundamental right. Other courts also have their share of determined litigants, with one aggrieved woman in the Family Court changing her name by deed poll to that of a judge involved in her case. The Federal Court keeps a list of those who have had documents rejected for being frivolous, vexatious or an abuse of court processes. Thirty- six people have been put on the register since 2002. At the High Court, only three people have been barred in the court’s 103-year history – one in 1976 and two on the one day in 1992. That was when Justice John Toohey ran out of patience with Alan Skyring and Patrick Cusack’s argument that the Commonwealth did not have the power to issue paper money. The most recent entry on the Supreme Court list is Dominic Wy Kanak, who was re-elected to Waverley Council this year. His stance against the Olympic beach volleyball stadium at Bondi may have helped his chances with voters but his legal record – 49 proceedings – didn’t endear him to the court, which gave him his marching orders in February.Two months earlier, time ran out for Pranay Bhatttacharya, who was convinced he had lost his job because of racism and that a wide-ranging conspiracy was behind the death of his wife. At one stage he accused doctors of injecting mud instead of bone marrow into his wife as she was treated for leukemia. And Con Tsekouras was barred from suing his solicitor for almost $250,000 in March last year. The undischarged bankrupt was unhappy with his payment from an accident and the court said he could “not be deterred by adverse judgements . . . as long as his desires remain unsatisfied”. A defendant, a court or the Attorney-General can apply for an order that a person be declared a vexatious litigant. Sometimes there are specific orders which, while falling short of declaring a person a vexatious litigant, substantially limit their access to the courts. Such orders were applied to Kate Wentworth last year. Sixteen years ago the then attorney-general Terry Sheahan failed in his attempt to have the daughter of former federal MP Billy Wentworth declared a vexatious litigant. But last year, after repeated allegations that those hearing her negligence claim against a legal adviser were biased against her, two of the judges – Justices David Ipp and John Brownie – acted. They ruled that she could not make any more demands that they disqualify themselves unless there was fresh evidence. She was also told that the court would consider her arguments only in writing. The judges said there were increasing numbers of litigants who bombarded the courts with unmeritorious litigation. This posed a serious problem for the courts, which had to divert attention and resources from more worthy cases. “Eventually, steps must be taken to ensure that the time of the court and other parties is not wasted, and unnecessary costs are not incurred by futile litigation launched by obsessive and obdurate litigants.”

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Grant Lester (psychiatre, membre du Victorian Instittue of Forensic Mental Health – Forensicare, Thomas Embling Hospital, Victoria, Melbourne, Australia) consacre une série de travaux à la question des plaideurs trop belliqueux ( « vexations litigants »), aussi connus, en termes psychiatriques, sous le nom de paranoïaques quérulents.

    • Background Querulous paranoia may have disappeared from the psychiatric literature, but is it flourishing in modern complaints organisations and the courts?
    • Aims To investigate the unusually persistent complainants who lay waste to their own lives and place inordinate demands and stress on complaints organizations.
    • Method Complaints officers completed questionnaires on both unusually persistent complainants and matched controls.
    • Results Persistent complainants (distinguished by their pursuit of vindication and retribution) consumed time and resources and resorted to both direct and veiled threats. Attempts to distinguish these people from a control group on the basis of the manner in which their claims were initially managed failed.
    • Conclusions Persistent complainants’ pursuit of vindication and retribution fits badly with complaints systems established to deliver reparation and compensation. These complainants damaged the financial and social fabric of their own lives and frightened those dealing with their claims. The study suggests methods of early detection and alternative management strategies
    • « Increasingly common in our society is the persistent complainant who disrupts the work of complaints officers, ombudsmen, commissioners and, ultimately, tribunals and courts. In the process, they leave their own lives in chaos and show a significant potential for threats and violence. As government agencies, businesses, and professional organisations have established formal mechanisms for responding to complaints, so a small but vocal group of complainants has emerged which, by persistence and insistence, consumes disproportionate amounts of time and energy. »
    • Rupert Frederick Millane (1887-1969) was Australia’s first declared vexatious litigant. An inventor,entrepreneur, land developer, transport pioneer and self-taught litigator, his extraordinary flood of unsuccessful litigation in the 1920s led Victoria to introduce the vexatious litigant sanction now available to most Australian superior courts. Once declared, a vexatious litigant cannot issue further legal proceedings without the leave of the court. Standing to seek the order is usually restricted to an Attorney-General. It is used as a sanction of ‘last resort’. But who was Millane and what prompted his declaration in 1930? What does psychiatry have to say about the persistent complainant andvexatious litigant? How often is the sanction used anyway? What is its utility and the nature of the emerging legislative changes? Now, on the 75th anniversary of Millane’s declaration, this article examines these issues.
    • Querulous paranoia was once of considerable clinical and academic interest in psychiatry. Over the last 40 years, however, it has virtually disappeared from the professional landscape. This decline occurred at the very time that a proliferation of complaint organizations and agencies of accountability were drawing more and more people into asserting their individual rights through the pursuit of claims and grievances. Querulous behaviour, as a result, far from declining, is on the increase, bringing with it suffering for the querulous and disruption to the organiza- tions through which they seek their vision of justice.
    • This article examines querulous behaviour in the vex- atious litigant and in abnormally persistent complainants and petitioners. The phenomenological and nosological issues are outlined and the risks of the emergence of threatening and violent behaviour is emphasized. Threats should not be ignored, for a variety of reasons. Approaches to managing querulous behaviour in the courts and the complaint organizations are discussed, together with the utility of individual therapy. Querulous behaviour should once more take its place among the legitimate concerns of mental health professionals. Those caught up in a queru- lous pursuit of their notion of justice are amenable to management that can ameliorate their suffering and re- duce the disruption they create.
    • Pour contribuer aux débats et audiences ayant eu lieu à Melbourne (Australie) entre le 26 juin et le 6 octobre 2008, dans le cadre d’un projet de loi portant sur les « vexations litigants » (plaideurs trop belliqueux), Grant Lester fait le point sur l’histoire de la notion de quérulence du point de vue psychiatrique, psychanalytique, et psychologique (cognitive behavioral approach ). Il propose une définition, des critères diagnostics et envisage de mettre en oeuvre un programme de recherche. Un grand nombre des débats et audiences de la commission de réforme chargée de la question des « vexatious litigants » est disponible en ligne.

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Clare Thompson, « Vexatious litigants – Old phenomenon, modern methodology : A consideration of the Vexatious Proceedings Restriction Act 2002 (WA) », Journal of Judicial Administration, 14, 64-88 (2004)  

Chief Justice’s Working Group on Civil Justice Reform, Hong Kong, Civil justice reform – Final report (2004)

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D. A. Swank, « The Pro Se Phenomenon »,  BYU Journal of Public Law, 19, 373, pp.373-386 (2005) New Law Journal 154, p. 1472,  (2004)

  • Why would anyone choose to go to court without a lawyer ? It is a simple question. In the varied host of television dramas, attorneys, not the parties, are always arguing the cases. Only on reality/entertainment oriented shows like “Judge Judy” and the like do people argue their own cases. Such pro se appearances typically result in the parties being mocked, berated, and the law ignored.1 These examples hardly show any positive aspects of going to court without counsel. Attorneys’ own lexicon even encourages against proceeding pro se with the adage that “one who is his own lawyer has a fool for a client.” […] For these individuals, the justice system as a whole is not a viable means of conflict resolution.

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T. Möller « Paranoia psychiatrica oder Querulantenwahn.  Auf der Suche nach dem “Mad Scientist in Real Life”», pp. 284-310 in T. Junge (ed.), Wahnsinnig genial. Der Mad Scientist Reader, Alibri Verlag, Aschaffenburg, 2004

 

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2005

Le projet de Vexatious Proceedings Bill 2005, State of Queensland, Australia, 2005 — est adopté sous le nom de Vexatious Proceedings Act, 2005 ; il  remplace le Vexatious Litigants Act 1981. Un Vexatious Proceedings Bill similaire sera proposé en 2008 au parlement de l’état de New South Wales — et adopté sous le nom de Vexatious Proceedings Act 2008, qui amende notamment le Supreme Court Act 1970 No 52, Section 84, Vexatious litigant.

  • Queensland — Vexatious Proceedings Act 2005 […] :  Making vexatious proceedings orders. (1) This section applies if the Court is satisfied that a person is— (a)  a person who has frequently instituted or conducted vexatious proceedings in Australia; or (b)  a person who, acting in concert with a person who is subject to a vexatious proceedings order or who is mentioned in paragraph (a), has instituted or conducted a vexatious proceeding in Australia. (2) The Court may make any or all of the following orders— (a)  an order staying all or part of any proceeding in Queensland already instituted by the person; (b)  an order prohibiting the person from instituting proceedings, or proceedings of a particular type, in Queensland; (c)  any other order the Court considers appropriate in relation to the person.

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Law Commission of India192nd report on prevention of vexatious litigation (2005)  

  • « I have great pleasure in forwarding the 192nd Report of the Law Commission on ‘Prevention of Vexatious Litigation’ in our High Courts and Courts subordinate to the High Courts. Earlier, law on this subject was enacted in the former State of Madras and has been in force as the Madras Vexatious Litigation (Prevention) Act, 1949, and also in the State of Maharashtra wherein it is called the Maharashtra Vexatious Litigation (Prevention) Act, 1971 but similar enactments have not been enacted in the other States. The Law Commission, in its 189th Report on ‘Revision of Court Fee Structure’ (2004) has also recommended enacting a law on the subject by the Parliament. The Commission has, therefore, taken up the subject in detail in this Report. It has made an in depth study of the matter as enforced in different jurisdictions.

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Australian Institute of Judicial Administration and Federal Court of Australia, Forum on self- represented litigants : Report (2005)

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R. Moorhead & M. Sefton, Litigants in person: Unrepresented litigants in first instance proceedings, Department for Constitutional Affairs  – Justice, Rights and democracy — Research Series 2/05 (2005)

D. A. Swank, « The Pro Se Phenomenon »,  BYU Journal of Public Law, 19, 373, pp.373-386 (2005)

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M. Taggart & J. Klosser,  « Controlling Persistently Vexatious Litigants », Groves ed., Law and Government in Australia, The Federation Press, 2005

  • « Our contribution to this well deserved Festrschrift […] examines the statutory powers to prevent persistently vexatious litigants from undertaking future litigation (without leave of the court). This power originated in late 19th century English legislation, and since has spread throughout much of the common law world. […]

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A. To « Vexatious Litigants »Hong Kong Lawyer, 35, pp. 89-91, 2005

R. Pal, « In defence of complainants », British Journal of Psychiatry, 185, pp. 175-176 (2005) 

  • Réponse de Pal à Lester [ « Unusually persistent complaisants », 2004 ] qui lui-même fera réponse à Pal.
  • « Querulous paranoia is a diagnosis best left within the darkened past of psychiatry – perhaps pre-war Russia where Stalin often used ‘ madness’ to silence his critics. Genetically, we are all ‘ different’ by nature and react in various ways to injustices. It is essential to maintain the civil right to seek a remedy without interference from psychiatry. Interference from psychiatry will only increase the stigma associated with it for so many years.

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John Sorabji, « Protection from litigants who abuse court process », Civil Justice Quarterly 24, pp.31-36, , (2005) 

Bill Eddy, High conflict people in legal disputes, HCI Press,  Scottsdale (2005). 

  • « Using over two dozen compelling case examples, Bill Eddy explains the dynamics and strange logic of four types of Personality Disorders that appear in legal disputes. » (pour Bill Eddy, qui sur son proper site web se présente come « Attorney, Mediator & Clinical Social Worker », il s’agirait là essentiellement des  « Borderline Personality Disorder, Narcissistic Personality Disorder, Histrionic Personality Disorder and Antisocial Personality Disorder »)……
  • «This book helps make sense of the fears that drive conflict and drive people to file lawsuits, complaints and wreak havoc for legal professionals and the general public alike.»…. Sans commentaires.

 

 

 

 

 

2006

Karen Nolte,   « Querulantenwahnsinn – Eigensinn oder Irrsinn », in “Moderne” Anstaltpsychiatrie im 19. und 20. Jahrhundert : Legitimation und Kritik, Fangerau & Nolte (dir.), Franz Steiner Verlag, 2006

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Monash University —  Access to justice: how much is too much? The legal and medical issues arising from vexatious or querulous people —  Prato, Italy, 30 June – 1 July 2006. Avec notamment les interventions de – 

  •  S.  Hedley, « Vexatious litigants in England and Wales 1990-2006 ». 105 individuals ( 85 are male and 19 female). Cluster into the age range 50-70. Actions are “domestic” : disputes with neighbours, tenants or landlords over property; with family over a divorce, children or the effect of a will; or with banks, lawyers and creditors over the failure of a small business. In most of these cases, the litigant was initially defendant rather than claimant. Vexatious litigants are not just the unusually persistent, but those who have proved unusually persistent and particularly unsuccessful.
  •  Diana Bryant (Chief justice, Family court of Australia), « Self represented and vexatious litigants in the family court of Australia », 

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J. C. Donaldson, « Vexatious Pro Se Civil Litigants in the Massachusetts Courts »Social Science Research Network (2006)

  • The paper considers the problem of imposing sanctions against vexatious litigants. Self-represented litigants are not sensitive to the sanctions normally applied to counsel for bringing frivolous actions, and indigent litigants are not sensitive to fee-shifting or fines. I examine the tension between due process and the need for the smooth operation of the courts, look at some of the individual litigants’ histories, and collect every extant order in two Massachusetts counties. I then turn to a comparison of various statutory solutions and close by recommending a Model Rule for the Massachusetts courts that avoids the pitfalls of the statutes and also finds a balance between the competing interests.

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R.P. Bentall, J.L. Taylor, « Psychological processes and paranoia: implications for forensic behavioural science», Behavioral Sciences & the Law, 24, 3, pp. 277-294, 2006

  • Paranoid delusions have recently become the focus of empirical research. In this article, we review studies of the psychological mechanisms that might be involved in paranoid thinking and discuss their implications for forensic behaviour science. Paranoia has not been consistently associated with any specific neuropsychological abnormality. However, evidence supports three broad types of mechanism that might be involved in delusional thinking in general and paranoia in particular: anomalous perceptual experiences, abnormal reasoning, and motivational factors. There is some evidence that paranoia may be associated with hearing loss, and good evidence that paranoid patients attend excessively to threatening information. Although general reasoning ability seems to be unaffected, there is strong evidence that a jumping- to-conclusions style of reasoning about data is implicated in delusions in general, but less consistent evidence specifically linking paranoia to impaired theory of mind. Finally, there appears to be a strong association between paranoia and negative self-esteem, and some evidence that attempts to protect self-esteem by attributing negative events to external causes are implicated. Some of these processes have recently been implicated in violent behaviour, and they therefore have the potential to explain the apparent association between paranoid delusions and offending.
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Fergus Shield, « Annoying litigant is back »,The Age, Melbourne (2006-04-10)

  • A long way from his home on the range, the Marlboro Man is shooting it out with a Victorian who has been declared a vexatious litigant. Six years ago, a Supreme Court judge took the rare step of declaring Craigieburn man David James Lindsey a vexatious litigant for habitually suing without any reasonable ground. Mr Lindsey had repeatedly sued his old employer, Carlton and United Breweries, insurance firms, doctors and lawyers despite winning a $120,000 payout for an injury. Being declared a vexatious litigant effectively banned him from launching further court cases without first obtaining the leave of the Supreme Court. Now, Mr Lindsey has the tobacco giant Philip Morris in his sights, seeking smoking-related damages. In 2003, Mr Lindsey unsuccessfully sued Philip Morris over lung disease and other conditions. He still owes it close to $100,000 in legal costs. Unbowed, he sought leave from eight judges to sue Philip Morris in the County Court — and was finally granted it. Philip Morris responded by seeking to have the grant of leave dismissed on the grounds that he had abused the process by going “judge shopping” . But the Court of Appeal, in a unanimous ruling, found against the company on February 21, opening the way for Mr Lindsey to try again. Lawyer and academic Simon Smith told The Age that Mr Lindsey was one of only 13 Victorians to have been declared a vexatious litigant by the courts since 1930. The Court of Appeal’s decision was refreshing, he said, as it said that being declared a vexatious litigant did not mean a person was locked out of the system forever.


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Conseil canadien de la magistrature Énonce de principes concernant les plaideurs et les accusés non représentés par un avocat, 2006 (format électronique)

  • « Les juges et les administrateurs judiciaires ne sont pas du tout obligés d’aider une personne non représentée qui est irrespectueuse, frivole, déraisonnable, vexatoire ou méprisante, ou qui ne fait aucun effort raisonnable pour préparer sa propre cause. »
  • « Les personnes non représentées doivent respecter le processus judiciaire et le personnel des tribunaux. On ne permettra pas aux plaideurs vexatoires d’abuser du processus judiciaire. »
  • « Les personnes non représentées, comme tous les autres plaideurs, sont soumises aux lois qui donnent aux tribunaux le pouvoir de régir les instances et la procédure. De plus, les personnes non représentées, comme tous les autres plaideurs, peuvent être considérées comme des plaideurs vexatoires ou méprisants lorsque l’administration de la justice l’exige. Les actions des personnes non représentées peuvent donc avoir un effet sur la capacité des juges de favoriser l’accès à la justice. »

Courts Administration Authority, South Australia, Courts consulting the community 2006 survey results (2006)

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Law and Justice Foundation of New South Wales, On the edge of justice: The legal needs of people with a mental illness in NSW, Maria Karras, Emily McCarron, Abigail Gray and Sam Ardasinski (2006)

  • The aim of this project. The Legal Needs of People with a Mental Illness Project (the Project) is part of a broader research program being undertaken by the Law and Justice Foundation of New South Wales (the Foundation) to study and report on the access to justice and legal needs of economically and socially disadvantaged people in New South Wales (NSW). The Project aimed to examine the capacity of people with a mental illness in NSW to:
    • obtain legal assistance (including legal information, basic legal advice, initial legal assistance and legal representation)
    • participate effectively in the legal system (including courts and tribunals)
    • obtain assistance in legal processes from non-legal advocacy and support agencies (including non-legal early intervention).

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Family Court of AustraliaMental health support pilot project: Final report, August 2006 (2006)

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Law Reform Commission of Nova Scotia, Vexatious litigants: Final report (2006)

  • Vexatious litigants persistently and habitually engage in legal proceedings, without having a legitimate claim requiring resolution. The vexatious litigant may sue in order to annoy, harass, or financially punish other people.  Vexatious litigants can strain court resources. They can waste the time of judges and administrative staff and prevent other, legitimate claims from being dealt with. They can also force other people to incur otherwise unnecessary legal bills. The Law Reform Commission is of the view that vexatious litigants can pose a serious problem for Nova Scotia’s civil justice system.

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Diana L. Skaggs, « Stopping Vexatious Litigation After Divorce », Divorce Law Journal (journal web en ligne), October 3, 2006

  • « An attorney spouse brought multiple lawsuits against his ex-wife, her family, as well as several lawyers and judges. Finally, in Davey v. Dolan, 2006 U.S. Dist. LEXIS 68960 (September 26, 2006), digested by the Family Law Prof Blog, ” the US District Court for the Southern District of New York not only dismissed all the claims for failure to state a claim or on the basis of res judicata, but also sanctioned the attorney. Under the court’s inherent authority and the authority of 28 U.S.C. § 1927, the Court ordered husband to pay the reasonable costs, expenses, and attorneys’ fees incurred by the defendants in responding to the action and permanently enjoined him from “(1) pursuing further federal litigation that in any way relates to any matter arising out of his matrimonial dispute without first obtaining the authorization of the District Court, and (2) pursuing further state litigation that in any way relates to any matter arising out of his matrimonial dispute without appending this Court’s opinion and order of injunction to his first filings.” That federal statute provides: Any attorney or other person admitted to conduct cases in any court of the United States or any Territory thereof who so multiplies the proceedings in any case unreasonably and vexatiously may be required by the court to satisfy personally the excess costs, expenses, and attorneys’ fees reasonably incurred because of such conduct. Civil Rule 11 would have supported the same fee shifting result, and in most states is not limited to attorneys. I would love to see the legal analysis of the injunctive relief. If anyone has access to the opinion or briefs, please pass them on and I will do an update.

 

 

 

2007

M. Frost, History of Vexatious Litigant Statutes in the UK2007 : une page web consacrée à la question du ‘plaideur trop belliqueux’ ( http://www.martinfrost.ws/htmlfiles/vexlit_hist.html), avec notamment un glossaire des termes employés pour désigner la quérulence, dans les pays anglo-saxons

  • THE HISTORY OF  VEXATIOUS LITIGANT STATUTES IN THE UNITED KINGDOM (including the CHANNEL ISLANDS)

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R. Schwoch, H.P. Schmiedebach, « “Querulousness”, anti-psychiatry, and the public around 1900 », Medizinhistorisches Journal, 42, 1, pp. 30-60, 2007

  • The querulent and the paranoid litigant as specific types of modern insanity partly owe their psychiatric genesis to an ambivalent legal-political development in 19th-century Germany. One the one hand the legal system had been opened up to the recognition of civil rights, on the other hand the extensive use of these new rights raised many problems. Open court proceedings and the daily press provided opportunities of information for the general public. The critical anti-psychiatry movement, which developed from the 1880s, used these opportunities rigorously with regard to psychiatric statements made in court. The public played a major role in the conflict with the psychiatrists, including the dispute about “querulousness” and its definition. This paper discusses how psychiatrists and medical laypersons confronted each other in their struggle over expert knowledge versus “common sense” regarding “pathological querulents”.

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Michael Taggart,  « Vexing the establishment : Jack Wiseman of Murrays Bay », New Zealand Law Review 7, 2pp. 271-341, (2007)

  • There is much current concern about vexatious litigants, but the problem is an old one. The mechanisms developed over time by the courts and the legislature to control vexatious litigants are not always effective, and even when they are, these people are simply deflected to other, less visible places. The legal system has developed rules to close off further contestation after a certain point. One thing that all vexatious litigants have in common is an unwillingness to accept that finality. Often this small but apparently growing class of litigants are spoken of as if they all conform to a stereotype, but that is not the case. If we are to develop a proper understanding of the species, we must study some of these litigants in depth. That is what I propose to do here, focusing on Jack Wiseman, arguably New Zealand’s most notorious vexatious litigant. Jack Wiseman was an Auckland solicitor who had a long-running and bitter dispute with the (then) East Coast Bays Borough Council on Auckland’s North Shore. Throughout the dispute Wiseman made serious allegations against his opponents, and he was found liable in two defamation actions for a large sum of money. He also attacked members of the judiciary, and petitioned Parliament for their suspension and removal from office.

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Simon B. Smith, « Constance May Bienvenu: Animal welfare activist to vexatious litigant », Legal History, 11, p.31,  (2007)

  • Constance May Bienvenu (1912-1995) was a passionate animal welfare activist. She was also the fifth person declared as a vexatious litigant by the Victorian Supreme Court (1969) and the first woman declared by the High Court (1971). In the 1960s Bienvenu led a reform group that challenged for control of a conservative RSPCA (Victoria). Though unsuccessful, there were significant consequences from the legal challenges. This article explores the passion and extraordinary determination of Bienvenu and her supporters. It traces the responses of a conservative RSPCA and its legal advisers struggling to maintain the status quo and notes the unintentional consequences of involving the legal system in community disputes. Finally, by tracing Bienvenu’s determination to secure substantive reform, this article demonstrates the challenge self represented activism presents to a legal system more comfortable with arcane procedures and legal form.

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Simon B. Smith, « Ellen Cecilia Barlow (1869- 1951) : Western Australia’s pioneering vexatious litigant », Murdoch University E Law Journal, 14, 2,  pp.69-94  (2007)

  • Ellen Cecilia Barlow (1869-1951) was a determined woman. Her early life was marred by personal tragedy but she made a fresh start on the 1890’s goldfields north of Kalgoorlie and subsequently built a modest property portfolio around Fremantle. However, it was her persistent and unsuccessful 1920’s litigation, mainly against her estranged husband, where her unintended pioneering status is found. Her legal activity prompted the passage of the Vexatious Proceedings Restriction Act 1930 (WA). Under this law Barlow was the first person declared a vexatious litigant in West Australia (1931) and the second person declared in Australia. Once declared, it is not possible to commence new proceedings without the prior leave of the court. This article traces Barlow’s life providing context for her litigious forays and examines the effectiveness of the Vexatious sanction.

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Current issues« Litigant pests cost $6.2m », Australian Law Journal 81, 12, p.909 (2007)  — voir également l’article du même titre de Carly Crawford publié dans le Herald Sun, 11 septembre 2007

  • Victoria’s  litigant pests have bled millions of dollars from taxpayers with more than 400 hopeless legal claims. While genuine victims wait years to find justice, 14 troublemakers have clogged the courts with hundreds of futile actions. The state has been forced to spend up to $6.2 million fighting off their claims, which have been described by judges as scandalous, contemptuous and irrelevant. The Department of Justice confirmed there were 14 declared vexatious litigants in Victoria, who have pursued police, politicians, judges, banks and even relatives with a range of complaints, from fanciful conspiracies to imagined debts. The parliamentary Law Reform Committee has launched an inquiry into how they affect the justice system. Available figures show they have launched more than 400 proceedings in various courts. A Herald Sun analysis reveals: Mass murderer Julian Knight cost taxpayers $250,000, launching 16 claims in just three years. Only three of those had legal merit. Jilted divorcee Ian Kay, who was involved in 53 cases over a decade, boasted in court of the financial burden he had imposed on the state. The  most recently declared vexatious litigant, Brian William Shaw, tried to bring 35 criminal charges against 20 people including the Prime Minister whom he accused of treason for altering laws that referred to the Queen. The Supreme Court has the power to declare someone vexatious if they consistently launch action without proper legal grounds. It bans them making further claims without court permission. Victoria’s foremost expert on the subject, Monash University scholar Simon Smith, found there has been a 190 per cent increase in the number of vexatious litigant orders made nationally since 2000. “The large numbers of courts and the explosion of laws has increased the potential for vexatious litigation in recent time,” he said. Mr Smith said litigants made an average of 20 claims each. But they soaked up few resources compared to lost-cause corporate claims such as Seven Network boss Kerry Stoke’s failed bid to sue over football broadcast rights, which racked up $200 million in legal fees. Victoria is among the states most plagued by court pests, eclipsed only by Queensland, which has so far declared 17. The Department of Justice was unable to estimate their financial impact on the system, but each of Julian Knight’s claims cost the department an average of $15,652 to fight in legal fees and labour. Most of the 400-plus claims made by Victoria’s vexatious litigants were levelled at public figures or institutions, taking the potential cost to taxpayers towards $6.2 million. Victoria’s 14 vexatious litigants were declared between 1930 and 2007. They are: Julian Knight, Brian Shaw, Ian Kay, Gabor Horvath, Michael Weston, David Sjostrom Clemens Lindsay, Constance May Bienvenu, Edna Frances Isaacs and Geza Laszloffy, Kathleen Gallo, William Cousin, Abdul Madjil Ben Hemici, and former Fitzroy footy great Goldsmith Collins. The first was Rupert Millane in 1930, who launched 200 actions in five years.

Mark I. Levy, Vexatious Litigants – Litigants Who Won’t Accept “No” (or “Yes”) for an Answer, Forensic Psychiatric Associates Medical Corporation, June 10th, 2007

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B. Vetter, Psychiatrie. Ein systematsiches Lehrbuch, 7. Auflage, Fischer, Stuttgart, 2007.

  • Les « personnalités quérulentes (fanatiques) et paranoïdes » y sont rangés dans la classe des « troubles de la personnalité (personnalités anormales, psychopathies) ».  Brigitte Vetter y va de ses conseils donnés aux praticiens quant à la meilleure manières de se comporter avec de tels patients…

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Alicia M. Farley, « An important piece of the bundle – how limited appearances can provide an ethically sound way to increase access to justice to pro se litigants »,  The Georgetown Journal of Legal Ethics 20, 3, pp.563-587 (2007)

  • Probate and Family Court Department —   Pro Se Committee Report
  • A court which a generation ago was not overwhelmed by paternity cases, Rogers cases, property division cases, federal mandates for child support, abuse cases, thousands of pro se litigants, etc., could exist with some degree of comfort; those days are gone. . . . [I]dentify[ing] the problems . . . is only a first step on a long road to making the court what it should be; [namely], the one court in the [C]ommonwealth which exists to serve the needs of ordinary people in helping to structure a solution to the legal problems of their everyday lives.”

 

Nina I. Van Wormer,« Help at Your Fingertips: A Twenty-First Century Response to the Pro Se Phenomenon », Vanderbilt Law Review, 60, 3, pp.983-1019 (2007)

R. Moorhead, « The Passive Arbiter: Litigants in Person and the Challenge To Neutrality », Social & Legal Studies, 16, 3, pp.405-424 (2007)

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David K. Hon, A.C. Malcolm, «  The Application of Therapeutic Jurisprudence to the Work of Western Australian Courts » Journal of Judicial Administration, 17, 2, pp.127-133 (2007)

Chief Justice Diana Bryant and Deputy Chief Justice John Faulks, « The “helping court” comes full circle : The application and use of therapeutic jurisprudence in the Family Court of Australia », Journal of Judicial Administration, 17, 2, pp.93-126 (2007)

Ian Freckelton, « Disciplinary Investigations and Hearings: A Therapeutic Jurisprudence Perspective » in Reinhardt & Cannon(dir..), Transforming Legal Processes in Court and Beyond, 3rd International Conference on Therapeutic Jurisprudence, Australasian Institute of Judicial Administration, 2007, p.139.

 

2008 

New South Wales – Vexatious Proceedings Act 2008

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Law Reform Committee, Inquiry into Vexatious Litigants, December 2008 (Final report of the Victorian Parliament Law Reform Committee), Parliamentary Paper, 162, Session 2006-2008

  • The following reference was made by the Legislative Assembly on 1 March 2007: To the Law Reform Committee — for inquiry, consideration and report no later than 30 September 2008 on the effect of vexatious litigants on the justice system and the individuals and agencies who are victims of vexatious litigants — and, the Committee should: (1) Inquire into the effectiveness of current legislative provisions in dealing with vexatious litigants; (2) make recommendations which better enable the courts to more efficiently and effectively perform their role while preserving the community’s general right of access to the Victorian courts. […]

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Victorian Law Reform Commission, Civil justice review, Report No. 14 (2008) 

Steering Committee for the Review of Government Service Provision, Report on Government Services 2008, Productivity Commission (2008)

 

Ian Freckelton, « Vexatious litigants: A report on consultation with judicial officers and VCAT members », Victorian Parliament Law Reform Committee (2008)

  • Conclusions : It is apparent from the diverse responses of those interviewed that there is little consistency of views on the part of judges, magistrates and VCAT members about a number of issues before the Law Reform Committee in relation to vexatious litigants. The point was made strongly by a number of interviewees, though, that it is important not to conflate the term “vexatious litigant” with “self-represented litigant” or “mentally unwell litigant”. Such an approach would be conceptually unsound and would risk perpetrating real unfairness. Some interviewees preferred to use the terms “persistent litigant” and “querulous litigant”.

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Chris Wheeler, « Dealing with Unreasonable Complainant Conduct », SOCAP Australia 2008 Symposium, Adelaide, SA, 26-28 August 2008 (2008)

Kelsen White, « The split on sonctioning pro se litigants under 28 U.S.C §.1927 : Choose Wisely When Picking a Side, Eighth Circuit », Missouri Law Review 73, 4, p.1365-1383 (2008)

Rebecca Jackson, Learning Forensic Assessment, CRC Press, Boca Raton, 2008 

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Bill Eddy, Managing High Conflict People in Court, High Conflict Institute, 2008.

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Lisa Carty, « New laws to stop pests in the courts », The Sydney Morning Herald, 11 May 2008  

  • State cabinet has approved new laws making it easier for judges to ban vexatious litigants from the legal system. The move is designed to stop pests from harassing people in the courts. Attorney-General John Hatzistergos said he was determined to stop people from abusing the court system as a way of “victimising others with unmeritorious legal suits”. “Courts are there to administer justice and help people to resolve their disputes,” Mr Hatzistergos said. “They are not there for people to misuse by harassing, intimidating or embarrassing other people.” NSW requires that a person must have “habitually and persistently” instituted or conducted vexatious proceedings before the court can make an order prohibiting the person to institute proceedings, Mr Hatzistergos said. “The change means people can be declared vexatious litigants if a judge decides they have used the system ‘frequently’,” he said. “If people abuse the system we need to make it easier for judges to banish them from court rooms, freeing up the justice system and protecting the good citizens of this state.” Mr Hatzistergos said he felt great sympathy for innocent people targeted in hopeless legal cases. Some court abusers had brought more than 100 cases each and cost their unwitting opponents millions of dollars in legal costs. The new law will enable anyone who feels they have been the victim of someone misusing the courts to apply to have them declared a vexatious litigant. The Supreme Court, Land and Environment Court and Industrial Relations Commission will also be able to make vexatious litigant orders against people starting proceedings in their jurisdictions. Some vexatious litigants might need psychiatric treatment, Mr Hatzistergos said, and courts might make referrals to medical experts. NSW Law Society senior vice-president Joe Catanzariti applauded the move and said it was a good reform because vexatious litigants clogged the court system, causing unnecessary stress and expense. “This is a very good reform because the current process to declare someone a vexatious litigant is quite difficult,” Mr Catanzariti said. Thirteen NSW residents have been declared vexatious litigants under the existing law.

Russel Goldman, « Obsessed With Lawsuits », Abc news, July 31, 2008

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Simon B. Smith, « Goldsmith Collins: Footballer, fencer, maverick litigator », Monash University Law Review, 34, 1, p.190-227  (2008) 

  • The surge in ‘litigants in person’ is a challenge for contemporary courts. At the extreme end are a small group of vexatious litigants or querulents who persistently and unsuccessfully pursue litigation until banned by the court. But who are they and what motivates them? This article traces the story of one of this small band of persistent litigants, Goldsmith ‘Goldie’ Collins (1901–1982). As a young man Collins was a champion Australian Rules Footballer with the Fitzroy Football Club. He found later notoriety through his provocative legal proceedings as a self-represented litigant against the Northcote City Council that rapidly escalated into a legal assault against all persons and institutions drawn into that web. In 1952 Collins was the fourth Australian to be declared a vexatious litigant. As the first person declared by the High Court, his declaration the next year by the Victorian Supreme Court (its third) made him the first person to be declared in two jurisdictions. Despite his declarations and being gaoled a number of times for contempt of court, Collins continued as a legal ‘maverick’ into the 1970s. In providing context for Collins’ litigation this article will demonstrate the difficulties faced by other litigants, the profession and the judiciary when dealing with an unpredictable, even aggressive, litigant who determinedly challenges authority. Drawing on recent psychiatric literature it will also demonstrate that the vexatious litigant sanction is an inadequate response to the challenge a litigant, such as Collins, presents to the courts.
 

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M. Steinbach & M. Ploenus (Eds.). Ketzer, Käuze, Querulanten. Außenseiter im universitären Milieu. Jena: Bussert & Stadeler (2008)

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G. Sibertin-Blanc, « Quérulence et mélancolie ; Le temps de la justice à la lumière d’un cas psychopathologique », Filosofija i Drustvo, 2008-I, 2008 

  • Considérant la justice, non comme un concept juridico-politique ou comme une idée morale, ni comme l’objet d’institutions sociales particulières, mais comme un signifiant entrant la construction symbolique et imaginaire de la sub- jectivité individuelle et collective, cet article pose le problème de la “structure de de- mande” spécifique (Lacan) capable de déterminer un tel signifiant. L’hypothèse pro- posée et discutée ici est double: d’une part, cette structure peut être décrite à partir de son exacerbation pathologique dans ce que la psychiatrie du début du XXe siècle a distingué, au sein des syndromes paranoïaques, comme “délire de quérulence”, de “revendication” ou de “passion de justice”; d’autre part, ce type de formation déli- rante peut lui-même faire l’objet d’une étiologie analytique en étant rapporté aux conditions économiques et structurales identifiées par Freud pour le deuil pathologi- que et la mélancolie, dont la revendication passionnelle de justice constituerait une tentative psychique de résolution. La thèse qui en découle est que, dans la mélancolie comme dans la quérulence, le point nodal de la problématique motivant le signifiant de justice est une impasse, en forme de double bind, dans le rapport du sujet au temps, impasse dont la figure d’Hamlet offre une incarnation emblématique.

 

 

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2009

G. Sibertin-Blanc, « La malédiction du justicier, du bouc émissaire et du prophète : éléments pour une théorie des modalités théologico-politiques de subjectivation »META. Research in Hermeneutics, Phenomenology and Practical Philosophy 1 (2), pp. 320-347, 2009.

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J.-J. Tyszler, « À propos du passionnel dans les psychoses », Journal français de psychiatrie, 35 (4), pp. 25-31, 2009

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R. Tölle & K. Windgassen, Psychiatrie einschließlich Psychotherapie, 15. Auflage, Berlin-Heidelberg : Springer, 2009

  • Le « Querulantenwahn » est inclus dans la catégorie des « troubles délirants / paranoia (Wahnhafte Störung / Paranoia) ». Au point de vue étiopathique, les auteurs émettent l’hypothèse « psychodynamique » que le sujet projette sur son environnement un tort qu’il devrait se reprocher à lui-même ; le monde extérieur, dès lors, semblerait à ses propres yeux injuste envers lui. Le quérulent livrerait donc « un combat pour se justifier : ‘on doit me considérer comme bon, car je me considère comme mauvais’. »

Sebastian Lube, « Die Prozessfähigkeit eines Querulanten im Verfahren »Monatsschrift für Deutsches Recht, 2, pp. 63-65,2009 

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Simon B. Smith, Maverick litigants/ a history of vexatious litigants in Australia, 1930-2008Maverick Publications, Elwood,2009

  • Australia cherishes its eccentrics, dissenters, rascals, ratbags, cranks and agitators. There are numerous books celebrating that fact. To explain this phenomenon authors and commentators draw variously on Australia’s convicts past, the forced emigration of political dissenters such as the Chartists, the isolation from Europe, the early privations of “life in the bush” and even the presence of unique fauna and flora. Within this odd mix, egalitarian values that eschew a class system are celebrated. However, in the legal sphere, the environment is more restrained. It is an arena where the form of documentation, time limits, case law, wigs and gowns and the skills and courtesies of the professional advocate that make systems work, dominate. It is less tolerant of the litigant-in-person. It is as they are an interloper. Those individuals who persist in self-litigating and who try the patience of those administering the system are eventually declared by the court to be “vexatious litigants” and are banned from further litigating. Maverick Litigants traces the evolution of this harsh legal sanction since its introduction into Australia in 1930. This book also explores the legal theory behind the sanction and explains recent moves top modernize it. Most importantly, the book brings to life the previously untold stories of six of Australia’s vexatious litigants and argues that they can more properly be described as people of ideas, as reformers and activists seeking to advance those ideas, causes and themselves through the legal systems. In short, they are maverick litigants.

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Ombudsman Western Australia,  Managing unreasonable complainant conduct: Practice manual, Crown, Victoria,  2009

New South Wales Ombudsman, Unreasonable Complainant Conduct Project ReportJune 2009

  • RECOMMENDATIONS: (1) That each office put in place a system to recognise and manage unreasonable complainant conduct at the earliest possible opportunity. (2) That early management include the involvement of a case officer’s supervisor in the formulation of a concrete management plan for the particular case. (3) A procedure to deal with unreasonable persistence where the complainant is resistant to explanation be included in policy statements. Such a procedure should limit the number of times the same explanation is provided to the complainant. For example, a case officer should not deliver the same explanation more than twice verbally and once in writing.

I. Freckelton, « Vexatious litigant law reform », Journal of Law and Medicine, 16, 5, pp. 721-727, 2009

  • A number of jurisdictions, including in the United Kingdom, Canada, Australia, India and Hong Kong, have recently canvassed reform of vexatious litigant laws which in prescribed circumstances restrict access to the litigation system. The most recent contribution to law reform on the subject is the 2008 report of the Law Reform Committee of the Victorian Parliament. Having reviewed psychiatric and psychological literature on relevant mental health considerations, and taken into account empirical data on the subject, as well as having engaged in extensive consultations, the Committee recommended a series of graduated litigation restriction orders, comparable to but distinct from the system in place in the United Kingdom. This editorial reviews the recommendations of the Committee, the reasons for them and their advantages. It argues that there is much to be said for law reform in relation to vexatious litigation that has, at its centre, management of difficult litigants in a humane and responsive way and that has resort to preclusionary orders only to the minimum extent necessary to guard against foreseeable harm from the repeated bringing of unmeritorious applications or litigation.
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A. Stauber « Litigious Paranoia: Confronting And Controlling Abusive Litigation In The United States, The United Kingdom, And Australia »International Review of Business Research Papers, 5, 1, pp. 11-27, 2009.

  • Cet article compare les manières de lutter contre  la quérulence dans les législations états-uniennes, britanniques et australiennes. Ces trois législations ont en effet en commun de de prévoir des mesures de restriction de l’accès aux cours de justices pour les personnes considérées comme quérulentes ; les moyens, cependant, diffèrent, ainsi que les réformes envisagées.

Nikolas Kirby, « When rights cause injustice: a critique of the Vexatious Proceedings Act 2008 (NSW) », Sydney Law Review, 31, pp.163-181 (2009).

  • For over 25 years, persons declared by the Supreme Court of NSW to be ‘vexatious litigants’ have been prevented from instituting any legal proceedings in a NSW court without leave. During this period, however, only nine persons in NSW have ever been subject to a declaration, and under similar legislation around Australia there have only been 45 in total. Such small numbers have been taken by some commentators to indicate the marginal impact of vexatious litigation in Australia, in contrast for example to the United States. The alternative view, which has sparked a wave of reform across Australian jurisdictions including WA, NT, Queensland, NSW and now Victoria,6 is that such numbers actually reflect the current inability of courts and aggrieved parties to take sufficient protection against persistent ‘wanton, and mischievous action’. […] This paper, therefore, proposes a different legislative model from the Act. It proposes that, although the threshold definition of a ‘vexatious litigant’ need not change, the discretionary basis upon which such an order is made, and the conditions contained within should. It is proposed that a vexatious proceedings order should not seek to label a person as vexatious, but rather specific relationships which have spawned the vexatious proceedings. In this way, the vexatious proceedings order becomes a far more flexible and targeted remedy that provides relief for aggrieved parties, rather than an instrument of the state used to exclude an individual from exercising a significant individual right. […]

« Man a ‘vexatious litigant’ court rules », Stuff.co.nzLatest New Zealand News & World News (New Zealand Press Associatoin), 31/08/2009

  • An undischarged bankrupt who brought a “plethora” of court cases over the years in a bid to have his bankruptcy overturned has been declared a “vexatious litigant”.

Justinian Lane, « If I Sued 30,000 Corporations, Would I Be a Vexatious Litigant? », Personal Injury and Mass Tort Law, October 13, 2009

 

 

 

2010  

World Health Organisation – WHO (Organisation Mondiale de la Santé, OMS), Internatio  nal Classification of Diseases – ICD-10 (Classification Internationale des Maladies, CIM-10 en français), 2010.  La  paranoia querulans y figure dans la section F22.8,  « Autres troubles délirants chroniques (other persistent delusional disorders) »

  • Disorders in which the delusion or delusions are accompanied by persistent hallucinatory voices or by schizophrenic symptoms that do not justify a diagnosis of schizophrenia (F20.-).
  1. Delusional dysmorphophobia
  2. Involutional paranoid state
  3. Paranoia querulans

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Craig Babstock, « Moncton man named ‘vexatious litigant’», City of/Ville de Moncton, Media Monitoring Web Portal, Thursday, July 22, 2010

  • Mario Charlebois signs order; says it won’t stop him from suing. Mario Charlebois was deemed a “vexatious litigant” last week and ordered to pay the City of Moncton $5,000 in court costs. While that sounds like bad news for the Moncton businessman, Charlebois says he didn’t mind signing the order declaring him New Brunswick’s first vexatious litigant. “I was the happiest guy in the courtroom,” he says. […] He estimates if he proceeded with the lawsuits and lost, he might owe more than $100,000 in court costs.

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Rachael Schmidt, « The court’s approach in New Zealand to the vexatious litigant – time for a rethink ? », presentation by Rachael Schmidt (aver ici un complément  PowerPoint), February 2010

  • The time has certainly come for review then, and the work of the Victorian Law Reform Committee provides a useful starting point for a similar New Zealand consideration of the issue.

Chris Wheeler, « Dealing with repeat applications », pp. 564-569 in Blackshield, Douglas & Williams (dir.) in Public Law in Australia, Taylor & Francis Group, 2010

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LAW REFORM COMMISSION OF MAURITIUS,  Report « Prevention of Vexatious Litigation »[October 2010]

  • Vexatious litigation is legal action which is brought regardless of its merits, such as the filing of a lawsuit with the knowledge that it has no legal basis (including the continuation of a lawsuit after discovery of the facts shows it has absolutely no merit), with the purpose to bother, annoy, embarrass and cause legal expenses to the defendant(s). In this Issue Paper, the Commission reviews, from a comparative perspective, the law as to restraint on vexatious litigation.

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H. Saß, « Der Exzess einer Tugend Querulanz zwischen Persönlichkeit, Strukturverformung und Wahn », Forensische Psychiatrie, Psychologie, Kriminologie , 4, pp. 223–232, 2010.

  • Cet article explore le spectre de la quérulence — considérée tantôt comme l’un des traits caractéristiques d’une personnalité pathologique, tantôt comme une altération structurale de la personnalité, voir un véritable délire ou une psychose déclarée.
  • Dans chaque cas de figure, l’auteur s’efforce d’évaluer le degré de responsabilité de la personne considérée comme quérulente, et la mesure dans laquelle elle demeure capable de contrôler ses propres actes (Steuerungsfähigkeit).

D.E. Dietrich & B. Classen, « Querulantenwahn », in : Seltene Wahnstörungen, Psychopathologie – Diagnostik – Therapie, P. Garlipp & H. Haltenhof (eds), p. 132-140 (2010)

  • Der Begriff des Querulanten leitet sich vom Wort queri (lat.) ab und bedeutet so viel wie „vor Gericht klagen“. Die Psychiatrie übernahm diesen Begriff aus dem juristischen Denken. Gemeint sind Menschen, die unbeirrbar und zäh einen Rechtskampf führen (Tölle u. Windgassen 2005). Der Querulantenwahn war einst von besonderem klinischen und akademischen Interesse in der Psychiatrie (von der Heydt 1952, Kolle 1931, Kraepelin 1916, Kretschmer 1963). In den letzten 40 Jahren ist jedoch ein geringeres professionelles Interesse an diesem Phänomen zu verzeichnen.

2011

California State Senate — Senate Judiciary Committee, 10 May 2011, Vexation Litigants : Represented Plaintiffs

  • «Existing law authorizes a court to declare a person to be a vexatious litigant when that person has repeatedly abused the judicial process by bringing meritless lawsuits in propria persona (for one’s self) (pro per).  This bill would remove the requirement that the action be brought in pro per so that a plaintiff represented by an attorney could be declared a vexatious litigant if he or she met existing statutory requirements.»

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« Appeal by vexatious litigant fails », Fairfax New Zealand News, 19/02/2011

  • The Court of Appeal has rejected a bid by a Queenstown man in a case stretching back 10 years to the Alexandra District Court. […] The Court of Appeal decision says numerous legal submissions obscured the real issues and scandalous allegations were features of subsequent attempts at litigation. […] It could not be seriously argued the High Court was wrong to make its vexatious litigant order, the justice said.The appeal was dismissed.

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T.D. Smith, « Reforming the New Zealand Law of Contempt of Court. An Issues/Discussion Paper », 18 april 2011

  • The aim of this review is to survey and raise questions about the state of New Zealand’s law and practice of contempt. In particular, it seeks to ask questions as to whether the relevant law and practice are in a satisfactory state to accomplish the objectives that the law is expected to accomplish.

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Kim Williams, « Litigants in person: a literature review », Ministry of Justice, Research Summary 2/11, 2011

Rory H. Schneider, « Comment : Illiberal Construction of Pro Se Pleadings », University of Pennsylvania Law Review, 159, pp.585-634 (2011)

Access to Justice for Litigants in Person (or self-represented litigants) A Report and Series of Recommendations to the Lord Chancellor and to the Lord Chief Justice, November 2011

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AFP/Pu, « Querulanten bombardieren Karlsruhe mit Klagen », Die Welt, 23.01.2011

Johannes Groschupf, « Hauptstadt der Querulanten », Der Tagesspiegel, 16.09.2011

Kröber, Dölling, Leygraf & Sass (dir.), Handbuch der Forensische Psychiatrie – Band 2 : Pschopathologische Grundlagen und Praxis der Forensischen Psychiatrie im Strafrecht, Springer, 2011.

  • Avec une très brève mention du délire de quérulence (Querulantenwahn) dans le chapitre consacré aux considérations psychiatrico-légales sur les troubles délirants (Wahnhafte Störung).

Tölle & Windgassen, Psychiatrie : einschliesslich Psychotherapie — 16. Auflage, Springer, Berlin, 2011.

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C. Héry,  Qu’est-ce que la quérulence ? Paris, Editions M-Editer, 2011 (accompagné d’un podcast sur la notion de ‘quérulence’) 

 

 2012

Une singulière affaire de quérulence défraie la chronique et l’internet québécois. Le 22 février 2012, la Cour Supérieure du Québec, sous la présidence du juge Alain Michaud, rendit en effet sa décision au sujet d’une requête très particulière, résumée comme suit :

  • Sylvio Langevin réclame la propriété de la planète Terre.[…] Dans un autre dossier entrepris le même jour, il réclame celle des planètes Mercure, Vénus, Jupiter, Saturne et Uranus, ainsi que des quatre grosses lunes de Jupiter.[…], À l’audience, le requérant souhaite amender ce second recours pour y ajouter ses revendications sur Neptune et Pluton, ainsi que sur l’espace entre chaque planète, à la grandeur de la galaxie. [texte intégral consultable ici]

Les commentaires foisonnent, aussi bien dans la presse généraliste (La Presse, repris par le Courrier international) que dans la presse spécialisée. Droit-inc. annonce qu’il s’agit du jugement « le plus consulté de 2012 » au Canada, et Sylvette Guillemard, professeur à l’Université de Laval, consacre une chronique à l’affaire. Enfin, les bloggueurs s’en donnent à coeur joie pour commenter l’histoire « loufoque » de son principal protagoniste, qualifié de « maniaque » et de « fou » n’ayant « clairement pas les pieds sur terre ». Sur les forums, en en discute longtemps —  les avis restant partagés.

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G. Rosen, Unfair to Genius: The Strange and Litigious Career of Ira B. Arnstein. Oxford, Oxford University Press, 2012.

  • The long and tortured career of Ira B. Arnstein, “the unrivaled king of copyright infringement plaintiffs,” opens a curious window into the evolution of copyright law in the United States. As Gary A. Rosen shows in this frequently funny and always entertaining history, the litigious Arnstein was a trenchant observer and most improbable participant in the transformation of not just copyright, but of American popular music itself.  A musical prodigy in the late nineteenth century, Arnstein performed as a boy soprano at the famous 1893 “White City” exhibition in Chicago. He grew up to be a composer of moderate accomplishment, but by the mid-1920s his fortunes had reversed in the face of changing tastes and times. Embittered and confused, he became convinced that he was the victim of a conspiracy to steal his music and set out on a three-decade-long campaign to prove it, suing most of the major players in the popular music industry of his day. Although Arnstein never won a case, Rosen shows that the decisions rendered ultimately defined some of the basic parameters of copyright law. His most consequential case, against a dumbfounded Cole Porter, established precedents that have provided the foundation for successful suits against George Harrison, Michael Bolton, and many others. 

Jimmy Ellingham, « Attempt to shut down ‘vexatious-litigant’ », Fairfax New Zealand News 08/05/2012

  • A Woodville man could become just the eighth person in 50 years to be prohibited from taking court action, based on rarely-used legislation that can silence “vexatious” litigants. The attorney-general is seeking an order to stop self-described “community advocate” James Robert Reid from being able to file civil action in court. Should the application succeed, Reid could take a civil lawsuit or represent others in a suit only with the approval of the High Court. Since the Judicature Act was amended to allow such action in 1965, only seven people have been subject to its restrictions. Tararua District Council has been Reid’s recent focus and two years ago the council revealed figures showing it had spent $388,000 defending legal action brought by him. However, Reid said he was the victim of a “two-pronged” attack by the council. He has also led legal proceedings against the New Zealand Fire Service Commission since his dismissal from the service in 1995. Initially, the Employment Tribunal ruled his dismissal unjustified. But the Employment Court disagreed and a later Court of Appeal judgment said Reid was an “aggrieved litigant” who “would not let the matter rest”. In the High Court at Palmerston North yesterday, Justice Patrick Keane and Justice Peter Woodhouse heard Reid had taken 77 legal cases before various courts since the mid-1980s. The attorney-general’s lawyer, David Soper, said 28 of those cases were dismissed and 26 were struck out. Since 2007, Reid had initiated “at least” 34 proceedings, of which 21 were determined against him. Other cases were not pursued. The law says “highly compulsive litigants” who make “extravagant claims” could be considered vexatious. Soper said Reid fitted those descriptions and had made a series of “scandalous” claims against judges – whom Reid described as being part of a “judicial dictatorship”. Restricting somebody’s access to the courts was not something the attorney-general did lightly, Soper said. “But that right must be balanced with the rights of others to be free from meritless litigation.” Scarce judicial resources should be used only for those with genuine grievances, he said. Before the hearing proper began, Reid unsuccessfully asked for the application to be dismissed or at least adjourned. He said it was an abuse of process and had been brought improperly after possible lobbying of the attorney-general by Tararua District Council. Reid acknowledged that since 2007 all his court action against the council had achieved nothing. “That might well support my contention that public officials are not accountable through the courts,” Reid said. “Tararua District Council is not accountable in a political sense. Because it’s a major employer, it has the resources to influence ratepayers and residents in the district. “In some respects I see myself as political opposition in relation to examining some of the issues dealt with by the council.” Reid said the council had twice tried to have him declared bankrupt but he had avoided that by paying the money he owed. The council was trying to make a “two-pronged” attack on him, by either having him declared vexatious or bankrupt, Reid said. The hearing is expected to finish on Friday.

M. Mageswari, « Court affirms Chang as a vexatious litigant », The Star Online, Thurday, March 22nd., 2012

  • KUALA LUMPUR: Lawyer Matthias Chang is affirmed as a vexatious litigant in respect of a claim over American Express (M) Sdn Bhd (Amex). The Federal Court has refused to grant leave to Chang to appeal against the decision of the Court of Appeal, which affirmed a High Court decision declaring him a vexatious litigant. A five-man panel chaired by Court of Appeal president Justice Raus Sharif has dismissed an application by Matthias for leave to appeal against an appelate court decision. This ruling will prevent Chang, the ex-political secretary to former prime minister Tun Dr Mahathir Mohamad, from filing further claims against Amex without getting leave from the court. High Court Judicial Commissioner Dr Prasad Sandosham Abraham had in July last year declared Chang as a “vexatious litigant”. Amex had filed the application on March 5, 2010 to get the declaration. Amex lawyer Prakash Menon was quoted as saying the High Court could grant the declaration if the applicant (Amex) could prove the defendant had persistently and habitually filed claims against the same or different people without reasonable cause. Yesterday, Prakash told The Star that the Federal Court had held that there were no issue of law to be determined by the apex court in the matter. “It is all based on facts of the case. The court ruled that Matthias did not satisfy the provisions of Section 96 (a) of the Courts of the Judicature Act to grant leave to the appellant,” said Prakash.

Robyn Annear,  The Man Who Lost Himself: the unbelievable story of the Tichborne Claimant, Text Publishing, Melbourne, 2002 aver ici un compte-rendu par Katherine Cummings (Fairfax digital, smh.com, 10 août 2012)

  • Tom Castro carried himself like an uneven load. The jowly face of the Wagga butcher was home to a set of heavy, pastry-like features and in 1866 he tipped the scales at twenty-one stone. Roger, the young Tichborne heir—before he was lost at sea in 1854—was all narrowness: long chin and neck, champagne-bottle shoulders, concave chest and hips that were hardly there. He walked, it had been said, ‘like a Frenchman’.Not even Roger’s mother could tell them apart.After all, a man might change his shape in a dozen years; and so it was that Tom Castro declared himself to be the long-lost Roger and headed for London to claim his inheritance. By 1871 there was no more notorious celebrity in Great Britain or Australia than the charismatic Claimant: the subject of songs, plays, cartoons, endless speculation and one of the longest-running court cases in British judicial history. But who was he? And what was his story?

M. McKierman, « Windsor law grad declared vexatious litigant », Legal Feeds, — The Blog of Canadian Lawyer & Law Times, 05 September 2012

  • The Human Rights Tribunal of Ontario has declared a law school graduate a vexatious litigant after her fourth failed attempt to take action against the University of Windsor for including her failed first year on her official transcript.

Laurent Dionne, Plus de 150 plaideurs vexatoires au Québec, Le Journal de Montréal, 19 juin 2012.

Teri Sforza, « Is Trinity Broadcasting a “vexatious litigant” ?», Orange County Register, August 29th. 2012 — suivi de « Trinity escapes “vexatious litigant” labal — for now », September 18th. 2012.

  • The mighty Trinity Broadcasting Network’s prodigious legal maneuvering against Brittany Crouch Koper — granddaughter of  founders Jan and Paul Crouch — and her husband has drawn a sharp rebuke from a federal judge, who has threatened to brand Trinity a “vexatious litigant.”

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California State SenateSenate Judiciary Committee, 26 juin 2012, Vexatious Litigants,

  • SUBJECT — Vexatious Litigants. DESCRIPTION. Existing law authorizes a court to declare a person to be a vexatious litigant when that person has Repeatedly abused the judicial process by bringing meritless lawsuits in propria persona (for one’s self) (pro per).  This bill would extend the vexatious litigant statute to pro per plaintiffs who are represented by counsel at the time of filing in certain circumstances.  Specifically, this bill would provide that a court shall dismiss an action brought by a vexatious litigant when all of the following are true: (1) the court determines, after Hearing evidence, that the litigation has no merit and has been filed for the purposes of harassment or delay; (2) the vexatious litigant is ubject to a prefiling order; and (3) the vexatious litigant was represented by counsel at the time the litigation was filed and became pro per after his or her attorney withdrew from the case.

 

Mark Tottenham, « Action against solicitor struck out, and Isaac Wunder order granted », 28 avril 2012

  • « High Court strikes out action against solicitor as an abuse of process [ … ]  restraining her from commencing any further action in respect of same subject matter. » (Stare Decisis Hibernia, All recenltly-published judgements of the Irish Superior Court). Voir également, ici, le texte intégral du jugement, mis en ligne sur le site de la High Court de Dublin.

A. Zuckerman, « Court protection from abuse of process —The means are there but not the will », Civil Justice Quaterly, 4, pp. 377-392, 2012 

  • The jurisdiction to strike out for abuse of process dictated by public interest : In Ul-Haq v Shah [2009] EWCA Civ 542; [2010] 1 W.L.R. 616, the Court of Appeal held that the court had no jurisdiction to dismiss a claim for abuse of process at the end of the trial on the sole ground that the claimant sought to advance his claim by fraudulent means. It was of the view that the court had no power to deny such claimant what was otherwise due under the substantive law, even if the claimant had knowingly and fraudulently exaggerated his claim and notwithstanding any deceit and perjury to which the claimant resorted to support the false claim.

 Accountability Scotland (Campaining for Accountability in Scottish Public Service Sectors), « Are we “Vexatious” or “Persistent” Complainants – or just tenacious? » (2012)

  • Accountability Scotland have been described dismissively as constituting vexatious or persistent complainants inrelation to our communications with parliamentary bodies and the SPSO. This is a way of debasing us and of implying that our arguments are of no consequence. We are indeed tenacious in pursuing our goals and some officials we deal with may be vexed by this, but “vexatious” and “unusually persistent”, and some related terms have a special meaning in psychiatric literature. They refer to a particular category of complainant, possibly fewer than one in twenty, with a tendency to share certain uncommon personality characteristics that can make these people very difficult to deal with.

 

Didi Herman, « Hopeless cases: race, racism and the ‘vexatious litigant’ », International Journal of Law in Context, 8, 1, pp.27-46 (2012)

  • In this article, I explore how courts respond to vexatious litigants. These are individuals who have been made the subject of a s.42 order under the Supreme Court Act 1981. Their names are added to an existing list of ‘vexatious litigants’, published by the Court Service and the Law Gazette. Vexatious litigants are prevented from launching any further legal actions without the express permission of a judge. I first set out a brief history of the concept of vexatious litigation in England, and then explain the governing legal framework. The second section considers the literature in the area, a short third section discusses some case histories, and the fourth and main part of the article explores some questions raised by observing judicial narratives of ‘vexatiousness’ in decisions involving not-white and/or immigrant litigants. I argue that we can understand vexatious litigation as being about a passionate search for justice, as opposed to or at least as well as an ‘obsession’. That, rather than suffering from ‘delusions’, many vexatious litigants may, instead, be very well aware of ‘reality’ but simply not prepared to accept or succumb to it. I argue that while vexatious litigants appear to be unable to ‘get over’ their old injuries, we can reconceptualise these dynamics in a way that acknowledges how such melancholic attachments can underpin human agency and social change. I also suggest that it is worth reversing the gaze to consider the emotional worlds of the judges involved in these cases, and the psychic investments of the legal system itself.

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Paul E. Mullen, « Querulent Complainers », document PowerPoint, Monash University

  • The unreasonably persistent pursuit of a personal grievance in a manner seriously damaging to the individual’s interests, and disruptive to the functioning of the courts and/or other agencies attempting to resolve the claims.
  • THE WORLD OF THE QUERULOUS : (1) Their quest makes their world meaningful. (2) They are imminent with possibility. (3) Others are ignorant and obtuse, except the elect. (4) Entrenched power attempts to suppress them. (5) The future will be liberated through their revelation of past error and malfeasance
  • PRE-EXISTING VULNERABILITY’S TO UNUSUALLY PERSISTENT COMPLAINING: (1) Egocentric personality often self referential and suspicious. (2) When rights cause injustice: a critique of the Vexatious Proceedings Act 2008Self righteous easily affronted. (3) Obsessional traits. (4) Socially isolated. (5) Have failed in their lives main ambitions despite usually being striving and demanding people.
  • CONTENT OF LETTERS FROM QUERULANTS:  (1) Rhetorical questions. (2) Misuse of legal, medical and other technical terms. (3) Threats. (4) Inappropriate expressions of anger and/or affection. (5) Threats of suicide/self damage. (5) Disorganised rambling discourse. (6) Repetition and pedantic failure to clarify.
  • IMPLICATIONS OF EMPIRICAL STUDY. (1) The querulous are recognizable by their productions. (2) They do wreck their lives. (3) Their aims are incompatible with those of conciliation & compensation. (4) It is not simply about having been treated badly. (5) Prevention & treatment may be possible. (6) Why then has pursuing claims become an epidemic?
  1. MANAGEMENT (1) Early recognition.  (2) Get out of there if you can. (3) Challenge client’s unrealistic expectations of the legal system never of their claims. (4) Emphasise costs to them of proceeding “perhaps you have done all any man could”. (5) Never ignore threats. (6) Avoid litigating against them. (7) You are not their therapist. (8) Always difficult never hopeless.
  • CONCLUSIONS. (1) Querulousness is a form of behaviour which usually arises in particular social situations, in response to a personal search for meaning, and reflective of specific personality vulnerabilities. (2) Querulousness lays waste to the life of the sufferer and often wreaks havoc on agencies of accountability, the courts, and occasionally public figures. (3) Querulousness fits ill with both current nosological concepts and attempts to define delusion. (4) Querulousness can be managed by mental health professionals and has a legitimate claim on our attention.(5) Querulousness is frequently accompanied by threats, not infrequently by minor violence, occasionally by suicidal and self damaging behaviours, and rarely by homicidal attacks. But they account for a significant proportion of attacks on politicians and members of the judiciary.
  • QUERULOUSNESS in the few may be the price to be paid for a fairer system for the vast majority. 

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E. Richardson, T. Sourdin, N. Wallace, « Self-Represented Litigants – Litterature Review », Australian Centre for Court and Justice System Innovation (ACCJSI), Monash University (2012)

E. Richardson, T. Sourdin, N. Wallace, Self-Represented Litigants: Gathering Useful Information, Final Report – June 2012, Australian Centre for Justice Innovation – Civil Justice Research Online / Monash University, 2012

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William G. Young (Ed), Advanced Trial Practice, Social Law Library, Boston, 2012

  • W. Lyou, Attorney Demeanor in the Courtroom and its Effects on the Jury: Personal Observations and Analyses, « It is difficult to arrive at clear-cut and enlightening lessons about courtroom demeanor through observations made during a short few months. However, the observations have confirmed some intuitions, such as the requirement that attorneys dress formally in court or have neat hair. Some intuitions were disproved, such as the need to stick to the point during arguments:  attorneys can make short, quick assertions that are unsupported, which will still be remembered by the audience. Further, the US v. Mehanna case shows that merits are still more important that the likability of attorneys. Observing varying styles of the attorneys in appearance and demeanor has helped in other ways. Different styles are permitted and may be helpful in different situations. For instance, George’s style differs diametrically from Chakravarty or Wright’s styles, but they are employed by different lawyers. As the observations continue beyond this paper, I look forward to learning more about differing styles, finding the style that suits me and perfecting those styles in furtherance of my clients’ needs.

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Contempt of Court : Scandalizing the Court. A Consultation Paper, Law Commission, Consultation Paper No. 207 — The Law Commission, London, 2012.

Laurence Miller, Criminal Psychology – Nature- Curture – Culture  –  A Textbook and Practical Reference Guide for Students and Working Professionals in the Fields of Law Enforcement, Criminal Justice, Mental Health and Forensic Psychology, Charles C. Thomas Pub. Limited, Springfield, 2012 

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P. Bessoles, « Récidive criminelle. Figures de l’emprise et criminalité », Revue Frzançaise de Psychanalyse, 76, 2012/4, pp.1083-1102 (2012)

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Jonas Stier, « Misshandel av systemet– Medborgare som inte sätter punkt », Socialmedicinsk tidskrift, 89, 1, pp.84-92 (2012)

Volker Faust (Arbeitsgemeinschaft Psychosoziale Gesundheit), Psychosoziale Gesundheit von Angst bis Zwang, Seelische Störungen erkennen, verstehen, verhindern, behandeln : Querulanten

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Die Lüge vom Querulantenwahn, Kritisch sein, 29 April 2012.

Irene Wegmann, « Querulanten : verzweifelt bis kriminell », General-Anzeiger 13, 29. März 2012, 

Lajos Schöne, « Der Querulant und sein ganz normaler Wahnsinn », Die Welt, 17.04.2012

Rupert Gaderer, Querulanz – Skizzen eines exzessiven Rechtsgefühls, Textem-Verlag, Hamburg,  2012

Thomas Knecht, « Querulanten – Grenzgänger zwischen Rechtspflege und Psychiatrie  »,  Schweizer Medical Forum, 12, 13, pp.286-289 (2012)

Thomas Knecht, « Der Querulant — beschwerlich oder gefährlich ? », Archiv für Kriminologie, 230, 3/4, p.99-108 (2012)

Lajos Schöne, « Was Querulanten antreibt und wie man am besten reagiert », Berliner Morgenpost, 19.04.2012

Diskussion — Querulanz, Über Recht, Paranoïa und Bürokratie23. November 2012, Institute for Cultural Inquiries (ICI)  Kulturlabor, Berlin

Rupert GadereQuerulantologiepublié le 11 juillet 2012 (conférence en allemand sur l’origine et le développement de la notion de quérulence) 

 

  

 

2013  

Querulantenwahn — Prozeßsucht, Stalking und Kampfparanoia als abnormer Lebensinhalt – forensische Fallbeispiele u. gutachterliche Stellungnahme bei schizoaffektiver Persönlichkeitsstörung, Finckenstein & Salmuth, Berlin, 2013

Pätus Bremske, « Die Deutschen im Querulantenwahn », Weltverschwörung & Co. – Kuriositäten – Animositäten – Extremitäten, 8 janvier 2013

Colloque — Der Umgang mit querulatorischen Persönlichkeiten und Einschätzung von Drohverhalten, (Rheinland-Pfalz), Deutsche Richter Akademie,  28.04.2013 – 02.05.2013 

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Neasa MacErlean, « Mad, bad and paranoid – and persistent too », The Guardian, 13 November 2013.

2014

Sylvette  Guillemard, professeure à la faculté de droit de l’Université de Laval (Québec), publie une série d’articles consacrés à la quérulence et donne plusieurs conférences et séminaires sur ce thème, au Canada et en Europe :

  • « Chronique – Abus de procédure et quérulence : grilles d’analyse et proposition », Repères, EYB2014REP1515, avril 2014 (en ligne).
  • « Commentaire sur la décision Asselin c. Lévis (Ville de) – Un exemple peu fréquent d’encombrement des tribunaux », Repères, EYB2014REP1491, La Référence, mars 2014 (en ligne).
  • « Commentaire sur la décision K. (F.) (Succession de) c. Québec (Curateur public) – La quérulence par personne interposée est contrôlée », Repères, EYB2013REP1389, août  2013 (en ligne).
  • « Commentaire sur la décision E. (H.) c. Lack – Quel tribunal est compétent pour se prononcer sur la demande d’autorisation de plaider d’un quérulent? », Repères, EYB2013REP1377, juillet 2013 (en ligne).
  • «Chronique – La quérulence : le malheur est dans le prétoire », Repères, EYB2013REP1344, mai 2013 (en ligne).

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Simone Seiver, Funnier than Letterman, 14 july 2014.

Australian Man Banned From Filing Lawsuits After Filing 50 In 10 Years, 4th. March 2014, Techdirt

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ABC Radio National (Australian Broadcasting Company) consacre une émission à la question des vexatious litigants, en compagnie de l’un des grands spécialistes de la question, Grant Lester, de l’Institute of Forensic Mental Health, et Tania Sourdin, Professor of Law and Dispute Resolution à la Monash University de Melboune.

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Un certain nombre de  jugements impliquant des plaideurs déclarés « vexations litigants » sont mis en ligne parla Supreme Court of Victoria :

  • Attorney-General v Slaveski:         The Attorney-General for the State of Victoria seeks an order under s 21 of the Supreme Court Act 1986 (‘the Act’) declaring the defendant, Mr Lupco (sometimes referred to as ‘Ljupco’ or ‘Lupko’) Slaveski , to be a vexatious litigant. He also seeks an order that Mr Slaveski must not, without leave of the Court, continue or commence legal proceedings in Victorian courts or tribunals.
  • Attorney-general v Kowalski : Mr Kowalski persistently instituted vexatious proceedings (at [1985]). Mr Kowalski should be prohibited from instituting future proceedings without permission of the Court and existing proceedings other than those not found to be vexatious should be stayed
  • Attorney General in and for the State of New South Wales v Mahmoud : These proceedings concern an application brought by the Attorney General in September 2013 under the Vexatious Proceedings Act 2008 (NSW). Mr Mahmoud  resists the orders sought.
  • Attorney-General for the State of Victoria v Knight : By originating motion filed 19 December 2003 the Attorney-General seeks orders pursuant to s 21 of the Supreme Court Act 1986 that: 

(a) the defendant Julian Knight be declared a vexatious litigant, and (b) the defendant Julian Knight must not without leave of the Court commence, within the period of 10 years from this date, any legal proceedings (whether civil or criminal) in the Court, an inferior court or any tribunal.

Connecticut Judicial Branch Law Librairies, Vexatious Litigation in Connecticut, 2014 Edition.

 

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       L’histoire continue….                                   

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