Subjectivité ——— subjectivation sémiotiques et nouvelles technologies

1  /        A bien des égards, post-modernité rime avec métamorphoses de la subjectivité. Une modification radicale de notre rapport au monde, à autrui, à nous-même, n’est pas simplement en cours : elle a déjà eu lieu. Rien ne sert pourtant de déplorer ce phénomène de grande ampleur. A l’instar de chaque phénomène nouveau dans le vaste champ des choses humaines, il n’est pas simplement susceptible d’apporter, mais apporte bel et bien le pire… comme le meilleur : qui perd ici,  gagne là. Inutile donc de jouer aux laudatores tempori acti. Il semble nettement préférable de tenter de discerner certaines causes des métamorphoses contemporaines de la subjectivité. C’est seulement grâce à la connaissance de telles causes qu’il sera, si nous le désirons,  possible d’influer sur notre devenir.

2  /      A bien considérer les causes, il s’avère cependant que les métamorphoses de la subjectivité contemporaine ne peuvent être expliquées de manière simple. Elle doivent être reconduites à plusieurs faisceaux de facteurs. Mentionnons celui dont l’influence nous paraît être la plus grande : il est d’ordre à la fois technologique et linguistique, et consiste en l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC).

——-   Avec l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), le rapport au langage s’est en effet modifié de manière radicale. Nous ne parlons plus, nous n’écrivons, nous ne lisons plus de la même manière ; à tous points de vue, une véritable révolution langagière s’est produite. C’est cette révolution langagière (qui se traduit par un changement de régime sémiotique) qui a entraîné un bouleversement des modes de subjectivations et une modification des positions subjectives.

3  /    Reste à expliquer  la corrélation générale entre :

———  Positions (ou structures) subjectives

———  Mode de subjectivation

———  Régime sémiotique

———  Technologies

A  /     Nous ne pouvons parler de modes de subjectivation et de positions subjectives que dans la mesure où les individus qui appartiennent à l’espèce humaine sont considérés comme des sujets. Des sujets de langages ; des sujets aux  langages

                         Les différents types de structures subjectives consistent donc en  autant de manières singulières de se rapporter aux langages, et c‘est en premier lieu parce qu’il y a des langages qu’il peut y avoir  des sujets :   la pluralité des langages conditionne la pluralité des modes de subjectivation.

B  /     Cependant, le type de rapport aux langages qu’entretient chaque sujet ne dépend pas seulement de son bon ou mauvais vouloir : il est en grande partie culturellement déterminé.

———  Est ainsi déterminée de manière culturelle la manière dont un individu est appelé, dès son enfance, à apprendre à parler, lire, écrire ; puis la manière dont il est appelé, tout au long de  son existence,  à parler, lire, écrire au quotidien. De telles manières de faire avec le langage méritent le nom de techniques de langages.

/     L’émergence de nouvelles technique de langages (qui se subdivisent en technique d’apprentissage : manière d’apprendre à parler, lire, écrire — et techniques d’usage : manières de parler, lire, écrire) est indissociable du cours général de l’histoire (histoire des techniques, mais aussi histoire politique, culturelle, économique et sociale). En retour, l’émergence d’une nouvelle technique de langage peut influer de manière décisive sur le cours de l’histoire et bouleverse immanquablement de façon radicale les modes de subjectivation.

———-   Une dialectique subtile est donc à  l’oeuvre entre émergence de nouvelles techniques de langages (manières d’apprendre, et d’employer les langages), métamorphoses de la subjectivité et phénomènes relevant de l’histoire culturelle, politique et sociale.

———-   Ainsi s’explique qu’avec l’avènement des nouvelles technologies de la communication et de l’information, et comme conséquence des modifications qu’elles induisent dans le rapport aux langages, ce soient non seulement les modes de subjectivation, les positions subjectives, mais aussi les conditions politiques qui ont évolué de manière extrêmement rapide, et continueront sans doute de le faire.

4 /   Quelle conclusion apporter ?   

       Pour l’instant, aucune. Il s’agissait simplement dans ce texte de souligner le fait que l’étude des métamorphoses  de notre rapport au monde, à autrui,  à nous-même implique de se pencher en priorité sur les diverses techniques qui conditionnent  l’apprentissage et le recours aux langages ;  d’expliciter la nature du lien entre modes de subjectivation, positions subjectives, régimes sémiotiques et techniques langagières ; de rappeler que les manières plurielles  de se rapporter aux langages,  culturellement construites, évoluant dans l’histoire, co-déterminent les métamorphoses de la condition humaine.  Osons cependant affirmer, avant de clore notre propos, que c’est seulement à tenir compte de l’ensemble de ces facteurs que pourrait être envisagée la fondation d’une discipline telle que l’anthropologie de la subjectivité.

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